Le Procès Goldman

Ça fait belle lurette depuis notre dernier film — 7 semaines ! — mais on est de retour avec le dernier film de mon groupe de cinéphiles chez l’OCA. Juste hier, je vous ai dit qu’une amie m’avait emprunté mon lecteur de DVDs — maintenant vous savez qui et pour quelle raison !

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Vu que le film a été projeté dans une salle où je ne pouvais pas le mettre en pause, il n’y a pas de photos, comme toujours avec ce groupe.

J’ai un peu de mal avec que dire, alors je commencerai en disant que je le recommande en tant que film. Je ne pouvais comprendre même pas un seul mot pendant les 5 premières minutes, où deux avocats parlent à la même vitesse qu’à la fin d’une pub pour une banque ou une solde, avec un milliard d’avertissements qui doivent se terminer en 5 secondes. Mais après ça, je n’ai pas eu de problème. Les acteurs sont bons, si inconnus à moi, et malgré le fait que l’on est dans un tribunal sans cesse pendant une bonne heure et 45 minutes, très peu de temps est perdu.

Non, le problème est que ce film part de faits historiques autour d’un procès où le demi-frère de J.-J. Goldman a été mis en cause pour deux meurtres pendant un vol qu’il a sans doute commis, qui a lieu dans un système légal différent de celui que je connais, et vu que le film dit à la fin que certains faits ont été changés, je ne peux absolument pas vous dire quel est son rapport avec la réalité. On peut en lire plus sur la page Wikipédia du film, mais il y a trop de faits contestés que je suis mal placé à juger.

Pierre Goldman était un soi-disant intellectuel, le genre qui se croit justifié en commettant n’importe quel crime au nom de ses idées. Il jouait à révolutionnaire au Venezuela, puis a commis des vols armés à partir de son retour en France. J’ai écrit une fois, en parodie d’Anatole France, que « la justice exige parfois que des gens brisent les vitrines des bijouteries pour se servir, mettent le feu aux gendarmeries, et volent des cheesecakes aux restos. » Je parlais des émeutes de l’été de 2020 aux États-Unis, où ces choses sont arrivées sans conséquences aux malfaiteurs, et je m’en fous de la pureté de ses plaintes contre le capitalisme dès qu’on porte des armes afin de voler aux innocents. Pourtant — et c’est pour ça que même un tel que Pierre Goldman devrait vouloir m’avoir en tant que juré — tout ça est complètement hors la question de savoir s’il a tué deux femmes ou pas.

Le film nous présente un procès qui est presque un cirque ou un zoo. Ici, je dois plaider l’ignorance de comment marche les procès criminels en France. Ce que j’ai vu dans le film n’arriverait jamais dans un tribunal américain ou britannique, où les avocats et même l’accusé parlent au-dessus des autres. Ici, les deux côtés ont chacun un tour pour examiner les témoins. Un avocat peut marquer ses objections, mais ne peut pas se lancer dans un discours après avoir interrompu l’autre avocat. Peut-être que c’est juste le drame ; je ne sais pas.

Wikipédia nous dit que le scénariste a bien fouillé les archives afin de reconstruire les arguments. Si ça tient, on peut dire que Goldman était honorable d’au moins une façon — il a insisté sur le fait de son innocence et ne voulait pas être jugé non-coupable à cause d’une technicité. Beaucoup d’avocats lui conseilleraient que c’est une mauvaise stratégie — et le film montre les siens en train de se disputer avec lui à cause d’exactement ça — mais il a avoué sa culpabilité pour les vols, alors il n’a pas essayé d’échapper tout court à la loi.

En revanche, si on peut croire au film, il n’avait pas peur de faire appel aux abstractions pour mettre en doute les témoignages des autres. Encore et encore, il interrompt ses avocats pour dire que tous les policiers sont des racistes, ce qui est au-delà de la question de s’ils ont dit la vérité ou pas. Vu les propos du film, il me semble que Pierre Goldman n’avait aucun sens de l’ironie.

Vu que le procès a eu lieu il y 50 ans, ce n’est pas un divulgâcheur quand je vous dis qu’il a été trouvé non-coupable des meurtres. Il a été assassiné trois ans après le procès par un groupe de criminels qui s’appelaient « Honneur de la Police ». Ils n’ont pas eu non plus le droit d’agir hors la loi. « Le Procès Goldman » est une bonne mise en garde contre l’idée que l’on peut se déclarer au-dessus des règles qui régissent le reste de la société.

8 réflexions au sujet de « Le Procès Goldman »

  1. les2olibrius

    Dans l’article de wikipédia concernant ce film on lit la même incorrection syntaxique que celle figurant dans ton article ( à croire que tu as rédigé l’article de wikipédia !) : « croire au film » . Cette incorrection doit être remplacée par « croire la thèse du film » sinon on transforme le film en une sorte de divinité. On peut dire  » je crois en toi » mais c’est pour signifier qu’on met sa foi en toi, en tes capacités ! Dans le cas d’une histoire ou d’un fait, le verbe devient transitif direct ( c’est-à-dire complété par un complément d’objet direct) et il faut écrire « croire le film » ou plus exactement « croire ce que le film raconte ».
    En ce qui concerne ce film, que je ne verrai pas, je me dis qu’il est bien triste de devoir associer l’estime que j’ai pour l’oeuvre extraordinaire et remarquable de JJ Goldman à l’histoire d’un délinquant de sa famille éloignée ( car voler, c’est être un délinquant et pour moi ce fait rend l’individu sans intérêt car nous ne partageons donc aucune valeur morale). Ce fait ne m’empêchera pas de conserver mon estime au chanteur-compositeur de génie qu’est JJ..

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    1. les2olibrius

      Comme je ne retrouve plus la ligne en question dans l’article de wikipédia ( en fait j’ai parcouru aussi en diagonale l’article qui présente l’homme en question, tu peux soit supprimer mes commentaires soit la parenthèse du premier commentaire) Fais comme tu préfères. Ma remarque grammaticale est tout à fait exacte, elle. A toi de voir s’il t’intéresse de la conserver. Et bravo pour cet exercice difficile qui consiste dans le fait de regarder un film en V.O.. Passe un excellent weekend. 🌈☀️

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      1. les2olibrius

        Tu sais l’expression « j’ai eu tort » vient de me frapper. J’ai l’impression de t’avoir tapé sur les doigts alors que ma réaction d’enseignante (décidément les vieilles habitudes sont tenaces!) m’a fait parler d’un tout petit détail. Moi je me trompe systématiquement dans un grand nombre de domaines… Dans la hiérarchie des erreurs commises par chacun de nous, une construction syntaxique erronée est bien vénielle. Je te l’ai dit parce que nous partageons ce goût des langues et de la valeur des mots. Il y a tant de compliments à te faire en lisant tes articles, que désormais je me polariserai sur tout le bien que j’en retire comme ici : pouvoir parler d’un film que je n’ai pas vu parce que mon Aminaute, en qui j’ai grande confiance, l’a fait pour moi. À plus !

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  2. Agatheb2k

    Je n’ai pas vu ce film, je ne peux rien en dire et n’ai pas suivi le procès en son temps… par contre le livre biographique paru en 1975 je crois l’avoir toujours dans un coin de ma bibliothèque (=> https://www.babelio.com/livres/Goldman-Souvenirs-obscurs-dun-juif-polonais-ne-en-France/275313)

    L’époque était beaucoup plus compliquée qu’on ne le pense et tous ceux qui avaient connu l’Algérie (et la guerre liée à la décolonisation) n’avaient pas rangé leurs armes, tu peux me croire (certains qui y avaient torturé au nom de le France entamaient une carrière politique et posaient avec leur arsenal personnel dans Paris-Match), alors pour moi, non, il n’a pas tué la pharmacienne et s’il a été assassiné dès qu’il a été libéré, cela a été commandité par quelqu’un qui ne voulait pas que son propre passé peu glorieux ne soit révélé un jour…

    J’avais rencontré un gorille du corps présidentiel dans une boîte de nuit et il s’était un peu épanché sur les dessous de la classe politique, sans rapport avec cette affaire, mais c’était hallucinant tout ce que l’on nous cachait aux informations sur les méthodes peu orthodoxes utilisées par ceux qui nous font marcher au pas !

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    1. Agatheb2k

      Les rencontres entre les extrêmes (droite et gauche) étaient toujours explosives, et la brebis galeuse qui passait au milieu par hasard automatiquement responsable, là, ils arrivaient à s’entendre pour lui faire porter le chapeau et disparaître dans la nature jusqu’à la prochaine opération !

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  3. Ping : Saison 3, Épisode 15 — Le reste de l’histoire | Un Coup de Foudre

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