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Les « listes d’écoute » mise en forme

Je paye cher pour mes desserts, et je ne parle même pas du chocolat Valrhona. 3-4 fois par semaine, pendant 25-30 minutes à chaque fois, je monte sur le vélo d’entraînement. Ça ne suffit pas toujours non plus, mais c’est le moins que je puisse faire. Et pour ne pas ralentir, il faut que j’écoute quelque chose de… agressif.

Il était une fois, pendant les années 90 et jusqu’en 2006, j’utilisais un lecteur de CD portable, et je ne changeais jamais les disques pendant les séances. D’habitude, j’écoutais une collection de génériques de James Bond — les vrais, pas les parodies avec ce Daniel Craig. Mais le problème, c’est que je me croyais un petit Tom Jones, et je chantais avec « Thunderball, » et ça ne marche pas du tout.

Puis j’ai acheté un iPod shuffle, la version originale. Le souvenez-vous ? Il fallait ajouter les chansons dans exactement le bon ordre, car il n’y avait aucun écran. Pas de problème ! J’ai choisi une liste de chansons, et je l’utilisais de 2006 jusqu’en 2019. Voilà :

En 2019, je n’ai pas exactement décidé de trouver autre chose, mais il y a des moments de détente même dans la liste en haut. Alors j’ai décidé d’ajouter une autre liste avec seulement la musique de combat de certains jeux :

Ce n’est pas une erreur ; « The Bionic Jam » apparaît deux fois, jusqu’au pire moment, à environ 15 minutes. Ça part des meilleurs moments du jeu « Bionic Commando », mais tous revisités à la guitare électrique. Voilà :

« Mais Justin, » vous me dites, « il y a deux problèmes. Une, rien à voir avec ce blog. Et deux, Indochine, où est-il ? » Et honnêtement, entre 2020 et le mois dernier, je n’étais pas content d’écouter Indochine sur un vélo. Sauf pour Alice et June, les versions des albums ne conviennent pas trop à mes besoins. Mais j’ai récemment fait des expériences, et voilà, j’ai enfin une nouvelle liste qui marche parfaitement.

Oui, tout va du film du Central Tour. Il s’avère que ce qui manquait à toutes ces chansons, c’était 72 000 lyonnais qui hurlaient le plus fort possible. « Mais Justin, » vous vous plaignez encore, « Lynyrd Skynyrd n’a rien à voir avec Indochine ». Et oui, vous avez raison. Mais juste à la fin, le vélo se ralentit beaucoup, et j’ai besoin de quelque chose de beaucoup plus lente. C’est aussi à la fin de la deuxième liste, mais il y a trop de titres pour tout montrer. Certaines habitudes ne changeront jamais.

Je dois vous dire, cette liste marche encore mieux qu’attendu. Les vitesses et les durées ont toutes les deux haussé. Je dois sauter par dessus de l’introduction du concert pour Alice et June, parce que ça ne va pas du tout. Après, c’est parfait, surtout quand les autres dans la salle de sport m’entendent en criant « Lyon ! » avec Nico (5:52) :

Voilà, j’ai le même problème dans la salle de sport que partout ailleurs — la France me manque à chaque instant.

Les framboises du destin

Il y a environ 6 semaines, Agathe m’a présenté une chanson de Boby Lapointe, Avanie et Framboise, qui est parue dans le film de François Truffaut, Tirez sur le pianiste :

Et oui, c’est Charles Aznavour derrière la piano. C’est lui le pianiste du titre (dans un rôle fictif, bien sûr). Mais ce post traite de Boby Lapointe, qui chante ici.

Je dois vous dire, je suis devenu obsédé par cette chanson depuis cette époque. ([C’est-à-dire, comme d’hab avec tout sauf Les Visiteurs : Un de trop — M. Descarottes]). Je l’écoute tous les jours ([Ouaip — M. Descarottes]), et ce week-end, dépassé par la curiosité, j’ai fini par acheter l’intégrale de M. Lapointe (grâce à Apple aux États-Unis).

©️Philips

Écouter les versions de l’album est tout autre chose par comparaison avec le clip du film. Dans le film, il est difficile à comprendre, au point où sa chanson a failli être coupée :

Mon producteur, Pierre Braunberger, n’aimait pas cette scène de Boby chantant Framboise et il me disait : « On ne comprend pas les paroles, il faut couper la chanson. Votre chanteur doit apprendre à articuler ou alors il faut le sous-titrer ! » Je pris cette observation au pied de la lettre et je fis faire un sous-titrage, chaque vers de la chanson apparaissant au bas de l’image, syllabe par syllabe, dans un synchronisme parfait. »

François Truffaut, Avanie et Framboise

En fait, je pensais à enregistrer une version d’Avanie et Framboise pour ma chaîne YouTube avant d’acheter l’intégrale, juste pour avoir une version que je pouvais comprendre sans sous-titres ! Mais la version de cet album est tiré d’un album studio plutôt que la bande-sonore sur film. C’est plus lente, et beaucoup plus facile à comprendre.

Au moins, c’est-à-dire que l’on peut entendre les mots. Comprendre-comprendre, comme on dirait en anglais, ça reste tout autre chose. Que penser d’une phrase comme :

Davantage d’avantages
Avantagent davantage

En tant que dictée, c’est sans espoir ! Pas surprenant que le producteur voulait des sous-titres ! Ce n’est pas plus facile même quand les jeux de mots sont un peu moins…dense :

Et puis d’abord, pas question
De lui prendre le menton
D’ailleurs, elle était d’Antibes
Quelle avanie

Avanie et Framboise
Sont les mamelles du destin

J’ai dû chercher « prendre le menton » pour savoir s’il y avait une signification plus figurative que le toucher. Pas exactement, mais c’est quand même une geste érotique. Mais pourquoi est-ce que venir d’Antibes est une avanie ? Et franchement, « les mamelles du destin » m’échappe aussi. Quant aux mamelles, il y en a deux ensemble, en général, mais l’avanie et une personne sont deux choses très différentes. En anglais, « boob », un mot vulgaire pour les seins, est aussi de l’argot pour une personne bête, mais je n’ai pas l’impression que c’est ça duquel on parle.

Mais j’oserais dire que l’on n’écoute pas Boby Lapointe pour la poésie mais plutôt pour les rebondissements. Après tout, la chanson finit comme ça :

Moralité :

Avanie et mamelles
Sont les framboises du destin

Qu’est-ce que ça veut dire, « les framboises du destin » ? Je n’ai pas la moindre idée. Mais c’est inattendu, et même après l’avoir écouté des douzaines de fois, cette parole reste drôle.

Mais bien qu’il n’y ait que 51 chansons dans l’intégrale, et la collection ne rate rien parmi ses albums édits, on commence vite à reconnaître ses limites en tant que compositeur de ses propres chansons. Pour mettre tous ses jeux de mots en vedette, il adopte à presque chaque fois les mêmes rythmes, et les instruments ne sont là que pour l’accompagner. Par exemple, « Aragon et Castille » ajoute une trompette et des maracas, mais tout est là pour ses rimes et jeux :

C’est la même chose avec « Le poisson fa ». Toujours le rythme à temps binaire, et une mélodie humoristique, le tout pour mettre en vedette les paroles :

Et Le beau voyage :

Je ne peux pas recommander assez fortement Boby Lapointe en tant qu’humoriste. Il n’est pas du tout difficile à comprendre dans ces chansons, même si pour moi, c’est trop difficile à suivre l’humour sans avoir les paroles devant moi. Mais en tant que musicien, après assez de chansons, on commence à vouloir quelque chose de différent. Puis-je recommander l’intégrale ? Pour les vrais fans, absolument — la qualité des enregistrements est meilleure que YouTube. Et pour moi, étudier les paroles vaudra le coup. Sinon, comme l’intégrale des Visiteurs, avoir le tout est « un peu trop d’une bonne chose », comme on dit chez moi.

Les génériques

Maman Lyonnaise vient de publier une photo d’un puzzle de Fraggle Rock, une émission des années 80 par la même équipe derrière Les Muppets. Ça m’a rappelé que je vous dois une discussion des génériques, surtout des émissions de DIC.

Nous partageons beaucoup d’émissions de l’époque, quelque chose qui m’a aidé à vite trouver un rapport avec vous. Par exemple, les enfants français des années 80 regardaient l’Inspecteur Gadget :

Moi aussi ! Mais il y avait une grande différence entre les génériques. Vous le remarquerez rapidement :

Mais où sont donc passées les paroles ? Il n’y en a pas, sauf pour le nom du personnage. En fait, l’une des choses les plus intéressantes, au moins pour moi, c’était découvrir qu’il y avait souvent des paroles en français, mais pas en anglais. J’ai raté mon enfance ! Voici votre Pac-Man, en forme étendue :

Et voici mon Pac-Man ; il n’y a que quelques répliques des personnages :

Parfois, il y avait des paroles pour les deux, mais l’une n’a eu rien à voir avec l’autre. C’était le cas chez Les Entrechats, parce que cette série procédait d’une bande-dessinée américaine, Heathcliff, et c’était donc logique d’écrire une chanson sur ce personnage pour le marché américain. Encore une fois, la version française :

Puis la version anglaise, où vous pouvez entendre le nom « Heathcliff » encore et encore :

Revenons vers les Fraggle. Voici d’abord la version française :

Mais voici la version anglaise. Les deux ont des significations tres similaires. J’étais tellement surpris de découvrir que le nom français n’a pas changé le mot « Fraggle », qui est loin de naturel à prononcer.

J’ai essayé une fois à trouver une version française du meilleur générique de tous les temps, pour les Transformers, connu en France parfois sous le nom La Guerre des Robots. C’est impossible de trouver une version hexagonale, mais cette version a été produit pour les québécois :

Ce n’est qu’une copie de la sainte originale, la seule où je dirais que j’ai eu la meilleure version :

Mais j’ai gardé votre meilleur pour le dernier. Il y avait une série produite par DIC, mais avec des collaborateurs japonais plutôt que des américains comme d’habitude. Elle est sortie aux États-Unis sous le nom « The Mysterious Cities of Gold. » Peut-être que vous le reconnaîtrez tout de suite à cause des images, même si les mots n’ont aucun sens :

L’un des plus grands chocs de ma vie m’est arrivé en écoutant la vraie version originale pour la première fois en 2020. Les deux sont les plus proches de tout ce que l’on a regardé cette fois. Il m’est impossible d’expliquer exactement le sens d’être à la maison sans rien comprendre (c’était seulement deux mois après avoir commencé !), mais celui-ci reste un souvenir très précieux à moi :

Les malentendus

Ma chère petite il y a des choses qui ne se font pas, telles que de boire du Dom Pérignon 55 à une température au-dessus de trois degrés. C’est aussi malsain que d’écouter les Beatles sans boules Quiès.

Sean Connery dans la peau de James Bond, Goldfinger

Il y a des mois, j’ai entendu une chanson bizarre en écoutant Les Grosses Têtes. J’aurais juré — juré — que le refrain disait « Ô carottes », alors j’ai tout à coup soupçonné un complot entre Messrs Ruquier et Descarottes. Honnêtement, ce serait le sens de l’humour des deux. Mais j’ai réussi à trouver la bonne chanson, et je me suis gravement trompé. Voilà :

Les paroles en question sont en fait « OK Carole », d’un groupe des années 70 dit Bijou. Avec les bonnes paroles devant moi, je peux l’entendre, mais c’est tellement difficile. On va discuter un peu sur la linguistique, mais je vous promets, il n’y aura pas d’examen.

En linguistique, je regrette de vous dire que le jargon est souvent seulement en anglais. Ce phénomène est donc connu chez les linguistes sous le nom « mondegreen » (lien en anglais), après une écrivaine américaine, Sylvia Wright, qui a écrit de son propre malentendu du poème « The Bonnie Earl O’Moray« , dont elle a entendu « laid him on the green » comme « Lady Mondegreen ».

Alors, comment est-il arrivé que je me suis trompé de cette façon ? Pas de boules Quiès. Le groupe chante « OK » comme si c’est un mot d’une syllabe, alors que la seule fois où je me souviens d’avoir entendu « OK » en français, c’était dans la bouche de Jacquouille :

Quant à « carottes », il y a presque aucune différence entre les prononciations de ça et « Carole » dans ma tête, et je ne pense jamais au dernier.

Il y a une littérature riche sur ce sujet parmi les linguistes qui étudient le français, quelque chose que je n’avais pas découvert jusqu’au moment de rechercher ce post. Un bon livre pour commencer est « Le malentendu dans tous ses états », disponible gratuit au lien, le recueil d’une colloque à l’Université de Lausanne. La toute première rédaction, « La compréhension comme cas particulier de malentendu », par Anne-Claude Berthoud, donne un bon sens des manières par lesquelles on peut mal entendre une chanson. Et le niveau phonologique n’est pas le seul !

Par exemple, la musicienne et chercheuse Céline Pruvost a écrit une publication de presque 20 pages intitulée « Les chansons mal entendues d’Orelsan : quand l’image devient indispensable à la compréhension ». Franchement, après avoir écouté « Saint-Valentin » je suis surpris que l’article n’est pas un livre de 200 pages.

Mais son étude comprend plutôt le sens . Sa thèse est consacrée à l’idée que sa musique est en fait une parodie du rap américain, et que ce n’est pas clair sauf en regardant ses vidéos. Les associations qui l’ont poursuivi avaient donc malentendu la signification de ses chansons. (C’est sa thèse, pas la mienne.)

Pour ma part, une parodie de ce genre de truc est ce qui a fait « Weird Al » Yankovic avec la musique du vite oublié Chamillionaire ou le coup étonnant de Coolio. À chacun ses goûts. Moi, je préfère ce malentendu, le premier que j’ai compris en français il y a 2 1/2 ans :

Les disques Central Tour

Mon colis est finalement arrivé le 18. Voici les contenus :

Et dès qu’ils sont arrivés, j’ai fait une bêtise. (C’est ma semaine.) J’ai dû conduire une distance assez longue pour écouter, disons, les vingt premières minutes. Le premier des 3 CDs commence avec Nos Célébrations, exactement comme au concert (extrait en bas). Mais ce n’est pas un enregistrement pris des micros sur scène juste aux moments où le groupe joue. C’est plutôt un documentaire de l’évènement, avec l’ambiance de la foule, et tout le parler de Nico entre les chansons. Et exactement comme au concert, j’étais dépassé par le souvenir d’avoir été là quand le groupe est monté sur scène, et j’ai commencé à pleurer. Faut pas pleurer en conduisant !

(Il y a certaines chansons qui marchent bien pour ça. Voici deux armes pour m’arrêter net, n’importe où.)

Je veux être bien clair : la raison d’être (désolé pour l’anglicisme) de ces disques, ce n’est pas écouter la musique, pour autant que je l’aime. Les albums servent le mieux à ce but. C’est plutôt le parler et la foule. C’est passer un moment absolument magique avec Dimitri Bodiansky, leur ancien saxophoniste, quand cette foule hurle son approbation pour le revoir. C’est écouter les « encore plus fort » pendant « Marilyn » ou les « woo » pendant « Miss Paramount ».

Les 3 CDs font 2h30 au total ; le film comprend une heure entière d’autres choses, dont un tour de la tour au centre du stade, et un enregistrement de la chanson « Atomic Sky », qui ne fait pas partie des CDs. C’est un petit truc qui ne m’aide même pas, parce que j’ai acheté le bon lecteur pour le Blu-Ray Zone B il y a longtemps, mais ce disque est pour tous les zones. Les fans au Pérou et au Québec n’auront pas besoin d’un lecteur spécial juste pour le jouer.

Honnêtement, je ne sais pas quand je le regarderai. En écoutant les CDs, je suis encore une fois au courant du point auquel j’ai dû prendre le voyage fou. Exactement au même point qu’avec Putain de Stade, on regarde pour expérimenter un peu être au milieu du spectacle. Mais cette fois, j’étais . Je pense aux mots que j’ai écrits au début — j’ai le mal du pays pour un pays que je n’ai jamais visité — et je les ressens à nouveau. Encore plus fort.

Le film du Central Tour

Mon anniversaire approche la semaine prochaine (nooooooon), en presque même temps que l’évènement le deuxième plus important de l’année. C’est à dire le film du Central Tour d’Indochine, à apparaître le 23 et le 24 novembre.

Et bien sûr, je pensais à écrire un post pour dire « on part pour faire nos achats de nougat », juste pour vous taquiner, mais honnêtement, même si je pouvais voler juste n’importe quand, le 24 novembre, c’est le Thanksgiving ici. Je serais mort si j’étais pas à table chez mes parents. (Pourquoi jamais l’inverse ? C’était quoi le problème avec mon Thanksgiving français ?)

Heureusement, le groupe a gentiment pensé à ses fans à l’étranger. Alors le film sortira dans des pays bien connus pour leurs grandes populations francophones, comme le Pérou, l’Australie, et l’Allemagne. (Au fait, j’ai pas de dent contre les péruviens — il y a de vrais fans là-bas, mais aucune visite du groupe depuis 1988 (lien en espagnol)). Bon, il sera aussi au ciné au Québec en décembre. Mais non, je ne vais pas vous dire « Je pars pour une assiette de poutine ».

J’entends parler que le même film sortira plus tard sur DVD. Je l’achèterai, bien sûr, mais l’expérience à la maison ne sera pas du tout comme au ciné. Si on peut avoir un festival de cinéma français à Los Angeles pendant 4 jours, pourquoi pas une séance une fois là-bas ?

Non, mais sérieusement, qui va le voir en Australie ? Des kangourous et des koalas ? Nous avons aussi de l’eucalyptus ici, Nico ! (Est-ce évident à quel point je suis jaloux ?)

Over There

C’est quoi, ça ? Un article chez Un Coup de Foudre intitulé en anglais ? Sûrement vous hallucinez. La prochaine fois, ne cueillez pas les mauvais champignons, hein ? Non, mais sérieusement, comme dit toujours M. Jours d’Humeur.

Aujourd’hui est le 11 novembre, connu en France sous le nom Jour de l’Armistice ou Jour du Souvenir. Également observée aux États-Unis comme Veteran’s Day, nous nous souvenons de la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale. C’est à cause de cette guerre qu’il existe le tombeau du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe (que j’ai visité l’année dernière). Vous connaissez mieux que moi les traditions françaises autour de ce jour, alors je vais vous partager une autre histoire, de la chanson patriotique américaine de l’époque et son compositeur, George M. Cohan.

D’abord, la chanson. Elle s’appelle « Over There, » ou en français, « Là-bas ». Dans ce contexte, là-bas veut dire l’Europe. Cette chanson a été écrite en 1917 pour inspirer le public américain de lutter contre les Huns, le nom des barbares qui étaient les ancêtres des Allemands modernes (en fait, on les a confondus avec les Goths, mais laissez tomber). Ne me regardez pas comme ça, j’ai rien ajouté ! ([On sait quand même ce à quoi vous pensiez. Les Boches. — M. Descarottes])

Voici ma traduction des paroles du refrain (la seule partie chantée toujours), encore une fois sans essayer (trop) de garder les rimes :

Là-bas ! Là-bas !
Envoie un mot, envoie un mot là-bas !
Que les Yanks viennent, les Yanks viennent,
Les tambours sonnant partout !
Attention, dit une prière,
Envoie un mot, envoie un mot pour se méfier,
Que nous serons là, que nous viendrons là,
Et que nous reviendrons pas jusqu’à ce qu’il finisse là-bas !

On ne chante plus les autres vers, car ils sont plutôt offensifs aux Huns Allemands. On peut facilement les trouver sur Wikipédia, et voici un petit goût. Souvenez-vous qu’en anglais, fusil veut dire « gun » et ça rime avec tous les deux « Hun » et « run » (courir, qui apparaît ailleurs dans la chanson) :

Johnny, prends ton fusil, ton fusil, ton fusil.
Johnny, montre aux Huns que t’es une vieille fripouille !*
Hisse le drapeau et laisse-le voler,
Yankee Doodle, faire ou mourir

*Selon Google, « vieille fripouille » est la bonne traduction pour « son-of-a-gun, » littéralement « fils d’un fusil », un terme affectueux qu’on utiliserait sinon un peu comme « fils de pute ». Je ne le connaissais pas du tout avant d’écrire cet article

Le compositeur et parolier, George M. Cohan, est un personnage passionnant dans l’histoire de notre musique populaire. Le fils d’immigrants irlandais, il était également connu pour ses comédies musicales que ses chansons patriotiques, et il y a de nombreux exemples de chacune. Il a presque inventé tout seul l’idée des comédies musicales avec un « livre » — le term de « show-business » pour un scénario qui se déroule entre les chansons. Lui, il est venu de la plus vieille tradition de ce qu’on appelle « vaudeville », des spectacles de variétés où il n’y avait aucune intrigue. Évidemment le mot existait en français, mais mon dictionnaire Oxford m’a conseillé plutôt « variétés ».

C’est M. Cohan qui est largement responsable pour populariser l’idée que l’on s’appelle les Yankees ou Yankee Doodle. Pour être clair, le nom est connu depuis au moins notre Révolution, où il faisait partie d’une chanson impolie des soldats britanniques. Naturellement, comme notre hymne national, nous l’avons adopté comme médaille d’honneur. Mais M. Cohan l’a élevé au rang d’œuvre d’art ! Parmi ses chansons des années 1910s jusqu’aux 1940s, on trouve You’re A Grand Old Flag (Vous êtes un grand vieux drapeau), Yankee Doodle Boy (Le garçon Yankee Doodle), et I Want to Hear a Yankee Doodle Tune (Je veux écouter une mélodie Yankee Doodle).

Il n’y a pas de meilleur exemple de ce que je veux dire que ces paroles de Yankee Doodle Boy, qui mélangent tous nos stéréotypes patriotiques en quelques mots :

I’m a Yankee Doodle dandy,
A Yankee Doodle, do or die;
A real live nephew of my Uncle Sam,
Born on the Fourth of July.

Je suis un dandy Yankee Doodle
Un Yankee Doodle faire ou mourir
Le neveu vivant de mon Oncle Sam
Né le 4 juillet

Les reprises

Il y a une longue tradition d’emprunter des chansons aux autres cultures partout dans le monde. Par exemple, nous deux avons également emprunté « Ô Tannenbaum » aux Allemands — en français, c’est « Mon beau sapin » et en anglais, c’est « Oh, Christmas Tree. » (Au fait, si vous cliquez les deux liens, « Mario Lanza » est la traduction en anglais de « Tino Rossi » en français — sérieusement, les deux occupaient exactement la même place dans les deux cultures.) La chanson de Claude François, « Comme d’habitude », est devenue « My Way » aux mains de Paul Anka et Frank Sinatra. Ces trucs sont bien connus.

©️2020 Polydor

Mais l’année dernière, quand j’ai acheté une collection de Marie Laforêt, j’étais bien surpris par deux chansons, « Il a neigé sur Yesterday » et « Marie douceur, Marie colère ». Le premier m’a rappelé « Yesterday », des Beatles, même si je ne pouvais pas mettre le doigt sur la bonne mélodie. Mais le second était exactement « Paint It Black » des Rolling Stones ! Qu’est-ce qui se passait ? Sans plus d’infos, je l’ai oublié jusqu’à cette semaine, quand on m’a partagé cette chanson de Sylvie Vartan :

C’est bien évidemment « Sweet Dreams » des Eurythmics, mais ces paroles :

Déprime à quoi tu rimes
Avec ton parfum d’aspirine

Paroles.net

viennent d’une autre galaxie ! (Plutôt comme Capitaine Flam.) L’anglais original, c’est :

Sweet dreams are made of this
Who am I to disagree?

Genius

On les a traduites en français sur le site tres utile LyricsTranslate comme ça :

Les beaux rêves sont faits de ça

Qui suis-je pour être en désaccord?

LyricsTranslate

C’est très littéral, ce qui n’est pas à dire que je pourrais faire mieux. Mais on est très, très loin d’aspirine. De toute façon, je l’ai mentionné à des amis, et l’une d’entre eux m’a répondu qu’il m’a fallu écouter ceci :

J’hallucine. C’est la seule explication possible. On parle de la chanson qui a lancé MTV :

La version de Ringo commence :

J’arrive de loin et ma fusée fuit de partout
Je cherche mon chemin pour aller à ton rendez-vous
Mais mon radar et mon moteur ont tourné fous…

Paroles.net

Encore une fois, LyricsTranslate nous aide avec la version originale :

Je t’ai entendu à la radio en 1952

Dans mon lit sans dormir, bien décidé à trouver ta fréquence

J’avais beau être jeune, je te captais très bien

LyricsTranslate

Mon dictionnaire Oxford me dit que « régler sur » aurait été un meilleur choix pour « tuning in » que « trouver » dans la deuxième phrase, mais peu importe. C’est bien évident qu’encore une fois, l’un n’a rien à voir avec l’autre.

Nom de Sam Hill, qu’est-ce qui arrive ? J’ai du mal à trouver une seule explication. Après avoir écouté les chansons de Marie Laforêt en haut, un ami m’a dit qu’à l’époque, sous l’influence du général de Gaulle, les radios français voulaient éviter la polémique. Mais la seule preuve que je suis arrivé à trouver en ce qui concerne la musique et le général, c’est que son gouvernement a « déconseillé » la chanson « Les Ricains » de Michel Sardou. Cette polémique n’a rien à voir les groupes britanniques ! Un long article du Point traite de la chanson de Sylvie Vartan et dit qu’elle avait vraiment besoin d’un nouveau titre à une époque où les reprises connaissaient beaucoup de succès en France. Mais rien suffit vraiment pour expliquer le manque de fidélité aux thèmes originaux, sauf pour les problèmes évidents des traductions littérales en ce qui concerne les mélodies.

Il me semble tout de même que c’est un phénomène du passé. De nos jours, j’écoute NRJ ou RTL sur Internet, et il y a toujours plein de musique en langues étrangères, surtout l’anglais et l’espagnol. Et c’est exactement à ces moments quand je me dis « C’est quoi, tout ça ? J’écoute toujours la radio d’ici ? » Dites donc, à chacun ses goûts, mais c’est exactement ce à quoi j’essayais d’échapper !

La relation inconnue entre le rap américain et le jazz français

Je ne vais pas vous dire qu’on parle d’un sujet où je suis expert. Mais cette semaine, j’ai lu un article dans Rolling Stone (lien en anglais) qui parle de la relation du rap américain avec un album en particulier, Troupeau Bleu, par un groupe de jazz français, Cortex, sorti en 1975. La thèse de l’article, c’est que les rappeurs américains samplent cet album depuis environ 2004 sans crédit propre (jusqu’à ces dernières années), et Cortex est donc un père fondateur du rap moderne.

©️Cortex

Si c’est vrai, vous nous devez vos excuses. D’autre part, il n’y aurait pas de Jul ni de Gims s’ils n’avaient jamais écouté du rap américain, alors… dites donc, des erreurs se sont produites, il y a de bonnes personnes des deux côtés, etc.

On peut écouter tout l’album Troupeau Bleu sur le site Bandcamp ou en bas :

Quoi dire de l’album lui-même ? Ils ont clairement écouté pas mal de jazz américain, dont Miles Davis et John Coltrane. Je dirais aussi que leur chanteuse à aussi écouté Lani Hall, qui travaillait avec Sergio Mendes, en boucle. À mon avis, l’album est plus compétent qu’intéressant — ils jouent avec plein d’idées, mais il ne m’attire pas assez pour l’acheter.

Mais ce qui nous intéresse, c’est le rap (catégorie : phrases que l’on ne relit pas deux fois ici). On peut voir à quel point les rappeurs ont adopté cet album avec l’aide du site WhoSampled, qui partage des listes des morceaux dans un album avec des liens vers tous les morceaux qui les ont copiés. Voici le lien de WhoSampled pour Cortex. En particulier, il y a 36 chansons qui utilisent leur chanson Huit décembre 1971 et autant de chansons qui utilisent Chanson d’un jour d’hiver.

Écoutons des exemples. Pour commencer, voici Huit décembre 1971 :

En 2004, on le trouve dans ce morceau du rappeur MF DOOM. Le clip commencera au bon moment :

Voici Chanson d’un Jour d’Hiver, qui commencera à 0:42, parce que c’est la partie…

…que l’on entend dans ce morceau de Lupe Fiasco :

En total, WhoSampled a 166 exemples de chansons qui réutilisent des morceaux de Troupeau Bleu. Avouez-le, vous ne saviez pas que ce site existait, et maintenant, vous avez peur de découvrir plus de horreurs. Et pas toujours des rappeurs. Allons-y !

Voici un tube de France Gall de 1964, Laisse tomber les filles :

Sa voix réapparaît dans ce morceau d’un type qui ne sait pas épeler, « The Weeknd » :

Vous connaissez sûrement « Le Temps de l’Amour », de Françoise Hardy, dernièrement vue ici en tant que la bande-sonore d’une vidéo de l’Alliance Française :

Mais qu’est-ce que ce gars californien a fait ?

Même Indochine est coupable ! Voilà, Punker de l’album Paradize :

Le début copie une chanson chinoise :

En fait, Nico est un si grand cambrioleur, il a même volé la musique d’une chanson de 1792 !

WhoSampled est un peu un trou noir, où on peut rester bloqué en recherchant tous genres de musique. Mais pour revenir finalement à nos moutons, vous devrez rechercher longtemps pour trouver un autre album français avec autant d’influence aux États-Unis que celui de Cortex.

Une coïncidence amusante

Je vous ai récemment mentionné l’expression anglaise « We’re all in the same boat » (Nous sommes tous dans le même bateau). Voilà, dans la nouvelle vidéo de Moby avec Saint-Nicola-Sirkis :

Quant à la chanson, bof. C’est Nico, et j’écouterai tout et n’importe quoi qu’il sort. Mais Moby, également que Christine and the Queens, n’est pas mon truc.