Archives mensuelles : juillet 2022

C’était pas Versailles là-bas

Avez-vous jamais vous demandé pourquoi la famille royale ne s’est pas échappée ? Bien sûr, après la fuite de Varennes, c’était impossible, mais si je vous disais qu’ils avaient peur de quelque chose de pire que la guillotine ? En fait, c’est vrai ! C’était…

LA PENNSYLVANIE !

Aujourd’hui, je vous raconte un petit chapitre tout inconnu de la Révolution, l’histoire du « French Azilum. » En ce qui suit, je suivrai principalement deux sources, cet article du magazine France-Amérique par Anthony Lacoudre, et cet article dans le Bay Journal de Pennsylvanie par Ad Crable.

Asylum Township, Pennsylvanie, Photo par Nicholas A. Tonelli, CC BY 2.0

En 1793, deux aristocrates français se sont trouvés en exil à Philadelphie, le vicomte de Noailles et le marquis Antoine Omer Talon. Moi, si je m’étais trouvé dans une telle situation, je me serais dit qu’il vaut mieux de perdre la tête que rester dans la soi-disant « Cité de l’Amour Fraternel ». Mais à l’époque, c’était toujours la ville de Benjamin Franklin et pas encore celle des gens qui hueront le Père Noël et jetteront des piles (liens en anglais).

Alors les aristocrates voulaient créer un refuge pour d’autres comme eux. On dirait en anglais « asylum, » comme « asile », et c’est exactement le nom qu’ils ont choisi pour leur projet, avec un petit changement d’orthographe. Avec l’aide de quelques hommes d’affaires, ils ont construit une cinquantaine de maisons dans un village tout neuf, French Azilum. Chacune était en bois et avait deux étages avec deux salons, deux chambres, un cave à vin, et une cuisine à l’extérieur de la maison.

Mais il y avait une maison spéciale, planifiée pour Marie-Antoinette elle-même. La Grande Maison a été construite avec trois étages et des sols en marbre. Elle a été guillotinée sans y avoir vécu, mais Louis-Philippe, le roi futur, y vivait de 1796 à 1798. Des noms connus comme Talleyrand et François XII de La Rochefoucauld ont aussi visité le French Azilum.

Mais dites donc, est-ce que des maisons en bois peuvent vraiment survivre une comparaison avec Valençay ? Ou La Rochefoucauld ? Demander est répondre en ce cas. Quand Napoléon a offert une amnistie aux nobles, toutes les familles sauf 4 sont revenues en France où parties pour la Nouvelle-Orléans. Selon le Bay Journal, les familles locales Homet, LaPorte, LeFevre et Brevost sont les descendants de ceux qui ont resté jusqu’à nos jours.

Presque tout le French Azilum a été détruit vers 1840 à cause d’avoir été abandonné. Mais il reste une maison, la Maison LaPorte, érigée em 1836 sur le site de La Grande Maison qui existe toujours, et qui sert comme musée avec des souvenirs de la vie des expatriés de l’époque. Si on veut y visiter maintenant, on commence sur le « Marie Antoinette Lookout » (Point Marie-Antoinette) pour surveiller le village dit maintenant « Asylum, » puis on descend dans le village, où on peut prendre un tour de ce qui reste.

Mon dîner manchois

Il y a des fois où je suis un peu trop ambitieux avec mes dîners. ([NON ! Vous PLAISANTEZ !Vous tous]) Je suis très content du goût de mon plat principal, mais le repas est trop marron, je le sais. Puisque j’ai décidé de préparer les Saint-Jacques aux pommes, j’ai pensé à ajouter du risotto, au lieu du riz de Camargue. C’est typiquement une bonne combinaison. Mais j’ai suivi une recette qui m’a conseillé d’utiliser du bouillon de bœuf pour faire cuire le riz, et voilà, au lieu d’une jolie couleur jaune, mon risotto est marron. Je suis content des Saint-Jacques eux-mêmes, alors je vais publier la recette, et on parlera du changement nécessaire en bas.

Je dois la recette des Saint-Jacques aux pommes à Wikimanche, le wiki officiel de la Manche. Le risotto vient du site Recipes from Italy, d’où est venu ma crème glacée à la vanille. On va commencer avec le risotto.

Les ingrédients pour le risotto au safran :

  • 90 grammes de riz Arborio
  • 500 ml de bouillon — de poulet, pas de bœuf
  • Quelques fils de safran
  • 28 grammes de beurre
  • Quelques oignons perlés ou une échalote
  • 2 cuillères à soupe de vin blanc

Les instructions pour le risotto au safran :

  1. Préparer le bouillon. Mon erreur était de faire confiance à la suggestion d’utiliser soit bœuf soit poulet. Il faut utiliser du bouillon de poulet. Le bouillon de bœuf donnera une couleur trop marron au riz. Une fois le bouillon bouille, réduire le feu et couvrir jusqu’à la 4e étape.
  1. Dans une casserole, faire revenir les oignons ou l’échalote avec la moitié du beurre (14 grammes). Faire cuire pendant 2 minutes sur un feu moyen. Puis ajouter le riz et faire cuire pendant deux minutes plus.
  1. Ajouter le vin blanc et laisser évaporer.
  1. Ajouter assez de bouillon pour couvrir le riz, pas plus. Laisser cuire pendant 14 minutes.
  1. Pendant que le riz cuite, écrasez le safran entre des feuilles de parchemin. Faire dissoudre dans un peu de bouillon.
  1. Dès que le riz est cuit, couper le feu et ajouter le safran. Mélanger, puis ajouter le reste du beurre (14 grammes) et mélanger complètement.
  1. Réserver au chaud.

Pour les Saint-Jacques, j’ai coupé la quantité de Saint-Jacques, mais j’ai fait la sauce selon les quantités originales parce que je l’ai trouvé difficile à couper. La sauce n’est pas la partie hyper-chère — par contre, les Saint-Jacques sont maintenant 88 € /kg ici, deux fois leur prix au début du blog. J’ai préparé les deux en même temps — vous comprenez pourquoi je n’allais rien refaire.

Les ingrédients pour les Saint-Jacques aux pommes :

  • 12 noix de Saint-Jacques
  • 3 pommes à cuire
  • 20 cl de cidre
  • 40 g de beurre demi-sel
  • 4 cuillerées à soupe de crème fraîche
  • Sel, poivre

Les instructions pour les Saint-Jacques aux pommes :

  1. Lavez et essuyez les pommes. Coupez-les en quatre sans les peler si la peau est fine, retirez le cœur et les pépins puis détaillez-les en tranches ou en dés.
  1. Rincez les noix de Saint-Jacques, épongez-les avec du papier absorbant.
  1. Mettez à chauffer 20 g de beurre dans une poêle. Faites-y revenir les pommes 3 à 4 mn de chaque côté jusqu’à ce qu’elles soient bien colorées et réservez-les au chaud.
  1. Faites fondre le reste de beurre dans une poêle et faites-y dorer les noix de Saint-Jacques 2 à 3 mn à feu vif. Retournez les noix, poursuivez la cuisson pendant 2 à 3 mn. Salez, poivrez, réservez au chaud.
  1. Déglacez avec le cidre et laisser bouillir quelques minutes pour réduire le liquide des trois quarts.
  1. Ajoutez la crème, mélangez et laissez réduire environ 2 mn à feu doux. la sauce doit se lier naturellement.

Veuillez remarquer que cette sauce est fait exactement comme notre dernière, où de la crème fraîche est ajoutée aux restes d’une préparation. Mais cette fois, la sauce est lisse et homogène — on peut utiliser le « sour cream » au lieu de crème fraîche pour les appareils de quiche, mais JA.MAIS pour les sauces. Attention au cas où vous déménageriez ici !

À mon avis, tout est correct sauf la couleur du risotto. Mais c’est une erreur grave. Je me suis banané, et je vous offre mes excuses. Faire des erreurs n’est pas français.

Je découvre la Manche

On continue maintenant le Tour avec le 50, la Manche. C’est le département le cinquante-troisième plus peuplé, et les habitants se nomment manchois ou manchots (lien pour que vous arrêtiez de me regarder comme ça). C’est notre troisième séjour en Normandie. Je me sens comme le compteur kilométrique de ma voiture vient d’atteindre un gros numéro. Je vous rappelle que notre bilan de la moitié sera après le 51, en raison du fait qu’il y 101 départements.

La Manche prend son nom de la mer entre la France et l’Angleterre, mais n’a rien à voir avec la région espagnole d’où vient Don Quichotte. En anglais, on l’appelle « English Channel » ou Canal anglais (à ne pas confondre avec la BBC). Il me surprend un peu que le nom en français n’est pas plutôt quelque chose comme « la mer française ». Mais c’est votre affaire.

Il n’y a vraiment pas de question où commencer — dans la Manche, bien sûr ! En particulier, sur l’îlôt de Mont-Saint-Michel (3 étoiles Michelin). Cette commune — l’une des plus petites de la France, avec seulement 29 habitants — est renommée pour son abbaye (3 étoiles), surtout la partie appelée la Merveille (3 étoiles), un bâtiment du style gothique du XIIIe siècle. Il faut aussi visiter l’église abbatiale (2 étoiles) et la cloître (3 étoiles). On peut passer la nuit dans un hôtel sur l’îlot, mais attention aux prix.

Puis on part pour la presqu’île de Cotentin. Après être passés par Marcey-les-Grèves pour faire la grève, on arrive à Coutances (2 étoiles). On est là principalement pour la Cathédrale Notre-Dame-de-Coutances (3 étoiles), un chef-d’œuvre du style gothique avec d’incroyables vitraux, mais aussi le Jardin des Plamtes (1 étoile). Quelques minutes au nord, on se retrouve à Lessay (2 étoiles) pour l’Abbatiale Sainte-Trinité (2 étoiles), originalement du XIe siècle et reconstruite après 1944. Si on est là entre juillet et août — c’est-à-dire à l’heure actuelle — on peut assister au festival annuel des Heures Musicales. On continue au nord vers le Nez de Jobourg (2 étoiles), de hautes falaises d’où on peut voir les îles de Jersey et de Guernsey. Les aficionados des falaises peuvent aussi visiter le Cap de la Hague (2 étoiles).

D’ici, on suit la côte jusqu’à Cherbourg (1 étoile)., une ville anciennement connue comme « la porte des Amériques », avec la plus grande rade artificielle du monde. La Cité de la Mer (2 étoiles) est un musée consacré à tous genres de sujets nautiques, dont les sous-marins, le Titanic, et les animaux. Il faut absolument qu’on visite Barfleur (1 étoile et un des Plus Beaux Villages de France) et Saint-Vaast-la-Hougue, des lieux de tournage du Mur de l’Atlantique, le dernier film de notre cher Bourvil. Le Jour le plus long a été tourné à Sainte-Mère-Église, et j’ai acheté le disque — car Bourvil y apparaît — mais je ne l’ai pas encore regardé car c’est aussi l’un des films les plus longs.

On finira dans la préfecture, Saint-Lô, mais juste à l’extérieur, il faut qu’on arrête au village le plus positif de France. Moi, j’aimerais bien avoir une photo sous ce panneau-là !

Saint-Lô existe depuis le Moyen-Âge, mais presque aucun bâtiment n’existe sauf depuis après la Seconde Guerre mondiale. Si je vous dis que cette ville a reçu la Légion d’Honneur en 1948, ça vous explique pourquoi ? Il n’y a rien de notre patrimoine habituel, mais je considère cette étape un devoir, un pèlerinage. Voici la liste des lieux de mémoire — on visite le Mémorial de Graignes et la Stèle de Saint-Clair-sur-L’Elle. Il y a un blasphème dans la ville, et si on y arrête pour se soulager, je ne vois rien. Pour une fin heureuse, on visite le Musée d’Art et d’Histoire pour leur Rotonde de Tapisseries.

Je vais m’interrompre pour partager une petite histoire. Mon souvenir le plus précieux de la France est une photo avec mon amie rouennaise, prise à la fin de cette journée-là. Je ne la partage pas ici car je garde les vies privées de mes amis, mais dans la photo, nous sommes devant les ruines de l’église où ses grands-parents se sont mariés. Le Mémorial de Graignes me rappelle fortement cette photo. S’il vous semble que je suis un peu plus caustique vers certains que d’habitude, sachez que je pleurais en faisant les recherches pour ce post.

Qui sont les personnages les plus connus de la Manche ? En premier, je dois mettre l’une des vraies stars du blog, Laure Saunier, dite Mme Leprieur d’Agon-Coutainville, de qui j’ai parlé dans mon post « Le cas curieux de Mme Leprieur ». Elle avait le record pour les plus de questions sur Les Grosses Têtes pendant les années Bouvard. L’acteur légendaire Jean Marais, qui me dérange le plus parmi mes acteurs préférés, est né à Cherbourg ; aussi l’escroc Roland Barthes. Le couturier Christian Dior est né à Granville, et le violoniste de jazz Jean-Luc Ponty à Avranches. L’écrivain Jules Barbey d’Aurevilly de Saint-Sauveur-le-Vicomte, était une grande influence sur la littérature surnaturelle et fantastique du XIXe siècle ; on peut tracer des liens de lui à Guy-Roger Duvert en passant par Joris-Karl Huysmans et H.P. Lovecraft.

Quoi manger en Manche ? Je pleure d’être revenu en Normandie pour manger — c’est mon héritage. La Manche est une mine d’or de recettes locales, et le conseil départemental a gentiment fourni des dizaines sur leur site. Vous serez bien surpris d’apprendre que les pommes sont en vedette ici. En plats principaux, il y a les Saint-Jacques aux pommes, les huîtres pochées au cidre, les escalopes à la normande — c’est-à-dire au cidre et au Calvados, comme le poulet à la normande — la gigue de chevreuil aux pommes et cassis, et la célèbre omelette de la Mère Poulard. Attention à l’omelette ; c’est apparemment très cher, et plusieurs connaissances le confirment. En dessert, il y a la tarte aux pommes, les crèmes à la confiture de lait, la fallue, une brioche plutôt similaire à la gâche, et la gelée au cidre. Les nombreuses produits locaux comprennent le beurre d’Isigny AOC, le cidre Cotentin, les Bulots de la Baie de Granville IGP, et le saumon de France (la seule ferme est à Cherbourg). Pour boire, il y a le cidre Cotentin AOC et le Meuh Cola, un soda local qui vous promet que c’est « vachement rafraîchissant ».

Plus de dialogues avec ma fille

Ma fille était très heureuse de voir mon article sur nos conversations, mais comme on se serait attendu, elle m’a dit « Tu as raté certaines de mes préférées ! » Et elle a raison. Ces deux impliquent son mot préféré de toute la langue française, « connard ». Comme avant, elle n’a dit que les mots entre guillemets en français.

Cette première s’est passée il y a un an, quand les enfants pouvaient enfin revenir dans les écoles ici. Disons qu’il y en a certains qui on est plus heureux de revoir que d’autres.

S : Papa, j’étais heureuse de ne pas voir ma copine de classe, C., aujourd’hui. Elle reste très méchante avec moi. Est-elle un « connard » ?
M : Non, pas du tout.
S : Mais pourquoi ? Elle fait des bêtises et est très impolie. Ce n’est pas un « connard » ?
M : Non. Elle est une connasse. Attention aux genres !

Je suis sûr que vous connaissez La Bande à Picsou, l’une des meilleurs séries des années 80s. Entre 2017 et 2021, il y avait une nouvelle version, à mon avis aussi bonne que l’originale. En anglais, elle est connue sous le nom « DuckTales » (Contes des Canards, mais aussi un calembour sur « duck tails, » ou queues de canard). Quand Disney veut choisir un nom « exotique », c’est souvent en français, et cette fois, une ville a reçu le nom « Saint-Canard ». En fait, Saint-Canard a été remplacé par Bourg-les-canards en version française pour sa première apparition dans Myster Mask. Mais prononcé avec des voyelles anglaises, on pourrait facilement l’entendre mal.

Première apparition de l’Oncle Picsou, Domaine public

S : Papa, il y a une blague coquine dans un épisode de DuckTales !
M : Désolé, quoi ?
S : C’est vrai ! Il y a une ville appelée « Saint-Connard » !
M: MONTRE-MOI ! ALLEZ HOP !
(J’écoute)
M : Chère fille, c’est « canard », pas « connard ». Canard signifie « duck. » C’est une blague, mais pas celle-là.

Je jure que je n’ai plus de stock… pour l’instant !

Faut pas étouffer ses collègues

Aujourd’hui est l’anniversaire de Bourvil. Pour autant que je sache, il n’avait rien à voir avec Le Canard enchaîné — son sens de l’humour est très loin du leur — mais il n’y a pas d’autre occasion pour le mentionner dans ce post.

En tant que vieille baderne, j’ai rien contre les codes vestimentaires. Chez les cravates, une invention maudite des croates, d’où le nom, c’est toute autre chose. Elles existent pour étouffer leurs victimes et rien d’autre. En lisant de la prise de bec sur les cravates à l’Assemblée Nationale, je me suis rappelé le film des Frères Marx, Plumes de cheval. Dans le film, il y avait une chanson intitulée « Whatever it is, I’m against it » (Quoi que ce soit, je suis contre). C’est l’attitude typique des hommes politiques partout dans le monde, tant qu’une idée vient de leurs adversaires. Alors la députée LFI Clémentine Autain a probablement raison quand elle a dit :

Je parie que si je venais en cravate à l’Assemblée, il demanderait à ce que la retire.

Clémentine Autain sur Twitter

Il y a toujours des incendies en France, notamment dans l’Hérault. En Californie aussi — ça se passe tous les étés et doit autant à nos politiques bêtes sur la gestion forestière qu’à toute autre chose. Mais nos incendies se produisent des trucs beaucoup plus stupides que les vôtres. Par exemple, il y a deux ans, nous avons eu un gros incendie à cause d’une fête « gender reveal » (révélation de genre). Je n’arrive toujours pas à croire que ça s’est passé.

Il reste deux ans avant les Jeux Olympiques, mais apparemment vous êtes toujours en train de découvrir une leçon que nous avions déjà dû apprendre en 1996 à Atlanta et 2002 à Salt Lake City — les JO ne sont pas rentables. Un profit de 10 $ millions après 1,7 $ milliards dépensés en 1996 et 56 $ millions après avoir gagné 1,2 $ milliards en 2002 — mais ce dernier ne comprend pas 700 $ millions d’impôts ! M. le Président Macron dit qu’il n’y aura pas d’impôts pour payer Paris 2024. Ce serait… exceptionnel. (Au fait, les grecs vous remercient toujours.) Quant aux JO, j’avoue que je ne suis pas fan.

En ce moment, le premier Tour de France pour les femmes est arrivé. Le Canard imagine que ça veut dire que les rôles domestiques stéréotypés sont inversés. Mon avocate m’interdit de dire plus.

Comme toujours, si vous avez aimé ces dessins, abonnez-vous !

Mon dîner angevin

Il y a des fois où on sait exactement ce qu’on va préparer au premier regard (à ne pas confondre avec l’émission cauchemardesque). Quand j’ai vu le crêmet d’Anjou, c’était le coup de foudre !

On commence avec notre plat principal, la fricassée de volaille à l’angevine. Je dois notre recette au site Cuisine à la française, mais j’ai utilisé des suprêmes de volaille au lieu d’un poulet entier. J’ai coupé le reste de la recette par deux, comme d’habitude.

Le truc le plus important pour ce plat, c’est le vin Anjou. J’en ai trouvé pour 15 $, qui n’est pas cher. C’est un très bon vin pour cuisiner. Je ne l’achèterais pas encore pour boire. Mais le goût qu’il donne au poulet, c’est merveilleux.

Les ingrédients de la fricassée de volaille :

  • 2 suprêmes de volaille
  • 50 grammes de beurre
  • 100 grammes de petits oignons
  • 170 grammes de champignons de Paris
  • 1/2 bouteille de vin blanc sec d’Anjou
  • 25 cl de crème fraîche épaisse
  • Du sel et du poivre du moulin

Les instructions pour la fricassée de volaille :

  1. Dans une cocotte faire revenir à feu modéré au beurre le poulet découpé en morceaux avec les petits oignons.
  1. Ajouter les champignons de Paris coupés en quartiers.
  1. Mouiller avec la bouteille de vin blanc.
  1. Saler légèrement, poivrer et laisser mijoter à couvert pendant 35 minutes environ.
  1. Retirer les morceaux de poulet dans le plat de service avec les petits oignons et les champignons.
  1. Maintenir au chaud à couvert. — J’ai mis le poulet dans le four à 120°C pendant les dernières étapes. Une température plus haute aurait été mieux.
  2. Faire réduire la cuisson de moitié. — Je recommanderais encore plus de réduction. À moitié, j’ai trouvé la sauce toujours pas assez épaisse.
  1. Ajouter la crème fraîche épaisse, laisser bouillir quelques instants. — Comme souvent, j’ai utilisé « sour cream, » pas de la vraie crème fraîche. Ça coûte la moitié du véritable produit. Pour cette recette il vaut mieux d’utiliser la bonne chose.
  1. Ajuster l’assaisonnement de la sauce.
  2. Napper sur la volaille et sa garniture.

Comme souvent, je l’ai servi avec du riz de Camargue. Je vous jure, s’il n’y a pas de ce riz à mes funérailles, je sortirai du cercueil pour faire punir les responsables.

On passe au dessert, le crêmet d’Anjou. C’est plutôt inhabituel d’utiliser une compresse de gaze comme outil de cuisine, mais c’est ce qui demande la recette originale — ce que je dois à Anjou Tourisme. J’ai plutôt utilisé du parchemin. De toute façon, j’ai dû faire quelques changements, mais rien qui n’a changé le caractère de la recette.

C’est très difficile de faire battre un seul blanc d’œuf dans un robot, alors j’ai utilisé 2, puis je me suis débarrassé de l’excès. (Mes excuses aux poules.) La recette dit de mettre le crêmet au frais après l’avoir mis dans le moule, mais après une heure, je l’ai trouvé beaucoup trop mou. Il allait beaucoup plus mieux au congélateur. Quelques minutes à température ambiante après l’avoir démoulé suffiront. Aussi, j’ai utilisé de la vanille liquide au lieu d’une gousse de vanille, comme d’habitude, car les gousses sont 7-8 $ chacune ici !

Les ingrédients pour le crêmet d’Anjou :

  • 15 cl de crème fraîche liquide entière
  • 5 grammes de sucre en poudre
  • 1 gousse de vanille ou 1 cuillère à soupe de vanille liquide
  • 1 blanc d’œuf
  • 1 pincée de sel
  • du coulis de fruits rouges

Oh, j’ai dû faire mon propre coulis de fruits rouges. C’est pas comme on pourrait juste aller au Carrefour et en acheter… désolé, quoi ? EXCUSEZ-VOUS ? OK, gnagnagna, REGARDEZ CE QUE J’AI DANS MON PLACARD !

Les instructions pour le crêmet d’Anjou :

  1. Dans un saladier, versez la crème, le sucre et les graines de la gousse de vanille. Montez la crème en chantilly avec un fouet, ou dans un robot.
  1. Dans un autre récipient, monter les blancs en neige avec le sel.
  1. À l’aide d’une maryse, incorporez les blancs à l’autre préparation en 2 fois. Remuez sans écraser les blancs, le mélange doit rester aérien.
  1. Verser la préparation dans un moule à crêmet préalablement tapissé de compresse de gaze et placez au frais pour 3 h. — Je l’ai mis dans une poche à douille, mais c’est pas nécessaire.

Le coulis de fruits rouges n’est rien de difficile — un sac de fruits rouges surgelés (280 grammes ici), 50 grammes de sucre, un feu vif, un tamis, et hop !

L’épisode d’Am-Heh

Comme tous les lundis, c’est le temps du prochain épisode d’Un Coup de Foudre. Cet épisode est plus long que j’aurais préféré, mais c’est tout à cause d’un projet qui dura pendant 3 mois. (Voyez-vous les effets durables ? Je ne peux même pas penser au livre sans le passé simple !) Je vous promets, la suite ne recevra qu’un post !

Nos articles sont :

J’ai vraiment essayé de lire mon post sur Am-Heh d’une façon dramatique, et je m’intéresserais à savoir si c’est au moins drôle.

Cette semaine est aussi l’anniversaire de la meilleure semaine de ma vie, ma première visite en France. C’est pas Facebook ici — mais c’était en fait Versailles à l’époque ! — alors je ne vais pas la repartager jour par jour. Mais pour les nouveaux : le premier jour, La Tour Eiffel et les Deux Magots, Rouen, Orléans, Versailles et le Louvre, la meilleure balade de ma vie, le dernier jour, et ce qui reste mon post préféré de tout le blog.

Comment choisir des prénoms étrangers

Hier, on a parlé de L’Appel d’Am-Heh, et j’ai mentionné que j’allais écrire plus sur les noms dans le roman. Mais je ne veux pas du tout que vous pensiez que c’est une critique soit du roman soit de M. Duvert.

Disons qu’il y a une idée linguistique, l’intuition sur les fréquences des mots. Par exemple, vous savez sans besoin de compter que le mot « cela » apparaît beaucoup plus souvent dans n’importe quel texte que le mot « époustouflant ». Ou que le prénom « Marie » est beaucoup plus rare de nos jours qu’il y a 50 ans. Mais à moins que vous fassiez attention à des autres cultures, vous n’allez pas avoir des idées comme celles-ci quant à des autres langues. C’est rien de surprenant — je n’ai pas de bonnes intuitions sur les fréquences des mots français. Mais qu’est-ce que ça a à voir avec Am-Heh ?

Quand j’ai vu le nom « Kristen Dankworth » pour une femme avec une vingtaine d’ans dans les 1930s, je me suis dit « Je ne connaissais aucune amie de mes grands-meres avec un tel prénom. » Et voilà — c’était littéralement impossible :

Source

Au fait, il n’est pas le seul auteur à choisir un prénom américain impossible. Un livre sorti cette année, L’Affaire Alaska Sanders, par un certain Joël Dicker, a un titre avec un tel prénom — la première telle femme a un âge la moitié de son personnage !

Les deux autres personnages anglophones d’Am-Heh ont des prénoms, Milton et Howard, qui sont peu probables — mais pas impossibles à l’époque. (Rappelez-vous que mon grand-père, un soldat dans la SGM, s’appelait Milton.) Mais il y a d’autres raisons pour les avoir choisi. Milton et Blake sont aussi les noms (de famille) des plus grands poètes qui ont écrit sur l’enfer en anglais — voici des traductions françaises du Paradis perdu de Milton et Le mariage du ciel et de l’enfer de Blake. Quant à Howard, il y a pas mal de personnages appelés Howard dans ce genre de fiction, en hommage à M. Lovecraft.

Mais ce n’est rien de mal chez M. Duvert. Pour vous montrer que c’est commun, je suis allé dans une librairie, où j’ai choisi quatre livres, inconnus pour moi, avec des titres qui indiquaient qu’ils se déroulaient en France — par des auteurs américains. J’ai noté les titres, les dates de publication, et les dates des intrigues. Puis j’ai passé quelques minutes en cherchant chacun pour des prénoms. Ici, je vous donne 3 catégories : impossible/peu probable pour un moyen d’entre 0-500 naissances/an pendant les 20 ans avant le temps du roman, possible pour un moyen de 500-2000, et très probable pour un moyen de plus de 2000 naissances.

Three Hours in Paris : publié 2019, a lieu dans les 40s

Murder in the Marais : publié 1998, a lieu en 1993

Sisters of the Resistance : publié 2021, a lieu en 1944

The Paris Seamstress : publié 2018, a lieu dans les 40s, puis les 2010s. Pour celui-ci, je donne les categories pour les deux époques.

3 Hours in ParisMurder in the maraisSisters of the resistanceThe paris seamstress
ImpossibleJean-MarieHenri, René, Aimée, Albertine, Arlette, ClotildeTania, Jean-LucRenée (2010s), Huette (n’existe pas), Fabienne (les deux), Lena
PossiblePhilippeSarah, Florence, ThierryCatherine, Gabrielle, Elisabeth, LouiseJeanne (2010s)
Très probableMarie, AntoineYvette, LilianeRenée (40s), Jeanne (40s)

Certains prénoms sont bien moins probables que des autres, même dans la catégorie peu probable. Il y avait moins que 10 Albertine nées pendant chaque année pour la période en question ; il y avait environ 300 Henri par an pour le même roman. Mais je suis sûr que vous comprenez bien : ces auteurs n’ont pas vérifié si leurs choix sont authentiques pour leurs époques. Certains sont complètement impossibles — il n’y avait aucune Lena en France jusqu’en 1985, et seulement 4 jusqu’en 2006 !

Moi, si j’allais écrire quelque chose de fictif — d’abord je vous conseillerais de courir, car j’ai aucun talent pour ça. Mais je consulterais Politologue et ce tableau ne servirait à rien. J’ai 45 ans, et je sais — hélas, il n’y avait que 15-30 Justin par an en France pendant les 70s. (J’ai même pensé à utiliser mon deuxième prénom, Eliot, sur ce blog ; puis j’ai découvert qu’il était un pire choix.) Un garçon de mon âge est un Sébastien, David ou Frédéric ; une fille est Stéphanie, Sandrine, ou Céline. Si j’allais écrire un roman qui se déroulerait pendant la Seconde Guerre mondiale, comme trois de ces quatre, je choisirais les prénoms de 1920 : Jean, André et Pierre ; Marie, Jeanne et Madeleine. On voit seulement Jeanne et Marie dans le tableau. Pour l’époque d’Am-Heh, je choisirais les prénoms américains de 1900 : John, William et James ; Mary, Helen, et Anna. Pour M. Jours d’humeur, je lasserais un Jean-Kevin quelque part, mais il mourrait d’une façon aussi brutale que stupide tout de suite.

Mais peut-être que j’ai raté la vérité derrière ces choix. C’est facile à découvrir les « bons » choix, mais ces livres ne sont pas pour les publics qui les reconnaîtraient. Les véritables prénoms français de 1920 sont des stéréotypes aux États-Unis. J’imagine que l’inverse est aussi vrai. Ces choix ne feront rêver personne. En fait, ça m’a donné l’idée pour une autre expérience, et on va revisiter ce sujet bientôt.

L’Appel d’Am-Heh

Notre héros se blottit sous la couverture. Toute sa vie l’avait amené jusqu’à ce livre ; la lecture obsessive de H.P. Lovecraft à l’université, les leçons de français, le commencement d’un blog. Il n’y eut aucune coïncidence — le livre réunit tous ses intérêts. Mais le passé simple partout ne lui laissa qu’une seule remédie ; il dut s’arracher les yeux…

Oh, désolé, je ne vous vis pas ! Le truc avec les yeux, vous comprenez. J’étais en train d’écrire mon propre calepin selon la façon de l’auteur Guy-Roger Duvert. Recommençons au début !

Il y a quelques mois, la blogueuse Light & Smell m’a présenté l’œuvre d’un auteur français, M. Duvert. J’ai lu sa critique des Disparus d’Arkham, et en tant que fan de H.P. Lovecraft, ce nom était assez pour piquer ma curiosité. Mais elle m’a conseillé de commencer avec le premier livre de la série, L’Appel d’Am-Heh. Ça sent L’Appel de Cthulhu — pas besoin de me le dire deux fois ! Je l’ai acheté, et bien que ce soit la chose la plus difficile que j’aie lu, je suis ici maintenant pour vous le recommander. Fortement.

Je dois ajouter que ce livre ne sera pas du tout difficile pour vous. C’est écrit presque complètement dans le passé simple, et pour moi, c’est un défi. Mais vous savez déjà que je n’aime pas faire les choses simples, et que je suis aussi un m’as-tu-vu horrifiant ([Aussi horrifiant qu’Am-Heh, en effet ! — Mon ex]).

Au fait, ne me croyez pas sur parole quant aux yeux. Des moments comme celui-ci se passent à plusieurs fois pendant le livre :

Le visage de l’homme était couvert de sang, les orbites oculaires vides, les yeux semblant avoir été arrachés.

Chapitre 43

C’est plus ou moins un trope dans la fiction lovecraftienne, où les horreurs découvertes par les enquêteurs sont aussi horribles qu’ils ne veulent plus voir ou vivre. Et non, c’est pas vrai que le passé simple m’a dérangé jusqu’à un tel point — mais ça m’a tellement fait mal à la tête, car je ne m’y habituais pas du tout. La récompense ? Ça n’ira plus me donner des problèmes ! (Car les yeux sont déjà…vous le savez !)

Notre aventure commence en Égypte, où un archéologue, Rick Nighy, découvre un temple consacré à un dieu égyptien, Am-Heh. Au-dedans il découvre une tablette plutôt comme la Pierre de Rosette. Il est cogné par son guide local, qui est à son tour tué par un assassin inconnu.

On passe aux États-Unis, où un policier, Mack parle avec son ami, Milton Blake — on va parler des noms dans ce livre demain. On lit d’un monstre encore plus horrible que n’importe quel démon lovecraftien, les mœurs américaines :

Un de ces quatre, je vous parlerai de pourquoi la bise me fait plus de peur que tous les escargots en Bourgogne. Il suffit de noter ici que « faire un câlin » est la traduction habituelle de « hug, » et c’est vraiment pas si exotique.

Notre détective, Milton, est embauché par Miskatonic University pour travailler avec une autre archéologue, Kristen Dankworth, ancienne copine de Rick, à laquelle il a envoyé la moitié de la tablette. Leur tâche ? Récupérer l’autre moitié et la remettre à Miskatonic. En Égypte, les deux se retrouvent avec Howard Brixton, ancien espion britannique devenu aventurier. Il s’avère que Rick est mort et la tablette est partie, ce qui lancera une chasse à travers la France, l’Allemagne et au-delà pour la retrouver.

Je ne veux pas gâcher tout le livre en vous racontant l’histoire entière, comme je fais avec les films. Mais je veux vous expliquer comment savoir que vous êtes aux mains d’un maître avec ce livre.

M. Duvert suit la convention de rendre hommage à L’Appel de Cthulhu. Mais au lieu de citer le Necronomicon, Milton découvre une statue qui ressemble à Cthulhu, et pense l’expression que j’ai mentionnée, « N’est pas mort… ». Plus tard, Kristen apprend « la Clé », une invocation d’Am-Heh qui rappelle « Cthulhu fhtagn » mais qui ne sert que l’histoire. Vous souvenez-vous du fait que j’ai mentionné « Les montagnes hallucinées » ? Le père de Kristen est mort pendant exactement cette expédition-là. Il y a un parallèle beaucoup plus profond entre les structures des deux histoires, qui m’a bouleversé en lisant les derniers chapitres mais ça vous reste à découvrir.

Il y a plein de détails réels : au lieu du Necronomicon, Kristen aperçoit De Praestigiis Daemonum, un vrai livre du XVIe siècle ; un égyptologue allemand, Lepsius, a vraiment découvert une nécropole, et un autre, Borchardt, le Temple Solaire ; les Nazis étaient vraiment obsédés par l’occulte avec l’aide de la Société Thulé. Tout ça, c’est-à-dire que M. Duvert comprend complètement comment écrire ce genre d’histoire sans copier.

J’ai quelques petites plaintes, mais ne les prennent pas trop sérieusement. Quant à la langue : les trois personnages principaux sont censés être anglophones, mais ils parlent dans un français très idiomatique. Ça va vu la langue du livre. Mais ici et là, l’auteur met Hey, Relax, ou Yep dans leurs bouches — pour moi, ça brise la concentration. Il y a eu ce que j’appelle « l’instant Scoubidou » dans un cimetière — pas grave, mais un peu trop facile face à une impasse. Et j’aurais préféré que Kristen ne s’était pas plainte comme ça :

Kristen ne put s’empêcher une petite grimace. — C’est ça, la cuisine française ? C’est pas très bon.

Les stéréotypes viennent de quelque part, et je l’assume, mais il me semble qu’elle a déjà trop expérimenté dans sa vie pour dire une telle chose. En plus, qu’elle est trop éduquée pour la dire à sa hôtesse.

Mais je ne veux pas finir par vous laisser la mauvaise impression ! Quant à la langue, quand Milton dit « J’adore ce plan. Qu’est-ce qui pourrait ne pas fonctionner ? », je l’ai entendu dans la tête comme dans SOS Fantômes en anglais (« I love this plan! »). Ses personnages sont très naturels, je les adore tous, et j’ai déjà acheté la suite.

Les mythes de H.P. Lovecraft

Demain, on va parler du premier roman que j’ai lu entièrement en français. Mais avant de vous écrire ce post-là, je dois vous donner celui-ci, pour mettre la scène.

On a déjà parlé de mon livre préféré du genre horreur, Le Roi en Jaune de Robert Chambers. À l’époque, je l’ai mentionné car la moitié du livre se déroule en France. Mais l’autre raison pour laquelle il est important, c’est que ce livre a beaucoup inspiré le maître du genre, Howard Phillips Lovecraft (dit H.P.).

Les montagnes hallucinées par Ville Assimen, CC BY-SA 3.0

M. Lovecraft a crée un mythe autour des extra-terrestres et des dieux maléfiques. Tous sont monstrueux, et personne parmi eux ne se soucie de nous, mais leurs actions rendent l’univers un endroit très dangereux. Son histoire la plus connue, L’Appel de Cthulhu, parle d’un dieu démoniaque, (On peut le lire en français gratuit par ici.) Cthulhu, qui est à la fois mort et endormi sous l’Océan Pacifique. Mais on n’aperçoit Cthulhu que très brièvement à la dernière page. Sa technique est de vous montrer les effets de ses travaux — des cultistes fous, des nouvelles paniquées, des légendes déroutantes. De ces matériels, il rend le lecteur de plus en plus nerveux jusqu’à la fin horrifiant.

Après L’Appel de Cthulhu, et le plus important pour demain, est le livre intitulé « Les montagnes hallucinées » (« At the Mountains of Madness »). Dans le Mythe de Cthulhu, il y a une université fictive, Miskatonic University, inspiré par Brown dans le Rhode Island mais situé à la ville fictive d’Arkham dans le Massachusetts. Cette université lance de nombreuses enquêtes vers les sujets surnaturels. Les montagnes hallucinées traite d’une expédition en Antarctique, menée par des scientifiques de Miskatonic. Ils trouvent les ruines d’une ville qui date de plusieurs centaines de millions d’années, tout ce qui reste des extra-terrestres qu’ils appellent les « Grands Anciens ». En découvrant des écritures hiéroglyphiques sur les murs, il s’avère que les Grands Anciens sont responsables pour de nombreux mythes de l’humanité, dont l’égyptien et le romain. On pourrait voir une version de cette idée dans le film Stargate, la porte des étoiles.

Mais également important que sa fiction est le fait qu’il l’a partagée avec d’autres auteurs. Il y a un genre entier d’horreur lovecraftienne, où des personnages et des œuvres fictifs crées par lui et ses amis apparaissent encore et encore, donnant l’impression d’un complot énorme et des vérités inimaginables.

Quant aux œuvres fictifs, on rencontre le plus souvent le « Necronomicon », mais il y a plein d’autres, souvent avec des titres en latin, comme « De Vermis Mysteriis », « Liber Ivonis » et le « Culte des Goules ». On peut suivre ces œuvres fictifs dans les nouvelles de tels auteurs comme Clark Ashton Smith (mon préféré après Chambers et Lovecraft), Robert Bloch, Frank Belknap Long, et August Derleth. Les meilleures histoires lovecraftiennes mélangent ces œuvres avec des faits réels, comme les peintures cauchemardesques de Nicolas Roerich (mentionnés avec Cthulhu) ou les statues de l’Île de Pâques (mentionnées dans « L’Ombre sur Innsmouth », traduit souvent, mais inexactement, comme « Le Cauchemar d’Innsmouth »).

Je veux finir en vous offrant deux citations auxquelles on va retourner demain, de L’Appel de Cthulhu. L’un est une citation (fictive) du Necronomicon, rendu en français par M. Duvert : « N’est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des âges peut mourir même la Mort. ». L’autre est du n’importe quoi, censé être un slogan des fidèles de Cthulhu, « Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn », « traduit » par Lovecraft (puis en français par moi) comme « Dans sa maison à R’lyeh, le mort Cthulhu attend en rêvant ». C’est presque un rituel obligatoire dans la fiction lovecraftienne de faire des références à ces deux citations (voilà encore « L’Ombre sur Innsmouth » et aussi plusieurs histoires dans le livre Acolytes of Cthulhu, dont celle de Neil Gaiman).

Je sais, c’est beaucoup, mais je vous promets : tout ce que vous venez de lire sera utile très bientôt pour comprendre notre premier livre en français.