De pire en pire

Je ne voulais pas écrire ce post. Je ne l’avais certainement pas planifié. Mais une nouvelle vient de frapper et je veux que vous compreniez exactement ce qui se passe ici.

Remontons le temps jusqu’aux années 80. En 1983, un jeune homme nommé Ralph Rubio a ouvert un petit resto, dit Rubio’s, qui sert quelque chose d’inconnu en Californie du Sud de l’époque, les tacos au poisson, façon Basse-Californie du Sud. (C’est-à-dire la Californie qui reste au Mexique.) Ces tacos contiennent 4 choses au-delà de la tortilla : du poisson frit, du chou râpé, de la « salsa fresca » (tomates et oignons émincés), et de la sauce blanche (à base de mayonnaise). Un jeune Justin allait souvent à Pacific Beach (un quartier de San Diego) avec ses parents, qui sont vite tombés amoureux de ces tacos, comme tout le monde dans la ville.

Je déteste ces tacos. La sauce blanche est parmi les pires choses au monde entier.

Mais Rubio’s a rapidement grandi, et adulte, je suis tombé amoureux de quelque chose d’autre à leur carte, les burritos aux crevettes. Plus important, j’ai découvert que l’on pouvait changer des ingrédients. Je commande mes burritos sans sauce blanche, et avec de la « sour cream » (similaire à la crème fraîche, mais plus liquide) au lieu du guacamole. Voici un exemple :

Mon amie rouennaise trouve ce plat dégueu pour des raisons différentes que le reste d’entre vous. (On en a déjà parlé.) Elle vous dirait qu’il ne faut pas le couper en deux car il faut verser de la salsa roja (sauce rouge) au-dessus puis y faire fondre du queso (fromage). Et elle a raison, mais en tant que diabétique, il ne me dérange pas que Rubio’s ne fait pas ça.

À de tels restos, il y a toujours un « bar à salsa », car tout le monde sauf moi veut ajouter plus des salsas épicées à leurs tacos et burritos.

En fait, ce genre de truc est devenu rare après le covid. Les salsas existent toujours, mais de nos jours, on n’a plus le droit de s’en servir. On demande aux caissiers qui lui donnent de tout petits échantillons. Rubio’s est parmi les derniers restos qui permettent aux clients de se servir de la salsa. Cette photo a un an déjà — je l’ai prise car je n’ai pas cru aux yeux quand la salsa est réapparue chez eux, mais rien n’a changé depuis ce temps-là.

Jusqu’à ce week-end. Il y avait 134 restos dans la chaîne la semaine dernière. Après le week-end, il n’en reste que 86. Selon nos journaux (lien en anglais), 48 restos ont fermé leurs portes, tous en Californie, tous pour la même raison — on a haussé notre SMIC par 25 % à partir du 1er avril, mais seulement pour les restos rapides et les infirmiers (chaque état a ses propres lois à cet égard). Et ils avaient déjà haussé leurs prix cette année pour la troisième fois en deux ans — croyez-moi, le même burrito et thé glacé qui me coûtaient 14 $ en 2022 sont maintenant 17 $ — alors voici ce que j’ai vu hier :

Et pour être clair, c’était le même endroit au début de cette vidéo tournée quand je vous ai récemment parlé du problème d’où manger ici — juste autour du coin :

Ce que vous ne saviez pas, c’est que Rubio’s était l’un des derniers restos rapides où je mangerais. Il en reste plusieurs en Californie, mais beaucoup moins qu’avant. Je n’aimerais pas parier sur le nombre qui restera en Californie fin 2024.

Je suis fier de ce que je cuisine pour ce blog. Mais je ne comptais pas sur devoir le faire tous les jours !

21 réflexions au sujet de « De pire en pire »

  1. scriiipt

    On peut déplorer la fermeture et/ou la disparition d’entreprises (je voulais ajouter quelque chose à la fin de cette phrase mais je l’ai enlevé)…

    En fait, il ne faudrait pas se désoler de la fermeture de restaurants qui font restos rapides. C’est une terrible habitude qui a bouleversé nos habitudes alimentaires et probablement notre santé. Cela va certes dans le sens très « capitaliste » de permettre à beaucoup de se lancer dans la création d’une entreprise qui peut vite devenir florissante. Mais souvent le travail dans les métiers de la restauration (et surtout rapide) sont un leurre pour ceux qui y travaillent. On n’y gagne pas forcément bien sa vie, les conditions de travail sont souvent douteuses et les perspectives d’évolution assez limitées.

    Bref, cuisiner soi-même des produits de saison et dont on connait la composition et la provenance est l’idéal. Pas toujours facile à atteindre, certes, mais c’est un objectif louable.

    PS : je ne sais pas si les tacos par chez vous sont vraiment bons, en tout cas, pour le peu que j’ai gouté ici en France, c’est la pire idée de nourriture qui soit. Et, là où je suis d’accord c’est que sans une sauce vraiment bonne, c’est pas la peine de tenter le truc. Par ici, il est déjà difficile de trouver un bon kebab (il y en a qui sont très bons quand même). Hélas, c’est souvent la sauce qui fait que c’est finalement mangeable.

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    1. Justin Busch Auteur de l’article

      Les tacos français n’ont RIEN à voir avec les véritables mexicains, un souci souvent mentionné par mon amie rouennaise qui a vécu 10 ans au Mexique.

      Mais le choix pour moi n’est pas entre y manger et faire les mêmes choses à la maison. Je ne garde pas les bons ingrédients sous la main — il y en a trop ! Ce sera encore moins de choix différents.

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      1. scriiipt

        Je comprends assez bien. Malgré mon envolée lyrique contre la restauration rapide, je comprends tout à fait. Je pourrais dire la même chose pour mon kebab préféré, ou le encore très bon kebab de Perpignan (Anatolie Kebab pour les connaisseurs). Ou même le regretté camion qui faisait de si bons sandwichs  »americains » frites + fricandelles à Charleville Mézières… Les bons artisans disparaissent. Ceux qui avaient le goût de bien faire les choses avec de bons produits et en respectant la clientèle. Je ne sais pas s’il s’agit d’une disparition à grande échelle, mais c’est un constat. Les chaînes de restauration rapides ne pourront jamais égaler ces artisans, pas sans tricher un peu.
        La restauration c’est un secteur ingrat, beaucoup d’heures, mal payées, avec de l’usure à la clé. En plus les bons produits étant de plus en plus rares et chers, il est très difficile pour des artisans de maintenir un bon niveau de qualité tout en restant dans des prix raisonnables.

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  2. Agatheb2k

    Pour te réconforter, Justin, sache que nous commençons la saison touristique cette année avec un restaurant de moins, les murs sont à vendre, (le matériel a été déménagé) et il est temporairement transformé en pseudo-galerie d’art… C’est notre artiste peintre californien qui va être content quand il sera arrivé, il n’y a même plus la friterie qui faisait restauration rapide et personne parmi ceux qui restent ne fait dans la livraison à domicile ! 😉

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  3. James Jones

    Du coup, nous allons avoir droit à des vraies recettes de Californie ^^ 🍶🥗🧆! En plus de celles déjà appétissantes proposées.
    Ce que j’apprécie dans vos articles, c’est que vous nous montrez la vraie vie locale 👍

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      1. Anagrys

        Je lis assez peu la presse américaine, soyons honnête, mais vous qui êtes américain mais connaissez très bien la France, la reconnaissez-vous dans celle qui est décrite dans la presse américaine ?

        (ceci dit sans vouloir vous contredire, votre constat ne m’étonne absolument pas)

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      2. Justin Busch Auteur de l’article

        Il faut que j’ajoute — j’écrivais anciennement un billet hebdomadaire avec mes dessins préférés du Canard enchaîné. Mais j’ai reçu une demande de la rédaction de ne plus faire ça — très gentiment, en fait, aucune menace d’avocats — alors bien que je reste lecteur enthousiaste du Canard, je ne le mentionne guère ici de nos jours. Cependant, c’est pourquoi il y a un billet ancien plein de leurs dessins.

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      3. Anagrys

        Je ne suis pas encore remonté si loin dans l’historique, je m’y mets tranquillement, en sachant que je dois encore explorer une petite quinzaine d’années de deux blogs sur le thème précis de mon blog – j’avoue tout de même avoir un peu de retard sur ce point précis 😀

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  4. Filimages

    C’est un équilibre économique pas toujours facile à trouver, entre la nécessité de rémunérer correctement ses employés et la rentabilité d’une entreprise. Une hausse de salaire entraine une hausse des prix et le risque de perdre des clients. La concurrence est féroce…

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  5. Ping : Saison 3, Épisode 13 — Terreur dans le Cantal | Un Coup de Foudre

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