Il y a des décennies, un linguiste américain, Geoff Pullum, écrivait une colonne pour un journal académique, Natural Language & Linguistic Theory (Langue naturelle et théorie linguistique). Après des années, il a publié un recueil, The Great Eskimo Vocabulary Hoax (Le Grand canular du vocabulaire esquimau). Le livre est nommé pour son essai le plus célèbre — la fausse « découverte » que la langue esquimaude avait plus de 50 mots différents pour des genres de neige. La réalité, c’est que l’esquimau fonctionne comme l’allemand avec moins de morts, où des phrases entières sont représentées dans un seul mot plein de préfixes et de suffixes. Mais c’est Langue de Molière ici, et mon sujet du jour, c’est le point auquel le français est le vrai esquimau !
Tout ça a commencé à cause de mon amie rouennaise, qui poste parfois des photos de son quartier avec la légende « ça caille ». Je note qu’il fait 7° C aujourd’hui là-bas, mais 16° C à Elbe-en-Irvine. On penserait donc que je n’ai rien pour m’en plaindre, mais je porte une veste tout ce mois, et ça ne m’a jamais empêché quand même. Mais vu que je n’ai jamais vu de la neige en Californie du Sud sauf pour un matin en 1989 (sérieusement), presque tout ce qui suit vient d’un article de la prof de Français Langue Étrangère Sandrine Escoffier.
On commence avec « ça caille », expression de laquelle elle dit « cela signifie qu’il fait un froid de canard ». Super, définir de l’argot par le biais d’autre argot ! Non, mais elle explique que l’on dit cette dernière parce que les canards s’en fichent du froid et se mettent dans l’eau même en hiver.
Cependant, est-ce vrai ? Oui, et j’ai trouvé ce clip où une paire de lunettes Jamy explique comment font les canards. Au fait, il s’avère que le mot français pour les plumes les plus proches de la peau, le « duvet » est aussi le mot anglais pour ce qui se dit en français la « couette ».
Une fois sous nos couettes, on reprend la neige. Elle commence avec le givre, apparemment de la glace qui forme sur tout sauf le sol pendant la nuit. C’est donc de la rosée, comme on voit sur nos voitures en Californie si elles restent dehors pendant la nuit, mais gelée. Pas si difficile.
Mais le měme truc sur le sol, où il devient tout sale, parce que comme a dit Adrian Monk, « La nature, c’est sale », c’est le verglas. En anglais, on dirait apparemment « black ice », « glace noire », selon mon dictionnaire bilingue. Je ne sais pas. Il faudrait que j’entende cette expression afin de la connaître — ce phénomène n’existe en Californie du Sud ! Si la rosée tombe par terre, le sol est simplement mouillé. On n’a pas de mot pour ça.
La « glace », elle est apparemment plus solide que le givre. On peut y patiner, selon Mme Escoffier. C’est quoi, patiner ? Non, je plaisante, mais je n’ai jamais, même une fois, vu quelqu’un en train de patiner sur un lac. C’est toujours sur une surface artificielle, avec des Zamboni. Vous les appelez « surfaceuse », selon Wikipédia, mais en Amérique du Nord, elles sont connues par la seule marque, tout comme on dit « Google » pour rechercher même avec Bing.
Alors, pour vous expliquer comment je peux être si ignorant, permettez-moi de partager un mème en anglais :

En haut, ça dit « 10° C à San Diego », où tout le monde s’habille en cagoules, en gros manteaux, et en gants. Puis il y a « 10° C dans le Wisconsin », très au nord du pays, où tout le monde s’habille en robes sans manches ou en short. Pour les californiens, ces températures sont largement inconnues et on ne sait pas quoi faire face à un peu de froid. Dont moi, absolument.
Je ne peux pas mentir, voici la seule glace dont j’ai envie de faire la connaissance :

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec un sujet spécial suggéré par La Fille. Vous ne devinerez pas quoi !

C’est vrai que chez. Berthillon ils ont un choix fou, j’ adore ces glaces là !😉
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Pour les crèmes glacées, nous avons une préférence pour les italiennes, et spécialement Grom, que ma femme et moi avions découvert en tant que jeune couple à Florence et qui a depuis, pour notre plus grand bonheur, ouvert quelques boutiques dans la capitale ! De toute façon, chez Berthillon, il y a toujours trop de monde.
Le verglas, c’est de l’eau gelée sur le sol, mais ce n’est pas nécessairement de la neige sale, à ma connaissance il y a 2 manières d’en obtenir un beau :
1. la plus classique : de la neige tombée sur une route, de nombreux véhicules passés dessus qui l’ont tassée au maximum, on obtiendra ce qu’on appelle je crois de la « glace vive », si vous êtes coincé en côte sur ce truc avec votre voiture, c’est dommage !
2. plus rare, je me souviens avoir observé le phénomène une fois quand j’étais en seconde : après une longue période froide, de la pluie qui tombe sur un sol en-dessous de 0° (ça peut arriver avec de l’eau surfondue aussi, le résultat est le même). Vous récupérerez un superbe glaçage et tout le paysage sera transformé en une jolie patinoire naturelle.
Pour moi, « Black Ice » est le titre d’un album et d’une chanson d’AC/DC 😉
Je suis trop jeune pour avoir vu des lacs ou des rivières gelés en plaine. Mon père en parle parfois, il a connu ça dans sa jeunesse (années 40 / 50). Pour l’anecdote, en 1704 le froid était tel et a duré tellement longtemps qu’il était possible de traverser la Seine à cheval. Claude Monet a peint de son côté la débâcle de la Seine en 1880. J’ai tout de même quelques jolies photos de fontaines gelées, dans les années 2000 à Lyon.
Sinon, on appellera « soupe » une neige en train de fondre. Ça serait assez proche de ce que vous appelez « black ice » : c’est sale, c’est mouillé, si c’est sur la route ou sur le trottoir c’est en plus plein de sel qui va pourrir les voitures et les chaussures, bref, c’est une belle cochonnerie.
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Je ne connais pas Grom, mais j’adore aussi les glaces italiennes. Fiocco di Neve, près du Panthéon à Rome, est la meilleure que je connaisse.
J’entends parler de sel sur les routes à la Côte Est, mais c’est autre chose que je n’ai jamais vu en Californie du Sud !
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Etant originaire du sud, mon vocabulaire neigeux et très très limité. De même que je suis certain que mes chats n’ont jamais vu de neige.
Une remarque sur l’article, pour qu’il soit compréhensible totalement, c’est bien de savoir si on est en degrés Celcius ou en Farenheit. On le comprend à la traduction du texte de l’image, 50° est traduit par 10°… D’ailleurs c’est souvent très drôle (ou très dangereux) ce genre d’incompréhension. La phrase « règle la température à 21° ! » peut jeter un froid.
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De la crème glacée sur mes hauteurs ( pas cette année Justin ) : de la poudreuse toute fraiche !

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Et là c’est la ruelle merdique pour grimper chez moi en 2018 ( ça arrive encore)

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Oh la vache, ça a l’air dangereux !
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« La réalité, c’est que l’esquimau fonctionne comme l’allemand avec moins de morts… »
Assassins ! 😉
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Justin, voici un lien qui pourrait t’intéresser !
https://www.rimes.fr/blog/vocabulaire-et-mots-cles-du-champ-lexical-de-lhiver/
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Oui, merci !
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Hahaha j’adorais Monk, je l’imagine teeeellement bien dire: « La nature c’est sale ».
En IDF aussi y caille.
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Ça me rappelle un matin d’hiver à Bourges (dans le Cher), quand j’étais étudiant. Il faisait environ -10°c et on attendait la prof d’anglais dehors, devant la salle de classe. Elle est arrivée en chemisier sans manteau. On lui a demandé si elle n’avait pas froid.
Froid ??? Vous trouvez qu’il fait froid ? Elle a rit.
Elle était canadienne. 😉
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Très intéressant ! Être riche d’une langue c’est quand même mieux que de posséder des milliards … Par contre, il faut bien profiter de cette richesse car avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers qu’il induit, on aura bientôt plus de neige et donc plus l’occasion d’employer le mot le plus adéquat pour parler de glace, de givre , de froid… On ne se pèlera plus, on pèlera du fait des coups de soleil…🥺
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Je dis ça comme cela, mais au Canada plus personne n’utilise le mot esquimau qui est considéré comme péjoratif par les communautés autochtones. On parle plutôt des Inuits et leur langue est l’inuktitut. Je ne suis pas certaines de ce qui en est des premières nations de l’Alaska…
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Je comprends, mais c’est le mot utilisé dans le titre du livre d’où j’ai tiré l’exemple, ainsi que la rédaction en particulier. Tout ça vient des années 90, alors une autre époque.
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