On reprend « Du côté de chez Swann ». Cette fois, j’ai avancé de 32 pages, et on est maintenant aux deux tiers du livre. (« Alléluia », vous dites ?)
Ah, l’amour romantique a encore une fois montré son visage dès que j’ai repris le livre !
Sans doute si on lui avait dit au début : « c’est ta situation qui lui plaît », et maintenant : « c’est pour ta fortune qu’elle t’aime »… même s’il avait pensé que c’était vrai, peut-être n’eût-il pas souffert de découvrir à l’amour d’Odette pour lui cet état plus durable que l’agrément ou les qualités qu’elle pouvait lui trouver : l’intérêt, l’intérêt qui empêcherait de venir jamais le jour où elle aurait pu être tentée de cesser de le voir.
Honnêtement, si on (pas la chanteuse Lizzo ou similaire ; ça doit être quelqu’une grosso modo acceptable) me disait « Tu me plais tant que tu me fais des macarons tous les jours ; tu en rates un et je te quitte ! », j’aurais des pensées pareilles. Alors je ne méprise pas Swann pour ça. En fait, deux pages plus tard, je pleurais à son compte :
En effet, si ce mois-ci il venait moins largement à l’aide d’Odette dans ses difficultés matérielles qu’il n’avait fait le mois dernier où il lui avait donné cinq mille francs, et s’il ne lui offrait pas une rivière de diamants qu’elle désirait, il ne renouvellerait pas en elle cette admiration qu’elle avait pour sa générosité
Swann, toi con, je te connais trop bien — même si quelqu’une te dirait qu’il n’y avait jamais une « rivière » de diamants. Comme j’avais envie de le gifler en lisant ça !
Mais à chaque fois où Proust nous donne l’idée que quelqu’un ou autre est pitoyable après tout, il le suit — sans exception — avec un autre comportement qui nous fait encore une fois changer d’avis. À moins qu’il le tue, comme le pauvre M. Vinteuil. Alors, face au comte de Forcheville à une autre soirée chez les Verdurin, Swann se pense :
Certes Swann avait souvent pensé qu’Odette n’était à aucun degré une femme remarquable, et la suprématie qu’il exerçait sur un être qui lui était si inférieur n’avait rien qui dût lui paraître si flatteur à voir proclamer à la face des « fidèles », mais depuis qu’il s’était aperçu qu’à beaucoup d’hommes Odette semblait une femme ravissante et désirable, le charme qu’avait pour eux son corps avait éveillé en lui un besoin douloureux de la maîtriser entièrement dans les moindres parties de son cœur.
C’est juste après cet épisode, quand Odette le renvoie de chez elle un soir, qu’il commence à soupçonner qu’elle ne lui est pas fidèle. (Comme si tout le monde s’attendait autrement !) Swann commence donc à surveiller sa maison la nuit — vous savez, comme dans toutes les relations saines.
Ça ne rend rien — mais un soir, Odette lui demande d’envoyer des lettres pour elle au bureau de poste. Swann ne peut pas résister à les vérifier — toutes sont inintéressantes sauf une, qui porte l’adresse de Forcheville. Swann ne s’empêche pas — il lit la lettre, qui révèle que oui, Forcheville était là, seul avec Odette. Néanmoins, la lettre manque d’expressions d’affection, alors Swann décide qu’elle ne le trompe pas de façon qui compte vraiment.
J’ai encore plus envie de gifler le type.
Mais la fin de cet épisode sordide dans la vie de Swann, chez les Verdurin, arrive enfin. Il y a un argument vraiment bête entre Swann et les Verdurin, où ils souhaitent qu’Odette parte de leur maison dans leur voiture plutôt qu’avec Swann. Après ça, ils se disent tout genre de calomnies sur lui. Pour sa part, Swann rentre avec des pensées hostiles :
Mais de même que les propos, les sourires, les baisers d’Odette lui devenaient aussi odieux qu’il les avait trouvés doux, s’ils étaient adressés à d’autres que lui, de même, le salon des Verdurin, qui tout à l’heure encore lui semblait amusant, respirant un goût vrai pour l’art et même une sorte de noblesse morale, maintenant que c’était un autre que lui qu’Odette allait y rencontrer, y aimer librement, lui exhibait ses ridicules, sa sottise, son ignominie.
Et c’est juste après ça où il y a un autre dîner chez les Verdurin où on apprend que :
Et il ne fut plus question de Swann chez les Verdurin.
Mais ce n’est pas à dire que l’on a vu la fin de la relation entre Swann et Odette, aussi toxique soit-elle, fondée sur de mauvaise foi soit-elle. Proust nous a donné l’idée dans la première partie du livre, en parlant de la famille du narrateur, que Swann était quelqu’un d’important et bien éduqué, et maintenant, en voyant son passé, c’est difficile de voir pourquoi on se soucierait du type. Je reviens sur le mot « goujat », que j’ai utilisé pour le décrire la semaine dernière — rien n’a changé mon avis, mais personne dans son milieu a le droit de le critiquer, vu leurs propres défauts. J’aimerais bien croire qu’il y aura une meilleure fin pour Swann, mais je suis à deux doigts de lui dire, « À l’Enfer avec tes soi-disant amis, mais toi aussi ! »

De mon côté j’ai bien du mal à avancer ma lecture, ça m’agace…bon dimanche Justin !
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Comme je comprends ! Bon dimanche !
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❤
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Attention au faux ami Justin : « Il y a un argument vraiment bête entre Swann et les Verdurin »
Argument, en anglais, désigne ce qu’en français on appelle une dispute. Ça peut aussi désigner ce qu’on appelle un argument en français, qui est un élément dans un raisonnement. Le sens en français est le même que dans les expressions : « a selling argument » ou « there is a strong argument for this to occur » (exemples tirés du dictionnaire de ma fille).
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Ah, merci !
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