Cette semaine est peut-être la Langue de Molière la plus difficile que j’ai écrite. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois où je ne comprends même pas les données. Pourtant, je fais absolument confiance à ma source.
Il y a des semaines, j’ai vu cette carte publiée sur Instagram. C’est une carte de mots intensifieurs, comme très et trop :
Ça vient de l’excellent site Français de nos régions, cité ici parfois pour les noms des escargots ou la question éternelle chocolatine/pain au chocolat. Mais voici le problème — j’ai trouvé cette carte dans mon flux Instagram, et n’ai d’expérience avec aucun de ces mots, au moins dans ce contexte.
Alors, si je la comprends bien, dans l’Eure ou en Seine-Maritime, je pourrais dire « C’est rien beau » et il y a des gens qui le comprendraient comme si j’avais dit « C’est très beau ». Mais quelqu’un venant du Doubs ou du Jura dirait, « Keske ce n’importe quoi, c’est monstre beau ! » Ai-je bien compris ça ?
Au moins je peux voir un certain logique dans les variantes attribuées à la Saône-et-Loire (vrai), Rhône (cher) et Loire (franc). Ce sont tous des adjectifs. Le « paquet » drômoise-ardéchoise me rend perplexe, en revanche. « C’est paquet beau ? » On prend une croisière, quoi ? Les petites phrases du Sud ne me parlent pas non plus — « C’est au taquet beau » et « C’est taille de beau » font mal aux oreilles parce que je m’attends à d’autres choses autour de ces mots — « taille de » devrait être suivi d’un article et d’un nom, n’est-ce pas ? Il n’y a qu’un participe entre tout ça, mais « gavé » fait mal aux oreilles aussi — « C’est gavé beau » manque d’un nom quelque part !
Je soupçonne que un nordiste a peut-être gâché ma compréhension quelque part. Je suis 100 % certain que j’ai entendu « fort » utilisé comme synonyme de « fortement », et dans cette carte, ça me semble très familier. Je crois que « C’est fort beau » est pareil à des choses que j’ai écrites ailleurs. Alors j’ai dû tirer la mauvaise leçon de quelque chose, mais je n’ai aucun espoir de trouver la source originale.
Il me semble que j’ai aussi vu « vlà » quelque part, mais seulement comme contraction de voilà ; dans un texto, peut-être. Jamais dans ce sens de très ou trop. Comme ça « Alors vlà, j’ai épuisé les exemples ».
J’ai des amis de partout et peut-être qu’ils essayent tous de ne pas me rendre perplexe ; c’est tout inconnu pour moi, avec une possible exception. Mais je ne saurai měme pas où les chercher, vu que tout ça ressemble à d’autres usages plus typiques. Alors, mes excuses si j’ai mal utilisé tel ou tel exemple ; nous avons une carte, mais je ne sens plus perdu que jamais !
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec de mauvaises nouvelles pour les parisiens.

Bonjour Justin, je connais le « ça me gave » pour dire j’en ai assez. Je pense que c’est plutôt une expression du sud de la France. Et sinon dans le langage familier nous pouvons dire : « c’est trop beau » pour c’est très beau, ou plus que beau 🙂. Pour le reste je ne peux pas vous aider…
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Oui, je connais aussi « Ça me gave » ; je l’utilise parfois comme synonyme de « j’en ai assez » comme vous dites. Mais cet autre sens m’est mystérieux.
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J’ai vécu dans le Bas-Rhin, le Rhône, la Manche et divers départements de la région parisienne. Expérience lyonnaise mise à part, je suis resté dans un monde bleu, je ne peux donc pas dire grand-chose.
Concernant spécifiquement Lyon, je peux vous dire qu’il y a dans la ville un argot particulier, mais je le suppose assez spécifique aux natifs du lieu, avec lesquels j’ai eu finalement assez peu d’échanges. D’autant plus que je soupçonne les jargons de Fourvière ou de la Presqu’île d’être différents de celui de la Croix Rousse. Les termes classiques et connus de cet argot sont “les gônes”, équivalent du “poulbot” parisien ou du gamin un peu partout ailleurs, et le mot “trabouler” qui est spécifique à la géographie lyonnaise (je ne sais pas si beaucoup d’autres villes contiennent des traboules, à Paris on parle de passages couverts, mais ils sont moins nombreux et très différents).
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Mon dictionnaire bilingue contient « traboule » et note que c’est un mot uniquement lyonnais. C’est très inhabituel pour ce dico de connaître le monde en dehors de Paris !
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Si vous voulez en voir quelques photos sympa (hmmm… avant de vous donner des conseils, il faudrait peut-être que j’aille relire votre découverte du Rhône !), n’hésitez pas à aller sur la page wikipédia sur les traboules, elle en montre un bel échantillon.
En pratique, Lyon est peut-être la seule ville où on peut pousser à peu près n’importe quelle porte, dans la vieille ville, et la voir s’ouvrir sur un passage ouvert au public, permettant d’aller dans la rue d’à côté.
C’est surtout vrai à Saint Jean (enfin… entre Saint Georges et Saint Paul, donc tout autour de la primatiale) et sur les pentes de Croix Rousse — j’avoue à ma grande honte n’avoir jamais exploré le plateau de la Croix Rousse, bien qu’ayant habité à sa lisière pendant plus d’un an…
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Bien que j’aie vécu dans huit régions françaises au cours de mon existence, plusieurs de ces expressions n’ont jamais touché mon ouïe. En ce qui concerne le « taquet », je ne l’ai jamais entendu en forme adverbiale ( c’est-à-dire suivi d’un adjectif qualificatif) et ne connais que la formule « être au taquet » signifiant « être au maximum de ses capacités ». Depuis les années deux mille, j’emploie et entends l’adverbe « trop » en tant qu’intensif positif équivalent à « très ». Et les ados que j’ai entendu s’exprimer ces dernières années emploient pareillement, effectivement, par ici, l’adjectif « grave ». (« Madame, c’était grave bien, ce cours ! ») mais c’est du langage oral et donc familier.
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Je suis surpris que je n’aie jamais trouvé ces expressions quelque part comme Facebook ou Twitter, où l’écriture est souvent comme la langue orale. Si la source n’était pas fiable, je le croirais une farce !
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Hello Justin, tu as raison sur toute la ligne.
Mais de nos jours, en tout cas, dans le Var, je n utilise pas le mot « Tarpin » pour évoquer le trop, beaucoup…. Ça ne me viendrait jamais a l’idée !
Ça doit être les personnes âgées qui parlent comme çà 😅
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Je confirme qu’ici dans mon coin de Seine-Maritime, nous utilisons souvent « rien », par exemple, nous disons (parfois) « il pleut rien » dans le sens il pleut beaucoup et oui, tu le peux dire pour très « c’est rien bon », « c’est rien beau » etc…
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J’ai vécu aussi dans plusieurs régions mais je n’ai pas appris ce genre d’adjectifs.
Gavé, oui ! Mais dans le sens où on ne peut plus supporter quelqu’un ou quelque chose.
Je connais également quelques mots du lyonnais comme traboule et gônes.
Par contre, j’ai appris en Belgique l’adjectif fort, comme fort beau ou fort cher.
Pour nous aussi, le langage change d’une région à une autre, et quelquefois on ne comprend pas !
Est-ce que tous les mots que tu nous a cités sont employés vraiment dans la vie courante ou uniquement par quelques personnes ici ou là ?
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Je n’ai aucune idée sur la fréquence, mais je connais assez le travail de M. Avanzi, le linguiste derrière ce projet, qu’il ne publierait pas de telles données sans preuves que ce sont en fait utilisés dans la vie quotidienne. Mais c’est pour ça qu’il m’étonne que je n’en aie rien croisé !
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J’habite en Saône et Loire et pour dire « très », je dis « très »… Alors oui, mon adolescence est loin derrière moi, mon langage n’est pas vraiment familier et j’ai peut-être d’autres tics langagiers qui m’échappent…
Mais il faut reconnaître qu’en France, dans certaines régions plutôt rurales, on continue d’utiliser quelques mots de patois couramment !
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Je découvre aussi pas mal de choses sur cette carte !
Habitant la Loire, le « franc « est clairement utilisé ce qui, si cela peut te rassurer, a beaucoup déstabilisé mon compagnon marseillais au début. Si un jour, tu viens chez nous, tu pourras ainsi entendre : c’est franc bien, il fait franc chaud… (et constater qu’on a une grammaire très spéciale au passage).
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Je découvre comme toi des expressions qui me sont inconnues à 90%.
Habitant en Bretagne, je n’ai pourtant jamais entendu « vlà » comme synonyme de « très », mais plutôt comme la contraction de « voilà ».
Je pense que tu peux oublier cette carte sans aucun regret !
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Salut Justin
Venant du sud ouest le « taquet » est beaucoup utilisé dans le sens « être au taquet » = être très motivé. Par exemple, Il est au taquet pour venir à la soirée. Gavé est plus utilisé dans la région de Bordeaux. Dans le sens c’est trop bien. C’est gavé bien.
Je n’ai jamais entendu parler de Hart.
Par contre il ne faut pas généraliser et dire que ces mots remplacent tout le temps trop et très car cela dépend du contexte et de la phrase.
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