La Californie insolite

Je vous ai montré certaines parties de ce que l’on appelle « Central California », le centre de l’état, le jour de notre visite à UC Riverside, mais puisque ça faisait déjà 17h le temps que nous avions atteint Gilroy et les kiosques des agriculteurs étaient déjà largement fermés, je ne pouvais pas faire tout ce dont j’avais envie. En revenant de San Francisco le matin, c’était beaucoup plus facile à passer par de nombreux sites inconnus vers le nord de cette partie centrale. Il faut que j’ajoute que La Fille a raison — ce n’est pas le véritable nord de l’État, malgré l’usage commun. Il y an encore un autre 500 km de territoire très rural, et plein de forêts, entre San Francisco et notre voisin au nord, l’Oregon. Les malheureux de cette autre région ont une prison à sécurité maximale là, dans la ville avec le meilleur nom pour une telle installation, Susanville. ([Il essaye de vous passer un message en douce, les amis. — M. Descarottes])

Nous commençons dans une région qui est certainement inconnue pour vous, Morgan Hill. À environ 110 km au sud de San Francisco, c’est facile à sauter en roulant vers la grande ville. Mais ce serait une erreur ! Morgan Hill est la maison de nombreux producteurs de vin d’origine italienne, dont mon préféré, Guglielmo. Les rapports qualité-prix de cette région sont étonnants par rapport aux régions plus connues de Napa et Sonoma. Il faut ajouter que le climat n’est pas idéal comme au nord, avec des températures au-dessus de 33 °C en été et pas de brouillard. Cependant, ce ne sont pas de blagues pourries, comme les vins de Temecula, au nord-est de San Diego — la terre est bonne.

J’avais espéré acheter une bouteille de « Emile’s Heritage Red« , une valeur sûre à 9 $. Malheureusement, ça fait 16 ans depuis ma dernière visite et j’avais oublié que la boutique est fermée le mardi. « Mais Justin », vous me dites, « comment est-ce que vous connaissez ce petit producteur ? » Il y a deux décennies, je l’ai découvert avec mon ex pendant des vacances en Californie du Nord. Et non, ce fait n’a pas endommagé mon avis de Guglielmo — juste parce qu’une chose est devenue du vinaigre, ça ne dit rien sur l’autre.

Juste une quinzaine de kilomètres au sud de Morgan Hill se trouve Gilroy, la capitale de l’ail. Le Festival de l’Ail tous les juins est connu partout aux États-Unis, et l’odeur est si puissante que l’intérieur de votre voiture sentira l’ail même si les fenêtres restent fermées. Je ne plaisante même pas un peu. Pour vous donner une idée de ce que l’on trouve à Gilroy, nous sommes passés par Garlic World (Le Monde de l’Ail). C’est commercial, mais quand on est seul à un kiosque, on ressent la pression d’acheter quelque chose si on va prendre des photos.

Nous avons atteint Gilroy sur l’autoroute 101, mais 101 suit la côte par une route très lente, alors nous avons dû passer à l’autoroute 5, l’autoroute la plus importante pour relier toute la Côte Ouest. Et ça voulait dire rouler sur 152, une petite route montagneuse qui relie les deux au milieu de nulle part. Les touristes étrangers ne vont découvrir cette route que très rarement, car en général, il vaut mieux de suivre juste l’une des deux grandes autoroutes, selon vos envies.

Il n’y a qu’un arrêt majeur le long de la 152, celui de la boutique, aire d’autoroute et hôtel dit « Casa de Fruta » (Maison des fruits). C’est hyper-touristique, mais aussi un point de vente important pour les producteurs locaux — cette région est connue pour ses amandes, abricots, et cerises.

Je vous ai parlé très brièvement du producteur célèbre de bœuf, Harris Ranch, dans le billet sur Riverside lié en haut. Nous sommes passés par l’établissement, qui propose un hôtel, une boutique et un restaurant consacré aux steaks (on dit « steakhouse » en anglais). S’il y avait un Label Rouge américain, les deux producteurs de bœuf à l’Ouest qui mériteraient le label seraient celui-ci et Snake River Farms dans l’Idaho. (Il y aurait de nombreux tels producteurs dans le Midwest.) Au fait, j’ai l’impression que « bifteck d’aloyau » est un terme québécois pour ce que l’on appelle un « T-bone steak » dans ces photos ; je ne crois pas que les bouchers français coupent le bœuf de façon pareille.

Je ne pouvais pas prendre une bonne photo de l’extérieur pour une raison marrante : nous revenions de San Francisco avec un kilo de chocolat Ghirardelli, et j’insistais sur l’apporter dans les stations-service et les aires à chaque fois, afin qu’il ne fonde pas. Il faisait plus de 38 °C ce jour-là — il fait habituellement beaucoup plus chaud dans cette région que dans la mienne, car je suis au moins près de la côte.

Je veux vous montrer quelque chose que j’ai vu dans plusieurs aires d’autoroute, mais pas en France. Aux États-Unis, tout le monde a le droit d’utiliser une radio dite « citizens’ band » — Wikipédia me dit que ça existe en France, mais ie n’ai rien vu en passant par des aires d’autoroute. Ça permet de parler avec tout le monde sur les routes jusqu’à une distance d’environ 30 km. Les équipements sont en vente libre partout dans les relais routiers spécialisés (et j’ai une préférence de passer par celles-là pour leurs services).

Vitrine pleine d'équipement de citizen-band

La dernière chose que je veux vous montrer est où nous avons dîné à Bakersfield pendant notre retour. Bakersfield est une ville de 403 mille personnes, mais sans vrai centre-ville (les limites sont énormes — la superficie est environ 3x celle de Paris, 5x Strasbourg). La « cuisine » de la région est largement celle des chaînes de restos. Red Lobster (Homard rouge) est une chaîne spécialisée en poisson et en fruits de mer. C’est bien méprisé par les élites des côtes, un symbole du milieu du pays. Il y a beaucoup de choses frites là, et je serais le premier à dire que la qualité n’est que moyenne, mais le mépris est très mal placé.

Le pain là est d’un genre dit « baking powder biscuits », biscuits à la levure chimique. C’est une spécialité de notre Sud, et si la version chez Red Lobster est un peu trop salée, c’est aussi la raison principale pour laquelle la chaîne est renommée. Je n’y vais jamais à la maison car le resto le plus proche de chez moi est à 20 km, dans la ville de Garden Grove. Red Lobster ne pourrait jamais ouvrir à Irvine, parce que la haine classiste fermerait ses portes tout de suite. Mais même si c’est commercial, comme toutes les autres choses dans ce trajet c’est un aperçu de la vie quotidienne dans notre campagne, et j’accorde autant d’importance à tout ça qu’à nos grandes villes.

20 réflexions au sujet de « La Californie insolite »

  1. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

    Chez nous c’était la CB, qui fut très largement utilisée par les routiers il y avait cette chanson résumant l’esprit lié à son utilisation vertueuse et qui faisait pleurer dans les chaumières

    J’ignore s’ils l’utilisent toujours ! 😉

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      1. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

        Il me semble qu’il existait une version avec un gamin qui parlait… et j’ai oublié de préciser que l’on disait CiBi pour ne pas confondre avec le moyen de paiement.
        Pour le commun des mortels, autre que chauffeur-routier, la mode n’a pratiquement pas duré parce que ceux qui l’utilisaient été tout de suite catalogués « gros beaufs » ! 😉

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  2. Avatar de vanadze17vanadze17

    Apparemment, la CB est toujours utilisée par les chauffeurs de camions.

    Pour l’aloyau, chez nous, il comprend quatre parties : le faux-filet, le rumsteak, la côte de bœuf et la bavette.
    J’avais remarqué également chez nos amis anglais que la viande n’est pas coupée de la même façon !

    Pour l’ail, nous avons Lautrec, capitale de l’ail rose, mais les boutiques sont à la taille du village, donc plus petites.

    https://www.ailrosedelautrec.com/fete-de-lail-rose-de-lautrec-2025/

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    1. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

      Il n’y aura que très peu d’ail rose à Lautrec (81) cette année, toute la récolte a été anéantie par les intempéries… si on en trouve, il viendra sûrement d’ailleurs (quelque part en Égypte par exemple ou même d’autres contrées) il vaut mieux le savoir !

      => https://www.ladepeche.fr/2025/07/22/cest-une-grande-famille-devastee-par-les-intemperies-la-filiere-ail-rose-de-lautrec-fait-front-pour-eviter-la-faillite-12836864.php

      Il faut souhaiter que l’ail violet de Cadours ait été épargné par la météo !

      Et 😳

      Dans mon commentaire précédent il fallait lire ont été… catalogués, le verbe s’est perdu en route dans les méandres de ma petite tête ! 😉

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  3. Avatar de FilimagesFilimages

    Je confirme que la CiBi était utilisée principalement par les routiers et parfois par les automobilistes qui voulaient savoir si la police était sur la route. 😉 Ça fait des années que je n’ai plus entendu la CB et je ne sais pas si les routiers l’utilisent encore.

    Ton article est très intéressant. Il nous fait découvrir une autre facette de l’Amérique et me rappelle mes road-trips côté Atlantique. J’aime beaucoup. J’avoue que j’ai ouvert Google-Maps parallèlement à la lecture de ton article pour suivre ton itinéraire. J’aime visionner les lieux sur une carte. C’est pour ça que j’en mets toujours une dans mes articles.

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  4. Avatar de biche*biche*

    Très sympa ce petit tour à la campagne. Ca fait plaisir de voir des produits simples issus du terroir : raisins, ail, fruits et légumes ! Et pour une fois le menu en photo du dernier restaurant me parait excellent 🙂 Je pense que je préfèrerai habiter à la campagne plutôt qu’en ville en Californie.

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  5. Avatar de AnagrysAnagrys

    Pour le T-Bone, je viens de regarder dans mon guide de référence : c’est un morceau qui est prélevé à l’arrière du train de côtes, de part et d’autre de la colonne vertébrale, ils incluent dans un seul morceau une belle tranche de filet, une belle tranche de faux filet, et un peu d’os au milieu pour donner du goût. En bref, que du bon !
    En découpe française, on préfère séparer le filet et le faux filet — le premier donnera des steaks tendres, le second leur ajoutera beaucoup de goût. Pour avoir l’os, on prend la côte, un peu plus en avant (et on évite l’entrecôte, qui est une côte privée de son os, ce qui permet de la vendre moins épaisse mais qui est surtout beaucoup moins savoureux !)

    Merci pour cette visite Justin, c’est vraiment intéressant de voir un peu de Californie à travers vos yeux !

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Je n’ai même pas mentionné le « porterhouse » — c’est pareil au T-bone, mais avec une plus grande portion de filet par rapport au faux filet. On fait des porterhouses seulement avec les meilleures vaches, car c’est un découpage très cher.

      Ce n’est pas la seule fois où la traduction entre les deux langues est difficile en parlant de boucherie. « Entrecôte » ne correspond exactement ni au steak dit « ribeye » ni à celui dit « New York strip », mais j’ai trouvé des bouchers qui l’utilisent pour les deux. « Paleron » pose aussi des problèmes. Bavette, heureusement, est juste ce que nous appelons un « flank » steak, et onglet un « hanger » steak.

      Il me semble que les steaks feraient aussi une belle Langue de Molière !

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