Ne parlez pas l’anglais comme un américain, 1ère partie

Édité pour ajouter : En ce qui suit, je parle du faible niveau d’anglais aux États-Unis de nos jours. Ce n’est pas une plainte sur ce qui disent les Français en parlant anglais !

Je me demande parfois ce que vous pensez tous quant à au sujet de mes obsessions avec la pureté linguistique. J’imagine que c’est très inhabituel pour un anglophone de refuser l’opportunité d’utiliser des anglicismes. On penserait que ça le rendrait plus à l’aise. En partie, c’est ce que les élèves de religion appellent « le zèle des convertis » — le désir de montrer que l’on fait tous les efforts possibles. Mais il y a un côté plus obscur — pour autant que certains francophones ne veulent pas entendre l’anglais, il n’y a personne qui ne peut pas le supporter plus que moi.

Personne perplexe, Dessin par Nithinan Tatar, TH, CC BY 4.0

Comment ça ? « Justin, vous êtes clairement dingue », vous dites. Mais vous connaissez certainement des gens qui sont les plus grands patriotes au monde quand un étranger critique votre pays, puis le méprisent encore plus eux-mêmes. (Nous ne manquons pas de telles personnes non plus.) C’est la même chose — car les « amateurs » de la sonorité anglaise ne savent pas forcément à quel point la langue de Shakespeare est tombé. (Je sais, toutes les générations disent ça à leur tour. Mais j’ai raison.)

Je ne lance pas une nouvelle catégorie, mais je n’épuisera pas du tout mes pensées sur ce sujet dans un seul billet.

Commençons aux restos. Quand les serveurs vous saluent au début d’un repas, ils disent « Is this your first time here? » (Est-ce ta première visite ici ?) Si on dit « Oui », ils répondent « Then, welcome » (Puis, bienvenue.) Si non, c’est « Then, welcome back » (Puis, content de te revoir). Franchement, pour autant que ça dérange, que l’on ne sait pas vous saluer sans d’abord demander des infos, c’est « Then » (Puis) qui me dérange le plus. Vous voyez que la réponse ne change qu’un mot en anglais. C’est comme parler à un robot avec un organigramme !

« Mais Justin, » vous me dites, pas sans raison, « ce n’est qu’un scénario. Blâmez plutôt les gérants. » Ah, mais il était une fois, on se moquait d’exactement ça. Il y a eu un moment où le premier président Bush a lu les directions écrites à côté de son discours, et a dit « Message: I care » (Message : je m’en soucie). C’était censé être une direction pour comment dire ses mots, pas quelque chose à répéter à haute voix ! Maintenant, nous sommes tous lui, et lui doivent nos excuses. (Ce n’est pas une invitation pour vous plaindre de lui ; ça ne concerne que la langue.)

Mais c’est bien pire que ça. Après vous avoir montré qu’il est un robot, le serveur vous demandera « What can I get started for you? » (Qu’est-ce que je peux commencer pour vous ?) Il y a dix ans, personne ne disait quelque chose d’aussi stupide. Pendant toute ma vie, c’était toujours « What can I get you started with? » (Avec quoi aimeriez-vous tous commencer ?) Les traductions françaises peuvent masquer un peu la nature de ma plainte, alors je la précise : anciennement, le COD de « commencer » était vous le client, et le COI était la nourriture. Les cons les ont inversés ! Ça fait saigner les oreilles. Ma fille n’a jamais connu un monde où les serveurs parlaient anglais, alors elle ne comprend pas à quel point ça me dérange.

Un dernier exemple pour cette fois. Vous donnez votre commande au serveur après avoir lu la carte, puis il répond « That comes with fries. Is that OK ? » (C’est servi avec des frites. Est-ce OK ? » Dans l’anglais de toute ma vie jusqu’à cette dernière décennie, demander « Est-ce OK ? » avait la polarité opposée de « Ça va ? » bien que les deux paraissent dire la même chose. On demandait cette question en s’attendant à un problème. Alors, demander « Is that OK? » en parlant des affaires habituelles, c’est-à-dire que la chose habituelle ne va pas. Si c’est le cas, pourquoi est-ce que vous la faites ?

Les serveurs ne le trouvent pas drôle quand je dis, « Non, mais je le prendra quand même. » Je réponds à exactement la question qu’ils demandent, mais ils ne comprennent pas la langue comme on l’usait pendant leur enfance. (C’est plus précise à dire que personne ne l’aurait demandé à l’époque. La question aurait plutôt été « Qu’est-ce que tu veux avoir avec ? ») Seulement quelqu’un de même âge que ma fille s’habitue à cet usage. Encore une fois, ça fait saigner les oreilles.

Je comprends que le but a changé avec cette dernière question. Le resto peut offrir plusieurs choix mais la gestion préfère que la plupart des clients choisissent la même chose. L’idée est de couper les choix en suggérant au client « la bonne réponse ». Mais c’est un abus de la langue.

La prochaine fois, on va parler de la forme possessive. Aïe, mes oreilles ! Rien que la pensée me fait mal !

15 réflexions au sujet de « Ne parlez pas l’anglais comme un américain, 1ère partie »

  1. Avatar de jeanlouispaulmarchaljeanlouispaulmarchal

    Tout à fait intéressant ! Je sais qu’il y a des restaurants dans lesquels les serveurs sont aveugles, je ne sais pas si cela perdure. Nous pouvons imaginer des restaurants où les personnes sont muettes et sourdes. ET nous expérimentons des lieux où personne ne parle suffisamment une langue commune. Nous pouvons avoir le sentiment que toutes les ressources d’une langue, toute la richesse du vocabulaire n’est pas utilisée.

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  2. Avatar de vanadze17vanadze17

    C’est souvent compliqué avec les serveurs ou serveuses de restaurants français car ils ont rarement (voire jamais) une bonne formation en conversation anglaise !
    C’est un gros défaut chez nous…
    Il m’est arrivé à plusieurs reprises, de faire semblant d’être Anglaise dans un restaurant. Et là, j’ai bien constaté aussi les lacunes de vocabulaire.
    Et malheureusement, ceci est constaté dans d’autres domaines. Dommage pour les touristes anglophones !

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  3. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

    « What can I get started for you? » C’est une manière subtile de détourner ton attention en te recentrant sur le « client-roi » que tu es, et pendant que tu en glousses d’aise, on te balance la suggestion du jour, même si elle n’est pas à ton goût ! 😉

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  5. Avatar de victorhugottevictorhugotte

    Et maintenant, j’ai dans la tête le fameux aria de Michael Jackson : Wanna Be Startin’ Somethin’
    Ma petite théorie, est que tout vient de là. Moi qui ne sors jamais au restaurant (sauf un grec, et là ils ne connaissent pas M. Jackson) je n’ai jamais entendu ça, mais je te crois.

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