La culture du travail

J’ai rendu le premier numéro du bulletin au bureau de l’OCA dimanche soir, ce que je vous ai dit avec la dernière balado. Depuis ce temps-là, j’ai reçu quelques petites corrections, les ai faites, et le tout sera publié lundi prochain. J’en tire des leçons, et j’espère que vous les trouverez intéressantes.

Mine de sel aux États-Unis, Photo par Pollinator, CC BY-SA 3.0

Je vous ai dit, sans élaborer, que certaines règles ont été mises en place uniquement pour moi. Je le sais car j’ai une description officielle du poste et le lendemain de l’avoir reçue, on m’a dit que je ne ferai pas la moitié des tâches, ni aurai accès à certaines ressources. Je crois que ça ne changera pas. En revanche, on vient de me dire qu’ils chercheront un chemin pour résoudre certains problèmes que j’ai rencontrés. Je crois que ces problèmes sont venus d’une différence entre comment marche le travail ici qu’en France.

Aux États-Unis, un CDD est parmi les choses les plus prestigieuses que l’on puisse avoir. Je pause pour vous laisser reprendre votre souffle. Mais je suis en fait complètement sérieux. Les seules personnes embauchées de cette façon sont les entraîneurs des équipes professionnelles de sport ou les PDG des grandes entreprises. Ces contrats viennent avec des salaires énormes et souvent des garantis que tout l’argent doit être payé, que l’ouvrier est licencié ou pas. C’est pourquoi les durées sont limitées !

Le reste de nous vivons sous des CDI sans droits réels, dits « at-will » (à volonté). Ça veut dire que le contrat dure jusqu’au moment où un côté ou l’autre dit « va-t-en » (rappelez-vous que selon moi, nous nous tutoyons exclusivement ici, dont les juges quand ils condamnent un malheureux à la peine de mort — on ne distingue pas entre ça et une commande chez Starbucks). En France un CDI veut dire qu »il est plus difficile que ça de licencier un employé.

J’exagère un peu. On peut poursuivre un employeur pour un virement injuste, à cause de la couleur de peau, le sexe, ou d’autres raisons. Mais quand on a besoin de manger du pain ce soir, un procès de 1-2 ans ne mange pas de pain, si vous me suivez.

Cependant, le fait d’être facilement viré veut dire que d’autres choses ici sont plus faciles. À chaque boulot que j’ai jamais eu ici, j’ai reçu tout ce dont j’avais besoin dès le tout premier jour. Il y a une telle chose qu’une période d’essai ici, mais souvent, si on est embauché, on est embauché. C’est juste les bienfaits comme l’assurance qui ne commencent qu’à plus tard. Mais les droits d’accéder à tous les bases de données ou les référentiels de codes, ça commence tout de suite.

Bien que ce soit un poste bénévole, il me semble que les responsables ont apporté une attitude française au processus. On m’a dit que j’étais dans une période d’essai et que ça finira à la prochaine réunion du bureau. Vous pouvez me dire si j’ai raison, mais il me semble qu’avec plus de conséquences pour avoir embauché quelqu’un, peut-être que l’on n’a pas hâte de lui faire confiance trop vite.

Tournons vers une autre chose. Je n’ai que de bonnes choses à dire sur l’ancienne responsable. Pourtant, quand elle publiait le bulletin, si on soumettait du texte sans mettre un accent sur chaque « à » devant une heure, elle ne le corrigerait pas. Moi, j’ai corrigé chacun et tous, et d’autres fautes aussi. Pourquoi ? Car il me semblait que je serais examiné minutieusement. Et j’ai eu raison. J’ai reçu des corrections pour certaines choses qui sont passées sans mention dans le bulletin depuis un an ou plus. Il m’est évident que c’était parce que beaucoup de monde ne croyaient pas que je produirais un document de 37 pages sans fautes hurlantes. (J’ai raté 3 « à » à la fin, pour info.)

Il faut ajouter que ça ne me dérange pas. Mon plus grand rêve depuis le départ est d’être jugé comme le reste du monde. Une amie qui s’inquiétait que ce serait trop pour moi m’avait dit « Tu écris bien pour un américain mais… ». Je l’adore, je comprends, mais je fais tout ici dans l’espoir de mettre un terme à « pour un américain ». Cependant, j’ai pensé pendant des semaines à une certaine affiche de Vichy en me disant « Vous êtes l’ambassadeur de la qualité américaine ». C’est pour ça que je dois toujours apporter la pâtisserie la plus impressionnante aux événements, et pourquoi je résiste au maximum parler en anglais.

Je vois ce numéro comme un premier pas vers avoir des références qui diront « Il peut travailler en français avec des Français. » Un jour, j’espère que j’en aurai besoin.

10 réflexions au sujet de « La culture du travail »

  1. Shanny

    L’une des choses les plus pénibles en France c’est justement ce dont tu parles dans ce billet, ici, même si tu es dans le pays depuis de nombreuses années, pour les gens, tu seras toujours « L’Américain ». Il n’y a pas de « rêve Français ». On met des gens dans le cases, c’est très difficile d’en sortir, même quand on est soi-même Français. Sur ton CV, quand tu as fait quatre métiers différents (c’est mon cas), les gens ne comprennent pas, c’est en train de changer mais c’est lent. Le Français n’est pas très ouvert, il reste dans sa zone de confort et a plein de préjugés. Ici, en entretien, quand tu es une femme, ce n’est pas rare qu’on te demande si tu veux des enfants (parce que ça coûte cher un congé maternité), je ne pense pas que des questions aussi intrusives existent dans ton pays et c’est tant mieux !

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  2. Agatheb2k

    Avoir un CDI en France n’est pas synonyme de Graal, mais le signe que tu as réussi à inspirer confiance à ton employeur et qu’il te dispense de la période d’essai souvent représentée par un CDD.

    Mais, si pour une raison ou une autre (changement d’objectif de la boîte ou incompatibilité d’humeur sur le long terme), l’employé ne convient plus, le CDI ne le protège plus. On lui trouvera toujours des poux sur la tête histoire de le pousser à partir de lui-même avant de passer au harcèlement accompagné de fausses preuves difficilement détectables pour un juge qui aura d’autres affaires plus intéressantes à instruire.

    Alors félicitations à toi, continue, tu es sur la bonne voie ! 😉

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  3. scriiipt

    Sujet Ô combien délicat. J’ai beau être un pro des Ressources Humaines (c’est mon métier depuis très longtemps), je découvre tous les jours des situations nouvelles… La tienne en est une autre nouvelle.
    C’est quand même spécial de faire une période d’essai pour quelqu’un de bénévole… Mais en effet, plutôt qu’un contrat j’aurais pensé à une convention ou une charte d’engagement réciproque :
    Le « contrat de bénévolat », a en effet pour objectif de protéger celui qui s’engage auprès d’une association et de s’assurer que ses actions restent au plus près de l’origine du mot, à savoir bénévoles et désintéressées.
    À tout moment, le bénévole reste en effet libre de s’engager ou de se désengager : son investissement est donc volontaire et ne peut pas faire l’objet de contraintes, d’obligations ni de sanctions, de quelle que nature que ce soit.
    Si on parle ici de « contrat » de bénévolat, il est important de considérer ce terme à la manière d’un contrat moral, une sorte d’engagement réciproque entre association et bénévole, avec pour chacun des avantages et des contreparties.
    Ceci étant dit, le fait pour quelqu’un d’être un cadre ou un employeur, n’en fait pas pour autant un bon « recruteur » ni un pro des ressources humaines. Le « pouvoir corrompt » c’est certain, et même un « petit » pouvoir d’avoir simplement la capacité de recruter un bénévole. Dans ma façon de voir les choses, si tu es bénévole, c’est toi qui apporte la richesse à l’établissement pour lequel tu décides de t’engager, et en gros, tu donnes de ton temps et de tes compétences, donc tu es la personne importante qu’il faut « chouchouter ».
    Si tu te retrouves à signer un contrat où en fait tu es juste un employé « gratis », c’est quand même très bizarre.
    Alors, je ne me berce pas d’illusions, je sais pertinemment que les « stagiaires », qu’ils soient rémunérés ou pas, sont très mal considérés et même exploités.

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  4. vanadze17

    Ton engagement dans cette association me semble comme « Un miroir aux alouettes »… on a besoin de toi, mais pas de  » contrat moral » comme le dit « scriiipt » au-dessus. Et les cadres qui t’ ont engagé font aussi des fautes d’orthographe…
    Je pense que dans cette association, tu n’es pas reconnu à ta juste valeur !
    Mais ils apprécient tes gâteaux 😂

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  5. biche*

    Savez-vous Justin qu’un employé en France peut être mis « au placard » si l’on veut se débarrasser de lui. Qu’il soit en CDI ne change rien à l’affaire.

    je vous précise juste que un « virement » ne se dit pas pour se débarrasser de quelqu’un ! On emploie plutôt les terme familiers : virer quelqu’un . Un virement se fait dans une banque ! 😀

    Voilà, maintenant vous êtes un véritable français ! 🙂

    biche

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    1. biche*

      « Licenciement » est le mot qui correspond.

      En France nous avons le licenciement pour faute grave, faute simple, faute lourde après une procédure disciplinaire. En général il y à un préavis de licenciement.

      Dans la fontion publique en France, les employés sont plus protégés que dans le privé. Aux USA, je ne sais pas si c’est identique.

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      1. Justin Busch Auteur de l’article

        OH OUI, les fonctionnaires publiques sont mieux protégés que les employés privés aux États-Unis ! On considère que licencier un fonctionnaire, même juste un facteur, est presqu’impossible.

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