Cette semaine, Langue de Molière commencera avec une histoire bien au-delà de ses sujets habituels. Je suis sûr que vous avez remarqué qu’il y a certains ingrédients français qui n’ont jamais fait une apparition sur ce blog. Les cuisses de grenouille. Les rognons de veau. Et surtout, les escargots.
J’ai une relation déroutante avec ces animaux. Ils n’étaient pas censés exister là où j’ai grandi, à San Diego. Pourtant, la ville — dans un désert — est recouvert d’escargots européens. Ouaip, c’est de votre faute. Ou peut-être les italiens. Ou les marocains. J’explique :
L’escargot mangé le plus souvent en France s’appelle Helix pomatia. Ce n’est pas l’espèce trouvée en Californie du Sud — on a plutôt Theba pisana. Malgré la référence à la ville de Pise dans son nom, cet escargot se trouve en France de Provence jusqu’en Normandie, ainsi qu’ailleurs autour de la Méditerranée. À partir de 1914, ces escargots se trouvaient aussi à La Jolla, un quartier de San Diego près de la Pacifique. Selon des sources locales (lien en anglais), ces escargots ont été importés par un immigré sicilien afin de les cultiver pour la cuisine. Et en fait, c’est documenté qu’ils se mangent en Sicile. En revanche, personne ne peut identifier l’immigré en question. Cependant, selon une étude génétique publiée en 2021, les T. pisana de Los Angeles viennent plus probablement de Malte, et ceux de San Diego, du Maroc. (Les chercheurs ne pouvaient pas obtenir des exemples de La Jolla lui-même pour voir s’ils ont une origine différente.) Peu importe leurs origines, T. pisana est un animal nuisible, et on dépense beaucoup pour les contrôler, à ce point sans succès.
J’ai donc grandi avec l’idée que les escargots sont, si non pas venimeux, au moins pour tuer et non pas pour manger. Ça, c’est en plus du fait que je les trouve dégoûtants, même si je sais en quelque sorte qu’ils ne sont pas trop différents des moules. En fait, quand j’ai lancé ce blog, j’ai même dessiné « ma recette d’escargots », jamais utilisée alors je vous la donne maintenant :
Pourtant, étant pratique, je suis prêt à être mercenaire sur le sujet. Je ne vais jamais subir l’expérience de préparer des escargots juste pour moi tout seul. Je vous dis parfois que je dois aimer ce que je prépare. Mais s’il y a une française qui est prête à subir dîner chez moi, je les cuisinerai et même posterai des photos de moi en train de les manger. (Pas d’elle ; je garde jalousement la confidentialité des autres. Mais vous saurez qui aura pris les photos.)
Je vais mourir sans les goûter.
De toute façon, qu’est-ce que tout ça a à voir avec Langue de Molière ? C’était largement une excuse pour raconter l’histoire des escargots européens chez moi, mais en recherchant tous les départements, j’ai remarqué qu’il y a beaucoup de noms pour ces trucs. Finalement, je suis tombé sur un article d’Ouest France avec une carte de toutes les différences. Ça vient du site Français de nos régions, exactement comme pour mon article sur les chocolatines pains au chocolat chocolate croissants d’il y a 3 ans. (Je ne la copie pas ici ; je n’ai pas le droit.)
Dans la grande majorité du pays, ce sont les escargots. Mais dans la région poitevine, et jusqu’à l’Indre, on dit plutôt « luma ». (Félicitations, les poitevins, vous avez ruiné Super Mario Galaxy pour moi. Et le film en plus.) Au sud des poitevins, mais pas jusqu’au pays Basque, on dit « cagouille ». Puis, dans certaines régions provençales ou occitanes, on dit « cargole », « cagaroulette » (près de Monte Carlo, ça !), « cagarole » ou bien « cacalau ». Le long de la frontière allemande, en Alsace, on dit plutôt « schneck », assez proche de « beurk » à mes oreilles.
C’est bien évident que beaucoup de ces mots sont liés — toute la poignée de « cags » et « cargs » a clairement la même racine. Mathieu Avanzi, le linguiste derrière ces données, les explique dans l’article lié en haut :
« Il y avait deux mots en latin pour dire escargot : limax et conchylia, explique le spécialiste des régionalismes. Ces deux mots ont évolué de façon différente sur le territoire. En haut du Poitou, ça a donné “luma”, à l’origine du mot limace. Et plus au sud, “cagouille”. »
C’est donc le latin derrière tous ces noms, mais si je suis honnête, le seul mot dont je vois la connexion avec « conchylia », c’est « conch« , l’anglais pour une famille d’escargots marins.
Tout ça, c’est-à-dire que que la variété de mots pour ces animaux, où l’anglais n’a que « snail », me fait tourner la tête en rond. Plutôt comme la spirale de la coquille d’un escargot.
Langue de Molière sera en vacances la semaine prochaine mais vous reverra en deux semaines avec un petit mot sur un mot anciennement très bien connu à Montréal.


Jamais entendu le mot « luma » et pourtant, la Vendée est à quelques kilomètres. Des mots locaux migrent facilement, d’autres noms.
Qui dit « ramasse-bourrier » ? ici, dans l’ouest, Loire-Atlantique, Anjou, pour « pelle à ramasser la poussière, les ordures » (le « bourrier », ça vient des débris de paille qui se séparent du blé battu, puis, ça a désigné les déchets).
Bon, les escargots, je n’en mange certainement pas mais j’en ai des tas sur mon balcon. Ils mangent mes plantes avec voracité. Je ne les tue pas, je trouve ça horrible de les tuer. Je les déplace en les attirant avec de la vieille salade 😉
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Je connais aussi le « ramasse-bourrier », terme employé dans mon enfance !😉
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En Italien : lumacha
je ne les tue pas non plus , je les mets ailleurs , c’est mignon un escargot !
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Donc l’été les T.Pisana envahissent ma région et notre jardinet! Il est impossible de les supprimer tant ils sont nombreux et aucun produit n’est vendu pour ce faire. J’ai bien entendu parler des cagouilles quand j’habitais vers La Rochelle mais tous ceux que je connais parlent d’escargot, tout court. Les Pisana, je n’en ai jamais mangé mais ceux de Bourgogne figurent parfois dans nos repas comme les cuisses de grenouilles ( de plus en plus rarement pour ces dernières car on n’en trouve que des toutes petites qu’il est très fastidieux de manger… Et puis nos goûts ont changé comme notre façon de penser). Désormais je m’en veux lorsque j’écrase un gastéropode !
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L’escargot, le Luma, la cagouille, le petit-gris (petit escargot blanc)… je connais bien puisque je suis près de La Rochelle !
Et pour Noël, la tradition était de déguster des escargots au beurre aillé. Coutume qui se perd car on trouve de moins en moins d’escargots sur les marchés.
Perso, je les aime, comme beaucoup de coquillages marins !
A ce sujet Justin, tu cites une étymologie (que je n’ai pas retrouvée) mais qui correspond bien. C’est le mot latin « conchilya » qui a donné le mot « conchyliculture » qui désigné l’élevage des coquillages. Mais il y a un terme spécial pour les huîtres : l’ostréiculture, un autre pour les moules : la mytiliculture. Et celui qui cultive les huîtres et les moules s’appelle un conchilyculteur !😉
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un vieux film d’animation français Justin sur les escargots
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Courage Justin ! Une fois cuit et avec une sauce, l’escargot ne ressemble pas à cette limace gluante qui rampe sur le sol. 😉
Pour une première fois, il est préférable de les déguster dans un bon restaurant qui sait bien les cuisiner.
Aimes-tu les bigorneaux et les bulots ?
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Jamais goûté ni les bigorneaux ni les bulots — pas disponibles chez moi. Mais je ne suis pas fan des huîtres — sont-ils comme ça ?
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Le goût de tous ces fruits de mer sont différents, avec le côté iodé comme point commun. Je pose la question car le bigorneau et le bulot ressemblent visuellement à un escargot, même si le goût et la texture sont différents. Le frein étant psychologique, il était intéressant de savoir si tu avait déjà mangé ces fruits de mer.
Il est surprenant qu’ils soient inconnus à LA… dans une ville bordées par l’océan. Il n’y en a vraiment pas dans les poissonneries ?
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Je viens d’atterrir pour voir ceci. Il n’y a guère de ce que l’on appellerait une poissonnerie chez moi — juste de petits comptoirs dans les supermarchés. Même chose avec les boucheries, qui n’existent guère non plus !
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Pour la petite histoire, l’Alsace aime beaucoup les escargots, qui y sont dégustés sous deux formes vendues toutes les deux dans les boulangeries.
D’une part, on y appelle « escargot » ce que dans le reste de la France on appelle « pain aux raisins ».
Et d’autre part, le dimanche matin on y apprécie le Schneckkuchen, littéralement « gâteau escargot » qui est une brioche formée de spirales de pâte cuites côte à côte. On raconte que le nom français de cette brioche, « chinois », viendrait du fait que les parisiens des environs de la Gare de l’Est, demandant le nom de cette spécialité, ne l’auraient pas compris et auraient donc décidé de l’appeler… Chinois, comme tout ce qu’un français ne comprend pas. J’imagine qu’un anglophone l’aurait appelé « grec », ce qui n’aurait fait qu’ajouter à la confusion générale 😅
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Oui, je connais la brioche chinoise — mais seulement depuis que j’ai commencé à regarder de vidéos de cuisine en français ! Et oui, on dirait « grec » en anglais, mais on ne parle pas d’une brioche grecque. (Je crois que j’ai vu des brioches de cette façon chez moi, mais je ne sais pas ce que l’on les appelle !)
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En parlant de « confusion » avec le grec, je faisais référence à ce qu’on appelle à Paris un « sandwich grec », ou « grec ». On l’appelle aussi kebab, ou döner dans l’Est, et c’est un sandwich… Turc 😅
Voir pour approfondir ce sujet la vidéo « kebab » sur la chaîne Youtube Epicurieux.
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En Provence on dit des « cacalaouso » ! 🙂
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J’aime bien les matheux ! 😉
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Je ne pensais pas que cette petite bête avait tant de noms en français.
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