Une amie a récemment partagé avec moi un clip d’un humoriste, Maxime Gasteuil. Dans le clip, il fait des crises en jouant des comptines pour son enfant (hors l’écran) pour l’énième fois dans sa voiture. Le voilà :
Je dois vous dire tout d’abord que je comprends. Vous ne connaissez probablement pas The Wiggles ni The Pajanimals, mais les 3 premières années de La Fille ont suffi pour que les deux aient toujours des places parmi mes 20 chansons les plus jouées. Fin juin, le générique des Pajanimals restait encore au-dessus d’Un Jour Dans Notre Vie, ma chanson préférée de tous les temps. Je comprends donc que M. Gasteuil ne raconte rien d’autre que la vérité. Les comptines rendent fou, je le sais.
Il y avait plusieurs comptines dans son sketch qui ne m’ont pas parlé du tout. Il court, il court, le furet et Le bon roi Dagobert n’ont aucun parallèle en anglais et les mélodies ne me sont pas familières non plus. Mais il y en avait une qui m’a fait arrêter tout court, La ferme de Mathurin. Je la connaissais. Cependant, pas de même façon !
C’était bien évidemment une traduction de la comptine britannique « Old MacDonald Had A Farm » (assez littéralement, « Le vieux MacDonald avait une ferme »). Mais ce qui m’émerveillait, c’était les efforts de garder certaines structures à travers les deux langues. On va faire un détour ici.
D’habitude, Langue de Molière se concerne de faits divers autour de la grammaire, ou les expressions. Mais cette fois, c’est la prononciation et surtout les accents. Ce n’est pas exactement un secret que le français et l’anglais ne mettent pas les accents sur les mêmes syllabes. En français, on les trouve vers la fin de chaque mot ; en anglais… c’est plus compliqué, mais en général, si un mot a deux syllabes, l’accent tombera sur la première ; s’il en a trois, sur la deuxième.
C’est bizarre, mais pour autant que j’aime vous écouter tous parler français, je n’aime pas vous entendre en anglais. C’est largement à cause des voyelles, et oui, je suis hyper-sensible au fait que ça va dans les deux sens. Mais les accents, c’est tout autre chose. Je connaissais une fille québécoise au lycée, qui faisait un séjour linguistique d’une année, et il n’y avait rien au monde que j’aimais plus que l’entendre dire le mot « eleven » (onze). C’était exactement l’envers de comment on est censé le prononcer. Un anglophone dirait e-LE-ven, avec le seul accent sur la deuxième syllabe ; elle mettait des accents sur les premières et dernières syllables, E-le-VEN. L’effet était hypnotisant. On aurait pu avoir une conversation comme ça :
Elle : Je veux que tu cambrioles ten (dix) banques pour moi.
Moi : Quoi ? C’est illégal, non !
Elle : Est-ce que j’ai dit « ten » ? Je voulais dire « E-le-VEN ».
Moi : Ah oui, tout ce que tu veux, ma chère !
Je vous jure, quelqu’une rate une opportunité.
Alors, revenons à Mathurin. La chanson en anglais a un refrain :
Old MacDonald had a farm
où les accents se trouvent sur « old », « Don », « had » et « farm ». En français, on chante :
Dans la ferme de Mathurin
et en quelque sorte, avec 7 syllabes dans toutes les deux langues, les accents tombent sur exactement les mêmes endroits. Je les écrirai à nouveau avec les accents en majuscule :
OLD MacDONald HAD a FARM
DANS la FERME de MAthuRIN
On peut voir exactement le même modèle d’accents dans « Mathurin » que dans le mot « eleven » de cette élève québécoise, et pourtant, où c’était exotique et étrange, ici, étalé à travers trois mots d’une syllabe chacune, ça marche parfaitement.
Après, la relation ne tient pas aussi bien. En français, on chante « Y’a des centaines de canards », mais l’anglais se traduirait plutôt « Et dans sa ferme il avait des canards ». C’est deux syllabes de trop, et la traduction privilège le son sur la grammaire. Mais cette première phrase, c’est exacte !
Il y a même un cas que je connais où la traduction en français rime mieux que l’anglais original. Connaissez-vous la série Dinosaures des années 90 ? Il y avait une chanson en anglais, « I’m The Baby, Gotta Love Me« , chantée par le bébé de la famille, une personnalité tres Dogbert ou M. Descarottes. La version française est « Je suis le bébé, il faut m’aimer », et sérieusement, je jurerais que la VF était en fait la VO :
Mais j’ai toujours une question. Mathurin, qui est-il ?
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine, mais attention, on risque de se faire bannir.

En voilà une flopée de références !
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Voilà la vraie question : Qui est Mathurin ?
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Je ne remercierai jamais assez l’ami qui m’avait fait connaître les « Enfantillages » d’Aldebert, qui ont sauvé nos voyages en voiture de ces comptines (et qui se retrouvent encore aujourd’hui, parfois, sur notre playlist, à côté d’Epica – pour papa –, de Michael Jackson – pour n°2 – ou d’AC/DC – pour maman).
Concernant « le bon roi Dagobert », je me suis laissé dire que c’est une chanson qui date de la fin du XVIIIe siècle, à une époque où il était de bon ton de moquer la monarchie et ses représentants. Il s’agit d’une allégorie de monsieur XVI, que le bas peuple estimait incapable de faire quoi que ce soit de lui-même (ce en quoi il se trompait, mais c’est un autre sujet).
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Aldebert est un grand fan de metal, en effet ! Je l’ai croisé pour la 1ère fois à un concert de rock (Midnight Oil en 2019) et je me demandais ce qu’il faisait là avant de découvrir ses chansons pour les enfants bien fichues. Depuis, il a fait le Hellfest pour les enfants (cette année).
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Oui ! Il a laissé traîner quelques indices dans ses Enfantillages (la fin de « le p’tit veut faire de la trompette », quelques passages avec Super Mamie…), et cette année il a sorti un album dédié, Helldebert. C’est très sympa 😁
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HI-YA-HI-YA-OH
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Je dois dire que je n’ai jamais entendu la version « Dans la ferme de Mathurin ». Quand on était gosses, on chantait « Vieux McDonald a une ferme », tout simplement, pour la version française.
Bon, et « Il court il court le furet » a une histoire… pas très innocente…
Je mets le lien https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/chanson-francaise/comptines-pour-enfants-un-double-sens-reserve-aux-adultes_3277847.html
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On disait anciennement que « Ring around the Rosie », une comptine en anglais, était vraiment sur la peste ou la scarlatine, mais en le recherchant pour te mettre un lien, j’ai lu que les historiens ne le croient pas. Pourtant, elle finit sur « nous tombons tous par terre » !
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Est-ce à dire qu’il y aura des chansons paillardes la semaine prochaine ?
Quant à Mathurin, désolé, je ne le connais pas…
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Nan, comme je le dis parfois, j’écris un blog tous publics, genre « La Guerre des robots » plutôt que « Peur sur la ville ». Mais au cas où on ne saurait pas QUELLE guerre des robots, celle-ci :
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/La_Guerre_des_robots_(film,_1986)
Un de ces quatre, je dois écrire sur la différence entre ce qui compte comme « tous publics » aux États-Unis par rapport à la France.
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C’est effectivement une différence culturelle qui étonnent souvent les Français. Mais avec l’usage des réseaux « sociaux » comme le très prude et intolérant Face-de-bouc, on s’y est habitué (plutôt résigné).
Ils ont quand même censuré des œuvres d’art mondialement connues (peintures, sculptures…) sous prétexte que c’était des nus… 😀
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Je ne connais pas Mathurin non plus… 😉
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