Aujourd’hui, je vous présente un nouveau projet du blog. Je vous ai prévenu que vous alliez tous mourir de rire, alors commençons avec la partie la moins ridicule :
Je vais lire À la recherche du temps perdu.
Maintenant, remontons le temps jusqu’en 1999, en particulier vers le 22 novembre, mon anniversaire. Mon frère m’a dit, « T’es le lecteur le plus rapide que je connais. Alors j’vais te donner la nouvelle édition de la traduction célèbre de Scott Moncrieff, et t’vas me dire ce qui est là-dedans. » (Évidemment, c’est une traduction. J’essaie ici de capturer son style personnel tel quel.)

Je me suis assis avec le premier tome, « Swann’s Way », ou comme vous le connaissez, « Du côté de chez Swann ». J’ai atteint la célèbre scène des madeleines, puis je me suis dit, « Nom d’un frère cadet, mais c’est ennuyeux ! » J’ai fermé la couverture et me suis dit que j’y reviendrais plus tard. On dirait que c’est plutôt littéralement ma madeleine de Proust.
26 ans plus tard, le livre attendait toujours mon premier retour, jusqu’à cette semaine. D’une part, je me sens un peu coupable. D’autre part, après avoir aperçu ce qui m’attend dans les deux tomes de Molière, lire un pavé monstrueux en anglais plutôt qu’en français — en sachant que j’aurai besoin d’un dictionnaire 20 fois la page — me semble une bonne idée.
Avez-vous remarqué que ce que ces cadeaux ont en commun, c’est une sacrée quantité de travail fournie par mon frère ? Je n’en parle presque jamais, mais disons qu’il est comme ça de tous points de vue. ([J’insiste sur exprimer le point auquel je suis d’accord. — La Fille])
Alors ce qui se passera, c’est le suivant : Le dimanche — pour autant de temps qu’il me faudra pour tout finir — je vais écrire sur ce que j’ai lu dans ce livre. Si je n’ai guère lu, vous en entendrez parler. Si je réussis à lire plus de dix pages sans m’endormir, vous en entendrez parler aussi. Vous êtes désormais mes parrains involontaire pour me tenir responsable.

J’aurais dû lancer ce projet il y a longtemps. ([26 ans, je dirais. — Mon frère]) Pour autant que j’aime M. Duvert, mon régime littéraire en anglais comprenait toujours plus de classiques que ce que vous avez vu en français. Je continuerai de lire d’autres choses en même temps, car ça ne m’aidera pas à lire en français. Mais je crois sincèrement que c’est une connaissance culturelle importante, et c’est absolument de la matière traditionnelle du blog. ([Regardez qui n’a accroché sa plaque qu’il y a 4 1/2 ans et ose parler de traditions ! Il y a des McDo en France dont les bâtiments sont plus vieux que lui ! — M. Descarottes])
Alors, je vous présente notre premier « Dimanche avec Marcel » :
Cette semaine, j’ai recommencé de nouveau Swann’s Way, Du côté de chez Swann, et je suis allé jusqu’à la fin du premier chapitre, 64 pages en anglais. M. Proust a un style très « flux de conscience » ; il persévère pendant 10 pages à la fois sur une seule pensée, avec de nombreuses digressions sur toutes les autres choses que la pensée lui rappelle. On passe donc ici de 10 pages où il se réveille, en pensant à toutes les chambres où il a jamais dormi, à une vingtaine de pages sur une soirée où il envoie une note à sa mère pour lui demander de venir lui dire « bonne nuit », en passant par une autre vingtaine de pages pour nous expliquer que sa famille connaissait anciennement, pendant sa jeunesse, un certain M. Charles Swann.
Que dire de M. Swann et de la famille du narrateur ? M. Swann vit apparemment « au-delà de sa place » dans sa caste de petite bourgeoisie, et profite d’une sorte de double vie que la famille du narrateur ne connaît que par le moyen de lire Le Gorafi Figaro. Il s’est marié à une femme mal réputée, et la famille, qui l’invitait souvent à dîner chez elle, le faisait désormais moins, à cause de sa désapprobation.
Pour sa part, ce n’est pas du tout évident pourquoi Swann devrait accepter les invitations. La grand-mère et grand-tante du narrateur jouent à des jeux d’esprit contre M. Swann. Les tantes du narrateur font pareil, où leur idée de le remercier pour une bouteille de vin est de dire « On a des voisins gentils » plutôt que « Merci du vin ». Le narrateur me semble un peu fou, mais pas surprenant vu son milieu familial.
Tout ça finit sur la célèbre madeleine. Le narrateur se trompe gravement ; seulement un gâteau forêt-noire ou un millefeuille a de telles propriétés. Non, mais sérieusement, je comprends, mais la puissance de cette scène baisse face au fait que tout semble provoquer des voyages dans les souvenirs chez le narrateur.

Hello Justin ! Tu m’as bien fait rire ! Proust j’ai essayé plusieurs fois plus jeune, ennui total. Mais depuis cet été je m’y replonge de temps et temps avec passion car ça y est je vois toute la richesse de la langue, je reste baba de ces longues phrases à la syntaxe parfaite, elles me perdent souvent mais en fait j’adore m’y perdre, dans ces phrases. C’est délicieux cette grammaire et cette syntaxe absolument maîtrisées. Comme une bonne musique. Et je perçois aussi tout l’humour et la causticité de l’auteur. Bref j’adore. Alors tu sais quoi ? Je vais te suivre dans ton projet, chaque dimanche je lirai un peu de , plutôt que je l’oublie sur mes étagères ! Bon dimanche Justin ! ✨
J’aimeAimé par 1 personne
Super ! Ravi que tu y trouves de l’inspiration !
J’aimeJ’aime
😁
J’aimeAimé par 2 personnes
Mon épouse a essayé de lire Proust en français – ce qui est de toute façon mieux que lire une mauvaise traduction chinoise, comme elle l’avait fait notamment avec Madame Bovary.
Je crois qu’elle s’est endormie avant d’arriver à la fin du premier paragraphe, et n’a pas réessayé depuis. Je devrais peut-être lui suggérer cette lecture pour ses soirées d’insomnie 😇
Bon courage Justin !
J’aimeAimé par 1 personne
Quel courage !
Je suivrai ton périple de (très) loin. Je ne suis pas assez maso pour m’infliger ces tortures littéraires. 🙂
Depuis que le Bac de français est passé avec son cortège de lectures obligatoires et ennuyeuses, je n’ai plus jamais lu aucun roman.
Cependant, il y a eu une exception pendant mes années au lycée : « Quatrevingt-treize » de Victor Hugo (et peut-être aussi « L’Homme qui rit« ). Quand j’ai vu le pavé (sans image !), je me suis dit que la punition continuait. Quand j’ai terminé, je me suis dit « Quoi ? C’est déjà terminé ? ». J’avais beaucoup aimé !
Mais c’était vraiment une exception.
J’aimeAimé par 2 personnes
Beau challenge Justin.
L’idée me plaît bien !
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai explosé de rire à « que c’est ennuyeux! ». Proust a la réputation de de faire des phrases très longues avec des virgules partout. Vous êtes bien courageux.
Je n’ai pas lu Proust mais à la fin du lycée j’étais dans une section littéraire et mon prof de français nous avait raconté une anecdote au sujet de la madeleine: en fait il s’agissait d’une biscotte. Le problème c’est que la biscotte fait moins rêver que la madeleine, ça gratte un peu la gorge et même prononcer « biscotte » c’est moins beau que « madeleine ».
J’ai programmé un article sur mes livres préférés qui paraîtra dans 2 semaines. Il y a 2-3 bouquins en français et pas des classiques. Avec un peu de chance certains vous inspireront.
J’aimeAimé par 1 personne
Pour moi aussi, ce fut presque un mauvais souvenir littéraire ! Je ne suis même pas sûre de l’avoir lu en entier !
Autant j’ai apprécié Balzac, Zola, Hugo, Voltaire, autant j’ai détesté Proust et Dostoïevski…
Mais j’attends tes impressions car je suis une grande lectrice ainsi que les discussions autour des livres.
Je connaissais également l’histoire de la madeleine au lieu de la biscotte !
Bon courage Justin 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Ping : Saison 3, Épisode 42 — Marcel et moi | Un Coup de Foudre
J’ai essayé de le lire il y a des années de cela mais j’ai aussi vite abandonné 😉
J’aimeJ’aime