Assiette de madeleines faites maison par Justin Busch

Dimanche avec les Vinteuil

On reprend Du côté de chez Swann avec un cœur lourd, parce que finir la semaine la plus déprimante de chaque année avec exactement ce que j’ai lu dans ce livre cette semaine…je ne peux que citer le grande philosophe Calimero, qui nous dit « Ça, c’est injuste, c’est vraiment trop injuste. » J’avance de 40 pages cette fois ; on a terminé 40 % du premier tome, mais l’épreuve que je me suis mise, je n’aimerais pas la revivre.

Vous souvenez-vous des Vinteuil, le prof de piano et sa fille ? Je me suis demandé la dernière fois si l’odeur d’amandes amères liée à Mlle Vinteuil voulait dire quelque chose de sombre. Avant de continuer, j’aimer donner tout le crédit pour ça à la première ligne de L’amour aux temps du choléra, qui dit « L’odeur d’amandes amères rappelait toujours au docteur Urbino le sort de l’amour sans retour. » Je déteste ce livre-là, qui a donné au jeune moi la fausse idée que patienter 50 ans pour quelqu’une est noble. Mais le lien entre les amandes (vraiment, la cyanure) et la mort est gravé dans mon esprit. De toute façon…

On apprend qu’une femme est venue vivre chez les Vinteuil, et que tout le monde le croit un scandale sauf M. Vinteuil, qui se convainc qu’elle est là pour des raisons désintéressées.

À partir d’une certaine année on ne la rencontra plus seule, mais avec une amie plus âgée, qui avait mauvaise réputation dans le pays et qui un jour s’installa définitivement à Montjouvain. On disait : « Faut-il que ce pauvre M. Vinteuil soit aveuglé par la tendresse pour ne pas s’apercevoir de ce qu’on raconte, et permettre à sa fille, lui qui se scandalise d’une parole déplacée, de faire vivre sous son toit une femme pareille. Il dit que c’est une femme supérieure, un grand cœur et qu’elle aurait eu des dispositions extraordinaires pour la musique si elle les avait cultivées. Il peut être sûr que ce n’est pas de musique qu’elle s’occupe avec sa fille. »…L’amour physique, si injustement décrié, force tellement tout être à manifester jusqu’aux moindres parcelles qu’il possède de bonté, d’abandon de soi, qu’elles resplendissent jusqu’aux yeux de l’entourage immédiat.

Désolé pour la longue citation, mais ça explique en même temps le comportement de cette femme et la dénégation de M. Vinteuil. Bref, sa fille a pris une amante lesbienne sous leur toit. Proust dit ça de manière si elliptique que j’ai dû relire cette partie plusieurs fois pour la comprendre.

Puis, la tante Léonie meurt. Le narrateur avoue qu’il avait mal compris l’attitude de Françoise à son égard. Il avoue en plus qu’il avait développé l’habitude de dire du mal de sa tante afin de contrarier Françoise. J’avais dit plus tôt que je me méfiais des commentaires du narrateur, selon qui tout le monde se révèle de caractère lamentable tôt ou tard.

Puis le narrateur décrit une pensée pendant ses balades qui m’a fait arrêter tout court

Parfois à l’exaltation que me donnait la solitude, s’en ajoutait une autre que je ne savais pas en départager nettement, causée par le désir de voir surgir devant moi une paysanne que je pourrais serrer dans mes bras. 

Ah oui ? On attrape souvent n’importe quelle paysanne par hasard ? Je sais que le livre a plus de 100 ans, et les mœurs ont changé, mais pas comme ça, je pense. Ce n’est que le début d’une longue digression sur son désir de trouver n’importe quelle fille de la région. « Heureusement » pour elles, cette partie se termine par un rappel que le narrateur est, en fait, aussi incapable de s’exprimer que moi.

ne pouvant me résigner à rentrer à la maison avant d’avoir serré dans mes bras la femme que j’avais tant désirée, j’étais pourtant obligé de reprendre le chemin de Combray en m’avouant à moi-même qu’était de moins en moins probable le hasard qui l’eût mise sur mon chemin. Et s’y fût-elle trouvée, d’ailleurs, eussé-je osé lui parler ?

Je n’en peux plus de ce type.

Je ne vais rien citer des 10 dernières pages de ma lecture de cette semaine. Un certain temps passe — il ne m’est pas clair combien, et M. Vinteuil meurt. Le narrateur espionne Mlle Vinteuil et sa copine par la fenêtre et écoute leur conversation. Il s’avère qu’elle méprise son père disparu, mais aime l’entendre dans la bouche de sa copine. Proust appelle ça du sadisme, mais je ne suis pas sûr de qui est la victime. Le narrateur dit encore et encore que Mlle Vinteuil est en deuil, mais ça me semble sa naïveté. Quand c’est moi qui appelle quelqu’un naïf, cette personne est vraiment un danger à soi-même.

M. Vinteuil avait ses défauts, mais je crois qu’il n’était pas un mauvais type, et cette partie était extrêmement dure à lire. Je ne garde pas beaucoup d’espoir que le reste s’améliorera, mais si le narrateur arrête de parler de ses fantasmes féodales envers les femmes du quartier, ce sera un soulagement.

(Ne me dites pas que ça arrive si vous l’avez déjà lu. Laissez-moi garder un peu d’espoir.)

17 réflexions au sujet de « Dimanche avec les Vinteuil »

  1. Avatar de C'est en lisant...C'est en lisant...

    Il faut tout de même te féliciter pour ton entreprise parce que pour s’imposer un pensum publiquement quand rien d’autre ne nous y oblige… c’est presque vouloir être sanctifié! Ton lectorat te décerne le diplôme de ton choix sans plus tarder… à toi d’en rédiger le libellé !

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      1. Avatar de C'est en lisant...C'est en lisant...

        Je relis mon dernier commentaire et soudain il m’apparaît que tu pourrais imaginer une critique à l’égard de la syntaxe de tes textes. Je m’empresse donc de dire que tout le monde, moi y compris, doit lire un peu de Proust sur ce plan d’étude. Bon lundi !

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