On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec Joe Dassin. « Mais Justin », vous me dites, « vous avez été frappé à la tête par une boule de bowling ? Il est mort en 1980, et n’a pas apparu à la télé en 2023 ! » Oui, je sais, mais pour la première fois depuis le commencement du projet, on parle d’un artiste parce que sa musique a été jouée en reprise par quelqu’un d’autre pendant la diffusion, dans ce cas, Gaëtan Roussel, Matthias Malzieu et Sharleen Spiteri. J’avais dit au début que l’on allait faire exactement ça, en sautant tout artiste étranger. De cette façon, je peux ignorer Ed Sheeran, le résultat le plus important. Si c’est injuste envers Zucchero (qui j’aime bien) ou Mme Spiteri, tant pis.

Vous avez sûrement remarqué que je n’ai pas répondu à la question de la boule de bowling.
Alors, Joe Dassin. Ici, on parle de l’artiste qui devrait être le plus « Coup de Foudre » de tous, parce qu’il était, en fait, américain, né à New York à 1938, et y habitant jusqu’à ses 12 ans. À cause de ça, j’ai dû absolument l’entendre parler anglais — voici une interview au Canada, tournée environ un an avant sa mort (selon les commentaires — la description ne mentionne rien) :
À vrai dire, il sonne presque exactement comme mon père, élevé juste au sud de New York, dans le New Jersey. (Les pauvres.) J’étais bouche bée, car même si je le savais avant, j’avais une impression qu’il devait acquérir un accent beaucoup plus français en y travaillant.
On appelle le fait que vous l’aimez quand même « l’espoir ».
Les Dassin se sont expatriés parce que son père était communiste (et franchement, vous ne devriez pas confondre le vôtres, qui se montraient des patriotes pendant la SGM, avec les nôtres, qui soutenaient les Allemands et ont donné nos secrets nucléaires à l’autre Joe, Staline). C’est donc comment Jules Dassin est devenu réalisateur en France, et après ses études universitaires, Joe est arrivé en France pour travailler sous lui.
En 1963, Joe Dassin rencontre Maryse Massiéra, une française avec des contacts chez CBS Records, qui lui aide à y obtenir un contrat. Entre 1964 et 1966, il sort 4 EPs (des disques vinyles avec 3-4 chansons), mais c’est seulement avec le quatrième où il sort enfin un single, Guantanamera. J’ai dû l’écouter, parce que je la connais très bien, cette chanson. Mais quelque chose ne va pas :
Je l’ai écoutée en me disant, « La mélodie est correcte, sa voix est agréable, mais les paroles sont toutes foutues. Qu’est-ce qu’il y a ? » Puis je me suis rendu compte — c’était en français. Il faut comprendre que je la connais depuis mon enfance, chantée à chaque fois par des mariachis ou autres chanteurs hispanophones, en espagnol. Peut-être que vous avez eu la même expérience en écoutant « My Way » de Frank Sinatra dont la musique vient de Claude François et sa « Comme d’habitude », mais les paroles sont en anglais (et n’ont rien à voir). En même temps, il épouse Mme Massiéra.
Son premier album en 1966, Joe Dassin à New York, comprend une sélection de chansons des 4 disques EP, notamment « Je change un peu de vent », ce que je connais en anglais sous le nom « Freight Train ». C’est déroutant pour moi, et un succès modeste pour lui.
1967 voit son premier vrai tube, « Les Dalton », qui traite du Far West (pourquoi Far, qui veut dire loin ? J’y habite.), premier single des Deux Mondes de Joe Dassin :
Je le trouve facile à comprendre, comme David Niven ou Tommy Duggan dans les films. Il me rappelle moi-même. Alors d’où les plaintes sur ma prononciation, hein ? (Je plaisante. Peut-être.)
À cette époque, il rate une opportunité en sortant un tube pour France Gall, Baby Shark, mais il l’intitulé en français, Bébé Requin, plutôt que la comptine qui a conquis le monde entier en 2017. (Sorti quand même en français plus tard.)
Pendant Les 30 Ans de Taratata, Vincent Delerm a chanté « Les Champs-Élysées ». Puis La Fille est revenue du lycée en la chantant aussi. Ça vient de son troisième album, dit Joe Dassin, mais surnommé pour cette chanson.
C’est… plus vite que ce que M. Delerm m’avait mené à croire. Mais tout ce dont j’ai vraiment besoin de savoir, c’est que toute l’arène chantait avec lui. Pas pour la première fois, je note que quand une arène pleine de Français sont d’accord et il ne s’agit pas de Jul, je fais attention. (Quand le livre sortira, je ne serai plus le bienvenu à Marseille, vu toutes mes blagues sur ce monsieur.)
Cet album nous donne aussi « Siffler sur la colline », la chanson jouée sur Taratata par les 3 artistes mentionnés au début.
Son quatrième album, en 1970, s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans d’après le plus grand tube d’y venir, La fleur aux dents :
C’est agréable, mais je commence à voir une formule répétitive : un tempo rapide, pas trop d’instruments (c’est pas les Beatles ici) et un refrain avec des « la la la » pour le public à chanter. En même temps, je commence à soupçonner que la réponse à la question de l’accent est qu’il est agréable si celui d’où il vient se considère beau. Ça expliquerait beaucoup de choses.
Personne ne va me convaincre que cet autre clip, « L’Amérique », du même album, est rien d’autre qu’une hallucination.
Son cinquième album s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans comme « Elle était oh », d’après son plus grand tube :
Je vous jure, j’avais écrit ce commentaire sur les « la la la » avant d’entendre celle-ci, qui commence avec « la da di la da di ». De toute façon, cette chanson est le seul tube de l’album, alors il change de direction.
Son sixième album s’appelle simplement Joe. Là, il retrouve du succès avec une chanson dite Taka takata — à ce point, les « la la la » sont le point. C’est une reprise d’un tube espagnol.
Ce n’est pas seulement moi qui s’ennuie de la formule. Ses deux prochains albums ne connaissent pas de grand succès, mais sa triomphe ultime arrivera prochainement, L’été indien, un single sorti tout seul, puis sur une nouvelle version de son huitième album.
Il ne quitte pas toutes ses habitudes — la moitié des paroles sont juste « Ba da da » (à mes oreilles) encore et encore. Mais c’est un « slow » avec des narrations, plus pensif que ses prédécesseurs.
Mais il ne connaîtra qu’un succès de plus, avec son dixième album en 1976, Le Jardin de Luxembourg, double disque d’or qui voit deux tubes, À toi et Le café des 3 colombes. Cet album est sorti la veille de ma naissance ; désolé, ce qui suit est probablement de ma faute en quelque sorte.
En 1977, il rencontre une jeune rouennaise, Christine Delvaux, et décide de l’épouser. D’habitude, je lui féliciterais pour ça. Mais comme j’ai mentionné avant, il était déjà marié à la femme qui a…euh… fait sa carrière. Les deux divorcent, et il épouse la rouennaise (encore une fois, un bon choix, c’est l’infidélité qui me dérange). Malheureusement, il a aussi vécu une vie de star, avec des drogues, et avait aussi des problèmes cardiaques depuis son adolescence. Début 1980, il y a un deuxième divorce, mais des mois plus tard, il est mort d’une crise cardiaque.
Que penser de Joe Dassin ? Il me semble que mes notes habituelles ne s’appliquent pas ici. D’une part, je trouve beaucoup de sa musique répétitive, et je ne peux que soupçonner qu’une partie de sa popularité vient d’être un bel étranger avec un accent intéressant. Si on veut dire que je suis jaloux que ce qui est pour moi une barrière soit pour lui un atout, je ne le contesterai pas. D’autre part, on trouve plusieurs classiques de la chanson française ici, et pour ça, tout le monde, apparemment même Maryse Massiéra, peut pardonner le reste.

La célébrité fait changer les artistes la fin de vie précoce inévitable , il galope désormais avec les Dalton profitant éternellement de l’été indien
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Toute mon enfance. Surtout « L’été indien » qu’on n’arrêtait pas d’entendre. Mais, ce qui est marrant, c’est que je n’avais jamais écouté Joe Dassin parler en anglais ! Pour moi, étant enfant, son accent américain ressemblait à un truc un peu faux, comme celui des Johnny, Eddy Mitchell. Car, oui, ils le faisaient tous, pour se donner un style : « les gars, on vient des States » — et franchement, c’était usant.
Je m’aperçois que j’avais tort, connaissant pourtant les origines des Dassin. J’aime beaucoup ses intonations, de plus.
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Je ne me suis jamais rendu compte de la possibilité qu’il y ait quelque chose de faux dans les intonations de Johnny ou Eddy Mitchell. Je croyais toujours qu’ils avaient juste adopté des noms de scène anglais. Il me faudra faire plus attention à cet égard !
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Comme beaucoup d’artistes de variété et de chanson française des années 60 et 70, je connais… un peu trop même. Et beaucoup, beaucoup trop entendu malgré moi (pas beaucoup de choix, et trop petit pour choisir à l’époque)…
Donc, vraiment pas agréable à écouter à nouveau… Mais une chanson quand même que je préfère parmi toutes : « Marie-Jeanne ».
Une sorte de reprise/traduction de Ode to Billy Joe. Et en version Joe Dassin, je peux la réécouter souvent tellement elle file le frisson.
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Je comprends tellement cet sentiment ! J’ai aussi grandi dans les voitures de mes parents, les radios figées sur les chaînes de nostalgie, au point où je connais la musique des années 60 mieux que celle des années 80. Sans l’aimer !
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Jo Dassin, pour moi, c’était un monsieur auquel Michel Drucker consacrait régulièrement des émissions d’hommages, sans que j’ai vraiment accroché au bonhomme — trop typé “années 70” à mon goût, je pense…
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Par contre je voudrais faire un petit point historique en réaction à cette remarque :
> vous ne devriez pas confondre le vôtres, qui se montraient des patriotes pendant la SGM, avec les nôtres
Non, les communistes français n’ont pas été « patriotes » au sens où on l’entend normalement, c’est à dire : au service de leur pays. Ils étaient au service de l’URSS et suivaient les ordres de Moscou : à l’époque du pacte Molotov-Ribbentrop, leur action principale consistait à faire ce qu’ils pouvaient pour saboter l’effort de guerre français. Ils n’ont basculé dans la Résistance et une forme de patriotisme qu’au déclenchement de l’opération Barbarossa, et ont réussi à la fin de la guerre le coup de génie de se faire passer pour des résistants de la première heure. La “guerre” de Maurice Thorez est édifiante.
Attention, la période était compliquée, le parti a aussi connu des dissidences. Mais sa direction (voir le sieur Thorez) suivait absolument les ordres du “petit père des peuples”.
Pour la suite de la guerre, regardez l’histoire du couple Joliot-Curie, vous verrez que le Jo de l’est avait aussi ses bons amis parmi nos élites scientifiques.
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J’aurais dû faire plus attention là, mais j’entends souvent des remarques nostalgiques qui me suggèrent que l’histoire était moins pénible qu’aux États-Unis. Je me souviens même d’avoir vu un petit mémorial à leurs efforts pendant la SGM près du Jardin des Plantes à Paris, ce que je ne peux même pas imaginer aux États-Unis. J’étais également étonné à découvrir en 2020 qu’ils existaient toujours en France, et avaient l’habitude d’emprunter leur quartier général aux maisons de haute couture. Il me semblait que l’histoire devait être tout autre chose. Il reste un parti américain, mais l’idée qu’ils auraient des députés, aussi impossible à imaginer !
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Joe Dassin représente pour moi la variété française, style « balade irlandaise » et beaucoup de souvenirs.
Ses paroles étaient simples, faciles à retenir, faciles à chanter.
Justement, j’avais appris à mes amis anglais « Les Champs-Elysées » et on la chante à chaque fois que l’on se retrouve.
Mention spéciale aussi à « Marie-Jeanne » que je place en tête !
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Personnellement j’ai vraiment apprécié, et je chante encore souvent, plusieurs chansons de Joe Dassin dont l’accent et la séduction ravirent mes rêves de jeune fille. Pour moi l’accent américain est un atout absolu pour me plaire. Ton article est excellent car tes ressentis sont plaisants à découvrir même si tu ne l’apprécies pas vraiment. La première vidéo, que j’ai réécoutée avec délectation, présente des commentaires divers : un tel pense comme nous que la consommation de drogue fut un défaut condamnable et moi je partage ton ressenti sur l’infidélité… un autre estime que l’accent français est meilleur que l’anglais mais sur ce point je préfère te faire confiance. Écouter ton papa plaider me bercerait donc autant que l’interview de ce chanteur incontournable et qui excelle à unir un groupe de gens de bonne humeur en poussant la chansonnette. Merci infiniment, Justin, pour m’avoir ramenée en haut de la colline à Joe ! Et je siffle volontiers pendant que La Fille entonne Les champs Elysées…
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Ping : Saison 4, Épisode 1 — Un machin pour Kévin | Un Coup de Foudre
Tu t’es pris une boule de bowling dans la tête ?
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Non, pas vraiment, c’était juste une blague à cause du fait que j’avais écrit quelque chose qui semblait dire que je croyais avoir vu Joe Dassin en live à la télé !
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Ok 🤭
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Il est décédé en 1980, moi née en 1978, et même si je suis pas fan plus que ça, je connais quasiment toutes ces chansons !
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