Portrait de Molière par Nicolas Mignard

À la WHAT ?

Pendant longtemps, une expression qui me rendait perplexe était « à la une ». Ça semblerait être incorrect vu la séquence de voyelles ; on penserait plutôt à « à l’une ». Mais cet échange entre deux de mes personnes préférées sur Twitter a éclairci le point :

Au cas où ce ne serait pas clair pour les utilisateurs de VoiceOver — je ne sais pas ce qui arrive avec les Tweets embarqués — l’important, c’est que selon Anne-Élisabeth Moutet, « c’est une contraction de « la page une », donc « la une ».

Plus récemment, une autre expression dans un tweet m’a rendu encore plus perplexe :

Encore une fois, au cas où, ça dit :

Quand est-ce que vous avez appris que c’était « à la one again best to fly » et pas « à la walegaine bistoufly » ? moi il y a 7 minutes

Ça pose tant de questions ! À partir de « Ce n’importe quoi veut dire quelque chose ? », finissant avec « Fly ? On vole où ? », en passant par « Et pourquoi pas « l’one » au lieu de « la one » ? » Je dois vous dire que je n’ai pas trouvé de bonnes réponses à toutes ces questions, si seulement pour la même raison qu’il n’y a pas de bonne réponse à la question de ce qui voulait dire Q-bert :

Capture d'écran du jeu vidéo Q-bert des années 80s. Une fois touché par un ennemi, il abandonnait en disant « @!#?@! »
Ce qui dit M. Q-bert, Capture d’écran personnelle

Cette expression semble être fortement liée à un humoriste, Franck Dubosc, qui je connais seulement par nom. Voici un exemple (à 3:25 de la vidéo, intitulée « Le relou ») :

Ce clip n’est pas exactement le genre d’humour que l’on trouve ici d’habitude — il met les mains partout, ne respecte pas l’espace des autres, et en général, se comporte comme un animal. Ce n’est pas mon truc, mais pour nos buts, ce qui compte est que le contexte éclaircit seulement le genre de personne qui la dit. Son interlocuteur ne réagit pas. On peut au moins entendre clairement les mots en anglais, et la séparation entre « la » et « one ».

Le site Guichet du Savoir, souvent utile pour ce genre de question, m’a dirigé vers un article de 2014 dans La Provence. Là, on apprend :

« Wanegaine bistoufly » vient en fait d’une expression, originellement employée dans la région marseillaise dans les années 90, qui est de faire une action « à la one again ».

Un anglicisme sans rapport avec sa traduction en français qui signifie qu’on a fait quelque chose avec négligence.

L’humoriste Franck Dubosc s’est largement réapproprié cette expression dans de nombreux sketches.

Une association ose un clip à la « Wanegaine bistoufly » par Sylvain Pignol, La Provence, 26/2/14

Ce journal confirme le lien avec M. Dubosc, mais apparemment, il ne l’a pas inventée. Mais je dois ajouter, je ne suis pas sûr de sa traduction littérale en français. « Again » est simplement « encore une fois », mais à moins que « à la one » veuille dire « à la une », ça ne veut rien dire en anglais. L’article de Guichet du Savoir ajoute que personne n’a vraiment avancé sur cette explication jusqu’à maintenant, et leur article date de janvier de cette année. On dirait donc que l’on n’en va pas plus apprendre sur « à la one again »

Mais « best to fly » ? Littéralement, ça veut dire « mieux vaut voler » en anglais, mais au-delà de ça, je ne trouve aucune explication sérieuse. Un internaute propose que Jeanne d’Arc avait quelque chose à voir avec ça :

Une autre possibilité serait à mon avis que Jeanne d’Arc ait dit « I won again and it’s best (for the British) to flee ! ». Mais je ne sais pas comment le flee serait devenu fly.

French Stack Exchange

Ce qu’il suggère se traduirait en français par « J’ai encore une fois gagné alors mieux vaut fuir, les Britanniques ! » Mais ça ne peut être qu’une blague, parce que Jeanne n’aurait rien dit en anglais et en plus, l’anglais de l’époque était loin du mien. (Dommage, parler comme ça serait plus cool.)

J’en conclus qu’il n’y a rien pour en conclure. « Best to fly » ne veut absolument rien dire, même si on a trouvé une petite explication pour « à la one again ». Mais si ça va être votre niveau en anglais, je ne veux plus rien entendre sur les anglophones qui se croient malins en disant « sacré bleu » et « zut alors ». Au moins ces deux existent en français, même si en désuétude.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec la folle histoire des œufs.

26 réflexions au sujet de « À la WHAT ? »

  1. Avatar de vanadze17vanadze17

    Il est vrai que je ne me suis jamais posé la question avant ton article Justin ! Pour moi, c’est une évidence…

    D’après mes recherches, l’expression « A la une » serait une expression « figée », donc on ne la transforme pas.
    Et devant un nombre devenu un nom, on n’emploie pas le l’.
    Exemple : le onze de France (l’équipe de football)
    A la Une (l’article le plus important d’un journal, en première page) signifie donc quelque chose de très important.

    Peut-être que quelqu’un, ici, aura des explications plus précises.

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  2. Avatar de AnagrysAnagrys

    Cornejidouille, il faut que je vienne ici pour découvrir une expression populaire française ! Je ne parle pas de « à la une », évidemment, celle-ci est connue de quiconque a eu la chance (?) de regarder un JT pendant les 40 dernières années, au-moins. Mais le « wanegaine bistoufly » ne sonne aucune cloche chez moi, que veut dire cette chose ? À ma décharge, j’ai passé un long moment à l’écart du bruit télévisuel, j’ai dû rater pas mal de choses à cette époque…

    (note pour l’auteur : « ne sonne aucune cloche » est une traduction littérale de l’expression similaire en anglais, que j’utilise en mode « sky ! my husband » ou « name of a pipe », je doute qu’elle fonctionne avec un non anglophone)

    Quant à « sacré bleu », j’avoue ne l’avoir jamais entendue non plus — à ne pas confondre avec « sacrebleu » qui, lui, est courant, ne serait-ce que dans la bouche de ma tante. Entendons-nous bien : l’expression est la même. Et comme dans « nom de bleu ! » que ma mère affectionnait quand on l’embêtait un peu trop fort étant petits (ce qui arrivait… rarement, bien sûr, mais ça arrivait !), le « bleu » permet de ne pas utiliser le mot « dieu », mal vu dans le contexte d’un juron.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Je n’arrive à trouver « Cornejidouille » nulle part, mais il y a apparemment une série de livres pour enfants avec un titre presque pareil, Cornebidouille :

      C’est Google qui m’a suggéré ça, je ne suis pas si malin que ça ! Mais c’est souvent le cas que je publie quelque chose comme celui-ci, et les lecteurs répondent avec tout genre de faits divers que je n’allais jamais découvrir !

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  3. Avatar de LadyButterflyLadyButterfly

    Bon, reprenons. « A la une », bien entendu, désigne « à la première page » ‘une » étant considéré ici comme un substantif. (cf. 5 colonnes à la Une, célèbre programme de télévision des années 50 et 60).

    Rien à voir avec l’expression argotique qui a été brièvement utilisée et qui n’est pas une invention du (pas drôle) Dubosc  » à la one again ». En effet, ça veut dire « n’importe comment ». « j’ai fait ça à la one again », c’est typiquement du langage populaire des années 90/ début 2000. Alors, pourquoi utiliser un anglicisme qui ne veut rien dire (déformation de « once again ») ? Pour se moquer des personnes qui utilisaient des anglicismes à tout bout de champ sans savoir ce qu’elles disaient, tout simplement! D’où l’ajout, parfois, du « bistoufly » (best to fly, déformé) afin d’exagérer la moquerie. Et …c’est tout.

    Pas d’étymologie de Jeanne d’Arc (n’importe quoi), ni rien d’autre. Et on ne l’utilise plus vraiment, voire pas du tout.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      J’ai compris que le truc about Jeanne d’Arc était une blague ! C’est juste le genre de fausse explication que j’ai trouvé. Il reste bizarre à mes yeux que l’on invente une expression comme « best to fly » plutôt que mal utiliser quelque chose avec une vraie signification, comme on voit avec « jogging » ou « pressing ».

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  4. Avatar de BillieBillie (IEQH)

    Avec Voice Over tout est indiqué! Beaucoup d’info (qui a écrit quoi et quand et etc) mais c’est lisible ! Merci beaucoup pour les notes explicatives au cas où!
    J’étais persuadée que c’était « à la wana gain » (et c’est tout). Mon père me l’a sorti l’autre jour et TactilAudio a écrit: « à la we again ».
    Bistoufly ça me fait vraiment penser à bistouquette. Du coup je ne sais pas s’il y a une explication très sérieuse pour le « fly ».

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      1. Avatar de BillieBillie (IEQH)

        Haha oui mes excuses, c’est pas un super mot. Il est passé il n’y a pas longtemps chez Jour d’humeur. C’était je crois l’article sur les charlots et à un moment il parlait d’une chanteuse nommée Debby Stouquette (je n’avais pas de suite compris le jeu de mot).

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  5. Avatar de Light And SmellLight And Smell

    Il y a des expressions comme ça… Plus jeune on disait « à la one again fly » par chez moi et je découvre donc ici « à la one again best to fly ».
    Est-ce que je vais te pousser à t’arracher les cheveux si je te cite une autre interjection (qui semble stéphanoise vu comme nous regardent mes amis venant d’autres régions) : « foua nom de night ».

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      1. Avatar de James JonesJames Jones

        Effectivement, y a aussi « Stouquette » (version guignols de l’info à la grande époque ^^), « pas piqué des hannetons » (que j’utilise encore 🤣), « hurler au plafond », « un petit de hamster 🐹 sur une toile cirée « , et j’en passe…

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      2. Avatar de Light And SmellLight And Smell

        Pas piqué des hannetons, ça me semblait courant mais maintenant que tu le mentionnes, je ne suis pas certaine de l’avoir beaucoup entendu ! Et me voilà intriguée par l’expression un petit de hamster sur une toile cirée.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Attends le billet de la semaine prochaine, sur un sujet qu’une expatriée de ma connaissance insiste est une farce et n’existe pas ! (J’ai assez de preuves qu’elle a tort, mais c’est certainement pas de sa région natale.)

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  6. Ping : Saison 4, Épisode 3 — La vérité sur Swann | Un Coup de Foudre

  7. Avatar de Bernard BelBernard Bel

    J’ai une réponse de mon ami et collègue Médéric Gasquet-Cyrus, spécialiste des accents régionaux et du marseillais en particulier. Il m’a envoyé une chronique qu’il avait publiée il y a quelques années sur le « à la one again », et que je reproduis dans son intégralité :

    A la one again est une locution plaisante employée pour qualifier de manière positive quelque chose de particulièrement remarquable ; par exemple, pour une soirée, on s’habille à la one again, on se coiffe à la one again et on se met des chaussures à la one again, vous voyez ? A la one again, c’est bien, c’est classe, c’est à la mode, c’est en question, c’est en place, c’est tendance…

                Un truc à la one again a fly, c’est pareil, mais en mieux ! Mais pourquoi fly ? On ajoute a fly pour faire du stïle, pour faire pseudo-anglais … Ce n’est d’ailleurs pas forcément marseillais puisqu’on retrouve ce « truc » dans un sketch de Franck Dubosc sous la forme one again bistoufly.

                Ce qui nous ramène aux origines possibles de l’expression. Pour certains, cela viendrait des flippers et autres baraques des années 1970 où l’on trouvait des formules comme « one again » ou « once again », dans la lignée des « play again », c’est-à-dire « jouez encore une fois », « une bille de plus », etc. Mais pas de one again a fly.

                Cette expression nous vient bien sûr de l’anglais puisque one again signifie « un de plus », « encore », c’est donc une invitation à en rajouter, par exemple un pastis. En effet, selon certaines sources, c’est dans les bistrots que one again a fly serait né. Pour commander un nouveau verre (donc one again, « un autre » en anglais), certains clients auraient pu dire « à l’anglaise » : one again, puis one again a fly. D’où le mot fly utilisé de nos jours pour désigner le « pastis », et le refrain de la chanson de Quartiers Nord issue du spectacle du même non : « One again a fly / C’est ma tournée // One again a fly / Et toi tu la remets »

    On trouve pourtant de drôles de graphies, par exemple avec un « w », comme pour cette série d’affiches illustrant des expressions marseillaises dont je vous ai parlé, et signées « Wanegaine 2015 », ou bien avec ce texte laissé sur internet par une certaine johannab expliquant, toujours avec un « w » : « Le “wanegaine” est plus un etat d’esprit qu’une façon de se comporter. Meme si cette “philosophie” influence le mode de vie, elle reste une conception de la réalité définit par la non prise de tête et le délire permanent. Etre “wanegaine” c’est avoir ce petit grain de folie qui donne la joie de vivre et la jouissance au quotidien. »

    C’est ce petit grain de folie que doit avoir mon collègue Splyf le Varois qui, sur le chat de notre petit jeu Clash of Clans, nous a sorti la forme « walegen », avec un « l ». Sur le coup on n’a pas compris, on croyait que Splyf partait en biberine… Alors certes, on est loin de l’anglais, mais on s’en cague, puisqu’on vous l’a dit, on est dans la philosophie, dans une autre conception de la réalité et un délire permanent. Walegen !

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  8. Ping : Et tu verras | Un Coup de Foudre

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