On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata, cette fois avec Alain Chamfort. J’évitais ce moment à cause de sa discographie énorme, mais il faut continuer tôt ou tard.

Alain Le Govic est né en 1949 à Paris, mais a grandi dans le Val-d’Oise. Il apprend le piano à partir de sa plus jeune enfance mais plutôt que poursuivre des études formelles, de ses 11 ans, il commence à s’intégrer à une série de groupes qui jouent soit du jazz soit du rock.
Son premier succès vient en 1966 avec un groupe dit Les Mods. « Je veux partir » sonne comme une centaine de groupes britanniques de l’époque, et à vrai dire, le seul qui m’impressionne de ce groupe est le saxophoniste, mais un certain Jacques Dutronc y entend quelque chose que je rate, et invite le groupe à le rejoindre à la télé pour jouer « Et moi et moi et moi » ensemble.
Après ça, M. Le Govic quitte Les Mods pour se joindre au groupe de Jacques Dutronc, où il restera pendant 2 ans. Pendant ce temps, ils sortiront ensemble plusieurs chansons dont Les cactus (déjà écouté ; pas fan) et J’aime les filles — c’est Alain qui joue du piano au début ici :
Mais Alain Le Govic veut être chanteur ainsi que pianiste, et il ne va pas avoir cette opportunité en tant que pianiste pour un chanteur. Cependant, même avec l’aide d’Étienne Roda-Gil — vous vous souvenez peut-être de lui de notre article sur Julien Clerc — il sort une série de 5 albums de 45 tours (c’est-à-dire des albums courts de 4-5 chansons chacun, les « c’est quoi le vinyle ? ») qui sont tous des échecs.
En 1971, M. Le Govic sert en tant que choriste pour la chanteuse Séverine quand elle remporte l’Eurovision pour Monaco. Il n’est pas considéré un gagnant du concours de cette façon, mais ça l’aide à attirer l’attention d’un certain Claude François :
C’est M. François qui trouve le nom Le Govic trop breton (il pensait quoi de l’écrivain Auguste Le Breton, qui a adopté ce nom exprès ?). Les deux choisissent le nom Chamfort d’un dictionnaire. Et vous trouvez mes méthodes extrêmes. Équipé d’un nouveau nom de scène, Alain Chamfort sortira une série de singles et 45s qui le gagneront, selon Wikipédia, la réputation de « chanteur à minettes ». Je n’avais jamais entendu cette expression avant. Mais dès que j’ai entendu « L’Amour en France », je l’ai malheureusement comprise ; c’est le genre de chanteur qui aurait ciblé les lectrices de « Jeune et Jolie ». (Où est-ce que ce type trouve ces références ?)
C’est donc Claude François qui est le docteur Frankenstein de cette histoire, mais avec son amour-propre de légende, Chamfort ne pouvait pas supporter longtemps cette collaboration et quitte la maison de disques gérée par François en 1975, mais pas avant d’enregistrer Le temps qui court afin de me mettre en PLS 50 ans plus tard. Comment ça ? C’est une reprise d’une chanson de Barry Manilow, l’Alain Chamfort américain des années 70s. (Ne me demandez pas comment il est arrivé que j’ai assisté à un concert de M. Manilow en 1993, mais soyez sages et un de ces quatre, je vous le raconterez.)
Début 1977, il se retrouve à Hollywood, où il est censé avoir fait les chœurs pour l’album de Véronique Sanson de ce nom. Cependant, j’ai écouté quelques pistes et n’arrive pas à entendre une voix masculine. L’expérience l’impressionne suffisamment qu’il y enregistre son propre album cette même année, Rock’n rose, avec les frères Porcaro (plus tard le groupe de légende Toto), et Serge Gainsbourg en tant que parolier. L’album n’est pas un grand succès, mais « Joujou à la casse » montre que les minettes sont en arrière-vue, et pour le meilleur :
Cette collaboration donnera lieu à son plus grand succès, Manureva, le premier single de son prochain album, Poses, aussi enregistré en Californie. Il s’agit d’un navigateur, Alain Colas, disparu avec son voilier, ledit Manureva, et si le style disco semble hors place, il n’y a pas de question sur son statut de tube :
Avec la formule en place, en 1980 Chamfort sort encore un autre album enregistré à LA, avec des paroles de Gainsbourg, Amour Année Zéro. Ça vend 200 000 exemplaires en France, beaucoup moins que Poses, mais toujours un disque d’or. L’album est très électronique, avec des synthétiseurs partout ; bienvenue dans les années 80s. Bambou est le grand tube de l’album, qui voit la fin de la collaboration Chamfort-Gainsbourg :
Les reste des années 80s voient une série d’autres albums du même style, donnant lieu à des coups mineurs — classés entre 30 et 40 à leur meilleur — tels que La fièvre dans le sang et Souris puisque c’est grave.
Les années 90s ne connaissent pas beaucoup de succès pour lui. En 1994, il remporte une Victoire de la musique pour le clip officiel de « L’ennemi dans la glace ». Ce clip n’a que le son, mais on peut entendre que c’est un changement complet du style — pas plus de synthétiseurs, plus lente, des cordes. Il me semble qu’il cherchait à nouveau le son de Barry Manilow !
À la fin du siècle, il perd son contrat avec sa maison de disques. Il y aura un petit rebondissement en 2004 quand il gagnera encore une fois une Victoire pour le clip des Beaux Yeux de Laure, mais la vérité, c’est que depuis ce temps-là, aucun single d’Alain Chamfort n’est classé plus haut que 128 en France. J’arrête ici parce que c’est bien évident que malgré son appel nostalgique, ses contributions du XXIe siècle n’ont pas la même place dans le Panthéon de la chanson française.
Que penser d’Alain Chamfort ? C’est une histoire très curieuse ici — il a échoué assez souvent dans sa carrière qu’il est surprenant qu’il ait fini par recevoir autant d’opportunités pour faire un « come-back » (ne me regardez pas comme ça ; c’est mon dictionnaire bilingue qui rend ce mot). Cependant, pendant un quart de siècle, beaucoup de légendes ont voulu travailler avec lui — Dutronc, François, Gainsbourg, même Lio. C’est un témoignage à son talent, et même si j’ai du mal à identifier un tube que j’aime particulièrement, il est souvent au moins agréable. C’est lui l’exemple parfait de sa note.
Ma note : j’irais au concert si vous avez une place de trop.

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