Archives mensuelles : juin 2025

Le réseau toxique

J’ai découvert quelque chose hier qui me met très mal à l’aise. Nous allons en parler tout de suite.

Commençons d’abord avec une nouvelle qui fera pas mal d’entre vous sourire. Pas moi, parce que c’est un autre exemple du problème américain que j’évoque encore et encore, que nous nous haïssons trop, les uns aux autres. C’était la nouvelle que M. le vice-président Vance a rejoint le réseau social Bluesky, et dans un jour, est devenu l’utilisateur le plus bloqué par d’autres utilisateurs (lien en anglais) de l’appli. Mais n’applaudîtes pas trop. Je vais vous montrer un tableau qui explique le problème :

Capture d'écran de la liste de top 5 bloqués sur Bluesky
Capture d’écran

Ça dit « Top 5 bloqués » et montre que 109 milliers d’utilisateurs de Bluesky ont bloqué M. Vance. Je ne connais pas le compte dit « nowbreezing ». Mais même si je ne suis pas les 3 autres, je les connais, parce qu’ils sont tous des personnes bien connues aux États-Unis. Et tous les 3 — Jesse Singal, Brianna Wu, et Mark Cuban — sont connus principalement pour être gauchistes dans les médias (M. Cuban est milliardaire, mais pas plus connu pour ses entreprises, toutes vendues). « Mais Justin », vous me dites, « ça montre que le blocage vont dans les deux sens, non ? Pas de problème ! » Ah non, en fait chez Bluesky, le problème est qu’ils sont bloqués pour être insuffisamment de gauche. Mais je dirais que même cela n’est pas un problème en soi ; tout le monde aime avoir sa chambre d’écho parfois.

Non, la raison pour laquelle je me plains de cette situation, c’est que je ne poste que des liens à mon blog là, rien de politique, et même moi, je me retrouve attrapé dans le même filet. Ayant découvert Clearsky, une appli qui surveille Bluesky, à cause de cette nouvelle, je me suis recherché, et j’ai découvert que je suis bloqué par 9 personnes que je ne connais pas du tout !

Capture d'écran des 9 comptes qui me bloquent. Je ne connais aucun des utilisateurs.

Alors, n’importe quoi, je ne suis pas la tasse de thé de tout le monde. Mais ensuite j’ai décidé de faire l’enquête sur d’autres choses que Clearsky montre, comme les listes où j’apparais. Et là, j’ai reçu une surprise :

Capture d'écran des 2 listes dont je fais partie.

Il s’avère que l’on m’a ajouté à une liste d’utilisateurs qui suivent un compte dit « Les électrons libres ». Je me reconnais coupable de ça ; c’est un projet d’une journaliste que je suivais déjà, Delphine Lancel, ainsi que d’autres journalistes. Ils se disent « techno-optimistes » — vous pouvez lire un article sur eux dans Le Figaro — et je suis tout sauf ça, mais je suis une diversité de gens tant qu’ils ne lancent pas des menaces de mort (un grave problème chez Bluesky en anglais). Cette liste est trop nouvelle pour être la raison pour laquelle je suis bloqué par les autres, mais il s’avère que sa créatrice, identifiée dans la capture d’écran ici, l’utilise pour me bloquer. Je ne la connais pas du tout ; pour autant que je sache, nous n’avons jamais interagi.

Et c’est ça que je trouve très inquiétant. Twitter est plein de listes de blocage, mais apparemment Bluesky dépasse ses capacités à cet égard. Avec Bluesky, on peut évidemment choisir de construire des listes de personnes qui ont simplement suivi quelqu’un d’autre, et les publier pour tout le monde. Ça m’étonne — même si cette personne veut me bloquer pour cette raison, je n’arrive pas à comprendre pourquoi Bluesky le rend facile à partager avec le monde entier. Il n’y a pas de fonction pareille sur Twitter.

Je vous ai montré en décembre comment Bluesky est devenu le réseau de choix pour ceux qui aiment fêter la violence politique aux États-Unis. Mais à l’époque, je croyais que c’était juste une coïncidence, que ce réseau soit devenu comme ça parce que beaucoup de monde qui avaient fui Twitter y ont trouvé une sorte de refuge.

Faisons la comparaison avec Twitter. Là, j’apparais dans 2 listes :

Ni « Apprentissage du français » ni « Amoureux Langue française » ne me font peur. On m’a mis sur ces listes pour des raisons évidentes et inoffensives. Chez Bluesky, c’est plutôt le travail d’un commissaire autonommé. Je ne veux pas quitter Bluesky — j’ai des connaissances qui sont seulement actives là — mais si je me retrouve sur d’autres listes construites de cette façon, ce sera certainement la fin.

L’expérience flan pâtissier

Il y a des semaines, j’ai vu une photo sur Instagram, et comme toujours quand il s’agit de la France, je suis tout de suite devenu obsédé. Voilà :

Ce qui m’a attiré n’était pas autant le goût du bonbon Bounty que l’idée de mélanger deux parfums dans des couches séparées de crème pâtissière. Franchement, La Fille déteste la noix de coco (ce qui me donne le droit à tous ses barres d’Almond Joy à Halloween). Et je ne dirais pas qu’imiter ce flan exact était mon but ; je voulais plutôt tester la technique. Alors ceci est plutôt un rapport sur l’état du projet. C’était aussi une opportunité de valider encore une fois deux recettes dans l’annexe du livre.

Alors, voici mon premier flan aux deux goûts, chocolat-vanille :

Flan entier en gros-plan

De la surface, il semble être un flan pâtissier ordinaire. Ce dont vous avez vraiment envie, c’est de voir la découpe. Voilà :

Bout de flan en gros-plan, vue du côté. Les deux couches de flan sont facilement visibles.

Puisque je suis mon propre critique le plus amer (au moins, depuis la démission de mon ex du blog), allons nous lancer dans les problèmes à ce point. Pour une chose, les lignes ne sont pas droites — il y a une sorte d’onde dans le bord entre les deux couches. Autre chose, il y a des points du flan à la vanille visibles dans la couche au chocolat. Et la croûte est trop épaisse, à ne pas mentionner pleine de petits trous où j’ai dû faire des réparations.

Cependant, la technique pour le construire est facile, et je crois que je peux tout régler. Et la couche au chocolat en particulier, c’est une tuerie. Je me demande un peu si je me soucie du reste du projet, parce que ce flan juste au chocolat serait déjà le meilleur que j’ai goûté. Je suis complètement sérieux. Mais j’ai une soirée tarot d’ici 10 jours, et ça veut dire qu’il reste des choses à faire !

La pâte est simplement notre pâte sucrée d’après Pierre Hermé. J’ai fait 40 % de la recette habituelle, afin que je puisse utiliser exactement un bâton entier de beurre. Voici des photos de la fabrication, parce que je voudrais juste vous rassurer (j’explique la blague dans le livre) que cette pâte n’a pas reposé pendant des mois au congélateur.

Alors, la crème pâtissière. C’est ma recette habituelle d’après Gaston Lenôtre, même si j’ai du mal à trouver un exemple avec les mêmes quantités — 5 jaunes d’œuf contre 500 ml de lait, très riche car il n’y a pas de blancs d’œuf. Mais cette fois, j’ai versé la moitié de la crème dans un bol une fois cuite, puis ajouté 55 grammes de chocolat noir pâtissier (1/2 tablette Ghirardelli). À noter, ce serait 110 grammes de chocolat pour parfumer toute la crème. Voilà :

Si vous regardez la dernière photo de proche, vous verrez de petits points blancs dans la crème pâtissière au chocolat. Ce sont des grumeaux de maïzena qui se sont collés dans la crème. Je crois que je peux régler ça avec un batteur plongeant. D’habitude je ne tamise pas la maïzena avant de la mélanger avec les œufs, mais peut-être que c’est nécessaire. Je ne l’ai jamais remarqué dans des crèmes à la vanille uniquement.

Voici le montage :

Il faut vraiment que je maîtrise le fonçage par bandes, car la pâte se déchire sous son propre poids quand on essaye de mettre la pâte étalée directement dans le cercle. Mais on peut verser la crème très facilement dans la pâte en deux couches, et étaler l’une au-dessus de l’autre. Si je l’ai fait plus liquide, avant que la crème ne soit cuite, il me semble que les deux couches se mélangerait, et on ne veut pas ça.

Ça fait 35 minutes au four, à 180° C, et un chalumeau après pour brûler la surface. Après, j’ai laissé le flan reposer une nuit entière au frigo. Je vais penser à ce que je veux faire pour la soirée de tarot, et à ce point, je vous donnerai une recette détaillée. Mais nous sommes déjà sur le bon chemin !

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Embouteillé

Depuis peut-être 26 ans déjà, je lis de temps en temps une économiste française expatriée, qui écrit toujours en anglais, Véronique de Rugy. Elle travaille à George Mason University, une fac en Virginie qui est du troisième rang sauf en deux sujets — le droit, et l’économie, avec deux prix Nobel en ce dernier sujet. Le fait qu’elle y travaille parle très bien de ses compétences. Cependant, vu tout ce que je viens de dire, vous serez bien surpris à savoir qu’elle a inspiré Langue de Molière aujourd’hui.

Vers la fin d’un billet où elle exprime sa vue que le gouvernement américain ne devrait offrir des subventions ni à Tesla ni à l’industrie de pétrole, elle mentionne un dicton français :

If policymakers genuinely care about a cleaner environment and more efficient markets, their solution should be simple and nonpartisan: eliminate subsidies entirely. But as we say in France, “with ifs, you could put Paris in a bottle.”

Si les fonctionnaires se souciaient sincèrement d’un environnement plus propre et d’un marché plus efficace, leur solution devrait être simple et impartiale : supprimer complètement les subventions. Mais comme on dit en France : « Avec des si on mettrait Paris en bouteille. » [Ma traduction]

Véronique de Rugy

Il serait très difficile pour moi de chercher ses publications pour des expressions françaises en traduction. Mais je dirais que je doute que j’y trouve beaucoup. Je m’en souviendrais. Cependant, c’est bien évident que j’ai dû tout de suite rechercher cette expression !

Ce que j’ai trouvé n’était pas exactement éclaircissant. Beaucoup de sites donnent un sens — pour en donner un de L’Internaute, « A force de suppositions, tout est possible. » Mais ce que je cherche vraiment, c’est « pourquoi est-ce que l’on aimerait mettre Paris en bouteille ? ». Et là, je n’ai rien trouvé — sauf pour une bonne leçon en pourquoi il faut faire attention à ses sources !

J’imagine que ça a quelque chose à voir avec la pratique de construire des maquettes de bateaux dans des bouteilles, comme ça :

Voilier en bouteille, Photo par Remi Jouan, CC BY-SA 3.0

Wikipédia nous dit que ces choses sont souvent repliées sur eux-mêmes ; cependant, sans sources fiables, je ne sais pas si c’est la vérité :

Le voilier est assemblé à l’extérieur, tous les mâts et les haubans sont repliés horizontalement. La coque et son gréement sont introduits dans la bouteille, et déployés à l’intérieur à l’aide d’une ficelle reliée à la mâture.

Bateau en bouteille

Cependant, et je veux être bien clair, je n’ai absolument rien trouvé qui dit que ma conjecture a des racines historiques. Dire ça me rend beaucoup plus prudent que d’autres personnes ! Wiktionnaire donne un exemple d’une professeure qui note que les auteurs d’Astérix l’a utilisé pour un effet comique :

« Un des effets comiques récurrents dans Astérix est le recours à des expressions figées dont les termes sont adaptés à l’époque de référence. C’est le cas de dictons.
. Avec des si on mettrait Lutèce en amphore ; R. Goscinny, A. Uderzo, op. cit., 1999, p. 28. 
Ce pseudo‐dicton en rappelle un autre utilisé couramment à l’heure actuelle : « avec des si on mettrait Paris en bouteille ». 

Chrystelle Burban

Mais un autre type, un prof de français langue étrangère, semble prendre ça au sérieux !

Quant au sens de l’expression, eh bien l’origine de cette expression n’est pas très claire. Pour certains, elle viendrait d’un ancien adage romain « avec des si, on mettrait Lutèce en amphore ». Lutèce était l’ancien nom pour Paris et amphore était un vase antique utilisé à l’époque romaine.

Français authentique

Parce que je suis égalitariste en ce qui concerne les bêtises, je note que ce site anglophone proclame aussi la même hypothèse.

Je fais des efforts pour ne jamais me faire avoir comme ça — quand je cite les origines de choses, je cherche toujours des références de qualité. Astérix l’est pour Astérix uniquement !

Alors, pas pour la première fois, Langue de Molière se termine sans avoir trouvé la bonne réponse à la question originale — pourquoi est-ce que les Français pensent à mettre Paris en bouteille ? Mais vous avez maintenant les bonnes ressources pour faire une sacrée farce à vos amis !

Langue de Molière vous prévient que la semaine prochaine risque de puer.

Autour de Las Vegas

On finit les points forts de mon voyage à Las Vegas de ce week-end, principalement mais pas seulement dans l’hôtel Paris.

Parlons d’abord des « francismes » de l’hôtel. Il y a des efforts pour avoir des panneaux authentiques, mais quand il s’agit de quelque chose que les clients doivent comprendre, la règle de « le » s’applique. Quoi, vous ne connaissez pas cette règle ? Ça dit que tout mot anglais se traduit en français en mettant « le » devant le mot. Ou « les » pour le pluriel. Quoi, c’est important ! Aussi, un accent peut suivre la lettre qu’il est censé aller avec ; « pool » veut dire « piscine ».

Dans la chambre, il y a un petit bar où si on enlève les bonbons, les chips, ou les… autres choses, on est facturé automatiquement. Et les tarifs sont chers :

Dites-donc, 15 $ pour les bonbons, c’est ridicule. Mais 70 $ pour le truc qui se dit « intimacy kit » ? De quoi s’agit-il ?

Photo de la trousse pour les amants -- une paire de lèvres bien rouges en gros-plan est imprimée sur la boîte.

Je ne voulais pas risquer d’être facturé si je touchais ce truc. J’imagine qu’il y a plus qu’une seule « lettre française » là-dedans (traduction littérale de l’expression britannique pour une capote), mais les contenus n’étaient pas visibles. Au cas où ça pourrait vous aider au futur, il y a une pharmacie CVS juste à côté de l’hôtel. CVS veut dire « Chaîne de voleurs sans-scrupules », mais les anglophones pensent que ça dit « Consumer Value Stores ». Même à leur pire, vous payerez certainement moins pour ce truc là. Et vous pensiez tous que je ne savais pas quelles étaient ces choses. (J’aurais fait le même pari à vos places.)

Parlons maintenant de la boulangerie de l’hôtel. L’année dernière, je vous avais montré « Brioche par Guy Savoy », ce qui était décevant. Cette fois, c’est Dominique Ansel, renommé partout aux États-Unis pour son « cronut », mi-croissant et mi-donut. Voici sa vitrine :

Tout ici coûte au moins 10 $ — les croissants, les pains au chocolat et les cronuts ; le kouign-amann géant coûte 70 $ (c’est un thème là, quand on se fait… hihihi, ce n’est pas ce genre de blog). Les petits kouign-amanns en haut à droite sont fourrés de glace à la vanille, et sont plus chers.

J’y ai commandé un kouign-amann nature ; il fallait que je sache comment les miens font par rapport à ce pâtissier célèbre.

Je dois vous le dire. Les miens sont meilleurs, et ce n’est pas proche. Il n’y avait aucun sel dans ces viennoiseries, évidemment adaptées aux goûts américains. Mais mon feuilletage est meilleur en plus. Ai-je le melon ? Ben oui, certainement. Mais le cronut était aussi bon que sa réputation — La Fille en a commandé un — alors les attentes étaient élevées. Les gens chez l’OCA qui reçoivent les miens gratuits savent exactement à quel point il faut les apprécier.

Oups, ai-je oublié de vous montrer ses macarons ? Et leur prix de folie ?

Ces coques sont trop plates — et bien trop proches, les unes des autres. C’est-à-dire que la quantité de ganache est honteuse. Pourtant, 6 $ chacun. Pierre Hermé n’ose pas facturer ça, et Ladurée non plus ! Il n’y a pas de question que mes macarons sont meilleurs, sans goûter les siens.

Quelqu’une pourrait manger hyper-bien chez moi ; je dis ça, je dis rien.

Nous étions de retour chez Mon Ami Gabi, le grill au pied de leur « Tour Eiffel ». Le sandwich au poulet et au brie était meilleur que mon steak frites de la dernière fois.

Il faut toujours se rendre au jardin de l’hôtel Bellagio, mon spectacle préféré de toute la ville. Je ne suis jamais déçu, mais je ferai mes excuses ici — il n’y a pas de texte alternatif pour ces photos parce que je ne connais pas le vocabulaire du jardinage. Mais oui, c’est moi en bas à droite. Je porte un jean du Temps des Cerises, incorrigible que je suis.

Il faut aussi voir le spectacle d’eau dans le lac devant le Bellagio :

J’ai remarqué une vitrine curieuse chez Hermès dans le Bellagio. C’est impossible de lire les mots dans la première photo, alors j’ai pris une photo avec eux en gros-plan :

« Tous en selle » ? Je me demande si c’est un calembour avec « on sale » en anglais, ce qui devrait s’écrire « en vente ». Selle et sale se prononcent de façon assez similaire. Mais s’il y a une signification française ici, mon dictionnaire ne la connaît pas et moi non plus.

Une dernière chose ? Il y a un magasin consacré à Coca-Cola ailleurs dans le Strip. Très inhabituelles, la queue était courte, alors La Fille et moi avons commandé « Autour du monde » (lien en anglais), une dégustation de 14 sodas pas vendus aux États-Unis — ils viennent d’Afrique, de Chine, d’Italie, même de Pérou. Nous sommes d’accord, « Beverly », vendu en Italie uniquement, est le deuxième pire soda de notre vie. Le pire ? C’est Fanta Prune Aigre, vendu en Chine. Mais la bière au gingembre Stoney ? Merveilleux.

14 petits verres en plastique avec des sodas ; les couleurs sont toutes très artificielles

Ben, en partant une toute dernière chose. Même les stations-service ont des manchots !

Saison 4, Épisode 13 — Le type qui ne sait pas se taire

Un million de mots en 5 ans et demi, c’est pas mal, hein ? Je dirais même qu’environ cent mille étaient écrits sans fautes, et qu’une cinquantaine étaient drôles. Comme dit la blague sur le chanteur malchanceux qui devait répéter la même aria chez La Scala une douzaine de fois, je le ferai jusqu’à ce que je le fasse bien.

En parlant de ça, je dois vous raconter une histoire émouvante du week-end. J’avais discuté mon projet avec Mme la présidente avant de demander de l’aide pour le livre dans le groupe privé de l’OCA. Après tout, c’est personnel, et je ne voulais pas abuser de mes privilèges. Ayant reçu sa permission, j’ai posté une annonce samedi matin — et en moins de deux heures, j’étais inondé d’offres d’aide. Je ne savais pas — sincèrement — que tant de monde m’appréciaient comme ça. Avant de partir pour Vegas, j’avais préparé quelques fichiers au cas où — ça ne suffisait pas !

Je veux vous donner un peu de contexte. J’assiste à la même église que mon ex — le traité qui a mis un terme à la guerre entre nous disait que La Fille devait y être élevée. Comme arrive souvent, tout le monde a pris un parti. Ce qui me déçoit, c’est que littéralement tout le monde a pris son parti. Je ne dis pas qu’il fallait me choisir, juste que je me serais attendu à autre chose simplement par hasard. Pour vous donner une idée de la méchanceté, il y a une femme à qui je n’ai jamais dit quelque chose de blessante, qui s’approche de La Fille à chaque fois où nous sommes là ensemble. Et à chaque fois, elle fait semblant que je n’existe pas — elle ne s’adresse pas à moi en parlant à La Fille, ne me dit jamais bonjour, tourne la tête afin de ne pas me voir, c’est dingue. Et d’autre part, voici cette autre communauté qui ne me connaît que pendant 1/8 de tout ce temps, mais fait son tout pour moi. Je n’ai même pas les bons mots en anglais. Le mieux que je puisse dire, c’est simplement que c’est pourquoi j’ai voulu écrire un livre.

Tout ça, c’est-à-dire qu’après être rentré d’un trajet de 7 heures, je devais répondre à tous ces offres. C’est pourquoi cet épisode est si en retard !

On reprendra Las Vegas demain avec un peu plus sur l’hôtel Paris. Puis on passera à d’autres choses.

Notre blague se traite des blondes. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Vacances et Territoire. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles car je viens de conduire pendant 7 heures hier — pensiez-vous que j’allais faire mes recherches derrière le volant ?

Sur le blog, il y a aussi Les émeutes de Los Angeles, sur la violence dans mon état, Ici et là, avec des nouvelles personnelles, La fête d’un million de mots, sur une étape importante, et Weird Al à The Venetian, sur le concert nommé.

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Weird Al à The Venetian

Nous venons de rentrer à notre hôtel à 23h50, alors je ne vais pas beaucoup écrire. Et bien que je sache que certains parmi vous connaissent Weird Al, je doute que ça fasse une grande partie des lecteurs.

D’abord, voici la salle de concert. J’imagine qu’il y avait entre 2 et 3 milliers de personnes là le temps que le concert commence :

Photo du Théâtre Vénitien

Voici une vue plus proche de l’affiche sur l’écran :

L'affiche dit « Weird Al : Plus grand et plus bizarre », bizarre étant la traduction de weird

Hélas, il y a eu une première partie. Je n’ai jamais entendu parler de « Puddles Pity Party », Puddles étant le nom d’un clown-homme orchestre. « Pity Party » est difficile à traduire. Littéralement ça veut dire « fête de pitié » ; le sens est plutôt quelqu’un qui ne va nulle part en ressentant beaucoup de tristesse — de façon péjorative. Ce type était horrible et 30 minutes de lui en était 29 de trop.

Malheureusement, beaucoup de stades et d’arènes aux États-Unis — tous qui sont des clients de Ticketbâtard, euh, Ticketmaster — ont une appli pour cafarder sur vos voisins. La femme assise devant La Fille était fâchée que nous nous plaignions du clown. La Fille pouvait donc voir sur son épaule que cette dame a écrit une note au service de sécurité pour exiger que nous soyons sortis de la salle. Je n’utilise pas de gros mots ici, mais cette fois, je fais exception. Connasse. Elle enregistrait le concert sur son portable, ce qui est interdit. Mous nous ne nous avons pas cafardé sur elle.

Puis, 50 minutes après le début officiel du spectacle, Weird Al est arrivé sur scène. Il est actif depuis 49 ans déjà, ayant sorti ses premières parodies à la fac. Sa carrière a duré beaucoup plus longtemps que celles de ses cibles parce qu’il est en fait talentueux, et ses détournements de la musique populaire sont souvent beaucoup plus intéressants que les œuvres originales.

Weird Al monte sur scène

Nous étions ravis qu’il ait joué notre chanson préférée, Party in the CIA (Fête chez la CIA), un détournement de Party in the USA de Miley Cyrus. Je sais déjà, qui ? La chanson originale a eu son moment en 2009. Personne ne l’écoute plus. Mais celle de Weird Al ? Un classique.

Il a gagné sa popularité dans les années 80s avec des parodies de Michael Jackson. « Wacko Jacko » était renommé pour « Bad » ; Weird Al l’a refaite comme « Fat » (Grosse). Même son costume est une parodie de l’original :

Weird dans un costume qui lui donne un aspect très gros

Vous souvenez-vous de « Blurred Lines », un coup étonnant en 2014 ? Weird Al l’a détourné pour devenir « Word Crimes » (Crimes de mots), une chanson sur la grammaire. C’est sans doute son effort le plus français, mais difficile à traduire. Il faut vraiment connaître l’anglais pour comprendre son humour, mais je vous rassure, un connaisseur de « Sans l’option Bescherelle », l’un de mes groupes préférés sur Facebook, comprendrait exactement le sens de la chanson.

Weird Al avec une projection de son nom sur l'écran, une parodie du clip de Blurred Lines

Voici le clip, au cas où. C’est hilarant :

Un autre coup étonnant de 2005, « Ridin’ Dirty », est devenu « White & Nerdy » (Blanc et débile). C’est la chanson de tous les trop studieux. C’est-à-dire, La Fille et moi l’adorons.

Weird Al avec des lumières en forme de Pac-Man sur l'écran, une parodie du clip de la chanson de rap "Ridin' Dirty"

À la fin des concerts aux États-Unis, si le public l’a aimé, ils crient un mot intraduisible pour dire qu’ils veulent en entendre plus : « Encore ». Peut-être qu’il y a un équivalent en français. Hihihihi. Alors, il est revenu sur scène pour chanter deux chansons qui prenaient Star Wars pour sujet, « La Saga commence », une parodie de « American Pie » de Don McLean, et « Yoda », une parodie de « Lola » par The Kinks. Comme d’hab, je préfère les versions de Weird Al.

Weird Al déguisé en tant qu'un Jedi

Il y a très peu de monde qui travaillent aussi dur que Weird Al. Pendant un spectacle, il change de costume entre 40 et 50 fois. Cependant, ses blagues dépendent tellement de comprendre l’anglais, et c’est presque impossible de les rendre drôles en français. Peut-être qu’il me faudra faire l’effort quand même, car il reste l’une des personnes les plus drôles que je connaisse.

La fête d’un million de mots

Avec ce billet, je dépasse un million de mots écrits pour ce blog, tous écrits depuis le 1er novembre 2020. J’étais bien en retard à commencer, mais ce qui me manque en durée, je l’ai remplacé par la quantité, je suppose.

Je serais menteur si je vous disais que je l’ai planifié, mais il s’avère que je me retrouve à Paris pour l’occasion. Encore une fois, l’hôtel Paris Las Vegas plutôt que Paris, Texas ou bien le Paris avec les Galeries Lafayette Haussmann, où j’aurais pu trouver la bonne pâtisserie. Mais on fait ce que l’on peut.

Tour Eiffel de l'hôtel Paris Las Vegas

Avant de continuer, les statistiques, jusqu’à hier, 999 374 mots en total. Mais il y a environ 680 mots ici :

Chiffres tirés de la page « Tendances » de WordPress

Mais comment est-il arrivé que je me retrouve ici exactement aujourd’hui ? Plus tard aujourd’hui, mes parents, La Fille et moi irons tous à un concert de Weird Al Yankovic chez The Venetian, un hôtel que je vous ai montré avant, avec un thème basé sur Annecy. Non, je plaisante, sur Venise. Cependant, il serait beaucoup plus cher de séjourner là qu’à Paris, et les deux sont très proches, l’un de l’autre, alors nous voilà. C’est la première fois où je suis client, alors faisons le tour de choses que je n’ai jamais vues avant.

Pour une chose, voici la chambre :

Vue de la chambre, avec deux lits et environ 40 m carrés d'espace.

Il y a de l’art hyper-stéréotypé dans la chambre, avec des expressions familières :

Ça dit Oui, très bien et bonne chance en collage.

Nous sommes à la 13 étage, mais le nombre commence par 14. Comment ça ? N’oubliez pas que le nombre 13 est considéré malchanceux dans les cultures anglophones, alors il n’apparaît pas dans les casinos, surtout pas dans les ascenseurs.

Quelque chose d’amusant, les panneaux sont bilingues dans lesdits ascenseurs :

Ça dit « Hôtel et casino accès au niveau 1 uniquement »

Bien sûr, ici la version française suit la convention anglophone : le rez-de-chaussée se dit le « niveau 1 ». Mais quand les panneaux sont bilingues à Las Vegas, la deuxième langue est souvent le chinois, pas le français. Cependant, ce n’est pas partout. Le panneau pour la réception de personnes de marque dit « Le Diamond Check-In », littéralement « L’enregistrement diamant » et la salle juste pour eux dit « La salle des VIP » en bon franglais.

Cependant nous sommes allés ailleurs, chez Caesar’s Palace — le Palais de César — pour le dîner parce que ma mère ne voulait rien essayer dans l’hôtel. Ne me demandez pas pourquoi ; comme tout hôtel à Vegas, il y a au moins une douzaine de restos ici. Néanmoins, nous avons fini par choisir un resto français quand même ; voici la « Brasserie B » par le chef Bobby Flay.

Entrée de la Brasserie B

M. Flay est un peu le Cyril Lignac américain ; il occupe une place pareille dans les médias. Si vous reconnaissez son nom, c’est sans doute parce que j’ai cité ses astuces pour griller un steak pour mon dîner val-de-marnais. Alors, voici la carte avec ses prix époustouflants :

Photo de la carte

J’ai choisi la bavette avec une sauce au poivre, cuite à point, peut-être un plus saignant que ça. J’avais de bonnes raisons pour suivre ses astuces avec le steak ; même si la bavette n’est pas mon steak préféré, c’était excellent.

Photo de la bavette et sa sauce au poivre

Pour aller avec, des frites. Excellentes, mais un peu trop salées, comme arrive souvent aux États-Unis, où notre relation avec le sel est ce que vous pensez existe avec la cannelle.

Les frites

Pensiez-vous que je n’allais pas prendre un dessert ? Vous êtes sur le mauvais blog pour ça ! Mais c’était décevant, un soi-disant « gâteau délice au chocolat », sans ce que j’appellerais du gâteau. C’est une mousse au chocolat sur un croustillant au chocolat, avec un caramel au beurre salé. Des noisettes se trouvent sur l’assiette sans s’impliquer dans la recette. À vrai dire, la mousse était fade et le caramel était de loin la meilleure partie. Peut-être que je revisiterai cette idée moi-même. Je fais une meilleure mousse au chocolat, et j’aime le concept ; c’est la réalisation qui doit s’améliorer.

Ce n’était pas prévu comme fête de mon million de mots. C’est juste, comme je dis dans le livre, un autre « heureux hasard », comme beaucoup des histoires du blog, des choses imprévisibles qui vont pour le mieux contre tout attente. Mais ça le rend le dîner parfait pour l’événement, non ?

Ici et là

Il me semble que demain, je vais enfin atteindre la plus grande étape du blog, ce que j’ai mentionné il y a deux semaines. Je n’ai pas grand-chose de prévu pour la fêter, autre que de marquer l’occasion.

Alors, quelques notes en l’attendant :

La bonne nouvelle, c’est que mon médecin était plus content de mes résultats qu’attendu. J’avais rendez-vous chez lui mercredi, et il m’a dit que vu que rien n’avait empiré, il n’y avait pas besoin de me revoir jusqu’en décembre. En fait, tous les nombres autour du cholestérol étaient excellents. C’est pour le mieux, parce que je me suis comporté très mal pendant le week-end, avec un bol de…riz blanc. La honte ! Aussi, les 334 mg/dL de sucre ! (Presque 2 fois le bon maximum.) En même temps, j’ai lu cette semaine que le nombre d’abonnements au logiciel ProtonVPN a augmenté de 1 000 % en France par rapport à la semaine précédente, pour des raisons. Mon idée du mauvais comportement est peut-être un peu différente de la vôtre.

La mauvaise nouvelle, c’est qu’il y a un risque que nous n’allons nulle part pour les vacances cet été. Je vous ai dit il y a des mois que La Fille a été censée aller à Marseille pendant une croisière avec sa mère, mais les plans ont échoué au tout dernier moment. Alors, je pensais à faire une partie du même itinéraire, sans croisière, pour les vacances. Mais mes parents ont commencé à se plaindre comme toutes les années, « Faut pas partir sans nous, nous n’avons qu’un petit enfant. Mais nous ne savons pas quelles seront les bonnes dates. » Alors j’attendais alors que mon ex insistait sur connaître mes dates afin de faire ses propres plans. Je dois avouer, c’était une demande raisonnable.

Qui vient de me dire hier que les dates ne marcheront pas pour eux ? Alors que les prix ont haussé de 50 % par rapport à ce que j’aurais pu avoir il y a deux mois ? Je suis de très mauvaise humeur à cause de ce développement, alors je vous donne tous un Bon Point sans attendre les réponses :

C'est un « Bon Point Schtroumpf à lunettes », tiré de Facebook, gagné pour avoir pris du sarcasme au sérieux.

Je dois avouer, je ne sais pas vraiment si les prix d’hôtels ont bougé. Mais nous avions ces discussions exactement au moment où tous les européens disaient qu’ils allaient boycotter les voyages aux États-Unis à cause des droits de douane. Les allers-retours coûtaient juste un peu plus que les allers simples à l’époque, car personne n’achetait des billets en direction nord-américaine. Ce que j’essaye de dire, c’est que cette situation ne s’applique plus du tout. Je dois penser sérieusement à la situation, mais il me semble que ce sera peut-être trop.

Ça me rend assez énervé que je crois que je vais aller à Paris pour le week-end juste pour me soulager !

(J’espère qu’à ce point vous avez tous appris comment lire de telles déclarations de ma part. Si vous vous inquiétez sincèrement pour mon état, cliquez ici. Puis par ici.)

Don Luis del Aliso

Je viens de vous raconter des choses horribles sur la Californie, alors je vais vous raconter une autre histoire californienne qui est beaucoup plus dans mon remet typique. Ça a lieu dans la ville de Notre-Dame des Anges de la Rivière Porciúncula, ou comme dites vous les hispanophones, Los Angeles. Il y a un sacré rebondissement vers la fin.

En juillet 1826, un immigré européen, Juan-Luis del Aliso, est arrivé dans les îles Sandwich, de nos jours connues sous le nom Hawaï. À l’époque, le Royaume de Hawaï n’était toujours pas uni, alors les cartes utilisaient le nom donné par le capitaine James Cook, explorateur britannique. Ayant déjà ses 46 ans, notre Juan-Luis avait gagné et perdu une fortune dans son pays natal, et n’était plus bien-aimé des autorités à cause d’avoir choisi le mauvais côté pendant l’un des nombreux changements de gouvernement.

C'est un dessin d'un arbre nommé « El Aliso », âgé de plus de 300 ans à l'époque, qui se trouvait à la ferme de Don Luis del Aliso.
L’arbre dit « El Aliso », Dessin d,Edward Vischer, Domaine public

Juan-Luis s’est fait embauché en tant que gérant d’une distillerie de rhum en 1828, après un an de travail en tant qu’agriculteur. « Mais Justin », vous me dites, « c’est pas les Antilles ici. Hawaï n’est pas connu pour son rhum, malgré tout la canne de sucre qui y pousse. » Et vous avez raison ! Pour la deuxième fois en 5 ans, Juan-Luis a eu la malchance d’être à la mauvaise place au mauvais moment — la nouvelle reine, Kaahumanu, a interdit la production d’alcool en 1829.

Juan-Luis ne pouvait pas rentrer en Europe. Alors en 1830, il est monté à bord d’un bateau pour voyager en Californie, toujours sous le contrôle mexicain. Il est arrivé d’abord à Monterey, une ville près de San Francisco, mais a vite déménagé à Los Angeles. Là, avec le reste de son argent de ses aventures hawaïennes, il a acheté une ferme près de la Rivière des Anges, el Río de Los Angeles de Porciúncula. Étant européen, Juan-Luis a décidé de lancer un vignoble, mais il a essayé d’abord de planter les raisins apporté de l’Espagne par les prêtres, la variété dite Mission. On peut les manger — je le fais moi-même quand le choix est entre ces raisins et la mort — mais il n’était pas satisfait des résultats, comme il faut. Après tout, il y a de nombreux vignobles en Californie du Sud, et même si je n’utiliserais pas leurs produits même pour empoisonner des rats, aucun n’utilise les raisins Mission. (Les bons vignobles californiens se trouvent à partir de Santa Barbara, plus au nord, et surtout au nord de San Francisco. Mais à l’époque, tout vin était le bienvenu.)

Juan-Luis a donc décidé de commander des vignes bordelais, qui devaient naviguer autour de l’Amérique du Sud. Heureusement, il s’avère que les racines restent en bonne santé tant qu’elles sont entourées par des tranches de pomme de terre. Je ne plaisante même pas. Équipé de raisins de qualité, Juan-Luis pouvait enfin produire de meilleurs vins, et c’était lui la première personne à établir une cave pour vieillir ses vins en Californie. Anciennement, les espagnols des missions avaient tendance de boire leurs vins dès que la fermentation avait terminé. Vous feriez pareil avec ces nullités de raisins Mission.

En 1840, Juan-Luis a commencé à exporter ses vins en dehors de LA, d’abord en Californie du Nord, mais bientôt à la Côte Est, et sa première livraison en France une décennie plus tard. Mais on parle maintenant d’un homme de 60 ans. Alors en 1855, Don Luis del Aliso comme il était connu (« Don » étant un honorifique espagnol, et « El Aliso » le nom de son domaine, d’après l’arbre de notre image) a vendu son entreprise à son neveu, Don Pedro Sansevain, et a pris sa retraite. Après, il a fait des dons importants pour lancer le premier hôpital et la première école publique de la ville de Los Angeles, où il est mort en 1862.

Mais il me semble qu’avec tous ces succès, j’ai oublié de vous dire de quel pays européen il est venu. Sûrement l’Espagne avec un tel nom que Juan-Luis, non ? Mais en fait, notre héros est né Jean-Louis Vignes, à Béguey, en Gironde, où il a vécu jusqu’à ce qu’il ait perdu sa position sous le roi Charles X, parce qu’il était lié à l’ancien gouvernement républicain. Son neveu, né Pierre Sainsevain, a été envoyé en Californie en 1839 pour le chercher dès que sa famille a eu des nouvelles de lui. Et jusqu’à nos jours, il y a une rue importante à Los Angeles (lien en anglais) qui porte le nom de Vignes.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Monstre gavé

Cette semaine est peut-être la Langue de Molière la plus difficile que j’ai écrite. Pourquoi ? Parce que c’est la première fois où je ne comprends même pas les données. Pourtant, je fais absolument confiance à ma source.

Il y a des semaines, j’ai vu cette carte publiée sur Instagram. C’est une carte de mots intensifieurs, comme très et trop :

Ça vient de l’excellent site Français de nos régions, cité ici parfois pour les noms des escargots ou la question éternelle chocolatine/pain au chocolat. Mais voici le problème — j’ai trouvé cette carte dans mon flux Instagram, et n’ai d’expérience avec aucun de ces mots, au moins dans ce contexte.

Alors, si je la comprends bien, dans l’Eure ou en Seine-Maritime, je pourrais dire « C’est rien beau » et il y a des gens qui le comprendraient comme si j’avais dit « C’est très beau ». Mais quelqu’un venant du Doubs ou du Jura dirait, « Keske ce n’importe quoi, c’est monstre beau ! » Ai-je bien compris ça ?

Au moins je peux voir un certain logique dans les variantes attribuées à la Saône-et-Loire (vrai), Rhône (cher) et Loire (franc). Ce sont tous des adjectifs. Le « paquet » drômoise-ardéchoise me rend perplexe, en revanche. « C’est paquet beau ? » On prend une croisière, quoi ? Les petites phrases du Sud ne me parlent pas non plus — « C’est au taquet beau » et « C’est taille de beau » font mal aux oreilles parce que je m’attends à d’autres choses autour de ces mots — « taille de » devrait être suivi d’un article et d’un nom, n’est-ce pas ? Il n’y a qu’un participe entre tout ça, mais « gavé » fait mal aux oreilles aussi — « C’est gavé beau » manque d’un nom quelque part !

Je soupçonne que un nordiste a peut-être gâché ma compréhension quelque part. Je suis 100 % certain que j’ai entendu « fort » utilisé comme synonyme de « fortement », et dans cette carte, ça me semble très familier. Je crois que « C’est fort beau » est pareil à des choses que j’ai écrites ailleurs. Alors j’ai dû tirer la mauvaise leçon de quelque chose, mais je n’ai aucun espoir de trouver la source originale.

Il me semble que j’ai aussi vu « vlà » quelque part, mais seulement comme contraction de voilà ; dans un texto, peut-être. Jamais dans ce sens de très ou trop. Comme ça « Alors vlà, j’ai épuisé les exemples ».

J’ai des amis de partout et peut-être qu’ils essayent tous de ne pas me rendre perplexe ; c’est tout inconnu pour moi, avec une possible exception. Mais je ne saurai měme pas où les chercher, vu que tout ça ressemble à d’autres usages plus typiques. Alors, mes excuses si j’ai mal utilisé tel ou tel exemple ; nous avons une carte, mais je ne sens plus perdu que jamais !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec de mauvaises nouvelles pour les parisiens.