On reprend maintenant « À l’ombre des jeunes filles en fleurs ». Cette fois, j’ai avancé de 25 pages.
La vie arriviste continue d’être notre sujet :
Odette continuait à être la cocotte illettrée bien différente des bourgeois ferrés sur les moindres points de généalogie et qui trompent dans la lecture des anciens mémoires la soif des relations aristocratiques que la vie réelle ne leur fournit pas.
Je dois vous dire, il ne m’est jamais venu dans l’esprit de lire des anciens mémoires pour manque de relations aristocratiques. Pourtant, au-delà une autoproclamée « comtesse » qui vivait à San Diego en même temps que moi, je n’ai jamais côtoyé une telle personne. (J’ai recherché son prétendu titre ; elle aurait dû être portugaise, ce que je crois n’était pas le cas.)
Je me souviens de pourquoi Swann m’énerve :
[Swann] était écouté par Odette, habituellement sans intérêt, assez vite, avec impatience et quelquefois contredit avec sévérité.
Ça me rappelle quelqu’un qui je vois régulièrement dans des miroirs le matin. Et en parlant de choses familières, il faut ajouter qu’en expliquant la concurrence entre la bourgeoisie pour avoir des connaissances exclusives, Proust dit quelque chose d’horriblement américain :
Mais comme les nouveaux décorés qui, dès qu’ils le sont, voudraient voir se fermer aussitôt le robinet des croix
C’est une plainte extrêmement commune chez moi, surtout en parlant des « nouveaux riches » (c’est une expression anglaise pour dire « des gens qui viennent de devenir riches »).
Dans ce cas, il s’agit d’une dame, Mme Bontemps, une connaissance des Swann, qui se trouve particulièrement en concurrence avec les Cottard :
Or ce projet qui allait paraître en effet plaisant, dans le sens ancien du mot, aux Cottard, avait le don d’exaspérer Mme Bontemps. Elle avait été récemment présentée par les Swann à la duchesse de Vendôme et avait trouvé cela aussi agréable que naturel. En tirer gloire auprès des Cottard, en le leur racontant, n’avait pas été la partie la moins savoureuse de son plaisir.
Honnêtement, je trouve ça fatigant. Je ne connais pas la duchesse de Vendôme, mais sûrement elle peut connaître plus qu’une personne à la fois ?
Puis notre attention se porte ailleurs. Swann se souvient qu’il s’inquiète toujours sur la question de l’infidélité d’Odette avec Forcheville — quelque chose qui ne nous occupe pas depuis 400 pages ! Il se dit qu’il ne s’en soucie plus, pourtant :
Il continuait à tâcher d’apprendre ce qui ne l’intéressait plus, parce que son moi ancien, parvenu à l’extrême décrépitude, agissait encore machinalement, selon des préoccupations abolies au point que Swann ne réussissait même plus à se représenter cette angoisse, si forte pourtant autrefois qu’il ne pouvait se figurer alors qu’il s’en délivrât jamais et que seule la mort de celle qu’il aimait (la mort qui, comme le montrera plus loin, dans ce livre, une cruelle contre-épreuve, ne diminue en rien les souffrances de la jalousie) lui semblait capable d’aplanir pour lui la route, entièrement barrée, de sa vie.
Est-ce une promesse ? Ou cette mort, arrivera-t-elle dans un autre tome ? Je demande pour un ami, hihihihi.
Nous lâchons enfin toutes ces petites jalousies pour la vie sociale du narrateur avec Gilberte. En aparté, nous apprenons que :
Le nom de Noël était du reste inconnu à Mme Swann et à Gilberte qui l’avaient remplacé par celui de Christmas
Désolé, quoi ? Il n’y a pas d’anglophones impliqués dans cette affaire. D’où vient cette bêtise, Marcel ? Peut-être qu’il parle de l’acteur Noël Roquevert. Mais je le doute.
Il suit une dizaine de pages ou le narrateur rend visite aux Swann sans intérêt. Puis, tout à coup, au moins en version anglaise, on lit un mot qu’il ne faut même pas avouer savoir en anglais ; pourtant, il apparaît à plusieurs dans ce dialogue. Je ne vous donne que le début :
— Allons, Charles, ne vous moquez pas. — Mais je ne me moque nullement. Enfin, elle s’adresse à un de ces noirs : « Bonjour, négro ! »
Si j’ai dit — et je n’ose ni taper ni même lier — le mot de la traduction pour « négro », je ne serais pas seulement viré, mais je risquerais de perdre mon appartement. Autant je suis choqué que cette traduction publiée pendant les années 1990 l’utilise, autant je dois vous dire que ça aborde le sujet dont j’ai le moins envie de parler.
Où j’ai fini, heureusement on a quitté ce dialogue pour passer à la grande estime que Gilberte porte à son papa, Swann. En quelque sorte, elle est au courant de Mlle Vinteuil, qui nous n’avons pas vu depuis le milieu de « Du côté de chez Swann », et elle ne l’aime pas du tout. Ça me convient — je n’ai rien de gentil à dire sur Mlle Vinteuil non plus !

Une lecture bien déconcertante, bravo pour avoir lu 25 pages de suite !😚
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❤
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J’ai commencé à rédiger un article pour La Gloire de mon père et je reparle rapidement de votre série. Par curiosité dans Goog;e j’ai cherché « quel est le style de Marcel Prust ». L’une des réponses était: « léger ». LÉGER????!!!
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Vous savez déjà que je viens d’avoir les avis d’une douzaine de personnes sur mon propre écriture, dont la moitié ne m’ont jamais lu avant (sauf dans le bulletin de mon association). Plusieurs m’ont dit que mes phrases sont souvent trop longues. Peut-être que oui ; j’ai certainement coupé certaines en deux en réponse. Mais il n’y a JAMAIS une phrase de ma part qui me rappelle les monstres de Proust qui prennent la moitié d’une page !
Il y a un chapitre où je parle de l’expérience de lire Proust. Si j’étais plus doué, je le changerais pour ressembler plus à lui !
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Courage Justin, ta persévérance m’impressionne 🙂
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Connais tu l’oeuvre musicale et chant d’ Hubert Frédéric Thiéfaine
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Ah non, ce nom est inconnu pour moi.
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Erreur c’est Hubert Félix Thiéfaine
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