Le bon ordre

Il était une fois, j’avais assez de peur que j’ai vérifié tous mes articles sur Google Traduction. ([Maintenant, vous publiez juste n’importe quoi. C’est pas mieux. — M. Descarottes]) M. Descarottes a un peu raison — je n’utilise plus Google de cette façon. Mais il y a quelque chose que je vérifie tous les jours, l’ordre des adjectifs et leurs noms. Revenons en 2020 pour la leçon trompeuse.

Chez les anglophones, il y a un mnémonique que l’on apprend aux élèves de français : BAGS. C’est-à-dire « Beauty, Age, Goodness, Size », ou dans une langue plus compréhensible, Beauté, Âge, Bonté, Taille. Mais il faut avouer que BABT ne veut rien dire. Pourquoi un mot qui signifie « sacs » réussit ce but, je n’arrive pas à l’expliquer. De toute façon, les adjectifs « BAGS » sont censés être tous ceux qui vont avant un nom. Mettre à côté la règle sur les adjectifs de plus de deux syllabes ; celle-ci a déjà tort.

Clairement, c’est pas complètement fou. On dit « la petite ordure », pas « l’ordure petite », et « le joli gâteau », pas « le gâteau joli ». J’ai donc du mal à comprendre comment vous supportez tous Angelina Jolie, dont son nom doit vous faire mal aux oreilles, mais c’est votre affaire. (Perso, je serais plus dérangé par son côté vampirique.)

Pourtant, cette règle de BAGS nous triche. Il y a des adjectifs qui ne vont que dans la mauvaise place, si l’on la prend au sérieux. On dit « un arbre géant », mais jamais « un géant arbre ». « Un arbre énorme » aussi, malgré le fait que ces deux traitent de tailles.

Et vous ne vous contentez pas seulement de jouer des tours avec l’ordre des mots. Non, il y a plein d’adjectifs qui changent de sens selon leur place. Mon « ancien ami » est le gars auquel je ne parle plus, mais mon « ami ancien » reste en contact avec moi, il a juste besoin de son déambulateur. Ma chère amie m’est vraiment importante, mais mon amie chère…([C’est un blog familial. Ne finissez pas cette pensée. — M. Descarottes])… ma voiture chère m’a coûté beaucoup d’argent.

Même la négation change de sens selon l’ordre ! Si j’écris « J’ai toujours pas fini mon dessert», c’est à dire que je suis toujours en train de faire quelque chose et il vous faudra attendre si vous avez faim. Mais si j’écris « J’ai pas toujours fini mon dessert », c’est à dire plutôt « J’ai mangé assez de desserts pour énerver mon docteur ; parfois j’ai tout mangé, et parfois j’ai laissé quelques miettes sur l’assiette ». C’est vraiment similaire quant à vraiment : « M. Descarottes n’est vraiment pas content de moi ! » veut dire qu’il est 21h01, pourtant il n’a toujours pas reçu les carottes qu’il m’a demandé à 21h. D’autre part, « M. Descarottes n’est pas vraiment content de moi » veut dire plutôt qu’il est 19h, alors il n’a reçu aucune carotte, mais il n’est toujours pas en colère contre moi.

Au fait, bien qu’il soit vrai qu’il demande toujours des carottes à 21h, j’entends « 21h » dans la voix de Catherine Ringer.

Penser au fait qu’un cobaye et une fille de 12 ans peuvent m’ordonner par ici et par là me frite vraiment, comme on dit en anglais. Heureusement, il n’y a que moi uniquement qui frite, car le français interdit deux choses de faire frire en même temps. C’est ça le sujet du prochain Langue de Molière.

10 réflexions au sujet de « Le bon ordre »

  1. les2olibrius

    Quel article jubilatoire! Un régal total!
    Tu réussis ce tour de force d’être brillantissime dans la justesse du propos et l’humour, tout en parsemant ton texte de petites impropriétés qui font le charme de ton « accent » et de ton caractère de non natif ( comme : l’oubli de la double négation dans « je N’ai toujours pas…. » par exemple ou l’emploi du pronom possessif au lieu de l’article défini dans « dont LE nom »)
    Et bravo pour savoir caler un lien de vidéo pile au bon endroit cité ! Je suis totalement admirative de ta science informatique !
    Enfin je vais garder ta formule « ça me frite » pour « ça m’exaspère » mais dis-moi qu’elle est la tournure anglaise correspondante, s’il te plaît, que je sache expliquer l’affaire en entier! Bizzzz

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    1. Justin Busch Auteur de l’article

      On dit « That fries me », mais on peut remplacer « that » par n’importe quelle phrase comme sujet. Ici, je dirais « Thinking about the fact that a Guinea pig and a 12-year-old girl can order me here and there really fries me. » Really/vraiment est le seul adjectif qui va avec cette expression.

      Quant à « ne », je l’omets souvent parce que je vois que beaucoup de Français ne l’utilise pas dans leur écriture quotidienne. Ce n’est pas formel, et on ne voit pas ce style dans les journaux, bien sûr, mais ça faisait toujours partie d’un style fait exprès. J’omets aussi « il » de « il faut » au début de phrases (mais JAMAIS au milieu) sur la théorie que si Audiard peut le faire, moi aussi. Mais je ne savais vraiment pas que j’aurais dû utilisé « le » au lieu de « son » dans l’exemple en haut.

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      1. les2olibrius

        L’oubli de la première partie des doubles négations est effectivement monnaie courante à l’oral… Et il m’arrive de mal m’exprimer, comme à tout le monde! 🙃 C’est l’écart entre les point de grammaire abordés, assez savants pour la vie quotidienne ( comme dans un sketch de Raymond Devos) et le niveau de langage courant qui m’a vraiment plu dans ton article. Bon weekend ! Bizzz

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