Avec cet article, on lance une nouvelle catégorie, « Les découvertes françaises ». J’expliquerai tout avec la prochaine balado, mais je me doute que vous aurez déjà compris.
Avant de quitter le Puy-de-Dôme, je voulais écrire sur une pensée de son plus célèbre fils, Blaise Pascal. Je parle de son fameux pari. J’ai des sentiments mitigés quant à même évoquer le sujet, pour deux raisons. Numéro 1 « avec une balle » (« with a bullet »), comme on dit en anglais, c’est que je suis bien au courant que parler de sujets religieux est un faux pas en France. Exactement deux francophones m’ont demandé ce que je crois pendant ces 3 dernières années, ce qui me dit plus que n’importe quelle autre preuve. Disons simplement qu’il y a des indices par ici et par là le long du blog. Mais numéro 2, quel que je croie, ce blog n’est pas ici pour faire polémique… bon, pas trop souvent. 4 articles de presque 850 ? Sans en venir aux injures ? Je l’assume.
Alors, le pari de Pascal. Ça m’est arrivé dans l’esprit à cause de quelque chose dans la vraie vie il y a 3 semaines. Mais d’abord, qu’est-ce que c’est que le pari ? Pascal était philosophe, et voulait convaincre ceux en dehors de l’Église que même s’ils ne croyaient pas eux-mêmes, il valait le coup de faire un effort. Pour comprendre son argument, il faut que l’on apprenne l’idée de « valeur attendue ». Bien que je parle de cette idée dans le cadre d’une erreur, c’était un pas en avant important pour beaucoup de sujets, dont les finances et la gestion des risques.

C’est une idée très simple. Il faut savoir deux choses : la probabilité d’un événement, et ce que l’on attend à gagner s’il arrive. La valeur est le produit de multiplier ces choses. Par exemple, la valeur minimum de la loterie « Powerball » aux États-Unis est 20M $ ; quand on gagne, c’est la valeur du prix au prochain tirage au sort. Et la probabilité de la gagner, c’est 1 sur 292 201 338. La valeur attendue d’un billet est donc 20 000 000 $/292 201 338, ou 0,07 $. Pourtant les billets coûtent 2 $. C’est pourquoi je joue à la loterie seulement si le prix hausse au moins dix fois, à 200M $. La valeur attendue du billet ne s’approche presque jamais de ce qu’il coûte, mais je préfère de perdre 1,30 $ plutôt que 1,93 $. (En fait, je perds presque toujours 2 $, mais laissez tomber. C’est la valeur attendue, pas arrivée.)
Certains d’entre vous, plus doués en maths, me diront que 0,07 $ est une borne inférieure car il y a d’autres prix que l’on peut gagner, aussi plus probables. Évidemment, je le sais. Merci de ne pas compliquer l’exposition.
Pascal nous demande de considérer le résultat d’un pari sur l’existence de Dieu : soit Il existe, soit pas. Avec 2 états de réalité possibles — vous avez raison ou vous vous trompez — il y a 4 résultats possibles. J’emprunte ce tableau à Wikipédia:

Dans les cas où Dieu n’existe pas, les gains et les pertes sont limités à ce que vous arrive dans la vie ; ils sont finis. Il n’est pas vraiment important de les calculer de façon exacte. Ce qui compte sont les cas où Dieu existe et les gains et pertes deviennent illimités. Évidemment, l’un des deux est positif, et l’autre est négatif. Pascal vous dirait donc que cette analyse des risques indique qu’il vous faudrait faire un effort d’être croyant, parce que ça évitera une perte inacceptable contre 3 gains qui sont tous préférables. Oui, dans un des trois, on parie contre et a raison, mais on exclut ce cas de nos choix, car si ça ne va pas, on va dans le San Bernardino (maison de mon ancienne belle-famille).
Pourtant, même les croyants n’aiment pas souvent cet argument. Mettre à côté la plainte que l’on pourrait parier sur le mauvais dieu. C’était évident à Pascal que les cultes grecques et nordiques sont disparues à cause d’être fausses. Laplace, un grand mathématicien, avait l’avis (lien en anglais) que Pascal avait choisi la mauvaise valeur, que plus le gain est grand, moins la probabilité que le gain soit réel. (Ça implique, à tort, qu’un dieu que ne promet rien existe presque certainement.) Mais il y aussi des plaintes (lien en anglais) que la croyance n’est pas un choix — si je vous paye à croire que le soleil est bleu, vous verrez quand même la vérité, et rien n’aura changé. Ou que c’est immoral de faire un tel choix simplement pour le gain.
Mais les problèmes viennent en général du fait que l’une des valeurs est infinie. La méthode elle-même est solide. Il y a 3 semaines, on a menacé sur TikTok de faire quelque chose d’horrible à l’école de ma fille la Saint-Valentin, sans préciser quoi exactement. J’ai en fait construit le même tableau :

C’est bien évident — même sans connaître les probabilités exactes — qu’il n’y a aucun gain, et deux pertes, et l’une est bien pire que l’autre. Je l’ai donc gardée à la maison, il n’y a pas eu d’attaque, et j’ai reçu un SMS impoli exactement comme prévu. Évidemment, dans le monde des finances, il faut estimer les coûts plus exactement, et j’ai sauté par-dessus de cette complication. Mais la méthode est la même, et l’idée de valeur attendue est donc une idée de très grande valeur. Peut-être infinie.
Croyons à la bonté divine, ça ne coûte pas cher !!!
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Pardon pour l’absence de rapport avec l’article… Es-tu touché, impacté, comme on dit de nos jours, par les « énormissimes » chutes de neige que nous montre la télé ? J’espère que non. Bon weekend.
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Pas de problème. Je suis à 60 km au sud de LA. S’il neigeait ici, ce serait la fin du monde. MAIS ! Aux limites de ma vision, à environ 40 km, je peux voir des montagnes dans le comté de LA. Et en 23 ans de vie à Elbe-en-Irvine, je n’ai JAMAIS UNE FOIS vu autant de neige en haut que cette dernière semaine !
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C’est fou quand même cette époque que nous vivons ! Mes enfants skiaient ces derniers jours à 250 km de chez nous!
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Il me semble que la notion de Dieu et les mathématiques n’ont rien en commun ? Je peux bien sûr me tromper ! 😉
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C’est grosso modo l’erreur de Pascal. La plainte de Laplace n’est pas dispositive, mais l’argument ne va pas avec des quantités infinies. D’autre part, l’idée d’infini n’était pas bien comprise jusqu’à la fin du XIXe siècle avec les travaux de Georg Cantor. Et ses études l’a coûtés sa santé mentale !
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C’est toi qui sait, moi je sais que je ne sais rien, peut-être que l’on ne saura jamais d’ailleurs ! 😉
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Plutôt que jouer à des jeux de hasard… On peut se contenter d’aimer et surtout sans obliger les autres à en faire autant. Ça se chante au lieu de se calculer ! (« Aimer, c’est c’qu’il y a d’plus beau ») Pascal n’était pas un si bon chrétien que cela!
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Très impressionnée par tes calculs et raisonnements, ainsi que ceux de notre cher Pascal ! Je n’y comprends toujours goutte. Malgré que Pascale soit mon middle-name. C’est comme si on essayait de démontrer l’électricité, la musique, ou la lumière avec des blocs de construction. Sinon, très belle illustration !
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Le pari de Pascal paraît « raisonnable » mais il est fortement biaisé par le contexte social : il n’avait pas d’autre solution qu’un choix binaire entre le dieu des chrétiens et l’athéisme. J’ai longtemps vécu en Inde, entouré de centaines de dieux sur lesquels il faudrait de la même manière parier, de sorte que l’athéisme devient une option bien moins risquée…
Les Indiens que j’ai fréquentés (de toutes classes/castes/religions) n’accordent pas d’importance à la croyance en leurs dieux et légendes. Ils aiment les rituels qui servent à l’apaisement mental et à la bonne marche des affaires. Dans le petit sanctuaire d’une maison, on trouve des images les plus diverses, les dieux hindous bien sûr, mais aussi la Sainte vierge, Gandhi et d’autres figures qui les inspirent (et font marcher le commerce) !
Un ami d’enfance que j’ai revu récemment a abandonné la foi que nous partagions dans nos années de lycée. Il m’a expliqué qu’il croyait en la réincarnation, ce qui est un bon plan pour l’avenir, et en un dieu qui nous aime tellement qu’il ne nous enverra jamais en enfer. Je lui ai répondu que ça allait parfaitement avec mon athéisme et mon agnosticisme concernant une vie post-mortem : si sa théorie se vérifie, j’en bénéficierai comme lui, et son dieu pas méchant ne m’en voudra pas de ne pas avoir cru en lui.
Morale de l’histoire : comme disait Épicure, « les dieux ne s’occupent pas des hommes ! » (je dirais : et réciproquement)
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