Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Soyons francs

En 2021, j’étais à la FNAC d’Orléans pendant mon voyage d’été, où j’ai vu une BD. presque certainement ce tome vu les dates de sortie de la série :

©️Éditions Glénat

(Au fait, ce qui suit n’aura rien à voir avec le complotisme autour de ces gens. Allez regarder Benjamin Gates et le Trésor des Templiers si vous en avez envie. Mais dites-donc, « Trésor national » aurait été une traduction exacte de la VO.)

J’ai demandé à mon ami, qui servait en tant que guide ce jour-là, quelle était la « Franc-Maçonnerie ». Il parle très couramment l’anglais, ayant étudié ici à Elbe-en-Irvine (nous ne nous connaissions pas à l’époque), alors il connaissait le bon mot, les « Freemasons ». « Mason » se prononce de manière vraiment similaire à « maçon », et veut dire la même chose.

Mais ça m’a rendu curieux. « Free » veut dire plutôt « libre » (il y a aussi un autre sens de gratuit), et franc est tout autre chose. Mon dictionnaire Oxford a beaucoup de choix, mais franchement, le bon rapport n’est pas évident :

Les autre choix pas vus ici, ce sont l’ancienne monnaie et des cousins d’Astérix (mais pas d’Idéfix, lui étant un chien). On est en terre inconnue.

J’ai vérifié Wikipédia pour chercher l’origine. Peut-être que les Francs-maçons sont des Freemasons faits maison, d’où le « Franc » ? Wikipédia dit pourtant que c’est le même groupe aux racines écossaises que partout au monde. Mais j’y ai quand même trouvé un indice :

La franc-maçonnerie, ou plus précisément, l’Ordre des Maçons Anciens, Francs et Acceptés, est une société initiatique et philosophique dont les origines se perdent dans la nuit des temps.

Grande Loge du Québec

En anglais, on voit souvent les équivalents des mots « Anciens et Acceptés » sans un troisième, ici Francs. Je suis presque certain que ça veut dire franc comme le dernier sens dans ma capture d’écran. On a un mot comme ça en anglais, « franking« , ce qui signifie le droit de ne pas payer pour envoyer des courriers, exactement le « franc de port ». Mais on veut dire vraiment « libre », pas « gratuit », avec le « free » de « Freemasons ». Et en fait, il s’avère que c’est grosso modo ce qui dit le Trésor de la langue française :

FRANC-, élém. de compos.
Premier élém. de composés subst.; issu de l’adj., il forme des composés subst. masculins.
A. [Le 1er élém. signifie qu’il y a absence de liens de dépendance]
1. [Le 2e élém. est un subst. désignant la pers. dépourvue de liens] :
franc-juge* , franc-maçon* , franc-tenancier* , franc-tireur*
2. [Le 2e élém. est un subst. désignant la chose libre, dépourvue de liens, d’entraves] :
franc-fief* franc(-)parler*,(franc parler, franc-parler) franc-parleur* , dér.
B. [Le 1er élém. signifie qu’il y a absence de paiement de droits, de taxes, de redevances]
1. [Le 2e élém. est un subst. désignant la pers. dispensée de ces paiements] :

TLFi, franc-maçon, certains exemples omis

Il y en a plus, mais ça suffit. Entre les deux dictionnaires, il est bien clair que le sens de libre, être sans liens, est bien attesté, mais n’est plus productif de nos jours. On n’inventerait pas de nouveaux mots qui commencent par « franc ».

Mais ça explique aussi le titre d’un magazine que j’ai récemment croisé, Franc-Tireur, ainsi que franc-parler. En anglais, franc-tireur veut dire « sharpshooter » ou « sniper », et « shooter » et « tireur » sont certainement la même chose. Ces gens étant typiquement solitaires sur le champ de bataille, ça marche. En ce qui concerne franc-parler, j’aurais plutôt pensé au sens « honnête » comme on trouve dans le dictionnaire Oxford, mais le TLFi dit autrement.

On trouve ailleurs que ça explique un autre point de perplexité pour moi, le « coup franc » de football. En anglais, c’est encore une fois « free » comme « libre », mais assez proche de ce sens de « sans liens ou entraves ».

Alors, c’est assez de franc-parler sur franc. Je dois me taire avant que les Francs-maçons ne me soupçonnent. Nan, je plaisante. Mais Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour appuyer sur pousser.

5 réflexions au sujet de « Soyons francs »

  1. Avatar de Bernard BelBernard Bel

    Très intéressant comme recherche ! Je crois effectivement que l’interprétation du TLF est correcte : « libre de toute dépendance ». Je connais des franc-maçons très fréquentables, certes un peu « perchés New Age » mais qui défendent des valeurs « citoyennes ». (Je n’en fais pas partie ni n’ai jamais eu envie de les rejoindre.)

    Les franc-maçons ont joué un rôle important au « siècle des Lumières », et plus tard dans leur lutte contre les totalitarismes. Le problème est qu’ils ont été forcés à la clandestinité, donc réunions secrètes et accusations de complotisme. Inévitablement, des individus ont tiré avantage de ce secret pour tisser des liens politiques et économiques aux antipodes de l’éthique du mouvement. On se souvient de la scandaleuse « loge P4 » liée à la mafia italienne… Mais ces dérives ne condamnent pas le franc-maçonnerie dans son ensemble.

    De nombreuses personnalités politiques françaises, de droite ou de gauche, sont dans la franc-maçonnerie et ne s’en cachent pas. Mais ce n’est pas forcément un argument convaincant ! 😉

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  2. Avatar de vanadze17vanadze17

    D’accord avec Bernard !
    Pour le franc-parler, j’ajouterai qu’une personne qui le pratique, parle « sans filtre », de façon directe, sans la moindre diplomatie. Et donc parfois, peut blesser son interlocuteur par sa franchise !

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  3. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

    Je vais te donner les explications de mon vieux dictionnaire (1990) à la fleur de pissenlit ! 😉
    franc-maçonnerie : nom féminin, pluriel : franc-maçonneries
    1/ association en partie secrète, répandue dans divers pays, et dont les membres professent des principes de fraternité, se reconnaissent entre eux à des signes et des emblèmes et sont organisés en groupes appelés « loges ».
    2/ sens figuré : ensemble de personnes, groupe à l’intérieur duquel se manifeste une solidarité agissante entre membres : »la franc-maçonnerie des anciens élèves d’une grande école ».
    * La franc-maçonnerie moderne est apparue en Grande-Bretagne au XVIIe siècle, en France au XVIIIe s. ; tandis que la franc-maçonnerie anglo-saxonne restait déiste, la franc-maçonnerie française, dans son ensemble, fut gagnée, au milieu du XIXe s. par les idées républicaines et nationalistes.
    J’ai croisé dans les années 80 une connaissance absolument fascinée par la franc-maçonnerie. Elle n’était en fait intéressée que par la possibilité d’élèvement social qu’elle pourrait en retirer… pour ma part, je me suis toujours demandé quelle était la contre-partie qui me serait demandée en échange de quelques avantages… et je n’ai pas suivi, ni gardé le contact ! 😉

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  4. Ping : Saison 2, Épisode 42 — Du franc-parler sur le Tarn | Un Coup de Foudre

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