PluriElles, par Céline Kokkomäki

L’autrice de ce livre est bien connue aux lecteurs d’Un Coup de Foudre, mais peut-être pas sous ce nom. Vous la connaissez plutôt sous le nom de plume par lequel elle apparaît dans chaque « C’est le 1er ». En décembre 2022, je vous l’ai présentée comme ça :

Carnets d’une plume est une jeune femme qui écrit avec passion et honnêteté sur des sujets difficiles, comme devenir indépendant de sa famille en tant qu’adulte et la vérité sur le Qatar.

C’est le 1er, version décembre 2022

Je me suis exprimé de façon réservée. Ce que je voulais vraiment dire était plutôt genre « Laissez tout tomber et allez la lire maintenant. » Si vous lisez le commentaire que j’ai laissé au premier lien, vous aurez une meilleure idée de ce que je pensais à l’époque. Dans ce contexte, c’est-à-dire que bien que je n’aie pas lu de la fiction de sa part, dès que j’ai vu son post pour annoncer ce recueil de nouvelles, j’ai tout de suite su que j’ai le lire.

Avant de continuer, je vais vous donner ma conclusion, afin qu’il n’y ait pas de confusion sur mon avis. PluriElles est une œuvre puissante ; les pages se tournent vite, et vous allez vous arracher du livre avant sa fin avec difficulté. La plupart des nouvelles ne font que 10 pages, mais vous serez en haleine à chaque fois. Chaque nouvelle est une véritable montagne russe de sentiments, une étude psychologique de quelqu’une que nous ne connaissons que brièvement, pourtant quelqu’une dont son sort devient la chose la plus importante au monde pour la durée. PluriElles porte ma plus haute recommandation.

J’ai écrit et réécrit ce qui suit plusieurs fois. Si vous avez suivi ce blog depuis un moment, il y a un sens où je suis la mauvaise personne pour critiquer ce livre. Je lis une phrase comme :

Tu te rappelles la remarque qu’une ancienne DRH t’avait faite à propos de ta couleur de peau « pas assez matifiée »,

Entretien d’embauche, p. 105

et c’est dans une langue plutôt extra-terrestre qu’étrangère. (Je ne considère pas le français comme étant étranger pour moi.) J’ai trouvé une explication de « peau matifiée », mais ça ne m’aurait rien signifié en anglais non plus. Il y a une autre nouvelle, « TIC-TAC », une exploration des pensées, seconde par seconde, de quelqu’une qui vient de prendre un test de grossesse, et…j’ai une fille, mais tout ce que je peux dire autrement ne servirait que pour me faire gêner. Cette nouvelle est un point fort dans un livre qui en est rempli — on vit l’expérience de la narratrice — mais disons simplement que pour en parler, je dois m’enlever de la critique.

Alors, reprenons notre histoire. Ce soir-même, à 2h du matin — je ne plaisante même pas un peu — j’ai lu la première nouvelle, « Toi et moi ». C’est une série de lettres entre une femme et elle-même 40 ans plus tard. Le « comment » n’est pas le sujet de l’histoire. C’est plutôt l’histoire de quelqu’un qui a sauté la frontière mexicaine (un sujet dont j’ai des opinions) pour travailler aux États-Unis, mais qui a perdu ses boulots à cause du Covid (ça se déroule en 2020). Pour un instant, c’était la colère plutôt que la curiosité qui m’a propulsé à travers les pages. Aux mains d’une autrice américaine, cette nouvelle aurait été complètement prévisible et terminée d’autre façon.

Je ne vais pas vous dire comment je me suis trompé, car je veux que vous lisiez ce livre vous-même. (En fait, je veux être clair — si vous ne m’écoutez qu’une fois à propos des livres, je veux que ce soit celui-ci.) Mais j’ai trouvé ce qui est arrivé à la fin juste, pas du tout de la polémique facile que je craignais, et le plus important, à la hauteur de l’empathie et la sensibilité auxquelles je m’attends déjà sur son blog.

Une fois au-delà de moi et des miens, c’est une nouvelle après une autre des vies des femmes, en général dans leurs vingtaine ou trentaine. La diversité des voix coupe le souffle — il y a des histoire dans toutes les trois personnes. Ici, les souvenirs d’une boîte à musique qui nous parle de sa propriétaire ; là, le journal d’une fille à partir de ses 10 ans jusqu’à ses 34 ans. Céline Kokkomäki glisse entre ces voix, entre des personnages si différents, avec une fluidité qui nous fait oublier à chaque fois qu’il y a deux pages, on parlait de tout autre vie. C’est impressionnant.

Je veux attirer votre attention à deux nouvelles en particulier parmi les 13 du livre. « Retrouver le fil » est l’histoire d’une femme qui n’a jamais compris pourquoi toutes ses aînées tricotaient. La plupart des nouvelles dans ce recueil ont des fins « plus sage mais plus triste ». Celle-ci se distingue par un moment où l’éclaircissement de la protagoniste nous mène à une fin heureuse. « La créole dorée » est la chose la plus proche d’un conte de surnaturel, et m’a donné une frisson digne d’Edgar Allan Poe à sa fin.

Le livre finit avec « La Rupture », dur à lire parce que le lecteur voit la vérité avant la protagoniste, pourtant on ne peut que suivre ses expériences même en sachant comment elles finiront. Mais la fin de l’histoire, donc du livre, est un moment où on peut ressentir de la fierté pour notre héroïne, une note d’espoir. J’attends avec impatience quel que Céline Kokkomäki sorte prochainement.

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