Ne parlez pas l’anglais comme les autres non plus

Il y a des mois, énervé par les bruits de mes con-citoyens qui font semblant de parler anglais, j’ai écrit un article intitulé « Ne parlez pas l’anglais comme un américain, 1ère partie ». J’ai ajouté « 1ère partie » car j’étais loin d’épuiser le sujet, mais il ne m’est pas venu à l’esprit d’y revenir. Plus précisément, j’ai des limites pour la fréquence de billets où je me plains de tel ou tel chose. Et il y a des sujets plus importants pour m’en plaindre.

L’image la plus américaine de toutes, Photo par Tech. Sgt. Andrew Burdette, Domaine public

Un de ces sujets est l’attitude du reste de l’anglophonie vers l’anglais tel qu’il est à travers l’Étang, comme disent les britanniques. Je suis moins ravi d’écrire ça que vous ne le pensez. Il était une fois, tout le monde qui me connaissaient auraient dit que si j’allais vivre quelque part à l’étranger, il serait à Londres. Petit, j’avais la tête aussi pleine de rois britanniques que de français. J’adore l’accent britannique autant que le vôtre (au moins l’accent éduqué, le soi-disant « Received Pronunciation » — les personnages de Sasha Baron-Cohen font mal aux oreilles). Et j’aime leur cuisine — je sais, une attitude très inhabituelle, mais sincère. En revanche, je ne connais personne là-bas et on ne peut pas vivre à temps plein chez Fortnum & Mason. Mais pour autant que je sois prêt à me plaindre de l’anglais de chez moi, leurs plaintes sont du codswallop (mot britannique : bazar, n’importe quoi) le plus pur.

Reculons un peu. Je fais partie d’un groupe d’utilisateurs de Duolingo sur Facebook. Ironiquement, je ne l’ai trouvé qu’une fois que j’avais enfin supprimé l’appli. Je ne l’ai pas réinstallée, mais je suis heureux d’aider ceux que veulent apprendre le français sur le même chemin que moi. Et il y a certaines expériences qui ne sont logiques que pour les autres utilisateurs de Duolingo. Si vous ne connaissez pas les satanés leaderboards (classements), comptez-vous chanceux. Parmi ce groupe, on trouve tout la cantina de Mos Eisley — des américains, des britanniques, même des brésiliens qui utilisent Duolingo en anglais pour apprendre le français.

Je vous rappelle que Duolingo est disponible gratuitement, et que je n’ai jamais rien payé pour l’utiliser — plutôt l’inverse ! Et c’est fait aux États-Unis, par des anglophones américains (ils embauchent des autochtones pour dire les exemples à haute voix). Les brésiliens, les scandinaves, ils ne se plaignent pas de cette situation. Mais les britanniques, les australiens, les néo-zélandais ?

Ils se plaignent de tout. C’est insupportable. J’ai commencé à garder des captures d’écran à partir du moment où un britannique s’est plaint que Duolingo dit « burglarize » pour cambrioler au lieu de « burgle ». Il a dit « Sûrement même les Américains ne disent pas « burglarized » ? » Ce tosser (mot britannique : con) a bien mérité les réponses :

Une personne a répondu qu’il n’a jamais entendu « burgle » (vous le trouverez seulement dans des rediffusions de la BBC) ; deux autres ont dit que si, nous l’utilisons. Moi, j’ai répondu avec une pub ancienne de McDo avec un personnage dont son nom, Hamburglar, dit hamburger et burglar en même temps.

Mais ça continuait. « Malheureusement, Duo utilise l’anglais américain par défaut » :

Malheureusement ? Bollocks ! (mot britannique : merde, une connerie) C’est gratuit. Vous vous souciez de ne pas utiliser des expressions britanniques afin que nous les provinciaux puissions vous comprendre, monsieur ? Et plus :

« Je dis absolument « film » et ne rêverais même pas d’utiliser le mot « movie ». » Taisez-vous, toff (mot britannique : snobinard riche). Les américains du groupe ne « rêveraient » même pas d’avoir une telle attitude de wanker (mot britannique : branleur) vers votre anglais.

On continue. « Tristement, nous les britanniques doivent apprendre l’américain. » Quand on lui répond « Peut-être que vous les Brits trouvent un site produit par une société britannique ? » un autre britannique se plainte que « c’est impoli » et que les américains ont mal compris et veulent juste être offensés, car « sadly » veut dire « malheureusement » :

Honnêtement ? Bugger off ! (Expression britannique : casse-toi, de façon vulgaire.)

Au cas où ce ne serait pas clair, je connaissais déjà chaque « briticisme » que j’ai utilisé dans ce billet. Je trouve cette attitude absolument inacceptable. J’étais abonné du site britannique Kwiziq pour aller plus loin que Duolingo et je ne me suis jamais plaint de son anglais avec des « ou » partout où nous écrivons « o ». Et je le payais.

Peut-être que vous comprenez maintenant pourquoi je ne m’intéresse même pas un peu à vivre dans un autre pays anglophone. Je vous ai parlé honnêtement des « fans » en France qui m’ont dit « j’espère que tu resteras aux États-Unis ». L’ancien Empire, c’est souvent comme ça mais sans les bonnes pâtisseries. Un échange qui ne vaut pas la peine !

17 réflexions au sujet de « Ne parlez pas l’anglais comme les autres non plus »

  1. Avatar de Bernard BelBernard Bel

    Je lis des articles d’un fil de Quora (English) qui traiite des différences entre l’anglais américain et britannique. Il y a de nombreuses discussions à ce sujet, auxquelles participent d’autres anglophones, dont beaucoup d’australiens.

    C’est amusant pour un étranger qui a principalement appris l’anglais en Inde… Car les problèmes que vous soulevez sont ceux de locuteurs « natifs ». Je veux dire, l’anglais qu’ils parlent (ou écrivent) est marqué par les traces de leur enfance, donc chargé émotionnellement.

    Je vois « ironiquement » dans votre article – présumément la traduction de « ironically ». Ce mot n’est pas français, mais on le voit de plus en plus souvent dans des textes en traduction automatique, car les logiciels ont fini par l’adopter, et les anglophones adorent le « ironically ». Pour moi, c’est un casse-tête de traduction ! Je me résous à utiliser la périphrase « par une ironie du sort » qui permet de contourner l’absence de cet adverbe, mais ça devient lourd et répétitif si l’auteur utilise fréquemment « ironically ». On devrait interdire ce mot ! 😉

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Oui, je me sens mieux pour l’avoir écrit ! Il doit être plutôt amusant à voir n’importe quel américain se plaindre que le reste du monde s’attend à ce que nous parlions SA langue ! 😂

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  2. Avatar de Bernard BelBernard Bel

    Hier avec ma compagne nous avons constaté que les romanciers francophones dont nous aimons le plus le style — Georges Perec, Romain Gary, Andreï Makine et beaucoup d’autres — n’avaient pas grandi avec le français comme langue maternelle (unique). Je crois que c’est surtout un effet positif du bilinguisme (voire multilinguisme) plutôt que d’une propriété particulière des langues slaves qu’ils ont entendues en premier.

    Donc je fais un pari : dans 10 ou 20 ans, Justin Busch sera devenu un écrivain francophone célèbre ! On peut rire de ses maladresses après trois ans d’apprentissage, je suis convaincu qu’il maîtrisera sa langue d’adoption très rapidement, vu le chemin parcouru en si peu de temps.

    Écrivain-cuisinier, il va de soi ! 🙂

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  3. Avatar de juliettejuliette

    J’ai vécu quelques petites années à Londres (dans les quartiers populaires ) et j’aime encore leurs mots et expressions de tous les jours, celles de la rue, que je retrouve dans de vieilles ou actuelles chansons rock, dans des films …
    Je n’aime pas le langage soutenu de personnes qui se la jouent, que ce soit en anglais, en français, en italien … les mots ou expressions que tu dois chercher dans un dictionnaire !
    Vive la simplicité des langues mais sans en oublier la beauté !
    Et bonne journée Justin 🌞

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    1. Avatar de C'est en lisant...les2olibrius

      Mais tous ceux qui emploient des mots plus rares ne « se la jouent pas forcément ». Ils ont peut-être tout simplement plus de vocabulaire. Je ne suis pas d’accord avec toi, cette fois-ci. J’ai moi-même un vocabulaire. un peu vieilli et je refuse qu’on le prenne pour une poseuse! A celui qui ne connait pas les mots à ouvrir ses dicos!

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  4. Avatar de vanadze17vanadze17

    Choisir entre le Larousse, Harraps ou Google… là est la question ! Ou faut-il préférer les expressions courantes du pays tout en sachant que les anglicismes ne sont pas toujours traduisibles ?
    J’ai eu un jour une élève qui m’avait traduit son texte anglais avec Google… c’était horrible pour moi ! Je lui ai démontré que son texte « n’avait ni queue ni tête »…
    Je suis de la « vieille école » et je suis très déçue lorsque je constate le manque de recherches dans les dictionnaires des élèves de cette génération.
    Je comprends forcément tes problèmes Justin, mais toi, tu cherches à comprendre, et tu compares tes dictionnaires !

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  5. Avatar de Martine DardenneMartine Dardenne

    J’ai toujours aimé la langue anglaise, celle apprise au collège avec un prof natif d’Oxford 😉 mais aussi l’anglais parlé de la rue (comme Juliette). Aujourd’hui c’est fou mais je comprends mieux les Américains, peut-être à force de regarder des films en V.O sur Netflix 🙂 Quoiqu’il en soit, apprendre une langue étrangère avec toutes les nuances c’est toujours un grand plaisir 🙂

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  6. Avatar de LadyButterflyLadyButterfly

    Que dire ? Il y a des gens qui râlent partout ? Tiens, je pensais que c’était une spécificité française (rires).

    Pour ma part, j’ai appris l’anglais d’Angleterre, avec l’accent qui va avec et les tournures aussi pour 2 raisons : j’ai de la famille britannique et aussi parce que c’était évidemment ce qu’on apprenait en classe dans les années 80. Mais assez vite, j’ai aussi écouté des chansons américaines (le rock, hein) et là, j’ai compris qu’il y avait une différence de vocabulaire et que non, je ne captais pas tout. Vu que dans les années 80/90, on n’avait pas forcément les films en sous-titrage dans la langue originale sauf rares exceptions, j’ai continué à parler un anglais britannique, pas trop moche.

    Le jour où je suis allée aux USA, surprise ! J’ai eu du mal à comprendre ce que les gens nous racontaient (en plus, c’était dans le sud). J’ai cru que je ne savais plus rien ou presque. Je rigole mais il m’a fallu un petit temps d’adaptation.

    Maintenant, c’est vraiment différent : on entend presque plus d’américain que d’anglais, avec les séries. Et je dois dire que, comme toi, mon coeur va vers l’accent british, toujours, même si j’aime bien aussi l’accent australien, par ex.

    Après, c’est une question d’adaptation, et je n’irais pas critiquer les gens qui utilisent plus un mot qu’un autre. Je râle suffisamment contre mes compatriotes qui écrivent ou parlent un français étrange 🙂

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