Archives mensuelles : juin 2024

Ayez les réfs

Il y a un groupe sur Facebook dont je fais partie, plein de parodies de Tintin. Beaucoup de leurs blagues suivent ce format :

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En fait, j’ai « la réf », parce que ce n’était vraiment pas si difficile à trouver. Mais je suis arrivé avec 18 ans de retard de trop pour l’avoir vu à son époque. Cependant, il me semble que sur ce blog, il y a ce problème à l’envers — l’auteur a une tête pleine de références possiblement inconnues aux lecteurs. Il me faut régler ça, au moins un peu. Alors, je vous offre mes excuses si vous connaissez déjà certaines — je ne sais pas ce que vous ne connaissez pas.

Le son du succès — Je dis souvent après avoir réussi quelque chose que j’entends le son du succès. En général, ça veut dire la musique de la victoire après une bataille dans la série de jeux vidéo Final Fantasy. Surtout le quatrième volet :

Parfois c’est-à-dire plutôt la musique du trésor d’Ocarina of Time. Mais ça fait 32 ans où j’ai cette musique dans la tête.

La plus grande histoire d’amour de tous les temps — Désolé mais ce n’est pas Josepha et Cruchot. C’est Cecil et Rosa, les protagonistes de Final Fantasy IV. J’ai joué ce jeu de zéro jusqu’à la fin plus que n’importe quel autre jeu, car je les adore plus que n’importe qui. Ce clip, produit pour son 20e anniversaire, est tout dont je rêve (mais aucune version du jeu le ressemble) :

La vieille chouette sage — Je mentionne parfois Maurice, le poisson rouge qui a poussé le bouchon trop loin. Pourtant, je l’ai adopté. La véritable référence de ce genre est la chouette dans cette pub des années 80. Personne ne sait combien de fois il faut lécher une sucette « Tootsie Pop » afin d’atteindre le bonbon au centre, car tout le monde la mord trop vite.

Alphonse et Gaston — Deux Français inconnus en France. Ils viennent d’une BD publié dans les journaux américains au début du XXe siècle. Le gag le mieux connu est que les deux se disent « Après toi » encore et encore et ne finissent jamais rien.

Alphonse et Gaston par Frederick Opper, Domaine public

Voici un indice — Je mentionne souvent La Guerre des robots, film de 1986. J’ai enfin trouvé un enregistrement en français pour vous montrer la réf. Les voix sont décevantes pour moi, et la traduction n’est pas super. Le méchant Megatron, trahi par son commandant en second, Starscream, devient le plus puissant robot Galvatron. Ici, il revient pour sa vengeance. En version anglaise, Starscream lui demande « C’est toi, Megatron ? » et Galvatron répond « Here’s a hint » (Voici un indice), puis Starscream le prend cher. En français, Galvatron dit plutôt « Oui mais plus fort qu’avant ».

Here’s Johnny ! — Un ami m’a parlé de regarder le film « Shining » de Stanley Kubrick. Je lui ai demandé s’il avait compris la référence derrière la réplique « Here’s Johnny! ». Il s’est avéré que cette réplique n’existe pas en VF. Alors : Michel Drucker se traduit en anglais par Johnny Carson. Johnny Carson a été l’animateur de l’émission « The Tonight Show » pendant des décennies. Il était remplacé par Jay Leno, puis Jimmy Fallon. De toute façon, Johnny Carson était toujours présenté comme ça :

Rue Sesame — « Sesame Street » aux États-Unis est l’ancêtre direct de l’Île aux Enfants. Mais l’émission est peu connue en France. Alors, bien que tous les Muppets (oui, dessinés par Jim Henson lui-même) soient des réfs importantes, les plus importants pour mes buts sont « Cookie Monster » (le Monstre aux cookies), « Count von Count » (littéralement, Comte von Compte) et « Oscar the Grouch » (Oscar le grincheux). Voici Cookie Monster en train de faire ses bêtises :

Pour sa part, le Comte est connu pour compter des choses une à la fois, en riant « Ah ah ah ! ».

Cette émission existe depuis les années 60 et reste toujours populaire, avec plusieurs milliers d’épisodes. La Fille l’a tant aimée en tant que bébé que beaucoup de ses chansons restent parmi le top 20 de ma bibliothèque iTunes, même 8 ans après la fin de son intérêt. Celles qui les dépassent font partie de mes playlists pour faire du vélo ! (J’ai perdu mes données avant 2011, et j’écoute Rush en dehors d’iTunes, alors cette liste est un peu trompeuse. Mais pas trop.) Comme toujours, ne me croyez pas sur parole — les « Pajanimals » sont une dérivée de Sesame Street par les mêmes producteurs :

Plus haute résolution en cliquant

Ceci est « The Bionic Jam » — on en parlera une autre fois.

Savoir est la moitié de la bataille — À la fin de chaque épisode de GI Joe, il y avait des messages d’intérêt public — n’acceptez rien des inconnus, souvenez-vous du numéro téléphonique de vos parents, etc. Chacun s’est terminé par le slogan « And knowing is half the battle », savoir est la moitié de la bataille. C’est le « My tailor is rich » de ma génération — tous les quarantenaires le reconnaîtront.

Il me semble que ce serait un super « tag » — quelles sont les références qui vous sont importantes ?

Je découvre le Territoire de Belfort

Voilà, le commencement de la fin.

Talleyrand

On continue maintenant le Tour avec le 90, le Territoire de Belfort. C’est le département le deuxième moins peuplé (bonjour, la Lozère !) et les habitants s’appellent…selon Wikipédia, il n’y a pas de gentilé officiel, mais le site de tourisme donne terrifortains. C’est notre huitième et dernier séjour en Bourgogne-Franche-Comté, mais en plus, si la loi du 10 juillet 1964 n’avait pas divisé l’ancienne Seine-et-Oise en 6, ce serait la fin de l’Hexagone (l’Outre-mer nous attend, bien sûr). Je garde cette citation de Talleyrand dans mon fichier des départements depuis plus de 3 ans déjà ; je vous rappelle que j’ai écrit la fin du Tour il y a longtemps. Vous n’avez aucune idée des larmes qui vont avec ce moment, et je m’attends à d’autres.

Au fait, j’avais espéré finir tout l’Hexagone à ce point, le temps du début du Tour de France 2024, et j’avais tant dit en juillet dernier.

On commence notre tour dans la ville de Belfort, la préfecture. Et ici, il n’y a qu’un seul choix possible pour notre premier arrêt, la Citadelle de Belfort (2 étoiles Michelin). Construit au XIIe siècle et modifié par Vauban, la Citadelle offre des vues panoramiques de tout Belfort. Là, il ne faut pas rater le Lion de Bartholdi (2 étoiles), une sculpture du symbole de la ville par le sculpteur célèbre, en souvenir de sa résistance contre les Voisins en 1870. La Citadelle abrite aussi le Musée d’Histoire de la ville. Après, on se promène dans la vieille ville (1 étoile) pour la Place d’Armes et son quartier haussmannien du XIXe siècle. Fermé jusqu’à fin 2024, le Musée d’art moderne (1 étoile) abrite des œuvres de la première moitié du XXe siècle, de lumières telles que Braque, Picasso, Léger, Chagall, et pour ceux qui l’aiment, Picasso. Juste à l’extérieur de la ville, on trouve l’Étang des Forges, lac artificiel du Moyen-Âge devenu réserve naturelle avec des sentiers pour faire des balades.

Le Territoire de Belfort est unique en France — il n’y a aucune distance plus longue qu’environ 30 km pour traverser le département, qui est essentiellement Belfort et ses alentours. J’ai essayé de conserver un chemin logique dans ce qui suit, mais honnêtement, rien n’est loin et c’est très facile à réarranger tout le reste de cet itinéraire.

À moins de 4 km de l’Étang, on trouve le Fanum d’Offemont, les ruines d’un petit temple gallo-romain du Ier siècle. Juste à l’ouest, à Valdoie, on visite Valdoie pour son Église Saint-Joseph, construite originalement juste avant la Révolution (un moment mal choisi !), et renouvelée après des dégâts au début du XXe siècle. L’horloge vaut la visite, ainsi que son orgue, restauré en 2016. On continue à l’Ouest, au Salbert, un massif de 647 qui offre des vues sur la ville de Belfort ainsi que le Malsaucy (on en parlera en bas). Fort Dorsner à Giromagny, au nord (et ouvert l’été seulement), a été construit pendant les années 1870, pour loger 600 soldats ainsi qu’une cinquantaine de pièces d’artillerie, et reste en plutôt bon état malgré 4 décennies d’abandon avant son rachat par la commune.

Très proche de Giromagny, on trouve le Lac du Malsaucy (1 étoile) et sa presqu’île. On visite le premier pour la randonnée et la plage ; le dernier est remarquable pour le festival des Eurockéenes chaque juillet. Croyez-moi, j’ai pensé à y aller en 2023 pour Indochine et sa première partie, Philippe Etchebest. Vous pensez que je plaisante. Allez cliquer — je n’invente (presque) rien. Mais enfin, je n’allais jamais convaincre ma famille d’y aller au lieu de Paris et Normandie. On revient vers les alentours de Belfort pour le Parc de la Douce, un autre joli espace vert pour faire de la randonnée.

On continue au sud de Belfort pour nos deux derniers arrêts. D’abord, l’Église Saint-Martin à Grandvillars, construite au début du XVIIIe siècle. Seulement le clocher est original, le reste ayant été reconstruit en 1848 pour accueillir une forte augmentation de la population. Son orgue tout neuf vaut aussi la visite. On finit à Beaucourt pour faire le tour des cinq fontaines de la ville, dont sa « Fontaine du Loup », le centre de la ville.

Qui sont les personnages les plus connus du Territoire de Belfort ? Le prince de Monaco, Albert Grimaldi, est aussi comte de la ville de Belfort. Après lui, bien que j’aie trouvé une centaine de noms, je dois avouer que je n’ai entendu parler de personne. Mais Belfort peut se vanter du général Jean-Pierre Béchaud, mort pour la France, dont son nom est gravé sur l’Arc de Triomphe à Paris ; Roger Furst, Édouard Pinot, et André Parant, Compagnons de la Libération ; Lucienne Welschinger, fondatrice du réseau de résistance Équipe Pur Sang ; et Olga Baumgarten Saint-Blancat, Juste Parmi les Nations.

Que manger dans le Territoire de Belfort ? On est au carrefour d’Alsace et de Bourgogne (quoi, il n’y a qu’un Carrefour pour les 2 régions ?!?), alors la cuisine reflet les deux. Non, on n’y trouve pas de saucisses farcies d’escargots (super, on va lire ça et en faire juste afin de me dire que j’ai tort). On y trouve donc de tels plats que la potée comtoise et le gras-double à la crème, le gras-double étant de l’estomac de bœuf. L’épaule du Ballon, spécialité de la ville de Belfort, est une épaule de mouton désossée et farcie de myrtilles. En dessert, on y trouve le belflore, gâteau créé en 1993, des framboises recouvertes d’une meringue aux amandes. Pour boire, il y a le brimbul, un apéritif à base de myrtilles.

Mon dîner icaunais

Je sais depuis longtemps que ce dîner allait tourner autour des gougères. Ce sont la toute première chose que j’ai appris du livre du grand chef Thomas Keller, 3 fois étoilé à deux restos en même temps. Alors quand j’ai appris leur lien à l’Yonne, il ne restait pas de choix. Pour aller avec, le rigodon, un dessert bien paysan de la région.

Vous savez ce qui suit. Allons les préparer !

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Outsphere 3 : Réligions

Ça fait des mois depuis notre dernier séjour aux mondes de Guy-Roger Duvert. (6 mois presqu’au jour, avec Outsphere 2.) Mais nous voilà, avec Outsphere 3 et oh là là, que l’échiquier ait beau changé ! Pour ce qu’il vaut, j’ai largement lu ceci sur les avions pendant mes vacances — le long délai entre le dernier tome et celui-ci n’a rien à voir avec le livre lui-même.

Il n’y a rien de surprenant quand je vous dis qu’un roman de M. Duvert n’hésite pas à se débarrasser de pas mal de personnages attachants. J’ai évité de vous parler de la fin du deuxième tome à l’époque, afin de ne pas jouer le divulgâcheur, mais l’épilogue de ce livre-là nous dit exactement la même chose que le début de ceci — on est maintenant dans une époque beaucoup plus tard, et presque tout le monde auquel le lecteur s’intéressait à travers les deux premiers tomes est mort depuis longtemps.

Mais combien de temps ? Plusieurs siècles en tout cas, mais déterminer exactement la durée est difficile. Je vous ai dit avant qu’avec les pertes massives des deux premiers tomes, il était bien évident que les descendants des colons allaient vivre des vies d’un niveau de technologie très bas par rapport à celui qui les a amenés à la planète d’Eden. Pourtant, je ne m’attendais pas au thème de ce livre, où l’histoire s’est effacée et toute mémoire de l’Arche et de la Terre n’est que légende. À partir de ça, plusieurs religions sont fondées, où chacune garde des bribes, des brins de la vérité sur les origines extra-terrestres de l’humanité sur cette planète.

Sans divulguer trop, seulement une de ces religions arrive à jouer un rôle vraiment important à l’histoire, pour de bonnes raisons. À la fin du deuxième tome, trois protagonistes sont placés dans des caissons pendant que les scientifiques cherchent le remède pour une maladie, dans l’espoir qu’ils seront réveillés assez bientôt. C’est ainsi qu’ils sont (pour autant que l’on sache) les seuls survivants de l’Arche qui restent. Pourtant, il y avait d’autres caissons et les descendants les ont découverts, et ça a donné lieu à l’idée qu’un jour, les « Endormis » reviendront pour sauver Eden d’une Menace inconnue. Une religion basée sur ça va évidemment avoir le plus d’intérêt dans un roman écrit autour de trois personnes envoyées au futur en tant qu’Endormis.

Cependant, le roman est largement la recherche de l’une des trois par les deux autres. Les trois caissons finissent par être séparés, et on se retrouve avec Jake Bowman et Nash Olsen, les protagonistes principaux des deux premiers tomes. Jake était anciennement le colonel supérieur à Olsen, mais en plus du fait que l’Armée n’existe plus, Olsen considère que Bowman l’a abandonné pendant le premier tome (et a raison d’une façon). Ils sont donc alliés, mais se trouvent séparés pendant de longues périodes, et l’histoire est racontée par tours de chacun de leurs points de vue.

Ce livre est en grande partie un livre d’idées. Je ne dis rien de nouveau si je vous dis que ce qui croit un paroissien typique d’une église est peut-être loin de ce qui croit les évêques et les cardinaux. Parfois c’est une question d’éducation, mais parfois c’est une question de connaissances jugées trop dangereuses. Encore une fois, je ne veux rien divulgâcher, mais la religion des Endormis est victime de toute la même corruption que l’Église catholique médiévale, jusqu’à sa propre Inquisition. De cette façon, M. Duvert se trouve bien placé à offrir ses propres spéculations sur la religion telle que l’on la connaît.

Outsphere 3 fait 346 pages ; le temps que 250 soit arrivée, il m’était évident que l’histoire ne pouvait pas atteindre sa conclusion dans ce tome. D’une façon, j’avais tort — il y a une épilogue, après une note qui dit clairement qu’il y aura un quatrième tome, mais l’intrigue trouve sa résolution, « une fin certes un peu douce-amère » comme dit M. Duvert dans une note au lecteur. Mais même avec la fin que l’on a, il y a beaucoup de questions qui restent peu explorées — le sort du 3e personnage, ce qui est vraiment la Menace, les détails de l’événement à cause duquel la mémoire historique semble avoir été perdue.

Vous aurez remarqué que je n’ai dit presque rien sur l’intrigue lui-même. En partie, c’est parce que c’est difficile à le faire sans trop dire. Mais l’autre partie, c’est que j’avoue être plus qu’un peu déçu par la résolution. Jake Bowman n’est pas un homme parfait, mais je voulais désespérément qu’il trouve la seule chose dont il avait vraiment envie. En revanche, la leçon livrée encore et encore dans les livres de M. Duvert est que la vie ne se passe pas comme on l’aurait souhaitée.

Outsphere 3 est bien équipé de tous les points forts habituels chez M. Duvert. On est vite plongés dans l’intrigue, l’écriture est vive, les personnages sont intéressants — au-delà de vous prévenir qu’il faut vraiment commencer cette série au début, non pas avec le troisième tome, je n’hésite pas à le recommander. Je n’ai franchement aucun doute que le quatrième tome vaudra la peine, même si je sais qu’il va raconter tout autre histoire par rapport à ce que je devinais. C’est juste que l’on sait déjà que les histoires d’amour finissent mal, et je suis assez d’un bisounours pour avoir espéré le contraire.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Le melon de Molière

Langue de Molière est de retour avec une histoire hilarante ainsi que quelques autres remarques sur le français à la sauce québécoise, mais pour une raison qui deviendra rapidement claire, je me sens obligé de vous rappeler qu’il y a une raison derrière les règles de 5 Minutes Avec — je suis un homme américain, donc hyper-sensible à la moindre possibilité d’un malentendu que l’on perçoit comme harcèlement.

Au cours de 2022, j’ai appris l’expression « avoir le melon ». Selon Wiktionary, c’est un synonyme de « avoir la grosse tête ». Je crois que l’ai appris d’un lecteur ici qui l’avait mentionné dans les commentaires, et avait dit « gros melon », car je l’utilise toujours avec gros, comment je me souviens de l’avoir entendu. Mais je n’arrive à trouver aucune preuve, ni avec Google ni avec le moteur de recherche de WordPress. En anglais, on dit « have a big head », identique à « grosse tête », et je suis sûr que ça m’influence aussi.

La première fois où elle a apparu sur le blog était en décembre de cette année, où j’ai dit que ma première apparition dans un journal français allait « pousser le gros melon ». Je l’ai utilisé deux fois en 2023 (première, deuxième), avec avoir au lieu de pousser, et il me semble que tout le monde l’a compris comme référence à un égo bien gonflé. Alors, la conversation :

Anne-Marie et moi étions au resto, et la conversation est tournée en direction La Fille, comme d’hab chez moi. Avec ça, on a aussi parlé de ma relation avec sa mère, et j’ai dit qu’elle avait le gros melon.

Anne-Marie est pliée de rire, et moi, j’étais tout perplexe !

Il s’avère qu’au Québec, ils sont influencés par l’anglais à cet égard. En anglais, si on dit d’une femme qu’elle a de gros melons (au pluriel !), ça parle des seins. L’expression hexagonale, par contre, n’est pas connue. Dans le contexte de la conversation, il aurait été bizarre pour moi d’avoir remarqué sur son corps quand on parlait de son caractère, mais aux États-Unis, personne ne serait soucié de ce détail. Heureusement pour moi, on a vite compris la différence.

Ça nous a mené de parler de Denyzee, une youtubeuse française qui habite au Québec et parle parfois des significations différentes pour les mêmes mots. Voici un exemple que j’ai vu très tôt dans mes études :

Elle dit, par exemple, qu’en France « graine » veut dire un genre de légume, mais au Québec, c’est plutôt l’organe mâle ! En France, une culotte est un sous-vêtement ; au Québec, c’est un pantalon. Croyez-moi, quand j’ai appris la version hexagonale, j’ai eu tout à coup tout genre de questions sur mon cours d’histoire européenne en 2e, où on parlait des « sans-culottes » ! Mais bien sûr, c’est les Québécois qui ont gardé le sens du mot au temps de la Révolution.

Vous voyez pourquoi il m’est important d’être la sorte de personne où s’il y a un malentendu, on blâme d’abord la langue.

On me demande depuis mon retour si j’avais du mal avec l’accent québécois. La réponse sarcastique, c’est « ben non, comment ça, leur anglais sonne juste comme le vôtre ! ». Mais en fait, Anne-Marie et moi avions discuté exactement ça aussi. À mes oreilles, son accent est plutôt comme le nord-est des États-Unis. J’ai eu du mal quand elle disait « quinze », car ça me sonnait exactement comme le nom de famille de l’économiste John Maynard Keynes, prononcé par un britannique. C’est très différent de la prononciation hexagonale. Pour sa part, elle m’a trouvé plutôt hexagonal, la seule fois où j’entendrai une telle chose, j’en suis sûr.

Au fait, je connaissais une québécoise au lycée, qui était là pour un séjour linguistique. (Elle a fini par se marier avec un de mes copains de classe, mais ils n’étaient pas ensemble à l’époque.) Elle avait la prononciation la plus charmante au monde entier pour le mot anglais pour onze, « eleven ». Un anglophone mettrait le stress sur la deuxième voyelle, « e-LE-ven ». Dans sa bouche, c’était plutôt « E-le-VEN ». Je ne peux plus vous dire comment elle a prononcé n’importe quel autre mot, mais celui-ci, je peux l’entendre toujours.

Non, je n’ai jamais rien dit à cette personne sur ce sujet. Je suis sûr qu’elle m’aurait cru cinglé.

De toute façon, Anne-Marie a l’honneur d’être la seule personne qui a jamais vu le fichier où je garde toutes les idées pour ces billets, car on était immédiatement d’accord qu’il me fallait écrire sur « melon ».

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de l’expression française préférée de La Fille.

Je découvre l’Yonne

On continue maintenant le Tour avec le 89, l’Yonne. C’est le département le quarante-et-unième moins peuplé et les habitants se nomment icaunais. C’est notre septième séjour en Bourgogne-Franche-Comté.

D’où le nom icaunais ? Icauna est l’ancien nom celtique de la rivière connue aujourd’hui sous le nom de Yonne. Mais il y a apparemment du désaccord sur la question de ce que voulait dire Icauna — était-ce le nom d’une déesse, ou était-ce le nom d’un peuple qui y vivaient ?

On commence à la préfecture, Auxerre, avec une promenade le long des quais du quartier de la Marine — car dès que j’ai vu cette première photo, c’était un coup de cœur ! À la gauche de la photo, on trouve le joyau de la ville, la cathédrale Saint-Étienne (2 étoiles Michelin), édifice gothique du XIIIe siècle avec une crypte romane qui date au Xe siècle, et un trésor qui comprend de nombreux vases, statues et émaux. Auxerre se vante aussi de l’Abbaye Saint-Germain (2 étoiles), visible en arrière-plan de la première photo, anciennement la maison d’une communauté monastique du VIIe siècle jusqu’à la Révolution, dont la crypte contient toujours des fresques du IXe siècle. De nos jours, l’abbaye abrite le Musée d’art et d’histoire avec des salles consacrées à l’archéologie gallo-romaine et médiévale, un scriptorium, et à Saint-Germain lui-même. Ne ratez pas non plus la Tour de l’Horloge du XVe siècle, à quelques pas de la cathédrale.

Aux alentours d’Auxerre, on visite l’Abbaye de Pontigny (2 étoiles), ancienne abbaye cistercienne fondée en 1114, dont l’église abbatiale reste en service pour son village. Le chœur date au XIIe siècle, mais les stalles et l’autel n’ont « que » 3 siècles eux-mêmes. Plus à l’est, on visite le village de Tonnerre (de Brest !), pour la Fosse Dionne, une source d’eau à haut débit (300 L/s !) connue depuis l’époque romaine. Puis on tourne vers le sud pour visiter la ville fortifiée d’Avallon (1 étoile), pour ses remparts médiévaux, sa vue panoramique sur la vallée du Cousin, et peut-être les bonbons de l’atelier du Mylor (je suis incorrigible). Juste à l’ouest d’Avallon, on visite la couronne de l’Yonne, la Basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (3 étoiles). Construite au milieu du XIIe siècle, la Basilique revendiquait des reliques de Marie Madeleine, mais que ce soit vrai ou pas (consultez notre article sur le Var), les reliques ont été brûlées par les Huguenots pendant le XVIe siècle. Restaurée par Viollet-le-Duc, la Basilique est remarquable pour le tympan du portail du narthex, considéré un chef-d’œuvre du style roman, mais aussi pour son usage de lumière sans vitraux.

Plus à l’ouest, on visite un site étonnant, le chantier médiéval de Guédelon (2 étoiles), où pendant les 30 dernières années, on construit un château-fort avec les outils du Moyen-Âge. Pour autant que je n’aie pas envie d’en faire partie, je suis admirateur. Au nord-ouest, le Château de Saint-Fargeau (1 étoile) a déjà 600 ans, et comprend des appartements (plus luxueux que le mien), un grenier aux jouets, et un parc à l’anglaise de 120 hectares. L’Yonne est aussi le seul département qui a de Sens, alors on y finit notre visite. La cathédrale Saint-Étienne de Sens (2 étoiles) se dit la première cathédrale gothique en France, et en plus de sa voûte en croisée d’ogives, il y a des vitraux du XIIe siècle jusqu’au XIXe.. L’autre chose qui vaut le coup est les Musées de Sens (1 étoile), qui comprennent l’ancien palais synodal et le trésor de la cathédrale. On dit que ce dernier, avec celui de Sainte-Foy-de-Conques, est le plus riche de France — ça comprend des vêtements sacerdotaux de Thomas Becket et de nombreuses œuvres de tapisserie, orfèvrerie et émaux. Puisqu’on est là, le Marché Couvert et la Fromagerie Lincet (d’où le Délice de Bourgogne) sont des points d’intérêt.

Qui sont les personnages les plus connus de l’Yonne ? Peut-être que le plus célèbre est Sébastien Le Prestre, le marquis de Vauban, ingénieur et maréchal de France qui apparaît partout où on parle des citadelles du XVIIe siècle, est né à Saint-Léger-Vauban. Joseph Fourier, un des mathématiciens les plus importants de tous les temps, est né à Auxerre. L’écrivaine Sidonie-Gabrielle Colette, dite simplement Colette et connu mondialement pour son roman Gigi, est née à Saint-Sauveur-en-Puisaye. Marcel Aymé, écrivain du Passe-muraille, adapté en un des meilleurs films de Bourvil, est né à Joigny. Robert Gall, parolier et père de l’immortelle France, est né à Saint-Fargeau. Le philosophe Albert Camus est mort à Villeblevin. Robert Dhéry, réalisateur et acteur né Robert Fourrey, a tiré son nom de scène de ses années passées au village d’Héry.

Que manger dans l’Yonne ? On est en pleine Bourgogne, une terre de vin, de truffes — et d’escargots — mais aussi d’autres choses. Il y a une belle douzaine de fromages fabriqués dans l’Yonne, dont la boule des moines (« parfumée d’ail, à la ciboulette et au poivre » — j’en veux), la Pierre-qui-vire — à ne pas confondre avec la Pierre de Bourgogne IGP, de vraie pierre — et le chaource AOC, partagé avec l’Aube. L’Yonne revendique aussi une spécialité française très chère à moi, la gougère, même si je les ai apprises afin de les cuisiner pendant une vie… d’antan. De la pâte à chou salée et mélangée avec soit comté soit du gruyère râpé, on peut farcir les gougères avec toute une diversité de choses. En plats principaux on y trouve la potée bourguignonne et la râpée morvandelle, une galette aux pommes de terre. En dessert, il y a le tartouillat, similaire au clafoutis, et le rigodon, un pudding de restes de brioche. Pour boire, il y a les 4 appellations du vin Chablis ainsi que les 13 vins AOC du Grand Auxerrois.

Saison 3, Épisode 15 — Le reste de l’histoire

D’abord, merci de votre compréhension pour hier. Le 23 juin reste le pire jour de chaque année pour moi, mais en même temps, je sais qu’il est mieux de ne pas parler de certaines choses. J’ai donc décidé de vous donner un bon goût des potins que j’entends sur moi, et la façon où il faut les lire « entre les lignes », puis de retirer madame du blog.

Je viens de m’abonner à WordPress E-mail Pro, afin que mes courriels à l’adresse du blog arrêtent de passer au fichier spam de mon vrai compte. Pourtant, je ne suis pas encore sûr que je fais confiance à son service. J’ai 3 mois pour décider, mais je prendrai une décision de le garder ou changer à Google cette semaine. Si vous m’avez envoyé des courriels au passé, merci de l’essayer encore afin que je puisse voir si WordPress est le bon choix.

À cause de mes vacances à Montréal, il y a eu certaines nouvelles qui sont passées sans remarque ici malgré le fait qu’elles impliquaient mes sujets principaux. Alors :

Oui, je suis bien au courant du nouveau single d’Indochine, Le chant des cygnes. Il arrive souvent que je n’aime pas quelque chose que jusqu’après plusieurs essais — je n’ai même pas pu finir Les Histoires d’A la première fois — mais ceci ne fait pas grand-chose pour moi. Il sonne exactement comme beaucoup des morceaux de Paradize ou La République des Meteors, deux albums que je n’écoute que rarement. Et ça va. Vous savez tous que je dis « Je prends l’avion ! » pour les choses que j’aime le plus, et que ça vient d’Indochine.

Le décès de Françoise Hardy m’a touché, car elle m’était aussi importante. Il y aura certainement un « Je découvre Françoise Hardy » pour aller avec le Projet 30 Ans de Taratata, quand on atteindra « Le Temps de l’amour ». Mais il y a une vingtaine de billets à écrire pour le projet avant ça, alors probablement en 2025.

L’un des trois meilleurs joueurs de baseball de tous les temps, Willie Mays, est décédé cette semaine (lien en français !). Dans un monde où il y avait toujours des hommes pareils, je serais toujours fan de nos sports. Peut-être que j’en écrirai.

Je remarque que Philippe Bouvard vient d’annoncer sa retraite à venir en janvier. Je lui dois tant : pour Les Grosses Têtes, pour L’Aile ou la cuisse, pour un style d’humour que l’on ne trouve plus mais qui m’a beaucoup influencé. Je ne suis pas sûr si ses 60 ans à la radio sont un record mondial. L’animateur Paul Harvey (lien en anglais), aux États-Unis, avait des émissions de 1944 à 2008. Mais il n’était qu’animateur local à Chicago jusqu’en 1951. En tant qu’animateur avec un public national, Bouvard le dépasse. On ne verra plus de telles carrières.

M. Harvey était bien connu pour son émission « The Rest of the Story », où il dirait à la fin de chaque épisode, « Et maintenant tu connais…le reste de l’histoire ». D’où mon gros-titre.

Il y a une liste dans ma tête de mes « invités de rêve » pour 5 Minutes Avec, et avec France Rumilly — j’ai essayé l’année dernière, mais je manque de bons contacts — Bouvard est en tête de cette liste. Nicola Sirkis n’est qu’à la 3e place. Peut-être que ceux qui me connaissent depuis 2021 peuvent deviner la 4e place — c’est une personnalité mentionnée ici souvent quand j’écrivais sur Le Canard enchaîné. Le reste d’entre vous penseront que je plaisante.

Notre blague traite de la Première Guerre mondiale — et vous n’allez jamais croire que je l’ai choisie ! Je l’ai trouvée dans un groupe privé de fans des Grosses Têtes, où elle a été attribuée à M. Patrick Sébastien le 1er avril. L’intégrale pour ce jour-là omet les introductions, alors je ne peux pas vérifier sa présence. Nos articles sont :

Les gros-titres sont : Poutine, In English, et Pèse-personne.

Sur le blog, il y a aussi Le Quartier Dix30 et le Jardin botanique, le récit du 4e jour à Montréal, La fin du voyage, le récit du dernier jour à Montréal ainsi que le retour, et Ma catastrophe, les plaintes de la seule personne pas liée par sang qui m’a jamais dit « Je t’aime ».

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Ma catastrophe

([Aujourd’hui, une invitée prend la parole. — Justin])

Bonjour les ennemis, c’est moi L’Ex. Savez-vous quel jour il est ? Oui, c’est le 22e Jour de la Catastrophe comme dit Justin, mais c’est ma catastrophe de laquelle on parle. Ça fait des années où je lui donne la réplique ici ; pourtant, je n’ai jamais eu l’opportunité de vous dire la vérité. Sachez que tout ce qu’il dit est un mensonge — après tout, c’est lui qui vous dit tout le temps « Ne me croyez pas sur parole ». Peu importe s’il fournit toujours des liens avec ça — il n’a aucun sens de l’humour et il faut prendre tout ce qu’il dit au premier degré. C’est certainement ce que je fais.

Caïn venant de tuer son frère Abel, de Henri Vidal, Jardins des Tuileries à Paris, France, Photo par Alex E. Proimos, CC BY 2.0

J’aimerais commencer par vous parler de ma plus grande farce, pour vous aider à voir que c’est moi qui a le vrai sens de l’humour hyper-raffiné. Nous sommes sortis ensemble pendant 4 ans avant de se marier (avec lui ! beurk !). Il me disait toujours que l’endroit dont il avait le plus envie de visiter au monde entier était…

L’Allenagne.

(Car il voulait que le fantôme de son leader préféré lui rende hommage.)

Quoi, vous ne me croyez pas ? Dites-donc, vous savez qu’il irait aux sites des nazis s’il allait en Allemagne. À mon avis, ce leader allemand n’était pas aussi diabolique que Justin. Mais nan, il me disait qu’il voulait visiter chez vous. Et sans vouloir trop offenser, vous êtes le genre de personnes qui sont ses amis, alors il faut comprendre que ça ne m’intéressait pas du tout. Alors, pendant les 7 premières années où nous étions mariés, je lui disais, « L’année prochaine, nous irons en France. Mais cette année, je veux aller ailleurs. » Et chaque année après la 1ère, il me demanderait, « Alors, cette année, pouvons-nous aller en France ? » Et je clignerais les yeux en murmurant « Ah non, chéri, l’année prochaine. Si tu m’aimes, on ira ailleurs cette fois. » Et il a mordu à l’hameçon à chaque fois ! Après le divorce, j’ai refusé chaque demande de sa part pour échanger la garde de La Fille pendant une décennie afin qu’il ne puisse aller en France encore plus longtemps que le mariage entier !

Hihihi, je suis si maligne, non ?

Mais en fait, je mérite aussi tout le crédit pour son blog. Si je n’avais pas fait ça, il n’aurait jamais été si désespéré, et n’aurait jamais tant étudié. Alors si vous aimez le lire — ce que je trouve impossible — vous devriez me remercier pour ça. Et si vous aimez le voir cuisiner, à genoux pour me remercier aussi. Une reine n’a pas le temps de cuisiner, alors il a dû l’apprendre chez nous (beurk !) en plus !

J’ai pensé à vous raconter la fois où il m’a acheté un collier pour la Fête des Mères, ce que j’ai dit au tribunal sous peine de parjure était la pire chose qui m’est arrivée à ses mains pendant 12 ans ensemble. Saviez-vous qu’il a fondé une start-up et qu’elle a échoué après trois ans ? Que pour la Saint-Valentin en 2004, il a essayé de préparer un dîner pour moi, et qu’après 8 heures, il a tout raté ? Et qu’en 2003, il avait mal compris une annonce du pilote quand nous avons volé en Jamaïque pour les vacances, alors nous avons passé 4 jours entiers avec nos montres une heure à l’avance du vrai fuseau horaire ?

Alors vous voyez maintenant comme j’ai souffert à ses mains. Si vous saviez qui était la seule personne qui a jamais nettoyé une toilette chez nous (« nous », beurk), vous seriez bouche bée le reste de la journée.

Mais ma souffrance atteindra sa fin en deux étapes. La meilleure arrivera en 2028, quand la garde partagée d’enfant atteindra sa fin, et je ne devrai plus jamais lui parler. L’autre étape arrive aujourd’hui. Je n’apparaîtrai plus jamais dans ces pages, et laisserai désormais la responsabilité de le critiquer à M. Descarottes. Il n’est pas aussi enthousiaste que moi, mais il aime parler le français, où mon combat était d’empêcher La Fille de l’apprendre.

Je vous dirais adieu, mais ce n’est pas mon souhait pour ses amis. Alors allez aux grenouilles ou quoi que ce soit. Je m’en fous !

([On n’a rien discuté, mais mon ex a raison. Ce sera sa dernière apparition sur Un Coup de Foudre. Même dans ce genre de commentaire. — Justin])

Le Procès Goldman

Ça fait belle lurette depuis notre dernier film — 7 semaines ! — mais on est de retour avec le dernier film de mon groupe de cinéphiles chez l’OCA. Juste hier, je vous ai dit qu’une amie m’avait emprunté mon lecteur de DVDs — maintenant vous savez qui et pour quelle raison !

©️2023 Moonshaker, tous droits réservés, Source

Vu que le film a été projeté dans une salle où je ne pouvais pas le mettre en pause, il n’y a pas de photos, comme toujours avec ce groupe.

J’ai un peu de mal avec que dire, alors je commencerai en disant que je le recommande en tant que film. Je ne pouvais comprendre même pas un seul mot pendant les 5 premières minutes, où deux avocats parlent à la même vitesse qu’à la fin d’une pub pour une banque ou une solde, avec un milliard d’avertissements qui doivent se terminer en 5 secondes. Mais après ça, je n’ai pas eu de problème. Les acteurs sont bons, si inconnus à moi, et malgré le fait que l’on est dans un tribunal sans cesse pendant une bonne heure et 45 minutes, très peu de temps est perdu.

Non, le problème est que ce film part de faits historiques autour d’un procès où le demi-frère de J.-J. Goldman a été mis en cause pour deux meurtres pendant un vol qu’il a sans doute commis, qui a lieu dans un système légal différent de celui que je connais, et vu que le film dit à la fin que certains faits ont été changés, je ne peux absolument pas vous dire quel est son rapport avec la réalité. On peut en lire plus sur la page Wikipédia du film, mais il y a trop de faits contestés que je suis mal placé à juger.

Pierre Goldman était un soi-disant intellectuel, le genre qui se croit justifié en commettant n’importe quel crime au nom de ses idées. Il jouait à révolutionnaire au Venezuela, puis a commis des vols armés à partir de son retour en France. J’ai écrit une fois, en parodie d’Anatole France, que « la justice exige parfois que des gens brisent les vitrines des bijouteries pour se servir, mettent le feu aux gendarmeries, et volent des cheesecakes aux restos. » Je parlais des émeutes de l’été de 2020 aux États-Unis, où ces choses sont arrivées sans conséquences aux malfaiteurs, et je m’en fous de la pureté de ses plaintes contre le capitalisme dès qu’on porte des armes afin de voler aux innocents. Pourtant — et c’est pour ça que même un tel que Pierre Goldman devrait vouloir m’avoir en tant que juré — tout ça est complètement hors la question de savoir s’il a tué deux femmes ou pas.

Le film nous présente un procès qui est presque un cirque ou un zoo. Ici, je dois plaider l’ignorance de comment marche les procès criminels en France. Ce que j’ai vu dans le film n’arriverait jamais dans un tribunal américain ou britannique, où les avocats et même l’accusé parlent au-dessus des autres. Ici, les deux côtés ont chacun un tour pour examiner les témoins. Un avocat peut marquer ses objections, mais ne peut pas se lancer dans un discours après avoir interrompu l’autre avocat. Peut-être que c’est juste le drame ; je ne sais pas.

Wikipédia nous dit que le scénariste a bien fouillé les archives afin de reconstruire les arguments. Si ça tient, on peut dire que Goldman était honorable d’au moins une façon — il a insisté sur le fait de son innocence et ne voulait pas être jugé non-coupable à cause d’une technicité. Beaucoup d’avocats lui conseilleraient que c’est une mauvaise stratégie — et le film montre les siens en train de se disputer avec lui à cause d’exactement ça — mais il a avoué sa culpabilité pour les vols, alors il n’a pas essayé d’échapper tout court à la loi.

En revanche, si on peut croire au film, il n’avait pas peur de faire appel aux abstractions pour mettre en doute les témoignages des autres. Encore et encore, il interrompt ses avocats pour dire que tous les policiers sont des racistes, ce qui est au-delà de la question de s’ils ont dit la vérité ou pas. Vu les propos du film, il me semble que Pierre Goldman n’avait aucun sens de l’ironie.

Vu que le procès a eu lieu il y 50 ans, ce n’est pas un divulgâcheur quand je vous dis qu’il a été trouvé non-coupable des meurtres. Il a été assassiné trois ans après le procès par un groupe de criminels qui s’appelaient « Honneur de la Police ». Ils n’ont pas eu non plus le droit d’agir hors la loi. « Le Procès Goldman » est une bonne mise en garde contre l’idée que l’on peut se déclarer au-dessus des règles qui régissent le reste de la société.

J’ai essayé

C’est encore une fois le temps pour ma plainte annuelle (2021, 2022, 2023) sur le seul sujet qui m’énerve presqu’autant que mon frère. Presque.

Pourquoi est-ce que je me suis embêté avec des milliers d’heures d’efforts ? Au moment de publication, j’aurai écrit 1326 articles de 732 mille mots en total, vu plus de 250 heures de films, cuisiné autant de recettes, et enregistré plus de 30 heures de la balado…désolé, podcast. J’ai fait un engagement tout au début, ce qui est bien connu parmi ceux qui sont ici depuis un moment, que tout serait en français ici. Et encore une fois après des vacances dans un pays francophone, je me demande pourquoi. Mais ça pique encore plus cette fois, car les racines du blog se trouvent au Québec.

J’ai pris très tôt une décision de ne pas utiliser aucun anglicisme où il y avait le moindre choix. J’aurais dit « fin de semaine » au lieu de week-end, mais un ami m’a vite persuadé que ça aurait l’air bien cinglé ([Enfin, plus cinglé — M. Descarottes]). Je résiste au maximum les emprunts superflus — je dis « réunion », pas « meeting » ; « responsable », pas « manager ». Et où les Français ont jété tout court l’éponge, je cherche toujours des mots québécois pour combler les écarts — « divulgâcheur » au lieu de « spoiler », « balado » au lieu de « podcast », etc.

Et pourquoi est-ce que je fais ça ? On croit aux États-Unis que les francophones — les Français, bien sûr, mais surtout les Québécois — ont une attitude plutôt mécontente en ce qui concerne la langue anglaise. Que vous nous croyez des impérialistes qui s’attendent à ce que tout le monde parle anglais. La dernière fois où le Québec a essayé de quitter le Canada est bien dans mes souvenirs vivants, ayant été lieu en 1995. Je n’exprime aucun avis sur le sujet de ce que ce soit une bonne idée ou pas, mais je comprends bien que ça part du sens que la promesse dun pays bilingue qui respecte sa culture est bien plus théorique que réelle. Je vois régulièrement qu’au Québec, même les noms des films en anglais sont traduits où ils passent sans plainte en France (par exemple, Die Hard 4 est sorti sous le nom Vis libre ou crève ; les films Matrix sont devenus « La Matrice »). Je suis sensible à ce genre de signal.

Je suis bien au courant qu’en famille avec des anglophones purs et durs, ce voyage n’allait jamais marcher comme je l’aurais espéré tout seul. Surtout car il est devenu important à mon frère de parler au-dessus de moi et d’écraser mes efforts dès le départ — une personne normale serait ravie d’avoir quelqu’un qui connaît la langue locale, mais il lui fait plus plaisir de m’embêter comme ça. N’importe quoi. Ce qui compte, c’est que j’ai su qu’il me fallait l’accepter aux repas ainsi que d’autres fois.

Mais enfin, je ne peux pas faire pour vous ce dont vous n’avez pas envie. Si je m’approche de l’accueil de mon hôtel et dis « Bonsoir, nous sommes la famille Busch et nous avons réservé deux chambres » et le réceptionniste me répond « And you’re here for how many nights? » (T’es ici pendant combien de nuits ?), on a déjà établi deux choses : 1) en fait, il m’a bien compris sans difficulté, et 2) ce n’est pas le Yankee imperialist qui a insisté sur l’anglais. Je vous ai dit après le tout premier jour que j’avais fait la gueule après une telle réponse dans un resto et ça a amené le serveur à se corriger. D’autres fois, dont au comptoir d’Air Canada en quittant Montréal, j’ai dit « quoi ? » en réponse à l’anglais. Pourtant, je n’aime pas du tout me comporter comme ça.

Et franchement, il y en a beaucoup que l’on ne sait pas quand on apprend juste assez d’anglais pour faire du service aux clients. À l’aéroport, j’ai demandé à un employé où était le bon comptoir pour Air Canada. Il m’a demandé où j’allais, et quand je lui ai répondu « Los Angeles, mais par Toronto », il m’a dit « You have to go to Toronto? » (Il te faut aller à Toronto ?) avec un ton complètement inapproprié. S’il comprenait mieux l’anglais, il aurait su que son intonation voulait dire « Vous devez vraiment y aller ? Vous ne pouvez pas quitter mon pays en direct ? ». Les hispanophones qui travaillent dans les restos rapides ici font souvent pareil, car ils utilisent la négation de façon qui marche en espagnol, mais suggère à un anglophone qu’ils sont en train de réagir négativement même avant de recevoir une réponse. J’imagine que je fais certaines telles erreurs, alors j’essaie d’être compréhensif, mais quand on change de langue comme ça, ça signale qu’à son avis, son anglais est meilleur que mon français. Je vais donc remarquer un ton insultant.

Il y a un dessin qui circule sur Internet :

©️2015 Louleloup

Je me demande de plus en plus si les francophones veulent l’inverse — que le reste du monde apprennent seulement à dire « bonjour ». À ce point, je déconseillerais l’effort à ceux qui n’ont que des buts touristiques.

Je suis gravement déçu par cet aspect de mon voyage. Comme l’année dernière, mes parents ont fini leur séjour en pensant que j’ai un niveau hyper-mauvais — c’était seulement un appel téléphonique (en rentrant de LAX !) d’une amie qui voulait m’emprunter mon lecteur DVD qui les a montré qu’en fait, je sais ce que je fais. Mais mettez de côté ma vanité. Voici un exemple typique du genre de plainte dont nous entendons parler en anglais :

Comme 82,5 % des fonctionnaires de la RCN, je travaille en anglais. Penser, parler, écrire et lire en anglais, tous les jours, représente un effort mental immense pour moi, malgré mon bilinguisme. Chaque journée de travail m’épuise.

À moins d’un changement radical, les réunions « bilingues » auxquelles j’assisterai continueront d’être une supercherie ne contenant que deux mots de français, « bonjour » et « merci ».

Dérives linguistiques dans la fonction publique canadienne, Anna Pellerin Petrova, Le Devoir

Elle n’a pas la moindre idée de comment ces mots tombent sur mes oreilles. C’est vos concitoyens qui m’ont montré qu’ils ne veulent que bonjour et merci, madame !

J’ai essayé.