Je rêvais d’un autre monde

On continue la Grande Fête du Tour avec des pensées sur les avenirs ratés.

Peut-être que vous connaissez la théorie des mondes multiples. C’est l’idée due à la mécanique quantique qui suggère que l’univers se divise sans limites à chaque fois où on observe les actions quantiques. Par exemple, si vous connaissez l’exemple du chat de Schrödinger, on dit que le chat est en même temps vivant et mort jusqu’à ce que l’on ouvre la boîte. Mais selon la théorie des mondes multiples, en fait il y a désormais deux mondes, presqu’identiques, un où le chat reste encore vivant, et l’autre où on se lance dans les funérailles.

Le chat de Schrödinger dans des mondes multiples. Dessin de Christian Schirm, Domaine public

En philosophie de langue, il y a une idée très liée à cette théorie, le réalisme modal, selon laquelle :

[T]ous les mondes possibles sont des mondes existants et il y a ainsi une infinité de mondes alternatifs. Notre monde, ce monde-là, n’est que l’un parmi une infinité d’autres.

Réalisme modal, Wikipédia

Je ne sais pas à quel point je crois en ces idées. Je ne suis pas assez fort en physique pour comprendre d’où vient toute l’énergie pour copier tous ces mondes sans cesse, ou pourquoi ce n’est pas un problème. Et le réalisme modal est une solution pour un problème que je ne suis pas sûr existe vraiment — que nous ne pouvons pas imaginer d’autres états d’affaires sans qu’ils n’existent. Je comprends bien les maths derrière ce dernier, c’est extrêmement malin, mais est-ce réel ?

J’espère que oui.

Je pense souvent aux autres mondes, les avenirs qui auraient pu avoir lieu, mais pour autant que je sache, ne sont jamais arrivés. Au moins, pas dans notre réalité. Cependant, il y avait au moins deux autres futurs auxquels je pensais sérieusement. Pour des raisons différents, ils n’arriveront pas, et dans l’un des deux cas, je l’assume. L’autre… je ne regrette pas qu’il n’arrivera jamais, mais bien compris, je l’aurais aimé.

Je suis allé en Italie 2 fois, en 2005 et en 2008. Pour autant que j’aime la France, il y a une ville en Italie que j’aime autant que n’importe où en France, Florence. Malheureusement, je ne peux rien partager de mes visites là — en 2010, j’ai tout abandonné de ma vie d’avant, pour les mêmes raisons que Hernán Cortés a brûlé ses navires une fois arrivé au Mexique — soit on avance, soit on meurt, mais pas de retour. (Je garde néanmoins deux souvenirs de mes voyages avec cette personne, des cadeaux pour ma grand-mère, et vous en ai montré un.) À mon avis, Florence est le site du plus grand patrimoine de l’humanité : la cathédrale Santa Maria del Fiore, la galerie des Offices, et la Galleria dell’Accademia (parmi une centaine). Mon premier voyage en France m’a certainement ouvert les yeux, et la visite à Bayeux aussi, mais même après avoir fini le Tour, mon avis n’a pas changé.

Santa Maria del Fiore, Photo par Teo Pollastrini, CC BY-SA 4.0

Alors, ce dont je rêvais le plus entre 2010 et 2020, c’était de déménager à Florence et devenir bénévole à la cathédrale. Je n’ai jamais appris l’italien, car il me semblait que c’était un rêve peu probable, et en plus, je l’ai vu comme une punition — une pénitence où je vivrais comme un moine sans prendre les vœux, mais au moins je ferais quelque chose d’utile. Pourtant, c’est l’idée que j’aurais aimée.

Plus jeune, je rêvais de l’Angleterre. J’adore leur accent beaucoup plus que n’importe quel accent de chez moi (la plupart d’Américains vous dira la même chose — on est fous des britanniques, mais surtout les anglais). J’aime leur nourriture presqu’autant que le français, et je suis complètement sérieux, peu importe la réputation.

Mais j’ai appris quelque chose pendant ces 4 dernières années. Je suis honnête avec vous quand je suis vraiment mécontent de telle ou telle chose en France — les xénophobes, l’anglais partout, etc. Je me sentais au début comme si je devais cacher ces observations, mais vous savez tous que ça vient d’un ami. Chez les britanniques, je regrette de vous dire, ils ne partagent pas nos sentiments à l’envers. Je suis allé dans le Royaume-Uni 4 fois de la vie, et je l’ai aimé à chaque fois, mais le venin que je vois de chez eux en ligne, ça fait mal au cœur. Je me sens fortement que je peux aller n’importe où en France et recevoir un accueil chaleureux. J’ai partagé un petit peu de ce qu’ils disent avec vous, mais je sais maintenant que je n’aimerais être que touriste là. « Yankee go home » tombe plus mal dans les oreilles quand ça vient d’un autre anglophone.

Il y a un autre avenir que j’aurais aimé connaître, où je n’aurais jamais appris le français — mais je l’échangerais pour l’actualité sans hésitation, car c’est mon plus grand regret. En 1998, j’ai rejeté une offre d’aller à l’Université du Michigan pour un doctorat en linguistique, car j’aurais perdu ma copine, plus tard la mère de La Fille ainsi que mon ex. Tout le malheur de ma vie part de cette décision, et je n’ai jamais eu mon doctorat. D’autre part, La Fille n’existerait pas non plus, et je me sens énormément coupable quand je me permets cette pensée. Mais j’espère qu’en quelque sorte, il y a un autre monde où je connais cette vie, et que c’est ce que je voulais, car le prix de vous connaître sur ce chemin, c’était en effet très cher.

6 réflexions au sujet de « Je rêvais d’un autre monde »

  1. Avatar de vanadze17vanadze17

    C’est la question du choix à un moment précis de notre vie.
    Etait-ce le bon choix, ou pas ?
    En général, on a la réponse beaucoup plus tard.

    Personnellement, quand j’étais plus jeune, mon rêve était l’Australie. J’allais souvent en Angleterre mais je rêvais de ce pays plus sauvage.

    Maintenant que je suis plus âgée 😂, je pense que j’aurai choisi l’Italie. Pour des raisons plus précises, je suis une grande fan d’art, d’histoire, de gastronomie, et j’aime les sons de la langue italienne…

    Je pense que l’on ne doit pas avoir de regrets sur le chemin choisi à ce moment-là. Et je crois aussi aux rencontres de personnes déterminantes qui peuvent nous aider à trouver notre voie.

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  2. Avatar de AnagrysAnagrys

    L’expérience de ma femme, visiblement chinoise, au Royaume-Uni, où elle a passé quelques jours l’année dernière, est mitigée : elle y a rencontré des gens adorables, mais aussi des gens ouvertement racistes, à un niveau qu’elle n’a jamais rencontré en France…
    La question des choix est délicate… « ai-je eu raison de faire ci ou ça ? », il n’y aura jamais, dans ce monde qui est celui où nous discutons dans cet espace que vous avez créé, de réponse absolue à cette question, je pense qu’il faudrait la remplacer par : « est-ce que ma situation actuelle me convient, et si non, que puis-je faire pour l’améliorer ? ». On ne revient pas sur le passé. Je suis peut-être présomptueux, peut-être que je ne devrais pas le dire, mais les mauvais moments de la fin ne devraient pas éclipser les éventuels bons moments qui les ont précédés, même si ce n’est pas forcément facile de les voir… ni même parfois d’avoir envie de les voir…
    D’un point de vue très égoïste, je suis assez content d’être dans ce monde-ci, qui m’a amené à réfléchir ce soir sur les écrits en français d’un américain que j’ai découvert il y a quelques semaines à peine 😊

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  3. Avatar de FilimagesFilimages

    Je n’ai aucune opinion sur les mondes parallèles. Peut-être que ton premier lien (mondes multiples) fonctionnerait dans l’un d’eux… 🙂

    Chaque pays a ses charmes et ses inconvénients. En lisant ton appréciation sur la « gastronomie » anglaise, je me dis que ça dépend aussi des goûts de chacun. La théorie de la relativité est bien réelle. 😉

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