Meurtres aux États-Unis

D’abord, un grand merci à vous tous pour avoir reçu l’article d’hier dans le bon esprit. J’ai entendu les nouvelles en conduisant pour le déjeuner, et j’ai tout écrit pendant l’heure suivante, en attirant des regards perplexes. Honnêtement, tout est parti de la première question qui m’est venue dans l’esprit — « Que ferait Dogbert dans ce cas ? — et dès que je me suis dit « Détourner la situation de la retraite à son avantage », le reste s’est écrit. Évidemment, je connais assez bien l’actualité, mais il y a toujours une certaine peur qui va avec tenter ce genre d’humour de l’étranger. Je voulais surtout ne pas me comporter comme John Oliver ou Trevor Noah, deux soi-disant humoristes à la télé ici, des immigrés les deux, qui méprisent tous les jours le pays où ils gagnent des millions de dollars. Il y a un public pour ça, malheureusement.

Mais mon sujet hier allait être sur les voisins en bas dont j’ai envie de faire sauter leur appartement. Ça détruirait le mien, un problème, mais comme ils le méritent, avec de la musique forte jusqu’à 1h30 tous les matins. Leur argent étant apparemment plus vert que le mien (expression américaine pour se plaindre d’être mal servi par rapport aux autres), il m’a fallu deux mois de demandes avant que la gérante ne leur ait dit quelque chose. Pourtant, et vous savez que je suis sérieux, je ne ferais jamais rien en réalité contre eux. Quelqu’un doit s’occuper de La Fille et de M. Descarottes, après tout.

Aujourd’hui, les cons de mon pays — je vous jure que ce n’est pas tout le monde, mais comme c’est difficile à croire en ce moment — fêtent un meurtre politique. J’ai essayé de vous dire en été que la moitié du pays croit aux meurtres politiques comme façon légitime d’avancer son programme. Je vous garantis que personne ne connaissait le nom Brian Thompson avant mercredi, sauf ses employés, mais beaucoup de monde sont ravis de son meurtre dans une rue new-yorkaise (lien vers Le Monde).

M. Thompson était PDG de l’une de nos plus grandes compagnies d’assurance de santé, UnitedHealth. Ma seule plainte sur l’entreprise, c’est que j’y ai passé un entretien d’embauche il y a une décennie, j’ai entendu que c’était une réussite, puis rien. Mais vu son domaine, beaucoup de monde ont une dent contre l’entreprise, car elle ne paye pas toutes les réclamations. (Expliquer pourquoi ça arrive est hors sujet cette fois. Mais c’est légal en général.)

Je ne dis pas que tout le monde devrait l’aimer. Mais il a laissé une veuve et deux enfants après avoir été fusillé 3 fois en derrière par quelqu’un qui semble être un pro. Au cas où ce ne serait pas clair, les balles ont eu les mots « deny », « defend », « depose » inscrits sur leurs cartouches, d’après un livre contre l’assurance privée (lien en anglais). On dit souvent ici, « Si tu n’as rien de gentil à dire, ne dis rien ». Au lieu de ça… je n’ai pas de mots, sauf que j’ai honte de partager un pays en commun avec ces types.

Voici la réponse de Taylor Lorenz, ancienne journaliste chez The New York Times et Washington Post, maintenant chez Vox. Ça dit « J’ai écrit sur le bazar de couverture des médias sur le manque de « civilité » et « respect » en ligne après la mort du PDG de United Health. » Le dessin avec l’étoile qui sourit ? « PDG descendu ». Et le titre de son article, « Oui, « nous » voulons que les cadres d’assurance meurent ». Pour être bien clair, elle condamne les condamnations.

Tweet sur BlueSky qui dit « J'ai écrit sur le bazar de couverture des médias sur le manque de "civilité" et "respect" en ligne après la mort du PDG de United Health. »
Capture d’écran

Voici un exemple complètement sans ambiguïté de quelqu’un qui dit « Les actions produisent des résultats » en réponse à une nouvelle qu’une compagnie d’assurances annulera une décision controversée après le meurtre :

Tweet sur BlueSky qui dit « Les actions produisent des résultats ».
Capture d’écran

Voici une professeure d’éthique à Saint Louis University, qui dit « Alors, je ne fête pas que le PDG de UHC a été fusillé dans la rue, je n’en suis pas triste non plus. Les gens méritent mieux que l’industrie d’assurance et les poulets sont rentrés. » Cette dernière expression veut dire que l’on a reçu les conséquences méritées de ses actions. Dit autrement, elle le trouve justifié et on peut ignorer le reste.

Alors, je ne fête pas que le PDG de UHC a été fusillé dans la rue, je n'en suis pas triste non plus. Les gens méritent mieux que l'industrie d'assurance et les poulets sont rentrés.
Capture d’écran

Il y a des milliers comme ceux-ci. Supposons qu’ils ont raison et que ce monsieur était responsable de milliers de morts. Qui a donné au tueur le droit de le fusiller dans la rue ? De risquer de blesser d’autres personnes ? De faire tout ça sans procès ? Si ce n’est pas un crime de tuer M. Thompson, ou de tenter d’assassiner un candidat présidentiel, pourquoi est-ce que la droite ne devrait pas faire pareil ?

Ces gens sont des monstres qui ne seront jamais heureux jusqu’à ce qu’il y aura une guerre civile. Et ils ont des postes d’influence.

13 réflexions au sujet de « Meurtres aux États-Unis »

  1. Avatar de James JonesJames Jones

    Ho my … !
    😳
    Je pense que tu as très bien décrit le comportement des personnes dans l’ensemble, et c’est assez rare d’avoir un avis posé sur de telles situations.
    Tu as réussi cet exploit 🙏👍, et ainsi montré que les USA n’est pas un pays où tout est identique, bien au contraire (et heureusement 🙏!).
    Côté français, on n’est pas mieux, même des fois pires, mais pour faire suite à un mantra que j’applique depuis le début de mes divers blogs, « No comment » (à la Serge Gainsbourg).

    Un grand merci à toi Justin pour avoir cette ouverture d’esprit de prendre le temps, sur toi aussi je pense (car chaque personne a ses propres opinions et expériences de vie réelle sur le sujet), de nous expliquer la vraie vie américaine, celle de tout les jours.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Personne ne m’a donné le rôle, mais depuis le début, vu que j’ai cherché des espaces monolingues pour commencer, je considère que j’ai la responsabilité de me comporter un peu comme un ambassadeur du pays. Je dis des choses qui sont parfois des critiques sévères, mais en même temps, je ne me comporte pas comme certains qui essayent de gagner leur vie en flattant les pires stéréotypes. (Je pense particulièrement à certains humoristes expatriés.) Il me semble que ceux qui me fréquentent sont aussi ouverts de façon similaire, car il serait assez facile de dire « Il va nous apprendre sur chez nous, quoi ? » J’apprécie qu’il y a du monde qui me rend visite virtuelle !

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  2. Avatar de LadyButterflyLadyButterfly

    Fusiller, on l’emploie vraiment dans le sens de :  « Exécuter un condamné à mort par une décharge de coups de fusil.  » Pour quelqu’un qui reçoit des tirs par balles, on dira : il a été tué à coup de fusil arme à feu / il a été tué par balles. C’est ainsi ue titre l’article du Monde, d’ailleurs « Brian Thompson, dirigeant du premier assureur santé aux Etats-Unis, UnitedHealthcare, a été tué par balle  » puis « il a été abattu ».

    Une fusillade, c’est bien un échange de coup de feu.

    Mais être fusillé, c’est réservé aux condamnations à mort.

    Pfff, cette langue de Molière 😉

    En tout cas, je viens d’apprendre un peu plus sur la vie américaine.

    Et courage avec les voisins bruyants !

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  3. Avatar de Jean- le solognotJean- le solognot

    Je ne jouerai plus au tennis de rue , sauf sur un court Eliminer avec patator est plus silencieux , moins onéreux .Flinguer, fusiller dans la rue atteint les consciences La dernière période de paix relative touche à sa fin. Dame planète va être secouée .La langue de Molière n’est plus depuis belle lurette. Chez nos cousins de la province Québec sont plus proches de Jean Baptiste Poquelin dans la tonalité du langage

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Ce monsieur a été ciblé exprès, pour ce que ça vaut, alors je n’abandonnerais pas une activité dans la rue à cause de lui. En revanche, je ne ferais rien dans une rue new-yorkaise car le niveau de trafic est comme nulle part ailleurs aux États-Unis !

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      1. Avatar de Jean- le solognotJean- le solognot

        Voila pourquoi j’ai quitté la capitale, me retrouvant en province .Trente cinq ans plus tard le mal s’est invité en ruralité hameaux compris ,faire attention à ce que l’on dit , la manière de regarder dehors , à table ,au self, tout est prétexte pour avoir des ennuis

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  4. Avatar de FilimagesFilimages

    C’est triste d’en arriver là, même si beaucoup pensent que c’est mérité. Pour certains, la violence (vengeance) permet de palier à ce qu’ils pensent être une injustice.
    De toute façon, le PDG sera remplacé et il y a peu de chance que la politique de l’entreprise change.

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  5. Avatar de AnagrysAnagrys

    En France, on nous explique doctement qu’il n’y a pas d’insécurité, juste un « sentiment ». Mais quand ce « sentiment » fait que vous n’êtes pas rassuré(e) en rentrant chez vous, que vous hésitez à sortir, il n’y a pas besoin de plus.
    Je suis effaré toutefois par la réaction des journalistes. L’homme n’était peut-être pas un ange, mais je ne vois pas qui mériterait d’être abattu de cette manière, quelles que soient ses actions. Celui qui a commis l’acte s’est retranché du genre humain. Ceux qui l’applaudissent ne valent pas mieux. Surtout que le résultat sera… rien du tout. L’assureur aura un nouveau dirigeant, dont la première mesure sera… de ne pas se promener dans la rue… L’effet sur les remboursements sera nul.

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