Je découvre Tryo

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec l’artiste qui a immédiatement suivi Julien Clerc et son trio de chanteuses, Tryo. Quoi ? Vous dites que vous avez des souvenirs d’un certain « Ed Sheeran » sur scène pendant 10 minutes ? C’est sans doute un faux souvenir créé par le Matrix, mais c’est pour exactement ce moment que j’ai mis en place une règle contre écrire sur les étrangers qui ne gagnent pas leurs vies en France. Alors, Tryo.

Photo de trois membres de Tryo en concert à Brest
Tryo en concert, Photo par Jeremy Kergourlay, CC BY-SA 4.0

Comme a dit Nagui en les présentant, « Ils sont deux ; pourtant le groupe s’appelle Tryo ». Il y a en fait 3 membres du groupe, mais beaucoup des groupes n’étaient pas complets pour la diffusion. Cependant, comme disaient les couvertures des 4e et 5e tomes du Guide du voyageur galactique, c’était la trilogie de plus en plus mal nommée. En fait, il y avait 4 membres au début, et leur premier album, Mamagubida, sorti en 1998, porte les deux premières lettres des prénoms de cinq personnes, dont leur producteur.

Leur premier single est « L’hymne de nos campagnes », une ode aux idées de Rousseau de revenir dans la nature :

Je ne pouvais guère comprendre « Pour un flirt avec la crise » sans des paroles à lire. Le titre semble être une référence à « Pour un flirt avec toi » de Michel Delpech, mais il s’agit plutôt d’une sorte de cri contre les Klaus Schwab du monde, le technocrate qui « fait du gringue à sa secrétaire ». J’ai dû écouter « France Télécom », car un tel titre invite des questions, mais « Merci France Télécom, D’avoir pu permettre à nos hommes, D’ajouter aux bruits de la ville et des klaxons, La douce sonnerie du téléphone » ne me semble particulièrement pas une réponse à quelque chose que l’entreprise a fait.

À ce point, j’en avais assez de leur premier album — il n’y a pas beaucoup à dire sur la musique en tant que musique. Soit les messages vous intéressent soit pas, car c’est largement juste les chanteurs avec un guitariste pour accompagnement. Je suis donc passé à leur deuxième album, Faut qu’ils s’activent, sorti en 2000. Il n’y avait pas de tube de cet album, alors j’ai commencé par « Con par raison », qui me semblait un titre drôle :

Mais il s’avère être un autre message plutôt lourd, racontant des histoires d’un riche et d’un pauvre, puis demandant « Lequel de ces deux types est l’pire pour la nation ? » Je ne sais pas vous, mais je préfère la sorte d’art qui me mène à poser ces questions moi-même, pas celle qui donne des leçons. « La débande » est une chanson courte mais drôle, avec le refrain « Il est temps de suivre la route des Boys Band avant que notre arc débande ! », ce qui se moque des Backstreet Boys et N’Sync de l’époque. « Paris », source du titre de l’album, est plus mélodique que beaucoup de leur travail à ce point, mais sarcastique à souhaits sur les prix élevés de la ville. (Je considère que « Je découvre Paris » me permet de dire ça sans être hypocrite.)

En 2003, ils sortent Grain de sable, qui connaît plus de succès, étant un disque double or. « Sortez-les » marque un changement de direction, loin du reggae des premiers albums :

Le son est différent, mais les messages restent lourds : « Noyez-nous de publicités, Engraissez-nous jusqu’à éclater » n’a aucune subtilité. On me dit que « Désolé pour hier soir » était un grand succès, mais encore une fois, je ne pouvais rien comprendre sans des paroles écrites. « Sur ce coup la man, t’as été un homme t’as ramené le croisé de Jackie Sardou et d’un Pokémon » est plutôt amusant.

J’ai décidé qu’ils avaient un album de plus pour me convaincre qu’il y avait plus à découvrir, alors ici, je suis passé à « Ce que l’on sème », disque platine de 2008. J’ai commencé avec le titre le moins politique possible, « El dulce de leche », qui sent plutôt mon coin du monde :

Si je l’ai bien compris, les paroles parlent d’un réfugié chilien qui déménage en France :

Il n’avait pas idée
On dira inconscience
À quel point lui coûtait
D’être bloqué en France
Rejoindre le pays
L’odeur de l’orchidée
Le temps n’a pas enfoui
El dulce de leche

Je n’ai rien contre les chiliens, mais j’avais espéré autrement. Je craignais le titre « Quand les hommes s’ennuient » vu le point de vue de tout autre chose à ce point, et c’était au niveau de mes attentes, même si je dois noter que la musique elle-même est plutôt belle :

Les paroles comprennent :

Quand les hommes s’ennuient, ils s’enivrent de sexe
De vin jusqu’à la lie, et d’amours trop complexes

S’inventent des tempêtes, se prennent dans le courant
Des guerres trop coquettes, des caprices d’enfants
Font tanguer le bateau, quand la mer est parfaite
Quand les hommes s’ennuient, ils deviennent si bêtes

Merci, mais j’ai plus qu’assez de la haine de soi pour être homme aux États-Unis, en anglais. Je n’ai pas besoin de la chercher ailleurs. Et je ne me reconnais pas dans cette description non plus.

Que penser de Tryo ? On leur dit « engagés ». Je ne dis pas que je dois être d’accord avec un artiste sur tout. Mais je trouve chez eux exactement ce que je n’aime pas chez mes con-citoyens, la politique en tant qu’idée fixe. Ce qui me déçoit ici, c’est que j’étais vraiment impressionné par leur représentation sur le plateau de Taratata, avec Les Élucubrations d’Antoine. J’ai l’impression qu’un concert de leur part serait plutôt énergique. Mais deux heures de leçons à donner, pas envie.

Ma note : je change de chaîne.

10 réflexions au sujet de « Je découvre Tryo »

  1. Avatar de AnagrysAnagrys

    Un groupe que j’aime bien, j’avais à l’époque récupéré leur premier album sur le réseau interne de l’école — on était juste avant Napster. Oui, j’aime bien parce-que c’était l’époque de mes études, ça joue ! Juste une petite explication sur “Merci France Telecom” : c’était à l’époque le principal opérateur téléphonique du pays — de mémoire SFR commençait tout juste, Bouygues construisait des immeubles et Free fournisseur des accès internet à travers la ligne téléphonique. La téléphonie mobile commençait à apparaître comme un phénomène en France (avec le fameux : “devine d’où je t’appelle !” qu’on entendait à tous les coins de rue).
    Quant au message des chansons, c’est un classique dans la chanson française, un bon paquet de groupes le font ou l’ont fait, avec toujours le même type de “message”…

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  2. Avatar de FilimagesFilimages

    Oh oui, la chansonnette politique-donneuse-de-leçon, c’est vite lassant et ça n’intéresse pas tout le monde. Certains artistes l’ont pratiqué avec succès, mais ce n’était qu’un titre parmi d’autres, pas une obsession.

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  3. Avatar de vanadze17vanadze17

    J’ai eu l’occasion d’assister à des concerts où étaient programmés des groupes, dont certains inconnus. Et justement, il y avait parmi eux, des ensembles avec des chansons très politisées, qui devenaient lassantes.
    Des gens partaient au bout d’un moment, décus.
    Dommage, c’étaient de très bons musicos !

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  4. Avatar de MarlabisMarlabis

    Un groupe que j’ai suivi à l’époque où Lutine avait 15/16 ans… Elle en a 34 aujourd’hui ! Oups, je viens de me prendre une claque, en réalisant que j’avais bien vieilli! 😅 Et oui, les années passent tellement vite ! J’aimais bien, peut être aussi parce qu’ils me permettaient de partager du temps avec mon ado de fille… L’ado a grandi et je ne les suis plus du tout, mais c’était sympa pour la musique, la poésie et l’humour des paroles, sinon, je ne serais jamais allée les voir en concert ! 😅

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  5. Ping : Saison 4, Épisode 6 — Nouveau tome, même vieux Proust | Un Coup de Foudre

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