Désolé pour la familiarité, mais je ne pouvais pas trouver une meilleure parole pour intituler Langue de Molière cette semaine. Naturellement, ça vient de ma chanson préféré depuis presque 5 ans déjà, Un Jour Dans Notre Vie. Mais pourquoi l’évoquer quand on n’est pas le 29 mars, comme d’hab ? Et pour cela, il faut examiner ce clip de l’humoriste Paul Taylo. C’est de son spectacle bilingue, et il parle à moitié en anglais, mais c’est sous-titré :
Dans ce clip, M. Taylor commence par dire «Ô, les Français, vous aimez bien les blind tests à la fin de la soirée. » Ici, mes oreilles se sont dressées — je n’avais aucune idée de quoi il parlait, mais tout comme « jogging » et « pressing », ce que cette expression voulait dire en français devait être tout autre chose que ce à quoi je pensais.
Il continue : « Chez nous, un blind test, c’est vraiment un test pour un aveugle. » Ce n’est pas exactement correct, mais sur un plateau, je le laisserais passer. En fait, on parle de deux genres de tel test, « single-blind » et « double-blind », mais les deux n’ont rien à voir avec l’ophtalmologie. Ce sont plutôt des expériences scientifiques, souvent liés à la médecine. Mon dictionnaire bilingue les rend comme « en single/double aveugle » — c’est-à-dire des expériences où soit le sujet uniquement soit le sujet et le chercheur également ne savent pas si le traitement que le sujet reçoit est réel ou un placebo.
On reprend : « En plus, avec cette définition, ça ne marche pas parce que si tu fermes tes yeux pendant le jeu, ça ne change rien ! » Je mourrais de curiosité à ce point — c’était quoi le jeu en question ?
Finalement, on a la réponse « Nous, on appelle ça « Nomme Cette Chanson » ». Non, mais sérieusement ? J’avoue, je ne le croyais pas complètement sur parole, alors je l’ai recherché — et j’ai tout de suite découvert une entreprise parisienne, ThisIsBlindTest, qui « vous enfermer dans une salle bien isolée, et d’affronter votre famille, vos amis ou vos collègues, seul ou en équipe, sur diverses thématiques musicales ».
Nous avons donc encore une fois un emprunt qui ne l’est pas du tout. C’est plus logique qu’à la one again, mais moins qu’un pressing, qui est au moins l’endroit où le verbe anglais « press » a lieu. J’ai dû en savoir plus sur comment vous avez adopté cet anglicisme bizarre, et je crois que j’ai la réponse.
Il me semble que les premiers jeux de ce format, sous ce nom, avaient lieu sur l’émission Tout le monde en parle, diffusée sur France 2 entre 1998 et 2006, et animée par Thierry Ardisson, qui je connais seulement par nom. Pourtant, selon Wikipédia, ce n’était pas directement à lui :
Mais c’est toujours Béatrice Ardisson, à l’origine de cette idée, qui sélectionnait les titres, étant ainsi, à elle seule, à l’origine de 130 blind tests thématiques que Philippe Corti, et par la suite les DJ, passaient en plateau.
Tout le monde en parle, Wikipédia
C’est donc apparemment à Mme Ardisson de choisir cette expression. Tout ce que je peux dire de ça, c’est qu’elle avait mal compris l’anglais. Ou peut-être qu’il lui semblait mieux qu’une expression plus longue en français. « Nommez cette chanson », ça aurait vraiment dérangé ? Je trouve ces faux anglicismes souvent mystérieux.
De toute façon, INA a une collection plutôt impressionnante sur YouTube, avec la moitié de ces diffusions. Voici un exemple, avec qui d’autre mais « Nicola Indochine », comme dit la légende sur l’écran :
Nico se révèle plus fort que moi, pas vraiment surprenant vu que je n’ai même jamais entendu les morceaux de Noir Désir ni de The Cure qu’il identifie pendant 3-4 secondes.
Il y a un chapitre dans le livre qui parle d’exactement ma perplexité face à ce genre d’expression d’un côté, et de l’autre côté, la perplexité des Français quand je sors des expressions québécoises dans le but de les éviter. « Plus royaliste que le roi », on disait de moi à cet égard, un titre que je porte avec fierté.
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec le problème d’un roi que les Français ne réussiront jamais à décapiter.

❤
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En médecine, un « essai en double aveugle » se dit aussi « en double insu ».
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Mon dictionnaire bilingue ne l’a pas sous l’entrée pour « insu ». De moins en moins utile, ce truc !
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Si le sujet vous intéresse vraiment, l’éditeur de Blake and Mortimer a sorti 2 volumes d’expressions très utilisées dans les deux langues, avec leur traduction littérale. C’est assez amusant, je crois que le premier s’appelait : “name of a pipe” 😁
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Ah oui, j’ai publié une critique de « Ciel, Blake ! Sky, Mortimer ! » en 2023 !
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Pour moi, « blind test » signifie effectivement « test à l’aveugle » (et non pas « test de l’aveugle »). Par exemple, c’est très utilisé pour les concours de sommeliers (impressionnant !). Les candidats doivent identifier des vins sans voir la bouteille, juste en les goûtant. Certains sont tellement forts (je parle des sommeliers, pas des vins) qu’ils sont capables de deviner la région, le cépage, le château et même l’orientation du versant sur lequel a poussé le raisin…Des extra-terrestres !
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Ce qui font les sommeliers m’étonne comme rien d’autre !
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Philippe, je croyais que ça s’écrivait blind taste…? Ou me trompe-je ?
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Je ne sais pas comment on fait en France à cet égard, mais oui, en anglais, on dirait plutôt « blind tasting » :
https://en.m.wikipedia.org/wiki/Blind_wine_tasting
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La prononciation de » test » et « taste » est plutôt similaire !
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Ping : Saison 4, Épisode 7 — La carne asada en douce | Un Coup de Foudre
Et bien moi, j’adore les blind test 😊
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