Il y a longtemps, le 7 août 2023 pour préciser, j’ai raconté une Blague de la Semaine dont la chute était :
Tout à coup, le bistrot disparaît et le blogueur se trouve au bout d’une queue devant une mairie ! Il crie « Saint-Pierre ! Mais où est donc passé mon bistrot ? Mon ketchup ? » Et Saint-Pierre lui répond, « Ah oui. Avant, vous étiez touriste. Maintenant, vous y habitez ! »
Évidemment, j’ai volé la structure de la blague à une centaine d’autres sur un choix entre le ciel et l’enfer (et à noter, pour moi-même, c’était juste entre deux formes d’enfer). Mais mon but là était aussi de montrer que j’étais au courant du fait que mes sujets sont souvent légers et touristiques. ([Surtout les guerres. — M. Descarottes])
Mais j’ai fait certains choix il y a longtemps sur ce que je dirais et ce que j’éviterais, même avant le début du blog, et il me semble que mes bonnes intentions ([Lâcheté]) donnent fausse impression que je pense que la France est Disneyland avec de meilleur fromage (c’est juste Carrefour). Parlons d’abord de ce que j’ai fait exprès.
Dans le tout premier post, que très peu de monde a lu, j’ai dit :
On n’a que trois règles:
On commence !
- PAS D’ANGLAIS
- Pas de politique, sauf les dessins
- (soyez gentil, s’il vous plaît)
Je voulais sincèrement créer un espace sans parler de la politique, et encore plus important, vu les majuscules, montrer que je n’étais pas ici pour m’imposer. Mon attitude plus-que-québécois sur ma langue de naissance vient de deux sources, mais ce que je voulais dire, c’était que je n’allais jamais insister que la France se conforme à moi. Je ne veux pas de menus en anglais, de service aux clients en anglais, rien. Depuis ce temps, en parlant de ce qui m’énerve aux États-Unis, j’espère que mes raisons sont devenues plus claires : je n’aime pas du tout que personne ne ressente la même chose chez moi, et je ne suis pas hypocrite. ([Sur ce sujet, quand même.])
L’autre chose est plus personnelle, et je sais que personne ne me prend au sérieux quand je le dis, mais je n’ai plus envie d’entendre l’anglais. Du tout. Tout mauvais souvenir dans ma tête, c’est en anglais. Et même si ce n’était pas une raison, entendre ce que les cons ont fait de ma langue est insupportable. J’apprécie sincèrement que même s’il y a plein de Français qui s’en foutent de la grammaire, c’est une vraie passion pour une belle partie du pays. Ce n’est pas honteux de s’en soucier, pas comme chez moi.
Mais tout ça n’est que mes névroses. Il m’est évident que j’ai complètement échoué une autre tâche, vous convaincre — et ça veut dire, j’espère, convaincre un fonctionnaire pendant un entretien de visa — que je préfère les problèmes de la vie en France à ceux de chez moi. Puisque je n’en dis presque rien, au nom de me comporter comme un invité, beaucoup de monde pense que je ne vois rien, ou comme a dit l’un de mes critiques : « L’auteur est tombé en amour. Ça rend aveugle ». Alors, parlons juste une fois de ce que je vois, mais essayez de ne pas répondre avec « Mais les É-U ». Ça arrive souvent quand un étranger critique son pays, mais j’espère que vous serez d’accord que je suis honnête sur le mien.
Quand j’ai envie de prendre rendez-vous chez le docteur, s’il s’agit d’un généraliste, j’ai un choix de nombreux cabinets le même jour. Il est fort probable que je paye entre 150 et 200 $ pour la visite, mais la disponibilité n’est jamais un problème. Si je veux prendre rendez-vous avec mon docteur habituel, j’ai besoin d’un mois d’attentes, et si je veux un vrai spécialiste — un cardiologue ou un dermatologue — il faut attendre deux mois en général, mais pas plus. Même chose chez les dentistes. J’ai entendu de nombreuses plaintes de mes amis en France au fil des années à cet égard. Avec les problèmes que j’ai déjà, déménager montre de mauvais jugement de mon côté. La climatisation me manquera aussi ; je compte sur elle toute ma vie, mais je sais ce que vous en pensez.
Si c’est vrai que les prix des produits français sont beaucoup plus bas par rapport à ce que je paye — 6, 85 € pour un paquet de Brets au lieu de 1,99 € ! — c’est aussi vrai que les salaires sont plus bas, et que se faire embaucher est souvent un cauchemar. J’ai vu un ami galérer pendant presque 4 ans sans boulot, et cette personne était citoyenne et pas stupide du tout. Je n’imagine pas que ce sera du gâteau venant de l’étranger, et surtout pas jeune. En ce qui concerne l’âge, il n’y a rien à envier, mais c’est un défi des deux côtés.
L’efficacité et l’esprit de service aux clients des fonctionnaires français ne laissent rien à envier non plus. J’ai une amie dont son époux est étranger ; sa lutte pour renouveler son visa a duré plusieurs années malgré le fait d’être époux et père de citoyens.
Il y a deux ans, je vous ai parlé de virer des amis à cause de la politique, quelque chose que j’avais refusé de faire même en réponse aux émeutes de 2020, quand beaucoup de mes amis ont viré des gens comme moi, qui soutiennent les forces de l’ordre dès que les manifs deviennent les saccages. Je ne fais pas d’excuses pour cette attitude. Mais le cadre de ce post était une paire d’événements dans le métro parisien. Beaucoup de liens dans ce post-là ne fonctionnent plus, mais il s’agissait d’un incident où des musulmans chantaient « nique les Juifs » dans le métro et de jeunes Français chantaient « Douce France ». Et puisque la France est aussi perplexe que les États-Unis en ce moment, il y a eu pas mal de Français qui trouvaient ce dernier tout aussi problématique. Il y a des captures d’écran dans ce post ; je n’exagère pas. J’ai trouvé cette situation lamentable, et je n’ai pas oublié les noms de Samuel Paty ou de Dominique Bernard non plus. Mais c’est pareil chez moi. Nous avons eu notre propre attentat californien pas loin de chez moi, 3 semaines après le 15 novembre 2015. Et la mosquée des attaquants, c’était juste à côté de Disneyland !
La différence entre les deux situations n’est pas entre le paradis et l’enfer. C’est un peu comme ma blague d’en haut, un choix entre deux situations difficiles. Et une punition unique m’attend en France : j’ai déjà raté beaucoup des opportunités que j’aurais voulues si j’avais appris la langue au bon moment. Il faudra m’en souvenir tous les jours ; n’imaginez pas que ça ne m’attriste pas. Mais laissez-moi acheter un petit appartement à Rouen et mon pain quotidien, peut-être enfin avoir Canal+ à la télé, et je ne dérangerai personne.
Un Coup de Foudre 
Il y a de nombreux clivages dans la société française aujourd’hui, malheureusement accentués par les réseaux sociaux où les algorithmes encouragent une classification entre « bons » et « méchants » : les « amis » et « les autres ». Et vous faites bien d’éviter tout sujet politique, car ces clivages existent certainement entre des lecteurs ou lectrices de ce blog. Sauf que, par esprit de tolérance, nous évitons de les mettre sur le tapis…
Longtemps je croyais que le manichéisme était surtout une manière de penser américaine, et qu’une des raisons pour cela était l’influence très forte des croyances religieuses — à l’opposé du « laïcisme » à la française. Mais aujourd’hui je dois constater que ce manichéisme peut s’immiscer dans une culture qui valorise « l’esprit critique ». Car l’esprit critique, chez beaucoup, n’est plus la faculté de débattre librement et calmement, mais plutôt un esprit qui tend à « tout critiquer ». La dérive en est le complotisme, qui existe dans toutes les branches politiques, et l’accusation de complotisme qui n’en est que sa forme renversée.
Par exemple, on constate de violents clivages autour des conflits israélo-palestinien, sur la guerre en Ukraine, la politique américaine, la gestion de la CoVID, la poliique climatique, etc. La liste est longue. Mais les camps que les gens choisissent n’ont pas grand chose à voir avec la religion, une grande partie se présentant comme athées ou « libres penseurs ». Donc j’ai abandonné l’idée que pour vivre en paix il faudrait interdire toutes les religions ! 🙂
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D’accord ; je viens d’un point de vue plus religieux, mais je finis quand même par croire que le manichéisme est un peu la condition humaine. C’est facile à se croire « le bon ».
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On peut distinguer le « Bien » et le « Mal » sur une base philosophique ou religieuse, avec toutes sortes de nuances. Mais le problème que j’évoque est la distinction entre « les bons » et « les méchants » dans les conflits qui agitent le monde.
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À chacun de mettre son énergie et son attention où il le souhaite.
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Je comprends ton envie de ne pas parler politique même si maintenant, même ça, on arrive à nous le reprocher…
J’aime ta positivité quant à la France puisqu’on a tendance à oublier que tout n’est pas noir.
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Oui, il faut être lucide sur les conditions de vie dans un pays. Sur certains sujets, c’est mieux. Sur d’autres, c’est moins bien ou pire. Il n’y a pas de pays parfait en tout point.
Sur les rendez-vous médicaux, tu n’as pas tort mais la situation est très différente selon que l’on habite une grande ville ou en zone rurale, si on est « nouveau patient » ou un habitué du médecin, et selon la spécialité. La faute à nos irresponsables politiques depuis des années. Tu as peut-être entendu parler du numerus clausus, une décision politique incroyablement imbécile, supprimée seulement en 2020. Mais comme il faut plus de 10 années pour former un médecin…
Pour savoir si le coût de la vie est plus avantageux dans un pays plutôt que dans un autre, il ne faut évidemment pas comparer uniquement les chiffres bruts. En Europe, il y a des pays qui ont un SMIC à plus de 5000€… mais tout est 3 à 4 fois plus cher. Au final, ça revient au même, sauf qu’il n’y a pas beaucoup de touristes étrangers. Je ne connais personne qui passe ses vacances en Norvège, et ce n’est pas pour une raison météo.
Trouver un travail en France peut être une vraie galère si on n’a pas de qualification ou si on a étudié dans un domaine avec peu de demande. J’ai connu quelqu’un qui est sorti de la Fac avec une maîtrise de philosophie. Il me disait que le seul métier possible était prof de philosophie ! À l’inverse, quasiment tous les étudiants qui sortent avec un bon diplôme dans l’informatique ou les réseaux (ou d’autres domaines scientifiques recherchés) trouvent un emploi rapidement, correctement payé. Les étudiants qui sont à l’école d’informatique au bout de ma rue n’ont même pas besoin de chercher du travail. Ce sont les patrons qui viennent les embaucher avant la fin de leurs études ! Comme toujours, c’est la loi de l’offre et de la demande.
Je pense que si on parle bien plusieurs langues, on a plus de facilités à trouver un emploi dans certains secteurs.
Le coût du travail en France est tellement élevé que les employeurs y regardent à deux fois avant d’embaucher quelqu’un. Surtout qu’il est très compliqué de se séparer d’une personne après l’embauche.
Reste le critère de l’âge. Là, en France, on n’est vraiment pas bon ! Mais on le sait…
Attend encore quelques jours et tu reverras les pires travers de la société française : En septembre, on n’aura plus de gouvernement (encore). Peut-être aussi beaucoup de saccages prévus le 10 septembre (pas grave, on a largement les moyens de payer les dégâts). On rajoute à ça le coût de la dette, la guerre en Ukraine, les menaces de Poutines et la déstabilisation du monde par Trump qui a des fortes répercussions en France…
Bref, il faut être lucide…
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Oui, je connais très bien le numerus clausus — on a fait pareil aux États-Unis, et c’est pour ça que de nos jours, il y a beaucoup de docteurs venus de l’étranger, car nous n’en produisons plus assez nous-měmes !
C’est un peu drôle pour moi que tu évoques la Norvège, car en plus de la France, c’était l’autre pays que je voulais toujours visiter, et que mon ex a toujours refusé. Mais de nos jours, je n’en ai plus envie. Je ne sais même pas ce qui a changé ; c’est juste que j’ai arrêté d’y penser.
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Ping : Saison 4, Épisode 23 — Considérez-vous courageux | Un Coup de Foudre
Tu as raison, aucun pays n’est parfait. Mais on sent que la France t’apporte quand même quelque chose d’important !
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