Mon bébé vient de m’écrire une lettre

Connaissez-vous la chanson « The Letter » du groupe des années 60, The Box Tops ? J’ai été vraiment impressionné par la reprise par un chanteur italien, Zucchero, pendant le spectacle des 30 Ans de Taratata. Le refrain est mon titre du jour. Je l’évoque parce que, moi aussi, on vient de m’écrire une lettre hier. La voilà :

Bonjour,
Nous vous remercions de nous avoir adressé votre manuscrit que nous avons lu avec attention.
Malheureusement, notre comité de lecture n’a pas été suffisamment enthousiasmé par ce texte pour pouvoir s’engager à le publier chez Calmann-Lévy.
Nous vous remercions cependant de votre confiance et espérons que vous trouverez un accompagnement de valeur chez l’un de nos confrères.
Bien à vous, Le service éditorial

C’est la première réponse que j’ai reçue, mais pas la première maison à laquelle j’ai envoyé mon manuscrit. En fait, ça fait presque exactement un mois chez eux. Je me demande donc : est-ce que le manuscrit attendait trois semaines, puis on a lu ma lettre d’introduction, dit « Hahaha, non » et a envoyé ça ? Ou est-ce que l’on a vraiment passé des heures en le lisant avant de prendre une décision réfléchie ? Impossible de dire.

Mais en réfléchissant à ce processus, il m’est arrivé à l’esprit qu’essayer à publier avec une maison d’édition est exactement comme utiliser une appli de rencontres, une autre activité dont je ne profite pas. Comment ça ?

On commence avec les profils… désolé, les formulaires de soumission de manuscrit. Là, on poste les demandes, genre « Je ne m’intéresse qu’à ceux que… ». Voici des exemples de maisons avec qui je n’ai pas d’espoir d’une relation :

NOUS SERONS HEUREUX DE LIRE VOS TEXTES, SI VOUS PENSEZ QU’ILS CORRESPONDENT À NOTRE LIGNE ÉDITORIALE. PAR EXEMPLE, NOUS N’AVONS PAS POUR PROJET DE PUBLIER DE POÉSIE, DE THÉÂTRE, NI DE THÈSES.

Calmann-Lévy

Nous vous informons que nous traitons les envois de manuscrits par voie électronique uniquement et lorsqu’ils concernent les domaines du feel good, de la comédie romantique et de la romance.

J’ai Lu

404 publie des livres-jeux, des fanfictions et des jeux centrés sur la pop-culture. Vous pouvez nous envoyer votre manuscrit, accompagné d’une note de présentation (résumé, genre, public visé, bio) à l’adresse

404 Éditions

Alors, en plus de votre profil… désolé, votre manuscrit, vous êtes censé leur écrire des notes pour expliquer pourquoi vous seriez un bon parti pour eux. Et pour ça, il faut bien fouiller dans leur profil… désolé, leur catalogue, afin de trouver juste les bons livres qui prouvent que vous avez raison.

Dans le cas de Calmann-Lévy, je savais que ça allait être un boulot, car c’est l’une des maisons d’édition les plus vieilles de France et les plus prestigieuses au monde. On ne trouve pas beaucoup de recettes dans leur ligne. Pourtant, j’ai trouvé deux livres où, entre les deux, je dirais qu’une soumission de ma part n’a pas été juste un coup d’arrogance. Je cite ma lettre de présentation :

J’espère que mon manuscrit trouvera sa place chez Calmann-Lévy parce que votre ligne éditoriale comprend deux livres dans un style similaire : D’abord, Souvenirs Friands de Jean-Robert Pitte utilise ses recettes en tant que moyen pour raconter ses souvenirs. Et comme Ce que j’ai appris de vous de M. Barnier, Un Coup de Foudre met en vedette tout un panel de Français, des gens que j’ai rencontrés partout dans le pays. 

Si vous lisez les extraits disponibles aux liens, c’est dingue à quel point Un Coup de Foudre le livre a des points en commun avec les deux. Chaque chapitre de Souvenirs Friands se termine par une recette ; le livre de M. Barnier est plutôt un livre entier de profils comme la douzaine dans le mien. D’autre part, ces deux sont des hommes de renom. Ces mêmes choses ne sont pas forcément intéressantes venant de ma bouche.

Tout comme les applis de rencontres, après avoir fait tout cet effort, votre chérie promet de vous écrire de même façon que Gilberte. Cet exemple vient de J’ai Lu :

Après réception, nous ne vous recontacterons que dans le cas où nous souhaiterions donner suite à votre projet. Merci et bonne chance dans votre démarche.

Calmann-Lévy, par contre, est plus typique en proposant un délai maximum :

Dans la mesure du possible, nous nous efforçons de répondre dans un délai de trois mois.

J’apprécie qu’ils ont au moins répondu. D’autres maisons vous dirent uniquement que si vous n’aviez rien entendu après le délai cité, ils ne s’y intéressent pas. Et franchement, ça, c’est le truc le plus appli de rencontres de tout.

Jeune, mon autrice préférée était Madeleine L’Engle, surtout pour sa série dite Kairos. C’est bien connu aux États-Unis que son premier roman, Un raccourci dans le temps, à été rejeté par 26 maisons d’édition (lien en anglais). Mais au moins elle avait les lettres en preuve. De nos jours, ça fonctionne beaucoup plus comme les applis, et franchement, ce n’était pas une coïncidence que je leur ai dit adieu dans ces pages il y a un an.

22 réflexions au sujet de « Mon bébé vient de m’écrire une lettre »

  1. Avatar de LadyButterflyLadyButterfly

    Alors, pour bien connaître le milieu éditorial,, c’est simplement la lettre-type de refus de la plupart des maisons d’édition. Ce n’est pas réellement nouveau, ça dure depuis les années 90 (quand j’ai fait ma formation dans les métiers du livre, ah, ah — rire pas si amusé que ça)

    Tu as de la chance, tu as reçu une réponse. Et, non, la plupart des ME ne lisent pas les manuscrits, juste le synopsis — et encore…

    J’en parlais avec un éditeur durant le salon auquel je participais et on était d’accord que le milieu de l’édition était vraiment saturé. Pas une nouveauté non plus. On comprend pourquoi les auteurs et autrices se décident pour l’indépendance, surtout face à des grosses maisons comme Gallimard, Grasset, Et cie.

    Aimé par 6 personnes

    Répondre
  2. Avatar de Bernard BelBernard Bel

    Je suis à peu près certain que leur réponse est un texte standard qui permet de justifier tous les cas de refus, les véritables raisons étant ailleurs. C’est dommage car une réponse clairement motivée (après lecture du manuscrit, donc) permettrait à l’auteur d’améliorer son manuscrit…

    Deuxième hypothèse : la maison d’éditions a un « quota » de livres nouveaux à publier sur une certaine période, ce quota étant fixé par un critère économique. Une fois que le quota est atteint, les demandes non examinées sont rejetées avec la lettre standard de refus.

    Tout cela parce qu’ils ne pensent pas que l’ouvrage est de ceux qui pourraient « faire l’événement », là encore avec des critères. La popularité de l’auteur est certainement l’un d’entre eux, le thème vient ensuite — et là, vous êtes bien placé !

    J’ai lu des bouquins, publiés par des éditeurs prestigieux, dont le contenu était pitoyable, allant jusqu’à des erreurs d’édition (paragraphes répétés, fautes de conjugaison…). Mais ils étaient publiés parce que l’auteur (ou le signataire ?) était un notable : professeur d’université, etc.

    Donc il est difficile d’imaginer une tactique d’approche des éditeurs. Mais ce que vous avez fait — justifier votre choix par un rapprochement avec leur ligne éditorial — me paraît très pertinent. Sauf que, si vous citez en exemple un de leurs livres qui s’est mal vendu, ça peut avoir un effet négatif…

    Aimé par 5 personnes

    Répondre
    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      « C’est dommage car une réponse clairement motivée (après lecture du manuscrit, donc) permettrait à l’auteur d’améliorer son manuscrit… »

      C’est ça la partie qui ressemble la plus aux applis de rencontres — on ne sait jamais ce que l’on aurait pu améliorer, et personne ne dit rien !

      Quant à mentionner d’autres livres déjà publiés, c’est une astuce que j’ai appris de nombreux sites d’éditeurs indépendants et d’auteurs déjà publiés. Que ça marche ou pas, aucune idée !

      Aimé par 3 personnes

      Répondre
      1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

        J’ai lu ça avec intérêt — beaucoup des conseils sont similaires à ce que j’ai lu ailleurs sur comment se présenter. Je crois que j’ai au moins réussi la partie sur ne pas être « mégalo » ; chaque fois, j’étais sûr de parler des contenus du livre, et d’exprimer un minimum d’avis, sur moi ou autre chose.

        Une chose est certaine : je ne vais pas envoyer plus de copies imprimées ! 70 $ chacune pour plus de telles expériences n’est pas une bonne idée !

        Aimé par 3 personnes

      2. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

        Demander une copie papier hors des frontières nationales c’est du grand n’importe quoi, indigne d’une maison sérieuse, je comprends que tu limites les frais, surtout ci elle a fini à la corbeille !

        Aimé par 4 personnes

      1. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

        C’est Angélique qui pourrait t’en parler plus que moi, elle tenait une chronique littéraire d’auteurs auto-édités ?
        Pour moi, le pari est risqué, j’ai un herbier local en 3 volumes, un livre d’un autre auteur sur l’histoire du village et un troisième sur un village voisin d’une habitante qui a écrit pour ses enfants, une fois qu’ils ont écoulé tout leur stock de livres, ils n’ont pas lancé une réédition… alors certains qui voulaient la collection complète des 3 herbiers, n’ont eu que les 2 premiers tomes et n’auront jamais le troisième, parce que depuis, l’auteur n’est plus de ce monde…

        Aimé par 1 personne

      2. Avatar de Bernard BelBernard Bel

        Essayer les maisons d’édition me paraît sage même si on a un faible espoir de réussite. La sélection étant sévère, une acceptation devrait être un signal que l’éditeur envisage un bel avenir pour la publication, et qu’il fera donc en sorte d’assurer sa promotion.

        Bien sûr, je parle d’éditeurs vraiment professionnels. Chez celui avec qui mon collègue auteur vient de rompre le contrat, il devait acheter 30 exemplaires de son livre, suite à quoi il ne toucherait aucun droit d’auteur sur les 500 premières ventes, 4% sur les 500 suivantes et 6% à partir de 1000. J’avais calculé qu’il lui faudrait donc débourser 630 euros, qui ne seraient récupérés qu’après la vente de 1000 exemplaires (vendus à 30 euros, prix imposé par cet éditeur). Donc, en réalité, cette maison fait de l’édition à compte d’auteur, avec cession des droits d’auteur et une promotion quasi inexistante.

        En comparaison, le même livre sur Amazon pourra être vendu 16 euros, l’auteur gagnera 6.5 euros sur chaque exemplaire, et donc sur 1000 exemplaires il aura déjà gagné 6500 euros au lieu d’avoir déboursé 630 euros pour des prunes… L’aspect économique de l’auto-édition est à prendre en compte !

        Si votre manuscrit est refusé partout, vous vous sentirez pousser des ailes pour aller vers l’auto-édition. L’article cité par Agatheb2k me paraît bien refléter la réalité (sauf le délire sur le CO2), mais les exemples de réussite concernent des romans, ce qui est différent de votre projet (et de ce que j’ai édité jusqu’à présent). Avec les pages en couleurs, le prix de l’impression à la demande pourrait être bien plus élevé qu’en imprimerie classique. Mais ce n’est pas difficile de le calculer et de choisir une plateforme adaptée à ce format.

        Pour ce qui est de la visibilité, la maison d’édition est une meilleure piste au début s’ils font leur boulot, notamment avec les communiqués de presse. Je suis sûr qu’Arte pourrait vous inviter à présenter le livre dans une émission comme « 28 Minutes », mais ça ne se fera probablement pas s’il est auto-édité sur Amazon. Mais sur IngramSpark, qui vend à 30000 librairies ? Ensuite, la visibilité dépendra pour l’essentiel de la popularité sur les réseaux sociaux, des outils que vous maîtrisez bien… Les livres ne sont pas « noyés dans la masse » chez Amazon car il y a toujours les liens que vous pouvez inscrire sur des pages internet. Il me paraît vain et inutile d’espérer que l’ouvrage sera classé dans les « meilleures ventes d’Amazon », mais quelle importance ? Ce sera pareil dans toute grande maison d’édition.

        Et, surtout… En impression à la demande, le stock n’est jamais épuisé, et vous pourrez à tout moment, gratuitement, corriger le contenu et améliorer ou changer la couverture.

        Aimé par 1 personne

      3. Avatar de Bernard BelBernard Bel

        Un autre info, car je viens d’échanger avec une amie écrivaine qui envisage de passer à l’auto-édition : il existe des services de « publication à la demande » en France qui offrent un service similaire à IngramSpark. Par exemple, BoD (https://www.bod.fr/) qui distribue dans les librairies françaises (au Canada, il faudrait vérifier).

        Ça vaudrait le coup de faire une étude du prix de revient et des conditions techniques (pages couleur etc.) pour votre livre. S’assurer notamment qu’ils assurent la vente au Canada.

        En fait, ChatGPT m’a indiqué 7 plateformes françaises, vous pourrez les retrouver en posant la question : « Existe-t-il en France un service de “Print on Demand” pour la publication de livres ? (Autre que Amazon et IngramSpark) »

        Aimé par 1 personne

  3. Ping : Saison 4, Épisode 29 — M’enfin, les voisins ! | Un Coup de Foudre

  4. Avatar de jourdhumeurjourdhumeur

    Une réponse d’un éditeur ! Vous êtes verni Justin ! J’ai envoyé plusieurs manuscrits à des dizaines d’éditeurs. J’ai reçu, plus ou moins, 25% de réponses. Insistez, une bonne surprise vous parviendra certainement. Je crois que Proust a essuyé 31 refus…

    Aimé par 1 personne

    Répondre

Répondre à LadyButterfly Annuler la réponse.