Elle a tout plaqué pour des hommes français

Aujourd’hui, je ne suis pas trop fier pour partager un vrai appât à clics venant d’un maître de ce genre de contenus, le journal britannique The Guardian. Les algorithmes de Facebook savent que je cliquerai sur tout article qui traite soit des bêtises amoureuses soit de la France, et cette histoire mélange bien les deux. Vous allez a-do-rer l’autrice de cette histoire, et par adorer, je veux dire détester.

C'est un dessin d'un couple qui s'embrasse sur un pont avec la Tour Eiffel en arrière-plan, apparu dans une vidéo dans un vol d'Air France. Je l'ai pris en photo pour me plaindre des stéréotypes amoureux vendus sans cesse.
Vidéo de sécurité d’Air France, Photo par Justin Busch

Il s’agit du témoignage de Juhea Kim, qui avait 31 ans au moment où tout s’est déroulé en 2018. Madame est autrice de deux romans et un recueil de nouvelles, tous publiés depuis 2022. Ses deux romans ont été publié dans 7 pays, alors à l’avis des maisons d’édition, elle a quelque chose d’utile à dire. (Je ne cache pas très bien mon avis sur ce sujet, hein ? Mais je ne fais pas d’efforts non plus.)

La pauvre Juhea commence son histoire en nous racontant son premier rendez-vous avec un certain Thomas, ce qui a lieu dans son appartement grenoblois, et par « son », je veux dire celui de madame. Il s’avère qu’après une décennie de vie à New York, où elle travaillait comme éditrice d’un magazine qu’elle avait fondé, elle en avait marre des hommes américains. Et pourquoi ? Parce que selon elle, et je vais la citer en anglais d’abord, afin que vous ne pensiez pas que j’exagère :

New York men – or at least the ones I dated – seemed to think that, if they were more than 6ft tall and in finance or law, they were masters of the universe.

Ça dit : « Les hommes new-yorkais — ou au moins ceux avec qui je suis sortie — semblaient penser que s’ils faisaient plus de 6 pieds de hauteur et travaillaient en loi ou en finance, qu’ils étaient les maîtres de l’univers. »

Voilà. Sans gêne, elle vient de vous dire qu’elle suivait exactement la règle de 6-6-6. Déçu que ces hommes qu’elle avait aidé à couronner, en leur montrant que tout autre homme n’était même pas digne d’un regard, ne se souciaient pas assez d’elle, elle a décidé de partir pour la France, car elle avait entendu parler de ses amies que les expatriés étaient « plus bizarre » par rapport à ceux qui restaient à la maison, mais meilleurs que les autres choix. Son plan est donc de passer 3 mois en France, à chacun de Grenoble, Nice et Paris, dans cet ordre. C’est pour « travailler sur son roman », mais aussi pour avoir des rencontres sur Tinder.

Elle revient sur Thomas, venu chez elle. Selon elle : « Avant que nous ne nous sommes déshabillés, nous avons discuté les sentiers, et il m’a fait une promesse de faire de la randonnée ensemble. » Super. Ils se revoient tout le mois, mais quand elle est sur le point de quitter Grenoble, elle est déçue à découvrir qu’il avait mis à jour son profil Tinder. Quoi ? Elle allait partir à toujours ; à quoi s’attendait-elle ?

Elle n’a pas de relation pendant son mois à Nice. Ses parents lui rendent visite, et elle « ne veut pas de drame ». Dans cette partie, elle chante les louanges de la France et des Français : ils ne sont pas aussi malpolis que le reste du monde ne le pense et on a même cédé sa place à elle dans une queue. J’ai dit largement la même chose après ma première visite, alors je ne la critique pour ça.

Mais à Paris, elle trouve Gaëtan, un professeur de droit, encore une autre rencontre de Tinder. Et c’est ici où j’ai autant de plaintes sur elle qu’avec sa description des hommes américains. Elle nous dit que les Français sont amoureux des histoires d’amour, que ce n’est pas réservé aux relations sérieuses, sans se soucier de s’ils peuvent utiliser la personne rencontrée pour autre chose. Quoi, elle a déjà oublié Thomas ? Tout ça car Gaëtan se révèle soucieux d’elle et fait attention pendant leurs conversations. Elle fait la comparaison entre lui et les hommes américains, ceux qu’elle a déjà évalué selon leurs salaire et hauteur : selon elle, les Français ne font pas de commentaires comme « Tu travailles pour ton propre compte, quoi ? », et c’est rafraîchissant. Mais elle oublie qu’elle se met en compagnie de personnes qui gagnent plus qu’elle et savent bien que c’est son critère pour leur parler : encore, à quoi s’attendait-elle ?

Selon elle, sa seule plainte sur Gaëtan est qu’il est honnête quand elle lui pose une question sur le dîner qu’elle a préparé pour lui. C’est un chapitre dans mon livre, « Apprendre en faisant » : tout le monde est plus au courant des normes, même si pas doués personnellement. Je ne le vois pas comme une critique — c’est plutôt la raison pour laquelle on estime les cuisiniers français aux États-Unis. Mais elle cherchait plutôt la réponse américaine (aussi mentionnée dans le livre), un compliment insincère pour ne pas offenser.

Gaëtan reste en contact avec elle après son retour aux États-Unis, jusqu’au moment où elle trouve une autre femme. Mais c’est ici où sa méchanceté se révèle. Au début, elle a parlé de David, son ex américain, avec qui elle restait amis après la rupture, pendant des années. Il avoue encore une fois qu’il l’aime toujours, et elle finit par le marier. Il n’était pas assez bon des années plus tôt, car pas un homme de la règle 6-6-6, mais après quatre ans de rupture et d’aventures décevantes avec d’autres hommes qui passent un filtre algorithmique — ou qui sont exotiques, car étrangers — elle se contentera de lui. Le mot anglais que je cherchais pour ça, « settle for », est beaucoup plus péjoratif, alors vos traductions sont les bienvenues.

Je suis étonné, absolument étonné, qu’une romancière puisse manquer si complètement de conscience de soi. Il n’y a aucun moment où elle reconnaît qu’elle traite le reste du monde d’exactement la façon qu’elle n’aime pas, et elle confond des affaires Tinder avec des jugements profonds sur le caractère national de deux peuples, dont le sien. J’étais bouche bée tout au fil de la lecture de son article. Mais franchement, cet article censé être sur la France illustre parfaitement tout ce que j’essaie de vous dire sur ce sujet dès le départ !

14 réflexions au sujet de « Elle a tout plaqué pour des hommes français »

  1. Avatar de LadyButterflyLadyButterfly

    Je crois surtout que tu as compris ses propos à l’envers car elle dit complètement l’inverse. Tu interprètes carrément, là. Certes, il y a des clichés, mais elle dit l’inverse sur les hommes américains. Au contraire, elle en a marre de ces types qui se croient supérieurs parce qu’ils répondent toujours aux mêmes standards. Pas du tout ce que tu laisses supposer. Et à un moment, Justin, il s’agirait d’arrêter de voir la « ‘méchanceté » des femmes partout, c’est saoulant et offensant.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Peut-être que j’ai tort, mais la seule personne que je vois parler des mêmes standards est l’autrice, qui évoque la règle de 6-6-6 sans utiliser le nom. Si ce sont les seuls hommes qu’elle rencontre aux États-Unis, c’est elle qui ignore le reste. Je crois que tout homme américain qui fait moins de 6 pieds aurait compris son texte de même façon.

      Je crois, et peut-être que j’ai tort ici aussi, que je distingue souvent entre les cultures américaine et française à cet égard. Je considère que le parler partout aux É-U de la règle de 6-6-6 indique une culture bien toxique. Ce n’est pas moi qui a inventé l’idée de « shrekking » pour parler des hommes non plus. Si je donne l’impression qu’il s’agit d’une critique des femmes en général, je le regrette, parce que ce n’est pas mon intention.

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  2. Avatar de vanadze17vanadze17

    La traduction de « settle for » dans ce cas-là, ce serait « se contenter de »…
    Puisqu’elle n’a pas trouvé mieux, elle s’est contentée de David, son ex petit ami.

    J’ajouterai que c’est certainement une personne qui ne se sent pas vraiment capable de vivre seule, car elle cherche obstinément quelqu’un… J’en ai croisé plusieurs qui étaient comme cela !!!

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  3. Avatar de C'est en lisant...C'est en lisant...

    Comme je te l’ai exprimé plusieurs fois déjà, le fait qu’on généralise au sujet d’une population entière à partir de quelques rencontres ( même au cours de toute une existence) pour définir ce qu’est l’homme français ou autre, à notre époque où les médias ont tant brassé les types et les genres d’individus… me stupéfie car il me semble illogique. Je persiste à penser qu’il existe autant de genres d’individus différents que de personnes rencontrées ! Ce matin, j’ai acheté des choux Pak Choïs et la caissière, que je connais depuis longtemps, m’a dit pour se moquer de moi « Mais y a que les Chinois qui achètent ça! » … Alors quelqu’un pourrait déduire de mon comportement que « Les Français deviennent chinois » ! Peuchère, qué fada! Je lui rirais au nez et continuerais à cuisiner cet excellent chou!

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      Je n’ai jamais acheté un poireau de ma vie avant 2020. Si les caissiers ici avaient la moindre idée de comment on l’utilisait, et on me disait « Y a que les Français qui achètent ça », je devrais hocher la tête, car à part des plats français, je ne sais pas à quoi ça sert non plus !

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