Comme arrive souvent cette année, Langue de Molière tire son inspiration de quelque chose lu chez Il Est Quelle Heure. Afin de rendre évident ce qui a attrapé mon œil, voici les dialogues en question ; j’ai mis les mots importants en gras et en italique.
Moi: Je trouve qu’elle cocotte.
Père: Oui, elle pue. Je voulais l’emmener au toilettage hier mais il fallait prendre un rendez-vous 15 jours à l’avance.
Moi: Je vais la brosser, ça suffira peut-être.
Père: Non mais elle shlingue, là.
Manille: C’est faux, je sens bon la rose des bois!
Dialogue de l’espace avec Père #41
C’est une collection impressionnante de synonymes pour ce que l’on fait avec le nez, dont deux qui ne m’étaient pas familiers avant. Et tous les deux sont intéressants !
Commençons par « elle cocotte ». Il y a un an, la seule signification que j’avais pour « cocotte », c’était un produit du Creuset pour cuisiner. Puis j’ai commencé à lire la Recherche, et tout à coup, c’était aussi Mme de Crécy. Mais cette fois, c’est évidemment un verbe. Alors, le Trésor, que dites-vous ?
COCOT(T)ER1,(COCOTER, COCOTTER) verbe intrans.
A.− [P. réf. au caquetage continu de la poule en basse-cour]
− Rare. [En parlant d’une femme] Bavarder inlassablement. Synon. caqueter.Les poules de la maison se promenaient et cocottaient comme chez elles (Léautaud, Amours,1906, p. 257).
B.− [P. réf. à cocot(t)e1B 2] Se conduire en femme légère.
Cocot(t)er
Curieux ! Ni la première ni la deuxième signification semble être la bonne vu que la réponse à « elle cocotte » était « oui, elle pue ». M. Le Robert ?
Définition de cocotter verbe intransitif
familier Sentir mauvais. ➙ puer.
Cocotter
Voilà, exactement ce à quoi nous attendions. Mais qu’est-ce qui s’est passé chez le Trésor ? Il s’avère que si on recherche « puer », la toute première entrée dit :
PUER, verbe intrans.
A. − Exhaler une odeur nauséabonde, très désagréable. Synon. empester, empuantir; sentir* mauvais; pop. ou arg. cocotter2, schlinguer.
Puer
Et là, on trouve non seulement cocotter et sentir mauvais, mais aussi d’autres synonymes : empester, empuantir, et le mot que nous avions pas encore recherché, schlinguer. C’est dingue, le nombre de façons de dire ça ! Mais à vrai dire, la relation entre les sens de bavarder et de puer m’échappe.
Cependant, ce « schlinguer », c’est aussi un mot curieux. Franchement, l’orthographe ne me semble pas typiquement française. Plutôt germanique, ces mots qui contiennent « sch ». Et avec un nom tel que Busch, je le saurais ! Et en fait, c’est exactement ce qui dit le Trésor :
SCHLINGUER, verbe intrans.Arg., pop. Puer.
empr. à l’all. schlingen « avaler », d’où, par un contresens volontaire, « exhaler (une odeur)
empr. à l’all. schlagen « frapper », « fouetter (en parlant de la pluie) », « repousser (en parlant du fusil) », d’où « sentir mauvais » (de même que cingler, cogner, fouetter, taper signifient « sentir mauvais » dans la lang. fam. ou arg., v. Esn.
Schlinguer
Ces deux histoires sont un peu trop ! Si on croit la première, c’est un peu un jeu de mots où on a adapté un contresens. Mais l’autre propose que beaucoup plus d’autres verbes veulent aussi dire « puer », dont cogner et fouetter. Et en fait, l’entrée pour fouetter est d’accord.
Ça suffit ! Il me semble tout à coup que presque tout verbe français peut signifier « sentir mauvais » — la liste gonfle sans cesse ! Ça fouette ! J’imagine que le chien de Billie, Manille, est bien d’accord. Mieux vaut porter notre attention sur les croquettes.
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour reprendre un thème qui dérange La Fille, la tricherie à l’école.







