Archives pour la catégorie Langue de Molière

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

La langue sans mots mièvres

Cette semaine, Langue de Molière fête la France pour quelque chose de complètement inattendu.

Vous avez sûrement entendu parler de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la version humaine de la maladie des vaches folles. Quand cette horreur arrive, des protéines mal formées, les prions, détruisent les cerveaux des victimes. C’est moins connu qu’aux États-Unis, il y a une variante non-fatale, où je fais partie des 5 % de la population qui n’en souffre pas. Chez moi, c’est pas les prions qui détruisent les cerveaux, mais la mignonnerie. (Je me sens obligé de défendre ce mot ; je ne l’ai pas inventé, mais il ne se trouve ni dans mon correcteur ni mon dictionnaire bilingue. C’est pourtant le bon.)

La mignonnerie prend de nombreuses formes insidieuses. Il était une fois, on savait tous que les billets et les monnaies ne vont pas dans la même partie d’un portefeuille et les a donnés séparément, comme il faut — de nos jours, tout le monde met les monnaies en haut des billets comme des cons. Ou on met le couvercle et la paille au-dedans d’une tasse en papier. C’est dégoûtant pour la santé, mais c’est mig-noooooon. Ou tout le monde demande « Est-ce OK ? » (Je me rends compte que je parle de comportements américains ; c’est ma vie, hélas.) Mais la pire mignonnerie américaine est sans doute notre tendance à créer des noms ridicules pour tout, juste pour les acronymes, alors que les Français s’en fichent d’exactement ça.

C’est comme ça qu’il y a maintenant une loi proposée dans le Congrès américain (lien en anglais) en ce moment intitulée la loi « Boosting Innovation, Technology, and Competitiveness through Optimized Investment Nationwide Act ». Ce qui veut dire le titre n’est pas important. Lisez juste les lettres en majuscule. C’est la loi BITCOIN. N’imaginez pas que ça a récemment commencé. Après le 11 septembre, on a adopté une loi intitulé « Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act ». Ça ne vous parle pas ? Lisez les majuscules, c’est le USA PATRIOT Act.

Ce genre d’horreur se trouve partout. Le Sénat américain a un comité chargé de 4 tâches : Santé, Éducation, Travail et Pensions. En anglais, dans le même ordre, c’est Health, Education, Labor, et Pensions, ou HELP (lien en anglais). Qu’est-ce qui veut dire « help » ? Aide.

« Mais Justin », vous me dites « que diable ? C’est quoi le rapport avec Langue de Molière ? » Ah, merci de me le demander ! Il m’a fallu beaucoup de temps pour le reconnaître, mais ce n’est pas seulement le cas que le français ne joue pas à ce jeu, il me semble que vous êtes pleinement allergiques à l’idée !

Tout le monde sait qu’un Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes s’écrit EHPAD. Mais qu’est-ce qui veut dire « EHPAD » ? Rien. C’est juste les initiales. Aucune mignonnerie n’a été fabriquée pour l’occasion. Le titre auquel j’aspire le plus, OQTF, c’est Obligé de Quitter le Territoire Français et non pas quelque chose de farfelu juste pour pouvoir écrire EXIL ou VA-T-EN. Dans le Canard du jour, j’ai appris l’existence de quelque chose dite l’Union nationale patronale des prosthésistes dentaires, ou UNPPD. Si ce cauchemar existait aux États-Unis, ils auraient trouvé une façon de se dire TOOTH, ou en français, DENT.

J’admets que les noms des lois sont moins qu’informatifs, mais ça s’améliore avec du temps. « La loi du 11 germinal an XI », aussi connu sous le nom de la loi du 1er avril 1803, veut dire la loi qui a ordonné une liste de prénoms. « La loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association » n’explique pas trop, mais même si on dit juste « loi de 1901 », tout le monde sait que ça parle des associations à but non-lucratif. ([Comme son ancien start-up, on dirait. — M. Descarottes]) Plus récemment, on voit des titres très spécifiques, comme « Loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite ». Si celle-ci était adoptée en Californie — bonne chance ! — elle serait la loi SQUATTEUR.

Je crains qu’en évoquant le sujet, je serai en quelque sorte responsable pour avoir apporté cette nullité aux Français. Alors, oubliez tout ça,

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine au centre commercial.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Les œufs de Saint-Marc

Il y a des semaines, on a partagé la vidéo suivante dans le groupe de Facebook, Everything French. La moitié est en anglais, mais c’est par une expatriée, Eva Bonnet, et se traite du truc le plus bizarre dans la prononciation de la langue — si c’est vrai :

Le dialogue se déroule entre deux personnages, jouée par la même personne car Instagram exige que tout le monde se comporte comme un schizophrène de nos jours. L’australienne pose des questions autour de la prononciation de « f» dans « œuf », au singulier et au pluriel. La française (encore une fois, la même personne), explique que l’on ne prononce pas le « f » au pluriel… sauf dans certains cas.

Quels sont ces cas ? Selon elle, on dit deux et trois œufs sans le « f », mais quatre et cinq avec, puis six sans, sept à neuf avec, et recommence à dix sans le « f ».

S’il y a la moindre vérité derrière tout ça, je ne veux plus jamais entendre à quel point le français est logique ! Mais c’est ici où les choses deviennent compliqués. Elle avoue tout au début de la description de sa vidéo (écrit en anglais, désolé) qu’elle n’est pas complètement sérieuse — puis elle insiste que c’est comment fait les Français la plupart du temps. Elle offre une explication autour de la liaison, mais ça ne peut avoir rien à voir le nombre, vu que la liaison impliquerait plutôt le mot qui suit « œufs ».

Pourtant, dans les commentaires sur Everything French, où la moitié des membres sont des francophones de naissance, il y a plein de désaccord entre les autochtones sur la réalité de ce phénomène. Certains disent que c’est une tendance régionale, sans préciser la région ; d’autres disent que ça n’existe pas du tout ; une personne, la fille d’expatriés, mais australienne elle-même, dit que la vraie règle est que le « f » se lâche après les nombres qui se terminent par « x » ou « s ». Ce qui expliquerait certainement les observations du clip, mais dans ce cas, quel cauchemar !

Plus récemment, j’ai vu un clip de l’humoriste Paul Taylor, expatrié britannique qui travaille en France depuis une quinzaine d’années (et de qui j’ai appris BEAUCOUP de la langue en 2020) :

Ici, il raconte avoir reçu une demande de sa femme d’acheter une lessive dite « Saint-Marc », mais sa prononciation lui donne l’impression que c’est plutôt « sain mare », car elle ne prononce pas le « c ». Ne sachant pas quoi faire, il le répète à un vendeur qui lui donne le bon produit, mais il croit que monsieur a tort. Il finit par dire ça à sa femme, qui lui répond que ça n’a aucun sens, car « mare » est féminin, donc l’adjectif devrait être « saine » s’il avait raison. Selon Paul Taylor, c’est parce qu’il y a une règle où on laisse tomber le « c » parce qu’il y a « Saint » devant. C’est drôle, mais il n’a pas l’habitude de dire de fausses choses sur la langue, alors je dois demander : a-t-il raison ?

Franchement, j’ai du mal à croire que ces deux sont réels, mais je vous connais assez bien que je dois poser les question !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de la chose que je suis le plus ravi de ne pas trouver dans la langue.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

À la WHAT ?

Pendant longtemps, une expression qui me rendait perplexe était « à la une ». Ça semblerait être incorrect vu la séquence de voyelles ; on penserait plutôt à « à l’une ». Mais cet échange entre deux de mes personnes préférées sur Twitter a éclairci le point :

Au cas où ce ne serait pas clair pour les utilisateurs de VoiceOver — je ne sais pas ce qui arrive avec les Tweets embarqués — l’important, c’est que selon Anne-Élisabeth Moutet, « c’est une contraction de « la page une », donc « la une ».

Plus récemment, une autre expression dans un tweet m’a rendu encore plus perplexe :

Encore une fois, au cas où, ça dit :

Quand est-ce que vous avez appris que c’était « à la one again best to fly » et pas « à la walegaine bistoufly » ? moi il y a 7 minutes

Ça pose tant de questions ! À partir de « Ce n’importe quoi veut dire quelque chose ? », finissant avec « Fly ? On vole où ? », en passant par « Et pourquoi pas « l’one » au lieu de « la one » ? » Je dois vous dire que je n’ai pas trouvé de bonnes réponses à toutes ces questions, si seulement pour la même raison qu’il n’y a pas de bonne réponse à la question de ce qui voulait dire Q-bert :

Capture d'écran du jeu vidéo Q-bert des années 80s. Une fois touché par un ennemi, il abandonnait en disant « @!#?@! »
Ce qui dit M. Q-bert, Capture d’écran personnelle

Cette expression semble être fortement liée à un humoriste, Franck Dubosc, qui je connais seulement par nom. Voici un exemple (à 3:25 de la vidéo, intitulée « Le relou ») :

Ce clip n’est pas exactement le genre d’humour que l’on trouve ici d’habitude — il met les mains partout, ne respecte pas l’espace des autres, et en général, se comporte comme un animal. Ce n’est pas mon truc, mais pour nos buts, ce qui compte est que le contexte éclaircit seulement le genre de personne qui la dit. Son interlocuteur ne réagit pas. On peut au moins entendre clairement les mots en anglais, et la séparation entre « la » et « one ».

Le site Guichet du Savoir, souvent utile pour ce genre de question, m’a dirigé vers un article de 2014 dans La Provence. Là, on apprend :

« Wanegaine bistoufly » vient en fait d’une expression, originellement employée dans la région marseillaise dans les années 90, qui est de faire une action « à la one again ».

Un anglicisme sans rapport avec sa traduction en français qui signifie qu’on a fait quelque chose avec négligence.

L’humoriste Franck Dubosc s’est largement réapproprié cette expression dans de nombreux sketches.

Une association ose un clip à la « Wanegaine bistoufly » par Sylvain Pignol, La Provence, 26/2/14

Ce journal confirme le lien avec M. Dubosc, mais apparemment, il ne l’a pas inventée. Mais je dois ajouter, je ne suis pas sûr de sa traduction littérale en français. « Again » est simplement « encore une fois », mais à moins que « à la one » veuille dire « à la une », ça ne veut rien dire en anglais. L’article de Guichet du Savoir ajoute que personne n’a vraiment avancé sur cette explication jusqu’à maintenant, et leur article date de janvier de cette année. On dirait donc que l’on n’en va pas plus apprendre sur « à la one again »

Mais « best to fly » ? Littéralement, ça veut dire « mieux vaut voler » en anglais, mais au-delà de ça, je ne trouve aucune explication sérieuse. Un internaute propose que Jeanne d’Arc avait quelque chose à voir avec ça :

Une autre possibilité serait à mon avis que Jeanne d’Arc ait dit « I won again and it’s best (for the British) to flee ! ». Mais je ne sais pas comment le flee serait devenu fly.

French Stack Exchange

Ce qu’il suggère se traduirait en français par « J’ai encore une fois gagné alors mieux vaut fuir, les Britanniques ! » Mais ça ne peut être qu’une blague, parce que Jeanne n’aurait rien dit en anglais et en plus, l’anglais de l’époque était loin du mien. (Dommage, parler comme ça serait plus cool.)

J’en conclus qu’il n’y a rien pour en conclure. « Best to fly » ne veut absolument rien dire, même si on a trouvé une petite explication pour « à la one again ». Mais si ça va être votre niveau en anglais, je ne veux plus rien entendre sur les anglophones qui se croient malins en disant « sacré bleu » et « zut alors ». Au moins ces deux existent en français, même si en désuétude.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec la folle histoire des œufs.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Z’ai cru voir un rominet !

D’abord, étant Langue de Molière, je dois me plaindre que personne n’a remarqué mon calembour de dire « Nain » au lieu de « Nan » en parlant de Blanche-Neige lundi. Une foule dure, on dirait !

Récemment, Anagrys de Chemin de soie a partagé avec moi une expression très intéressante. (Au fait, j’ai récemment appris que c’est une faute d’écrire « m’a partagé ». J’ai arrêté de l’utiliser il y a des semaines, mais c’est la faute aux francophones de naissance que j’avais commencé. Après tout, je l’ai vu où ? Ouais.) Évidemment, vu le gros-titre, il s’agit d’un minet, et il n’y a qu’un chat que je connais qui porte ça comme nom :

Sylvestre le chat, dit Grosminet, dans la peau de Saint-Sylvestre​
Source

Mais notre ami ne m’a pas écrit pour parler de Looney Tunes. Cependant, si je dévoilais exactement ce qu’il m’avait envoyé, ce serait un billet encore plus court qu’attendu. Alors, je vais raconter celui-ci selon la façon des Histoires comme ça de Rudyard Kipling.

Il était une fois, il n’y avait pas d’écrans et tous les paysans étaient ravis de se réveiller dès que le soleil se levait pour travailler, car ils aimaient tant les nobles. C’est ce qui dit mon livre « L’Histoire pour les royalistes ». Et les animaux avaient tous hâte de leur dire bonjour. C’était exactement comme dans la chanson de Disney, « Zip-A-Dee-Doo-Dah », en fait :

Mais un animal se levait encore plus tôt que les autres, l’écureuil, connu à l’époque sous le nom de jaquet. Si on se levait juste à l’aube, on se considérerait chanceux juste d’apercevoir les queues des jaquets pendant qu’ils rentraient dans leurs arbres. Alors, les gens disaient que ce moment du matin était « dès queue-jaquet ».

Cependant, après la Révolution, de plus en plus de monde vivaient dans les villes plutôt que dans les fermes. Et on trouve beaucoup plus de chats que d’écureuils dans les villes, alors l’expression est devenue plutôt « dès queue-minet ». Mais avec la familiarité de tous ces gens vivant si proches, les uns des autres, le langage est devenu plus vulgaire, et on entendait plutôt « dès cul-minet ». Finalement, en 1835, l’Académie française, souhaitant mettre un terme à la grossièreté, a proposé plutôt « potron », venant du français du XIIe siècle, « poitron », qui de son tour est venu du latin « posterio » ; c’est-à-dire, la partie derrière.

Et c’est comme ça que l’on dit « dès potron-minet ».

Ben, j’ai inventé environ un tiers de tout ça. Anagrys m’avait envoyé ce lien de Facebook qui racontait l’histoire de potron-minet. J’ai fouillé dans le Trésor de la langue française, et ai vu que c’était tout vrai, mais n’ayant pas d’autre contexte pour encadrer l’histoire, l’ai transformée en conte. La première citation de « minet » au lieu de « jaquet » ne date que de 1835. Cependant, les formes de « queue » ne sont pas attestées — c’était « potron » dès le départ.

Dès potron-jaquet, même.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec l’expression la plus farfelue qu’il a jamais entendue.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Passez l’amour au machin

Aujourd’hui, Langue de Molière apparaît un jour à l’avance, parce que, si je suis honnête ([Ce qui arrive assez rarement — M. Descarottes]), je n’avais aucune idée de quoi écrire. On est à une semaine d’une étape de légende pour ce blog, alors il ne faut pas que je rate un jour, mais je continue de mettre l’emphase sur le livre, comme je l’aurais dû à partir de mars — de l’année dernière.

Il y a des semaines, j’ai rencontré un mot qui ne me parlait pas du tout, même dans son contexte, choucard. Malheureusement, j’ai oublié de garder un lien vers le post sur Facebook où je l’ai vu. Au moins j’avais le bon sens de le noter dans le fichier où je garde toutes les idées pour Langue de Molière.

Alors, j’ai recherché ce mot dans mon dictionnaire bilingue. Il n’est pas là — dites-donc, pour un dictionnaire venant de l’université d’Oxford, il y a un sacré nombre de lacunes ! (Ne vous méprenez pas ; je suis reconnaissant pour tout ce qu’il m’a apporté, mais il me semble que le temps d’acheter un dictionnaire monolingue s’approche, même si j’ai parfois besoin de traductions. Vos recommandations pour une appli sont les bienvenues.) Je suis donc allé sur Wiktionnaire , et… quoi ? Le Trésor ? Dites-donc, vous voulez que j’aie rapidement la réponse, ou une aventure ?

Donc, Wiktionnaire. Ça m’a dit que c’était synonyme de « chouette », sans préciser le bon sens. Il me semblait que l’on ne parlait pas de l’oiseau, mais le synonyme de « cool ». Pourtant, Wiktionnaire n’offrait que des exemples… opaques, à partir de cette citation de Boris Vian :

Quand on est en carte
Et qu’on d’vient trop tarte
C’est pas choucard pour l’osier
En six marquotins
Ce foutu bourrin
Pouvait plus faire un lacsé
 — (Boris VianBallade de la chnouf, 1957.)

Choucard

Super, il y a un mot dont je ne comprends pas le sens dans chaque ligne — « en carte » et « tarte » me sont familiers, mais j’ai l’impression que les sens sont autres que ceux que je connais. Mon dictionnaire Oxford donne « osier » comme la traduction d’osier, une situation qui me conviendrait très bien si j’avais la moindre idée de ce qui était un osier en anglais ! Et « marquotins » et « lacsé » ne sont pas dans mon dictionnaire du tout ! (« Bourrin » se traduit par « nag », un cheval qui a vu de meilleurs jours, selon l’Oxford.)

Mais je voulais en savoir plus sur choucard, alors j’ai suivi « chouette ». Et ça m’a donné de nombreuses photos d’oiseaux, une araignée de mer, une espèce de papillons, et

Employé en accompagnement des mots généraux tels que bidulemachintruc pour désigner des objets inconnus.

« C’est quoi, c’bidule truc machin chouette ? »

Chouette

Super, quel est le nom parmi tout ça ? J’utilise « truc » assez souvent que je ne plaiderai pas l’ignorance, mais il me semble que dans ce cas, il sert en tant qu’adjectif, et ça, c’est nouveau pour moi. (Au fait, Truc en majuscule, c’était aussi le prénom de la vietnamienne qui m’avait dit qu’elle avait hâte d’adopter La Fille sans l’avoir rencontrée — cette coïncidence me met plus mal à l’aise que vous ne le devinez.)

« Machin » est où je me suis arrêté à l’époque, à cause de ça :

Mot général utilisé pour désigner une notion ou un objet qu’on ne veut pas ou qu’on ne sait pas nommer plus précisément

Machin

C’était assez évident — on avait quitté le chemin de significations en termes d’autres mots argotiques mais « on ne sait pas » me semblait la fin de l’affaire. En plus, c’était évident que l’on avait quitté les synonymes de « cool », ce qui avait lancé l’enquête.

Puis, une semaine après avoir abandonné, j’ai lu « machin » dans le bon contexte chez Il Est Quelle Heure, et tout est devenu clair :

Une fois à la maison il a posé sur la table un bol avec des petit machins tout ronds dedans.

Gary m’a envoyé un message:

Gary: Ton père s’est foutu de moi parce que j’ai gobé une pistache entière sans la décortiquer

Moi: J’ai fait EXACTEMENT pareil

Dialogue avec Père #36 : stachepi

Ah, chouette ! Choucard, même ! Personne ne pouvait me donner un tel exemple pour commencer ?

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour un rendez-vous avec Grosminet à l’aube.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Ras-le-plein

Il y a des semaines, j’ai noté une expression intéressante chez Miss Biblio Addict :

Cette semaine, j’ai dit (merde) au tri et au rangement… J’en ai ras la casquette. [emphase le mien]

C’est lundi, que lisez-vous ?

« Ras la casquette » ne me parlait pas en soi, mais ça ressemble à beaucoup d’autres expressions françaises, à partir de « ras-le-bol ». Je comprends que ces deux sont similaires à « J’en ai assez ». Mais c’est ici où je dois avouer qu’après presque cinq ans d’efforts (mon 5e anniversaire français s’approche !), je ne pouvais pas vous dire ce qui veut dire « ras ». Voyons si j’ai réussi à améliorer cela.

« Mais Justin », vous me dites, « le Trésor… » Chut, vous ! On a un terrier de lapin à suivre !

Google m’a amené à Wiktionnaire, qui m’a dit que « ras la casquette » n’est qu’un synonyme de « ras-le-bol ». Là, j’apprends que « bol » n’est que de l’argot pour « cul ». Mais il cite Le Robert comme source, et M. Le Robert me semble dire seulement que les expressions sont des synonymes, pas l’autre chose. Mais au cas où, je devrais supprimer toutes les mentions de « bol » de mes recettes. Il faudra désormais avoir une folle quantité de saladiers pour suivre les recettes Coup de Foudre.

D’autre part, Le Robert dit aussi que « bol » est synonyme de « pot », et que ce dernier veut dire aussi postérieur, venant de « popotin », qui veut dire « fesses ». Super, je ne peux plus mentionner des pots de yaourt ou de confiture non plus. Au cas où, vous savez.

Mais c’est quoi cet autre truc, synonyme de ras-le-bol, ras-le-bonbon ? En tant que nom, c’est plus de la même chose : de l’exaspération. Mais en tant qu’adjectif :

(Vulgaire) Se dit d’un vêtement féminin très court, s’arrêtant au ras des fesses.

On penserait peut-être que ce « ras » veut dire qu’il n’y a rien. Le bol est peut-être donc vide, c’est ça ? Mais cette fois, Wiktionnaire dit qu’il s’agit d’un terme pour quelque chose trouvé dans les entrejambes, et ici, on atteint la limite de ce blog tous publics. Disons que toute autre entrée joignable de ce point porte l’avertissement « vulgaire ». Disons aussi qu’il me faudra enlever les berlingots de 3 articles du Tour. Au cas où, bande d’obsédés !

Mais si je pensais que « ras » voulait dire trois fois rien, qu’il n’y avait pas beaucoup à voir, le Trésor de la Langue française dit l’opposé :

[En parlant d’un récipient] Dont le contenu arrive exactement au niveau du bord.

Ras, adjectif

Le bord est la partie la plus haute d’un bol, alors ceci dit que « ras » veut dire « beaucoup, rempli », plutôt que « vide, court ». Même l’étymologie du Trésor nous dit qu’à partir de 1190, « ras » voulait dire « entièrement plein ». Et bien sûr, c’est quoi un autre synonyme pour ça ? « Plein le cul ».

Ras veut donc dire en même temps qu’il y en a trop et il y en a pas assez. Je n’en peux plus ; j’en ai ras-le-plein.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour demander, « C’est quoi, ce machin ? »

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Ras le bulbe

Il y a des semaines, j’ai lu quelque chose sur Il Est Quelle Heure qui m’a rendu tout perplexe :

« Elle va bien? », m’a demandé un peu plus tard la vétérinaire; « Je crois! », ai-je répondu en riant mais en vrai j’ai pensé: « Elle est ravagée du bulbe, oui ».

Trauma crânien

Ravagée du bulbe ? Ça sentait Langue de Molière, alors j’ai mis une note dans mon fichier.

Des jours plus tard, cette expression est apparu à nouveau chez elle :

Du coup moi qui pensais qu’elle était ravagée du bulbe je me demande à présent s’il y en a encore un, de bulbe.

Tous les chemins ne mènent pas à Rome

C’est quoi, ce bulbe ? D’habitude, j’essaie de trouver les réponses à ces questions pour moi-même (pas envie de perdre ma carte d’homme, après tout), et le mot semble très similaire à l’anglais « bulb », alors j’ai commencé avec mon dictionnaire bilingue. Là, bulbe a trois significations :

1) Un bulbe de plante, tel qu’un oignon ou une tulipe ;

2) La coupole d’une église façon Kremlin (j’ai tout à coup envie de jouer à Tetris) ;

Capture d'écran de Tetris sur Game Boy
Capture d’écran de Tetris sur Game Boy ; Source ; ©️Nintendo

3) Une partie d’une étrave — et quelque chose que je ne connaissais pas du tout, car c’est toujours sous l’eau !

Mais aucun de ces sens ne répond pas à la question de comment on ravage un bulbe, ou pourquoi un chien en aurait un. Et ici, l’anglais ne m’aide pas, parce que pour autant que je sache, Ravage, c’est un Transformer méchant en forme de panthère :

Ravage, Transformer Decepticon ; Source ; ©️Hasbro

Mais son nom veut dire détruire ou faire des dégâts, alors peut-être que l’on approche un peu le sens de « ravager du bulbe ». Ah, je sais, j’ai oublié de consulter la plus grande source au monde pour les bulbes, Bulbapedia. Vous pensez que je plaisante, mais le nom veut dire littéralement l’encyclopédie des bulbes , à partir du Bulbizarre. Ça doit être où commencer :

Dessin du Pokémon dit Bulbizarre
Bulbizarre, Image de Poképedia, CC BY-NC-SA 3.0

Malheureusement, c’est juste sur les Pokémon et ne veut rien dire sur le bulbe en question. Trésor de la Langue française, que dites-vous ? Rien sous ravager ni bulbe. J’épuise toutes mes resources sans avancer. Au bout du rouleau, je recherche l’expression sur Google. Et voici le premier résultat :

Capture d'écran qui montre que Google choisit « mou du bulbe » en tant que synonyme de « ravagé »
Capture d’écran de la recherche

Wiktionnaire me dit que le bulbe de « mou du bulbe » est tronqué de « bulbe cérébral », séquence de lettres qui n’apparaît même pas dans la liste de mots composés dans mon dictionnaire bilingue. Ne me croyez pas sur parole, voici la liste entière :

Capture d'écran du dictionnaire Oxford avec seulement « bulbe dentaire », « bulbe pileux » et « bulbe rachidien »
Capture d’écran, infos ©️Oxford University Press

Je suppose que la dernière expression, « bulbe rachidien », est le bulbe duquel on parle. Mais ce bulbe — rien à voir avec Mme Dati pour autant que je sache, malgré le nom — contrôle des fonctions automatiques, la respiration et le rythme cardiaque, pas les pensées.

J’ai trouvé quelques autres exemples de l’expression telle qu’elle est utilisée. Par exemple, ce tweet :

Tweet qui dit « J’avoue que cette bande de ravagés du bulbe va me manquer quand Twitter disparaîtra.» en citant un critique de Mme Hidalgo.
Source

Et celui-ci :

Tweet qui dit « Y’en encore quelques ravagés du bulbe » en citant des supporters de Gaston d'Orléans, prétendant au trône français.
Source

Le seul exemple que je peux trouver qui date avant 2024 vient de 2018, sur un site de jardinage, et c’est le gros-titre d’un article qui parle des bulbes de plantes. Mais il me semble un clin d’œil envers l’expression dont on parle.

J’en conclus que cette expression veut dire que l’on a un cerveau endommagé et fait de mauvaises décisions en conséquence. Mais aussi que ça doit être très, très récent. Si je n’étais pas ravagé du bulbe, je l’aurais déjà connu.

Avec ça, il y a maintenant autant de billets Langue de Molière que de Dessins de la Semaine, son prédécesseur.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour se plaindre qu’il en a ras le plein. Ou quelque chose comme ça.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Du Coke pour l’âne

Peut-être que certains d’entre vous se souviennent que ma plus grande fantasme, c’est d’aller manger dans un resto quelque part en France, commander un plat, et entendre le serveur me demander « Avec du Coca-Cola ? » Si ça arrive, je serai prêt — prenez-moi au sérieux quand je vous dis que je fais des répétitions à chaque fois, au cas où — à répondre « Hohoho, non ! With Beaujolais nouveau ! » On penserait qu’il m’aura fallu commander une entrecôte bordelaise, mais à mon avis, ce serait trop évident, surtout si je le prononce mal d’après de Funès dans le film, comme si je demandais au serveur de le faire.

Si vous me répondiez que vous auriez pensé plutôt que la fantasme était que je ne mange pas seul dans le resto, je ne peux dire que j’essaie d’avoir des fantasmes réalistes. Mais toute cette histoire de Coca-Cola, où comme ça se dit ailleurs, même si pas en français, Coke, je l’évoque pour une raison. Il y a des semaines, j’ai vu un graphique intéressant sur Facebook qui montre tous les sens différents du son du mot en français — et attention à l’orthographe !

6 sens différents de mots qui ont le son de "coke" ou "coq".
Source, ©️MaitressAdeline sur Facebook

Avant de continuer, je dois avouer que je ne peux plus boire de Coca-Cola, et ça me rend incroyablement triste. C’était mon soda préféré jusqu’en 2006, au moins à prix raisonnable (voici le vrai champion). Dès que mon docteur m’a dit d’arrêter, je l’ai abandonné — et quand je l’ai goûté à nouveau une décennie plus tard, j’avais complètement perdu mon goût pour le truc. Est-ce pour le mieux ? Mes docteurs diraient oui, mais je suis ennuyé de thé glacé sans sucre, et c’est tout ce que je bois depuis bientôt 20 ans.

Alors, pour commencer, il y a le coke dans le sens de charbon. Vous n’avez aucune raison pour la connaître à moins que vous travaillez dans le secteur de l’acier, où il s’utilise dans les hauts fourneaux.

Mais il y a aussi la coke dans le sens de la poudre blanche bien-aimée de banquiers et de rappeurs. Et, si on a lu ce blog soigneusement, de corses. Attention au genre ; les gendarmes s’intéressent trop à vos conversations si vous travaillez dans une aciérie et dit « Je viens d’acheter une tonne de coke » sans préciser que c’est au masculin. Il faut se souvenir que c’est un anglicisme tronqué de « cocaïne ».

On change d’orthographe et y trouve le célèbre coq français, ou plus précisément gaulois, roi de la basse-cour. C’est drôle de penser qu’il ne veut pas finir dans le vin bien que la France soit connue pour exactement ça.

Je ne sais pas si la prof qui a créé cette liste a triché avec le coque dans « staphylocoque », ce qu’elle dit veut dire « un type de micro-organisme ». Le français dit, tout comme l’anglais, que les bactéries de forme ronde s’appellent « cocci ». Pourtant, les bactéries eux-mêmes prennent « coque » comme suffixe. On a donc « staphylocoque », mais aussi « monocoque » et « diplocoque ». Il me semble que cette version de « coque » n’a pas sa propre existence, independent de tout autre mot.¡

Il n’y a rien à discuter quant à sa signification en cuisine. Là, coque veut dire un fruit de mer ou l’extérieur d’un macaron, à ne pas oublier ce que l’on ne casse pas (pendant la cuisson) pour faire des œufs à la coque. C’est ce sens, d’une structure rigide qui couvre d’autres choses, qui donne notre dernier sens, les coques en bois ou en acier trouvées sur les navires et les avions.

C’est assez pour me donner envie de me cacher dans une coqu…ille.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine au pays du Bulbizarre.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Devinez quoi ?

Cette semaine, Langue de Molière part d’une question que La Fille m’a récemment posé. Elle voulait savoir… bon, vous allez voir que le problème, c’est que même moi, je suis pas sûr de comment exprimer ce qu’elle veut dire.

Je sais que quelqu’un venu de France comprend le problème en question. Il y a plus de 40 ans, un marseillais nommé Georges Marciano a déménagé aux États-Unis, où il a ouvert un magasin de couture, MGA. Mais il a rapidement changé d’avis, et l’a renommé « Guess ». Son entrée Wikipédia l’explique :

Alors qu’il ne parlait pas un mot d’anglais, il observe un panneau publicitaire « Guess where’s the best Hamburger ? Big Boy » et décide de renommer la compagnie « Guess ». « Guess, je ne savais même pas ce que ça voulait dire, mais je trouvais que ça se disait bien dans toutes les langues »

J’ai vu les t-shirts partout en grandissant, avec le point d’interrogation au-dessous du nom Guess en grosses lettres comme ça :

La chanteuse Lesha portant un t-shirt Guess, dont les lettres sont toutes en majuscule dans un triangle inverti, avec un point d'interrogation qui occupe la moitié du triangle en bas
La chanteuse Lesha portant un t-shirt Guess, Photo par litrec, CC BY-SA 4.0

Big Boy était anciennement une chaîne de restos rapides californienne, de meilleure qualité que McDo (et avec des serveurs), et dont il en reste quelques-uns dans le Midwest. Mais ce n’est pas notre sujet. C’est le mot « Guess ». Dans la pub qu’il avait vu, le sens de la question est « Devine où se trouve le meilleur hamburger ? » (rappelez qu’il n’y a pas de vous en anglais américain, seulement tu). Mais le mot « guess » est autant nom que verbe en anglais, et c’est ici où se trouve le problème.

Naturellement, ma première réponse est toujours de vérifier mon dictionnaire bilingue. Ça donne deux choix, supposition et conjecture :

Capture d'écran de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

On penserait donc que c’est la fin de l’affaire. Mais je note quelque chose de curieux dans le reste de l’entrée. TOUS les exemples qui traduisent « guess » en tant que nom en anglais le remplacent par un verbe en français. Ça me donne l’impression depuis longtemps — car j’ai eu la même question avant — que on veut vraiment éviter un nom pour exprimer l’idée venant d’anglais. Voyons :

Capture d'écran de plus de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

Les deux premiers exemples sont les plus importants pour notre but, car ils expriment exactement ce qui nous manque. Si on considère que « guess » veut dire « la chose rendue en devinant », on pourrait traduire « take a guess » par « faire la chose rendue en devinant ». Mais le dictionnaire Oxford donne plutôt « essayer de deviner », évitant tout court un n. Ailleurs, le dictionnaire donne « à mon avis » pour mon « guess » et « au hasard je dirais », les deux n’appuyant vraiment pas sur la même idée.

Il y a d’autres exemples :

Capture d'écran de plus de l'entrée pour "guess" dans le dictionnaire Oxford

« I’ll give you three guesses » se traduit comme « devine un peu », selon le dictionnaire, mais l’anglais là veut vraiment dire « devine 3 fois », ou plus précisément, rendre 3 des choses pour lesquelles on n’a pas de nom. Pour « good guess », un bon « guess », il donne « tu as deviné juste » — encore une fois, la transformation du nom en verbe. Et celui qui m’énerve le plus est sûrement l’exemple de « your guess is as good as mine ». Le dictionnaire donne « Je n’en sais pas plus que toi », une traduction qui ne remplace pas seulement le verbe deviner par savoir, mais cache le nom derrière « en ». C’est une blague pourrie, Oxford !

Sans copier les entrées de « supposition » ou « conjecture » ici, il suffit de dire que les significations données pour ces mots dans l’autre sens sont exactement celles qu’elles ont en anglais, et « guess » n’apparaît pas.

Ici, c’est donc à vous le public. Je crois que l’idée est suffisamment claire. Et peut-être que le français évite vraiment ce mot en tant que nom. Mais La Fille et moi, nous avons du mal à croire que cette idée est aussi impossible à traduire que ça. Vos suggestions sont les bienvenues.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de l’obsession américaine, Coke.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Les 50 mots de neige esquimaux

Il y a des décennies, un linguiste américain, Geoff Pullum, écrivait une colonne pour un journal académique, Natural Language & Linguistic Theory (Langue naturelle et théorie linguistique). Après des années, il a publié un recueil, The Great Eskimo Vocabulary Hoax (Le Grand canular du vocabulaire esquimau). Le livre est nommé pour son essai le plus célèbre — la fausse « découverte » que la langue esquimaude avait plus de 50 mots différents pour des genres de neige. La réalité, c’est que l’esquimau fonctionne comme l’allemand avec moins de morts, où des phrases entières sont représentées dans un seul mot plein de préfixes et de suffixes. Mais c’est Langue de Molière ici, et mon sujet du jour, c’est le point auquel le français est le vrai esquimau !

Tout ça a commencé à cause de mon amie rouennaise, qui poste parfois des photos de son quartier avec la légende « ça caille ». Je note qu’il fait 7° C aujourd’hui là-bas, mais 16° C à Elbe-en-Irvine. On penserait donc que je n’ai rien pour m’en plaindre, mais je porte une veste tout ce mois, et ça ne m’a jamais empêché quand même. Mais vu que je n’ai jamais vu de la neige en Californie du Sud sauf pour un matin en 1989 (sérieusement), presque tout ce qui suit vient d’un article de la prof de Français Langue Étrangère Sandrine Escoffier.

On commence avec « ça caille », expression de laquelle elle dit « cela signifie qu’il fait un froid de canard ». Super, définir de l’argot par le biais d’autre argot ! Non, mais elle explique que l’on dit cette dernière parce que les canards s’en fichent du froid et se mettent dans l’eau même en hiver.

Cependant, est-ce vrai ? Oui, et j’ai trouvé ce clip où une paire de lunettes Jamy explique comment font les canards. Au fait, il s’avère que le mot français pour les plumes les plus proches de la peau, le « duvet » est aussi le mot anglais pour ce qui se dit en français la « couette ».

Une fois sous nos couettes, on reprend la neige. Elle commence avec le givre, apparemment de la glace qui forme sur tout sauf le sol pendant la nuit. C’est donc de la rosée, comme on voit sur nos voitures en Californie si elles restent dehors pendant la nuit, mais gelée. Pas si difficile.

Mais le měme truc sur le sol, où il devient tout sale, parce que comme a dit Adrian Monk, « La nature, c’est sale », c’est le verglas. En anglais, on dirait apparemment « black ice », « glace noire », selon mon dictionnaire bilingue. Je ne sais pas. Il faudrait que j’entende cette expression afin de la connaître — ce phénomène n’existe en Californie du Sud ! Si la rosée tombe par terre, le sol est simplement mouillé. On n’a pas de mot pour ça.

La « glace », elle est apparemment plus solide que le givre. On peut y patiner, selon Mme Escoffier. C’est quoi, patiner ? Non, je plaisante, mais je n’ai jamais, même une fois, vu quelqu’un en train de patiner sur un lac. C’est toujours sur une surface artificielle, avec des Zamboni. Vous les appelez « surfaceuse », selon Wikipédia, mais en Amérique du Nord, elles sont connues par la seule marque, tout comme on dit « Google » pour rechercher même avec Bing.

Alors, pour vous expliquer comment je peux être si ignorant, permettez-moi de partager un mème en anglais :

Photo avec deux légendes, « 10° C à San Diego » et « 10° C dans le Wisconsin ». (En fait, elles disent 50° Fahrenheit, car c'est en anglais.)
Source

En haut, ça dit « 10° C à San Diego », où tout le monde s’habille en cagoules, en gros manteaux, et en gants. Puis il y a « 10° C dans le Wisconsin », très au nord du pays, où tout le monde s’habille en robes sans manches ou en short. Pour les californiens, ces températures sont largement inconnues et on ne sait pas quoi faire face à un peu de froid. Dont moi, absolument.

Je ne peux pas mentir, voici la seule glace dont j’ai envie de faire la connaissance :

Entrée de chez Berthillon
Chez Berthillon à Paris. Photo par David Monniaux, CC BY-SA 3.0

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec un sujet spécial suggéré par La Fille. Vous ne devinerez pas quoi !