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Je découvre Antoine

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata, cette fois avec Antoine. « Mais Justin », vous me dites, « il a 80 ans et n’était pas sur scène cette nuit-là ». Et vous avez raison. Cependant, c’était sa chanson « Les Élucubrations » jouée par Tryo, notre dernier groupe, alors il faut continuer avec leur source. Ce sont les règles du Projet, après tout.

Antoine à une séance d’autographes, Photo par David.Monniaux, CC BY-SA 3.0

Pierre Antoine Muraccioli est né en 1944 à Madagascar. Sa famille était là parce que son père était ingénieur en travaux publics — alors il a aussi habité à Saint-Pierre-et-Miquelon, au Cameroun, et à Marseille, tous avant ses 12 ans, avant de s’installer en Haute-Savoie. Il est devenu élève-ingénieur et a suivi un parcours plus comme le mien que j’aimerais penser. Nous nous déprimions tous les deux pendant ces études à cause de chagrins d’amour — mais où j’ai changé de cours, il a continué et obtenu un diplôme avec un classement très bas. D’autre part, il a utilisé cette expérience pour se lancer dans l’écriture de musique, où il a connu un plus grand succès que moi, alors j’imagine qu’il serait offensé par la comparaison. De toute façon

En 1965, toujours un élève à la fac, Antoine sort son premier single, Autoroute européenne N° 4. Là, il est l’homme orchestre, jouant de la guitare et de l’harmonica, ainsi que chantant. À mes oreilles, il sonne exactement comme Iggy Pop ou Three Dog Night, mais ces autres commençaient leurs carrières en même temps, alors impossible qu’ils se connaissaient. C’était juste dans les eaux, comme on dit en anglais.

L’important, c’est que ça lui vaut l’opportunité de sortir son premier album en 1966, intitulé « Les Élucubrations d’Antoine », d’après ce qui serait son plus grand tube. Cette chanson doit être le premier « diss track » au monde — ce que les rappeurs américains appellent une chanson écrite pour insulter d’autres rappeurs. Ici, il se fout de la gueule d’Yvette Horner (qui il suggère devrait quitter son accordéon) et de Johnny Hallyday, qui devrait être dans une cage. En anglais, on dirait qu’il fallait avoir des couilles en laiton pour tenter une telle chose !

Peut-être la chanson qui montre la plus sa personnalité sur cet album est « Qu’est qui ne tourne pas rond chez moi ? » où il annonce « Je ne croooooooois à rien ! » Antoine est là pour épater la bourgeoisie, comme on dit. Et tout le monde l’aimait, sauf pour Johnny, qui rétorque avec « Cheveux longs et idées courtes », où il dit que personne ne change le monde en criant dans un micro.

Son prochain disque, sorti aussi en 1966, « Antoine rencontre Les Problèmes » est largement du à ce dernier groupe, mieux connu plus tard comme Les Charlots. Antoine n’écrit que deux chansons pour cet album, dont « Contre-élucubrations problématiques », où il se moque de Johnny : « Nous ferons ce qu’il faut pour être les premiers, Ta cage est déjà réservée ». Fallait pas mordre à l’hameçon, Johnny. L’autre contribution d’Antoine est « Je dis ce que je pense et je vis comme je veux », où il s’assied dans un Volkswagen Combi et se comporte en général comme un sale hippie :

L’année suivante, 1967, voit un troisième disque avec un changement de direction, « Je reprends la route demain ». La chanson éponyme continue l’attitude insouciante, mais la musique est moins « caféinée », si vous me suivez, plus introspective. J’ai eu du mal à trouver d’autres morceaux de cet album.

Tout change radicalement plus tard en 1967 quand il sort encore un autre album. Cette fois, il a coupé les cheveux — quoi ? — porte désormais une moustache, et chante des choses qui pourraient venir d’un roman satirique de Douglas Adams. Ça commence avec une autre chanson éponyme, « Madame Laure Messenger, Claude, Jérémie, et l’Existence de Dieu », où deux poissons rouges se disputent sur ce dernier sujet :

J’ai eu du mal d’en trouver plus sur YouTube, mais Internet Archive a tout l’album disponible gratuitement. Il y a plus d’une diversité de styles — « L’anniversaire de Beethoven » ne sonne comme rien d’autre jusqu’à ce point — et si « Je partirai bientôt » a un peu le même air de « Je m’en fous et je quitte », cette fois, c’est plus… joyeux ? Je doute que c’était une réussite vu la difficulté de retrouver l’album, mais il semble s’en profiter plus.

Je saute plusieurs albums difficiles à trouver, mais en 1970, il sort Ra Ta Ta, un autre album où la chanson éponyme est étonnante vu son début. Il mène le public en applaudissant, et les paroles ne semblent pas lourdes du tout :

Encore une fois difficile de trouver d’autres chansons de l’album, mais j’ai trouvé un autre clip avec « J’aime le bon vin » ainsi que Ra Ta Ta. Cette fois, c’est un conte de son goût pour boire le vin de Communion. Je l’ai mis au bon moment dans ce lien.

En 1971, il sort un autre album, Larraldia, dont j’ai trouvé au moins le single ‘Scusez-moi, m’sieur Antoine, en duo avec Danièle Gilbert, inconnue pour moi avant. C’est assez charmant ; les paroles sont des questions peu importantes avec des réponses marrantes :

En 1974, il part en voyage autour du monde pendant 6 ans, en voilier. Apparemment, il enregistrait pendant ce temps ; j’ai trouvé tout son album de 1976, Corcovado, complet dans une seule vidéo sur YouTube. Mais c’est ici où j’arrête. Sa musique est largement difficile à trouver, avec presque aucune info disponible sur ses classements et son accueil par le public. Le fait qu’il y a des clips de l’INA ici me dit qu’il continuait de trouver un rapport avec son public en live, mais c’est assez évident que sa carrière à partir de « Madame Laure Messenger » est largement une réaction contre son image originale. Et ses voyages, qui continuaient après son retour en 1980, me disent qu’il voulait vraiment juste tout plaquer. Je compatis énormément.

Que penser d’Antoine ? Il me semble qu’il était plus qu’un coup étonnant, mais que le renommé n’était pas à son goût. Et ça va ; la vie des stars est souvent moins heureuse que nous ne le pensons. Mais entre le fait que sa musique après les deux premiers albums reste largement cachée, et son manque d’intérêt à régler la situation, je n’ai franchement pas envie d’en creuser plus. Il faut ajouter, cependant, que le sale caractère personnel de ses premiers albums se révèle une fausse image pour la publicité vu ce qui s’est passé après.

Ma note : Je ne change pas de chaîne, mais je ne le suis pas plus loin.

Je découvre Tryo

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec l’artiste qui a immédiatement suivi Julien Clerc et son trio de chanteuses, Tryo. Quoi ? Vous dites que vous avez des souvenirs d’un certain « Ed Sheeran » sur scène pendant 10 minutes ? C’est sans doute un faux souvenir créé par le Matrix, mais c’est pour exactement ce moment que j’ai mis en place une règle contre écrire sur les étrangers qui ne gagnent pas leurs vies en France. Alors, Tryo.

Photo de trois membres de Tryo en concert à Brest
Tryo en concert, Photo par Jeremy Kergourlay, CC BY-SA 4.0

Comme a dit Nagui en les présentant, « Ils sont deux ; pourtant le groupe s’appelle Tryo ». Il y a en fait 3 membres du groupe, mais beaucoup des groupes n’étaient pas complets pour la diffusion. Cependant, comme disaient les couvertures des 4e et 5e tomes du Guide du voyageur galactique, c’était la trilogie de plus en plus mal nommée. En fait, il y avait 4 membres au début, et leur premier album, Mamagubida, sorti en 1998, porte les deux premières lettres des prénoms de cinq personnes, dont leur producteur.

Leur premier single est « L’hymne de nos campagnes », une ode aux idées de Rousseau de revenir dans la nature :

Je ne pouvais guère comprendre « Pour un flirt avec la crise » sans des paroles à lire. Le titre semble être une référence à « Pour un flirt avec toi » de Michel Delpech, mais il s’agit plutôt d’une sorte de cri contre les Klaus Schwab du monde, le technocrate qui « fait du gringue à sa secrétaire ». J’ai dû écouter « France Télécom », car un tel titre invite des questions, mais « Merci France Télécom, D’avoir pu permettre à nos hommes, D’ajouter aux bruits de la ville et des klaxons, La douce sonnerie du téléphone » ne me semble particulièrement pas une réponse à quelque chose que l’entreprise a fait.

À ce point, j’en avais assez de leur premier album — il n’y a pas beaucoup à dire sur la musique en tant que musique. Soit les messages vous intéressent soit pas, car c’est largement juste les chanteurs avec un guitariste pour accompagnement. Je suis donc passé à leur deuxième album, Faut qu’ils s’activent, sorti en 2000. Il n’y avait pas de tube de cet album, alors j’ai commencé par « Con par raison », qui me semblait un titre drôle :

Mais il s’avère être un autre message plutôt lourd, racontant des histoires d’un riche et d’un pauvre, puis demandant « Lequel de ces deux types est l’pire pour la nation ? » Je ne sais pas vous, mais je préfère la sorte d’art qui me mène à poser ces questions moi-même, pas celle qui donne des leçons. « La débande » est une chanson courte mais drôle, avec le refrain « Il est temps de suivre la route des Boys Band avant que notre arc débande ! », ce qui se moque des Backstreet Boys et N’Sync de l’époque. « Paris », source du titre de l’album, est plus mélodique que beaucoup de leur travail à ce point, mais sarcastique à souhaits sur les prix élevés de la ville. (Je considère que « Je découvre Paris » me permet de dire ça sans être hypocrite.)

En 2003, ils sortent Grain de sable, qui connaît plus de succès, étant un disque double or. « Sortez-les » marque un changement de direction, loin du reggae des premiers albums :

Le son est différent, mais les messages restent lourds : « Noyez-nous de publicités, Engraissez-nous jusqu’à éclater » n’a aucune subtilité. On me dit que « Désolé pour hier soir » était un grand succès, mais encore une fois, je ne pouvais rien comprendre sans des paroles écrites. « Sur ce coup la man, t’as été un homme t’as ramené le croisé de Jackie Sardou et d’un Pokémon » est plutôt amusant.

J’ai décidé qu’ils avaient un album de plus pour me convaincre qu’il y avait plus à découvrir, alors ici, je suis passé à « Ce que l’on sème », disque platine de 2008. J’ai commencé avec le titre le moins politique possible, « El dulce de leche », qui sent plutôt mon coin du monde :

Si je l’ai bien compris, les paroles parlent d’un réfugié chilien qui déménage en France :

Il n’avait pas idée
On dira inconscience
À quel point lui coûtait
D’être bloqué en France
Rejoindre le pays
L’odeur de l’orchidée
Le temps n’a pas enfoui
El dulce de leche

Je n’ai rien contre les chiliens, mais j’avais espéré autrement. Je craignais le titre « Quand les hommes s’ennuient » vu le point de vue de tout autre chose à ce point, et c’était au niveau de mes attentes, même si je dois noter que la musique elle-même est plutôt belle :

Les paroles comprennent :

Quand les hommes s’ennuient, ils s’enivrent de sexe
De vin jusqu’à la lie, et d’amours trop complexes

S’inventent des tempêtes, se prennent dans le courant
Des guerres trop coquettes, des caprices d’enfants
Font tanguer le bateau, quand la mer est parfaite
Quand les hommes s’ennuient, ils deviennent si bêtes

Merci, mais j’ai plus qu’assez de la haine de soi pour être homme aux États-Unis, en anglais. Je n’ai pas besoin de la chercher ailleurs. Et je ne me reconnais pas dans cette description non plus.

Que penser de Tryo ? On leur dit « engagés ». Je ne dis pas que je dois être d’accord avec un artiste sur tout. Mais je trouve chez eux exactement ce que je n’aime pas chez mes con-citoyens, la politique en tant qu’idée fixe. Ce qui me déçoit ici, c’est que j’étais vraiment impressionné par leur représentation sur le plateau de Taratata, avec Les Élucubrations d’Antoine. J’ai l’impression qu’un concert de leur part serait plutôt énergique. Mais deux heures de leçons à donner, pas envie.

Ma note : je change de chaîne.

Je découvre Sandrine Kiberlain

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec la dernière des trois chanteuses qui rejoignirent Julien Clerc sur scène. Cette fois, on parle de Sandrine Kiberlain.

Photo de Sandrine Kiberlain en gros-plan
Sandrine Kiberlain, Photo par Georges Biard, CC BY-SA 4.0

Je dois avouer que je me trompai en faisant mes recherches. Elle apparaît sur plus de disques que Suzane ou Marie-Flore, mais est responsable de beaucoup moins de contenus — parfois juste un single ou des pistes d’une bande-sonore. Oups. Alors celui-ci sera plutôt bref, mais vu que pour elle, c’est plutôt un loisir qu’une carrière, ça va.

Sandrine Kiberlain naquit en 1968 à Boulogne-Billancourt, le même endroit que Véronique Sanson, France Rumilly et Zazie. Wikipédia indique qu’elle est le produit de l’histoire d’amour la deuxième moins probable : « Son père, expert-comptable et auteur de théâtre sous le pseudonyme de David Decca, a connu sa conjointe dans l’atelier de théâtre d’une école de commerce. » La combinaison de théâtre et école de commerce doit être plutôt rare, non ? ([Au cas où ce n’était pas clair, l’histoire la moins probable impliquerait le gros ! — M. Descarottes])

Il faut que j’ajoute que je vérifiai toute sa filmographie et ne vis jamais aucun de ses films. Pourtant, elle passe une quinzaine d’années à l’écran avant de sortir son premier enregistrement en 2000, quelques chansons de la bande-sonore du film Love Me, dont une en duo avec un type dont vous entendîtes peut-être parler, Johnny Hallyday :

Cette largement un effort de Johnny ; vous trouverez Mme Kiberlain notamment à 0:54 et 1:57. À ce point dans sa carrière, Johnny avait passé 4 décennies en étudiant la musique d’Elvis Presley, et savait la livrer. L’effort de Sandrine Kiberlain, en revanche, sent le karaoké. Les crédits suggèrent qu’elle chanta aussi un autre morceau seule, « Loving You », mais je n’arrivai pas à le trouver.

5 ans plus tard, elle retourne avec son premier album, « Manquait plus qu’ça ». Elle écrivit toutes les paroles, sauf pour un piste dont on parlera, mais la musique est à des collaborateurs. La chanson éponyme, quelle réussite ! Libérée de son manque de compétences en anglais, ici elle se montre sûre de soi, capable, et avec le choix d’accord, quelque chose du Moyen-Orient, même aventureuse. Bravo !

La Godiche est aussi merveilleuse. Vos condoléances montre qu’elle est à l’aise dans une tonalité mineure et une atmosphère sombre. Et si je vous disais que le refrain d’un autre morceau commence par « Je vais m’envoyer des fleurs » ? On penserait que c’est une chanson avec une attitude « Justin-chaque-février », mais juste quand je commençai à penser que je me trompai, elle lance « des roses que je ne t’enverrai pas ». Ouaip.

Malheureusement, personne ne lui conseilla de lâcher Girl, le seul morceau de l’album en anglais, une reprise des Beatles. Peut-être que vous pouvez en tirer du plaisir ; pour moi, c’est inécoutable. Autrement, j’adore cet album !

Son prochain, et à ce point dernier, album « Coupés bien nets et bien carrés » sort en 2007. Encore une fois, elle écrit les paroles et des collaborateurs font la musique. Cet album est un peu plus électrique que l’autre, avec plus d’effets de production, et je crois que ce ne lui sert pas pour le bien, mais elle reste très agréable. « La Chanteuse » me rappelle un peu « Intermittite aiguë » de Sandrine Mallick, et ça, c’est un haut compliment de ma part :

La chanson éponyme se traite d’une coupe de cheveux, et me rappelle un peu la musique de Blood, Sweat & Tears (surtout le choix d’instruments). « Perfect Day » me fit peur qu’elle soit une autre mésaventure en anglais, et elle l’est un peu — c’est en franglais — mais on réussit à lui expliquer le problème, car elle chante « Je t’ferais rire with my accent (avec mon accent) ». Je fondis, exactement comme vous vous seriez attendu. « Parlons plutôt de vous » est mélancolique à souhaits, mais je ne pus pas m’en arracher.

Son tout dernier enregistrement arriva en 2015, un duo avec Jean Rochefort d’une reprise de « Puisque vous partez en voyage » par Jacques Dutronc et Françoise Hardy. C’est charmant, mais monsieur pourrait être son père — même grand-père ! — et c’est plus une nouveauté qu’une partie importante de son œuvre.

Ben, en 2020, elle participa aussi à un projet intitulé « Vole », apparemment enregistré à la maison par une vingtaine de chanteurs en plein Confinement, mais franchement, je ne peux distinguer personne.

Que penser de Sandrine Kiberlain ? Elle n’a pas la puissance d’une Véronique Sanson ou une Jeanne Added, mais son articulation est parfaite — tant qu’elle évite l’anglais — et sa musique est bien choisie pour accompagner sa voix. Je la trouve beaucoup plus qu’agréable, et c’est dommage qu’elle n’ait pas de plus grand catalogue.

Ma note : J’achète l’intégrale — mais « j’oublie » d’ajouter les morceaux en anglais à mon portable.

Je découvre Marie-Flore

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec la deuxième des trois chanteuses à apparaître avec Julien Clerc. Cette semaine, c’est Marie-Flore.

Très inhabituellement pour un artiste de nos jours, son nom de scène est en fait son prénom. Marie-Flore Pol est née à Clichy-la-Garenne, mais en quelque sorte, a réussi à garder privée sa date de naissance. Heureusement, avec seulement 4 albums à couvrir, je ne dois pas les lier à des périodes différentes de sa vie, alors ce ne sera pas un problème.

Photo de Marie-Flore en concert, débout devant un clavier et un micro.
Marie-Flore, Photo par Blueberry-026, CC BY-SA 4.0

Ce que l’on sait, c’est qu’elle a quitté la fac après sa première année pour se concentrer sur sa carrière en musique, et que ça fait assez longtemps qu’elle s’est fait découverte sur MySpace. ([Un véritable dinosaure, donc. Mais ce type était là avant qu’il ne soient des réseaux sociaux. — M. Descarottes]) Et qu’est-ce qu’elle faisait là ? Des chanson en anglais, comme Jeanne Added ou Jain. C’est comme ça qu’en 2009, elle sort un album intitulé ‘More than 30 seconds if you please » (Plus de 30 secondes s’il vous plaît).

Je veux être gentil, car je trouve sa voix très agréable ici, et la musique en plus, mais il y a deux ans, mon lecteur Bernard a dit quelque chose qui s’applique un peu ici :

les jeunes chanteurs ou chanteuses qui ont les 3/4 de leur répertoire en anglais — mal prononcé et probablement incompréhensible — ont aussi une très mauvaise prononciation en français. A mon avis, inconsciemment, ils choisissent l’anglais devant un public français (qui ne comprend pas l’anglais) pour éviter qu’on constate qu’ils prononcent mal dans les deux langues.

Commentaire sur 30 ans de Taratata, 1ère partie

C’est un peu injuste de mon côté. Je peux comprendre la moitié de ce morceau, « While You Were There » (Pendant que tu étais là), et je vous dis souvent que ma compréhension même en anglais est très mauvaise dès qu’il y a de la musique en jeu pour mon attention.

Cinq ans plus tard, en 2014, elle sort un deuxième album en anglais, By The Dozen (Par la douzaine), cette fois avec une maison de disques. Avec des sous-titres professionnels pour le clip de sa première piste, « Number Them » (Compte-les), il faut avouer qu’il y a des fois où ses voyelles sont simplement les mauvaises — je n’aurais jamais deviné qu’elle chantait « seems » et « bleak » :

J’ai eu du mal avec « Dizzy » du même album. J’avais plus de succès avec « Sweet to the taste » (Sucré au goût). J’ai trouvé un enregistrement en live de sa chanson « Trapdoor » (trappe) de la même époque, mais c’est si réverbérant que je ne peux rien comprendre. Sa technique avec la guitare me semble prometteuse. Mais ça nous donne un indice important — elle chante si proche du micro, il semble qu’elle est sur le point de l’avaler ! Elle avait besoin d’un ingénieur et un producteur à ce point.

Mais je crois que je comprends l’autre problème. On lui a dit, correctement, que la pire chose que les Français font en parlant anglais est la prononciation très mauvaise des voyelles dites « lax » (Wikipédia les dit « bref », assez proche, mais pas identique). Elle compense trop pour ça en réduisant même les voyelles fortes. La stratégie n’est pas mauvaise — je la trouve toujours agréable, juste difficile à comprendre. C’est le contraire de ce qui arrive d’habitude — je n’aime pas écouter la plupart des Français parler anglais, même si je peux les comprendre. La même critique s’applique à la chanson éponyme de l’album :

Je n’ai guère mentionné la musique elle-même, souvent soit acoustique soit avec juste quelques effets. Elle paraît aimer le genre de folk, mais je la trouve difficile à classer. Ses chansons ont tendance à se ressembler, les unes aux autres.

En 2019, elle sort un troisième album, Braquage, cette fois en français. C’est un changement de nuit en jour ! Tout à coup, sa prononciation est très facile à suivre, et elle se révèle avoir la voix d’un ange, comme la plupart d’entre vous. Elle dit, « M’en veux pas », et je ne peux que dire, « D’accord ! » :

Braquage, la chanson éponyme, est trop « disco » pour moi, mais montre toutes les mêmes qualités vocales. Je savais qu’il y avait une belle voix sans les difficultés d’anglais !

En 2022, elle sort son dernier album, « Je sais pas si ça va ». La chanson éponyme est un triomphe, exactement ce que son premier album aurait pu être si enregistré en français. Encore une fois, c’est largement à elle, sans trop d’instruments en accompagnement :

« Je sais qu’il est tard » sonne très proche — comme beaucoup de sa musique — mais montre à bon effet sa « voix d’annuaire téléphonique », mon plus haut compliment (c’est-à-dire, je m’en fiche si elle lit l’annuaire à haute voix, tant qu’elle continue). Avec « 20 ans », j’ai décidé que mon avis restait valide, alors j’ai arrêté.

Que penser de Marie-Flore ? Il n’y a pas beaucoup de grandes idées musicales originales ici — elle profiterait vraiment d’un bon producteur — mais elle écrit de bonnes paroles et les livre toujours de façon agréable. Un de ces quatre, quelqu’une d’entre vous va enfin me croire qu’avec une telle voix, on peut me manipuler facilement, et je me compterai quand même chanceux.

Ma note : J’irais au concert si vous avez une place de trop.

Je découvre Suzane

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec la première des trois femmes qui ont chanté avec Julien Clerc (Suzane, Marie-Flore, Sandrine Kiberlain). Les 3 travaillant à l’unisson, je ne pouvais distinguer personne pendant l’émission originale. Suzane ayant la plus petite discographie, on commence avec elle.

Suzane en concert, Photo par EddyLlrg, CC BY–SA 4.0

J’avais originalement planifié quelques blagues sur son choix de nom de scène, car c’est celui de mon ex. Mais il s’est avéré que j’avais des plaintes sincères cette fois, alors afin de les aborder de façon honnête, je les ai supprimées toutes.

Suzane est née Océane Colom à Avignon en 1990. Dès ses 7 ans, elle a commencé à étudier la danse classique, puis le chant au lycée. Mais la jeune Océane déprime au lycée et le quitte en terminale, sans obtenir son bac. Il faut ajouter que je compatis énormément. On a suivi des chemins très différents, mais être dépressif, c’est un combat de toute une vie.

On passe par presqu’une décennie entière perdue avant qu’elle ne reprenne sa carrière musicale, ayant découvert la musique électronique. À partir de 2018, elle commence à sortir des singles, à commencer avec L’insatisfait. Celle-ci montre du talent vocal, mais aussi une attitude qui est déjà fatiguée de la vie. Il faut noter qu’elle montre dans ce clip qu’elle se souvient bien de sa carrière de danse :

En 2020, Mme Colom sort son premier album, Toi Toi, qui comprend ses 4 premiers singles ainsi qu’une dizaine de nouveaux morceaux. Je dois vous dire, son style hyper-électronique n’est pas ma tasse de thé, mais j’ai presque tout écouté quand même. Suzane est parmi les gens les plus faciles à comprendre pour moi. Son articulation est excellente, et elle n’utilise pas trop d’effets pour sa voix, inhabituel dans ce genre.

Je note un autre single sorti avant le premier album, qui finit par en faire partie, l’éponyme « Suzane ». C’est une autocritique plutôt amère malgré son énergie, au point où j’aurais pu la prendre pour l’un de mes billets dans la série des boulettes. Encore une fois, je compatis :

Cependant, il faut dire qu’il y a des limites à mon empathie. Elle ne laisse aucun doute qu’elle déteste les hommes, ce que l’on entend clairement dans « SLT » :

Avec de telles paroles que :

Hey salut bonne meuf, t’es vraiment très charmante
Tu sais j’te mangerais pour le 4 heures, t’es si appétissante
J’te ferai pas la bise mais si tu veux on peut baiser

elle montre exactement ce qu’elle pense est le comportement des hommes. C’est ici où je dois aborder qu’elle est lesbienne, et ne cache pas ses avis sur ce sujet. J’essaie ici de garder mon objectivité, mais j’ai subi 3 ans de harcèlement aux mains d’une patronne lesbienne qui se moquait de mon statut de célibataire — devant des clients parfois — en offrant souvent des critiques des hommes en général. Elles ont le droit à leur avis, mais je ne m’intéresse pas trop à le payer.

C’est dommage car elle montre un sens de l’humour plutôt caustique dans « Le potin » :

Encore une fois, il y a de nombreux points forts dans son travail. Si je ne me sentais pas ciblé par sa colère, on pourrait bien s’entendre.

Son deuxième et dernier album, Caméo, sort en 2022. Il commence avec une autre chanson dirigée envers elle-même, intitulée « Océane ». Elle reconnaît son succès des deux dernières années, mais ça lui pose plus de problèmes :

Je suis plus sympathique à son point de vue qu’elle ne l’imagine. Les doutes et la haine de soi restent présents, même si elle commence à trouver une façon de vivre.

Le deuxième single de l’album, Belladonna, continue de montrer ses capacités en tant que chanteuse, même si je ne suis pas sûr que je l’aie compris. Sa voix reste en bonne forme

J’ai franchement adoré « Un ticket pour la Lune », où elle chante « Je suis pas à ma place, ; je serai peut-être mieux dans l’espace ». Quand elle traite des thèmes d’être mal à l’aise, elle a mon attention.

« La fille du 4ème étage », en revanche, est une autre histoire du comportement horrible et d’abus commis par des hommes. J’ai envie de savoir si ce sont ses témoignages de sa propre vie, ou si elle a juste du mal à imaginer qu’un homme pourrait ne pas être un monstre.

Cet album finit sur une note extrêmement inhabituelle. La chanson éponyme de l’album, « Caméo » dure moins qu’une minute et manque des instruments synthétisés. C’est une autre preuve qu’il y aurait un sacré album sans tous les appareils électroniques.

Que penser de Suzane ? Elle est une chanteuse talentueuse, peu importe son genre musical de choix. Il y a des moments puissants dans sa musique, et quand elle n’évoque pas certains sujets dont je suis sensible, je profite même de l’écouter. En même temps, je galère à imaginer que je me sentirais bien à l’aise à l’un de ses concerts. Je ne changerais pas de chaîne, mais je n’ai pas hâte d’aller à un concert non plus.

Ma note : je ne change pas de chaîne, mais c’est le plus que je peux faire.

Je découvre Julien Clerc

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec le prochain numéro sur scène, Julien Clerc avec Sandrine Kiberlain, Marie-Flore et Suzane, tous inconnus à moi avant le spectacle. Ils ont joué une chanson de Charles Aznavour, « For Me Formidable », suivi par le plus grand tube de la carrière de M. Clerc. J’écrirai sur les quatre, puis M. Aznavour. Mais je vous dirai tout d’abord que j’ai trouvé ces 8 minutes parmi les plus émouvantes de la nuit entière. Pas pour la première fois depuis le début de ce projet, je dis que quand 40 000 Français se montrent d’accord, je fais attention.

Photo du jeune Julien Clerc en 1976
Julien Clerc en 1976, Photo par Fotopersbureau De Boer, Domaine public

Commençons avec Julien Clerc, clairement la star de cette partie. Sa carrière étend de 1968 jusqu’aujourd’hui, et comprend 27 albums studio ainsi que 13 albums live. C’est trop pour mon format ; j’essaie de couvrir les points forts, mais c’est à vous de me dire s’il y a des erreurs hurlantes. Au-delà de sa relation avec l’actrice Miou-Miou, inévitable pour son effet sur sa carrière, je vais largement sauter sa vie personnelle. Vous avez certainement eu mon avis sur des situations pareilles.

Paul-Alain Leclerc est né en 1947 à Paris, dans une famille tragiquement comme celle de La Fille — ses parents ont divorcé 1 an et demi après sa naissance. Wikipédia note qu’il reçoit un prénom composé « son père souhaitant l’appeler Paul et sa mère Alain ». J’avais proposé Marie-Skywalker pour La Fille, et quelques mois plus tard, tout est parti en vrille, alors je comprends le lien. Il apprend le piano à partir de ses 6 ans, et plus tard prend la décision incompréhensible d’étudier l’anglais à la Sorbonne. Heureusement pour lui, c’est là où il rencontre Étienne Roda-Gil, qui écrira ses paroles entre 1968 et 1990. Et c’est en 1968 où il fait son début sous le nom Julien avec le disque « La Cavalerie », d’abord un single, et plus tard partie de son premier album, éponyme.

Ça pue la fin des années 60 ; faites la comparaison avec « Spinning Wheel » de la même année. Le son est identique, même si les mélodies, langues et paroles ne le sont pas. Avec son succès, il quitte la fac pour une carrière musicale.

Son deuxième album, Des jours entiers à t’aimer, contient la chanson la plus scandaleuse de l’histoire de la chanson française, à partir de son titre honteux, « La Californie » :

On sait qu’il n’avait jamais mis les pieds dans cet état à l’époque, car les paroles parlent de nos « palétuviers », une espèce qui ne pousse pas ici du tout. (Basse-Californie, au Mexique, c’est autre chose. Mais pas dans ma prison.)

Mais la Californie
Est si près d’ici
Qu’en fermant les yeux
Tu pourrais la voir
Du fond de ton lit

Paroles de La Californie

Je le pardonne après tout. Je la vois en ouvrant les yeux. Il était tout perplexe, c’est tout.

Les 5 prochaines années voient autant d’albums, à partir de Niagara et son tube Ce n’est rien, qui vend 200 000 exemplaires en tant que single :

J’adore cette chanson, et j’ai l’impression que les recherches pour ce billet n’est pas notre première rencontre. En revanche, je n’ai aucune idée d’où je l’aurais entendue. (Pas en voiture en France ; la radio était éteinte tout le temps pour les dormeurs.) C’est enfin un départ stylistique des deux premiers albums. « Si on chantait », le grand tube de son prochain album, en revanche, me donne l’impression qu’il écoutait trop Herb Alpert. Son cinquième album, Julien, prend plus de risques, comme Ça fait pleurer le bon Dieu, mais montre aussi qu’il connaît le marché — Poissons morts me rappelle Three Dog Night, mais plus vite. Beaucoup de cette période sent les États-Unis.

Puis, il sort « Terre de France », avec une chanson délicieusement française, qui n’aurait jamais connu les classements américains, pas avec cet accordéon — mais je l’adore — Danse s’y :

La chanson éponyme vaut la peine aussi.

Son septième album, dit Numéro 7, voit une chanson pour supplier de revenir à France Gall, qui l’avait quittée, Souffrir pour toi n’est pas souffrir. Beurk, cette chanson pue le jeune moi et ses sentiments guimauves. Mieux vaut écouter « This Melody« , qui semble tirer un peu son inspiration de « Your Song » d’Elton John, mais sonne complètement différent.

On saute à son neuvième album, Jaloux, avec sans doute le plus grand tube de sa carrière, Ma préférence. J’étais bouche bée à voir la réaction de la foule pendant Taratata — 40 000 personnes ont chanté avec lui comme personne d’autre cette nuit-là. Je pensais même à l’enregistrer moi-même pour YouTube. Même après avoir lu l’histoire entre lui et Miou-Miou — et mon attitude vers l’infidélité est bien exprimée sur ce blog — je dois avouer que c’est une réussite de premier ordre. Mais je suis la mauvaise personne pour exprimer ces sentiments.

Son dixième album en 1980, Quand je joue, est le final de sa collaboration avec M. Roda-Gil (qui n’a pas écrit Ma préférence). C’est une disque d’or, mais ne se vend pas comme Jaloux ; la même chose arrive pour Sans entracte cette même année.

C’est son deuxième album qui voit un retour aux hauteurs de Jaloux ; Femmes, Indiscrétion, Blasphème devient platine sur le succès de « Lili voulait aller danser », Little Richard mis à jour pour les années 80s :

Son prochain disque, Aime-moi, est aussi certifié platine en 1984, ainsi que sa suite, Les aventures à l’eau en 1987, et sa suite, Fais-moi une place en 1990. La chanson éponyme est écrite pour lui par Françoise Hardy, un effort de revenir dans la chanson française.

Julien Clerc réunit avec Étienne Roda-Gil en 1992 pour l’album Utile, encore une fois platine. Dois-je vous dire ce qui arrive pour Julien en 1997 ? Ouaip, platine. Mais je les trouve plutôt fades par rapport à ses premiers albums. Il y aura, cependant, un autre numéro 1 aux classements pour lui, Si j’étais elle, écrit à moitié par… Carla Bruni ? Je ne sais pas. La chanson éponyme est agréable, mais pas plus à mes oreilles.

En fait, c’est ici où j’arrête. Il reste d’autres albums, tous avec des ventes à envier, mais presque tous en duo avec beaucoup d’autres artistes. La dernière chanson vraiment la sienne qui m’intéresse était « Fais-moi une place ». Et ça va. La moitié de cette carrière serait une réussite étonnante.

Que penser de Julien Clerc ? D’une part, il y a beaucoup de comparaisons à d’autres artistes car il avait tendance à suivre les tendances. D’autre part, ça le gardait sur scène assez longtemps pour sortir de nombreuses contributions importantes à la chanson française. Chapeau, M. Clerc.

Ma note : J’achète l’intégrale.

Je découvre Joe Dassin

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec Joe Dassin. « Mais Justin », vous me dites, « vous avez été frappé à la tête par une boule de bowling ? Il est mort en 1980, et n’a pas apparu à la télé en 2023 ! » Oui, je sais, mais pour la première fois depuis le commencement du projet, on parle d’un artiste parce que sa musique a été jouée en reprise par quelqu’un d’autre pendant la diffusion, dans ce cas, Gaëtan Roussel, Matthias Malzieu et Sharleen Spiteri. J’avais dit au début que l’on allait faire exactement ça, en sautant tout artiste étranger. De cette façon, je peux ignorer Ed Sheeran, le résultat le plus important. Si c’est injuste envers Zucchero (qui j’aime bien) ou Mme Spiteri, tant pis.

Joe Dassin assis avec sa guitare
Joe Dassin, Photo par Agenzia Pitre, Domaine public

Vous avez sûrement remarqué que je n’ai pas répondu à la question de la boule de bowling.

Alors, Joe Dassin. Ici, on parle de l’artiste qui devrait être le plus « Coup de Foudre » de tous, parce qu’il était, en fait, américain, né à New York à 1938, et y habitant jusqu’à ses 12 ans. À cause de ça, j’ai dû absolument l’entendre parler anglais — voici une interview au Canada, tournée environ un an avant sa mort (selon les commentaires — la description ne mentionne rien) :

À vrai dire, il sonne presque exactement comme mon père, élevé juste au sud de New York, dans le New Jersey. (Les pauvres.) J’étais bouche bée, car même si je le savais avant, j’avais une impression qu’il devait acquérir un accent beaucoup plus français en y travaillant.

On appelle le fait que vous l’aimez quand même « l’espoir ».

Les Dassin se sont expatriés parce que son père était communiste (et franchement, vous ne devriez pas confondre le vôtres, qui se montraient des patriotes pendant la SGM, avec les nôtres, qui soutenaient les Allemands et ont donné nos secrets nucléaires à l’autre Joe, Staline). C’est donc comment Jules Dassin est devenu réalisateur en France, et après ses études universitaires, Joe est arrivé en France pour travailler sous lui.

En 1963, Joe Dassin rencontre Maryse Massiéra, une française avec des contacts chez CBS Records, qui lui aide à y obtenir un contrat. Entre 1964 et 1966, il sort 4 EPs (des disques vinyles avec 3-4 chansons), mais c’est seulement avec le quatrième où il sort enfin un single, Guantanamera. J’ai l’écouter, parce que je la connais très bien, cette chanson. Mais quelque chose ne va pas :

Je l’ai écoutée en me disant, « La mélodie est correcte, sa voix est agréable, mais les paroles sont toutes foutues. Qu’est-ce qu’il y a ? » Puis je me suis rendu compte — c’était en français. Il faut comprendre que je la connais depuis mon enfance, chantée à chaque fois par des mariachis ou autres chanteurs hispanophones, en espagnol. Peut-être que vous avez eu la même expérience en écoutant « My Way » de Frank Sinatra dont la musique vient de Claude François et sa « Comme d’habitude », mais les paroles sont en anglais (et n’ont rien à voir). En même temps, il épouse Mme Massiéra.

Son premier album en 1966, Joe Dassin à New York, comprend une sélection de chansons des 4 disques EP, notamment « Je change un peu de vent », ce que je connais en anglais sous le nom « Freight Train ». C’est déroutant pour moi, et un succès modeste pour lui.

1967 voit son premier vrai tube, « Les Dalton », qui traite du Far West (pourquoi Far, qui veut dire loin ? J’y habite.), premier single des Deux Mondes de Joe Dassin :

Je le trouve facile à comprendre, comme David Niven ou Tommy Duggan dans les films. Il me rappelle moi-même. Alors d’où les plaintes sur ma prononciation, hein ? (Je plaisante. Peut-être.)

À cette époque, il rate une opportunité en sortant un tube pour France Gall, Baby Shark, mais il l’intitulé en français, Bébé Requin, plutôt que la comptine qui a conquis le monde entier en 2017. (Sorti quand même en français plus tard.)

Pendant Les 30 Ans de Taratata, Vincent Delerm a chanté « Les Champs-Élysées ». Puis La Fille est revenue du lycée en la chantant aussi. Ça vient de son troisième album, dit Joe Dassin, mais surnommé pour cette chanson.

C’est… plus vite que ce que M. Delerm m’avait mené à croire. Mais tout ce dont j’ai vraiment besoin de savoir, c’est que toute l’arène chantait avec lui. Pas pour la première fois, je note que quand une arène pleine de Français sont d’accord et il ne s’agit pas de Jul, je fais attention. (Quand le livre sortira, je ne serai plus le bienvenu à Marseille, vu toutes mes blagues sur ce monsieur.)

Cet album nous donne aussi « Siffler sur la colline », la chanson jouée sur Taratata par les 3 artistes mentionnés au début.

Son quatrième album, en 1970, s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans d’après le plus grand tube d’y venir, La fleur aux dents :

C’est agréable, mais je commence à voir une formule répétitive : un tempo rapide, pas trop d’instruments (c’est pas les Beatles ici) et un refrain avec des « la la la » pour le public à chanter. En même temps, je commence à soupçonner que la réponse à la question de l’accent est qu’il est agréable si celui d’où il vient se considère beau. Ça expliquerait beaucoup de choses.

Personne ne va me convaincre que cet autre clip, « L’Amérique », du même album, est rien d’autre qu’une hallucination.

Son cinquième album s’appelle aussi Joe Dassin, mais est connu aux fans comme « Elle était oh », d’après son plus grand tube :

Je vous jure, j’avais écrit ce commentaire sur les « la la la » avant d’entendre celle-ci, qui commence avec « la da di la da di ». De toute façon, cette chanson est le seul tube de l’album, alors il change de direction.

Son sixième album s’appelle simplement Joe. Là, il retrouve du succès avec une chanson dite Taka takata — à ce point, les « la la la » sont le point. C’est une reprise d’un tube espagnol.

Ce n’est pas seulement moi qui s’ennuie de la formule. Ses deux prochains albums ne connaissent pas de grand succès, mais sa triomphe ultime arrivera prochainement, L’été indien, un single sorti tout seul, puis sur une nouvelle version de son huitième album.

Il ne quitte pas toutes ses habitudes — la moitié des paroles sont juste « Ba da da » (à mes oreilles) encore et encore. Mais c’est un « slow » avec des narrations, plus pensif que ses prédécesseurs.

Mais il ne connaîtra qu’un succès de plus, avec son dixième album en 1976, Le Jardin de Luxembourg, double disque d’or qui voit deux tubes, À toi et Le café des 3 colombes. Cet album est sorti la veille de ma naissance ; désolé, ce qui suit est probablement de ma faute en quelque sorte.

En 1977, il rencontre une jeune rouennaise, Christine Delvaux, et décide de l’épouser. D’habitude, je lui féliciterais pour ça. Mais comme j’ai mentionné avant, il était déjà marié à la femme qui a…euh… fait sa carrière. Les deux divorcent, et il épouse la rouennaise (encore une fois, un bon choix, c’est l’infidélité qui me dérange). Malheureusement, il a aussi vécu une vie de star, avec des drogues, et avait aussi des problèmes cardiaques depuis son adolescence. Début 1980, il y a un deuxième divorce, mais des mois plus tard, il est mort d’une crise cardiaque.

Que penser de Joe Dassin ? Il me semble que mes notes habituelles ne s’appliquent pas ici. D’une part, je trouve beaucoup de sa musique répétitive, et je ne peux que soupçonner qu’une partie de sa popularité vient d’être un bel étranger avec un accent intéressant. Si on veut dire que je suis jaloux que ce qui est pour moi une barrière soit pour lui un atout, je ne le contesterai pas. D’autre part, on trouve plusieurs classiques de la chanson française ici, et pour ça, tout le monde, apparemment même Maryse Massiéra, peut pardonner le reste.

Je découvre Dionysos

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec le groupe qui jouait avec Louise Attaque, Dionysos. Les deux ont apparu en même temps pendant les années 90s, alors on s’attendrait à certaines similarités. Le groupe se fait remarquer pour écrire en anglais autant qu’en français — si on pensait que ça vaudrait quelque chose chez moi, on aurait tort. D’autre part, j’ai craqué pour Jeanne Added, alors on ne sait jamais. Mais je vous donnerai un divulgâcheur : je leur dénonce à la fin, pour des raisons politiques, alors si ça vous dérangerez, arrêtez ici.

Répétition de Dionysos et Louise Attaque sur le plateau de Taratata
Répétition de Dionysos et Louise Attaque sur le plateau de Taratata, Capture d’écran, ©️Banijay et France 2

Leur premier album, Happening Somgs, sort en 1996. Tous les titres sont en anglais, mais je vous préviens — des titres comme « No Sense Words Harmony », « Children of My Walk » et « Socks Tears » sont soit des fautes soit du n’importe quoi. J’ai essayé de commencer avec « Socks Tears » (Chaussettes Larmes) juste parce que le nom est si bizarre, mais ça n’existe pas sur Internet. J’ai réussi à trouver « Children of My Walk » (Les enfants de ma balade) :

Ça sonne comme si Nirvana avait un saxophone dans le groupe, avec toute la distorsion qui allait avec. Quant aux paroles, elles n’ont rien à voir avec le titre. On peut les lire avec une traduction ici. Je passe par-dessus du reste de cet album, parce que je trouve ce genre de chose prétentieux à go-go.

Leur prochain album, The Sun is Blue Like the Eggs in Winter, sort en 1998. Le titre veut dire « Le soleil est bleu comme des œufs en hiver » — ne me regardez pas comme ça, je n’ai rien bu ! Un single sort de celui-ci, « Ciel en sauce », ce qui veut dire… oups, c’est en français, vous le comprenez déjà. Ou pas. De toute façon :

La chanson commence une version sifflée d’une chanson américaine de Noël, « I’m Dreaming of a White Christmas », dont je vous ai parlé l’année dernière. Les paroles n’ont rien à voir avec ses contenus. Il suffit de citer une phrase « Tu vomissais des fleurs fanées ».

J’ai trouvé un clip de deux chansons jouées en live en 1999, Coccinelle (de leur troisième album, sorti cette année-là) et celle que je cherchais, « Frog = Electric Torch » (Grenouille = Lampe de poche — merci de ne plus me regarder comme ça, je ne suis que le messager !)

Le groupe ne manque pas d’énergie en live. Je suppose qu’il fallait être là.

Ça nous amène au troisième album, Haïku. Coccinelle était un single, mais aussi « 45 Tours » :

Enfin, quelque chose de presque normal ! Ça me rappelle les Red Hot Chili Peppers ou Stone Temple Pilots de 5 ans plus tôt, et ce n’étaient pas mes préférés, mais au moins je ne me sens plus comme j’écoute une blague pourrie. Les paroles ont même un peu de la poésie. (Je me sens horriblement mal placé à juger la poésie en dehors de l’anglais.) Mais ne vous inquiétez pas, « Asshole Car Orchestra » (Saligaud Voiture Orchestre) prouve qu’ils sont toujours…euh… Dionysos.

C’est leur quatrième album, Western sous la neige, qui donne le groupe son premier disque d’or et le plus grand tube de sa carrière, Song for Jedi. Cette chanson, enregistré dans du franglais le plus pur, a quelque chose de spécial. C’est nostalgique pour l’enfance, et de jouer dans la peau de nos héros. Je me souviens certainement de vouloir être Luke Skywalker, alors ça me parle comme rien d’autre dans leur discographie.

Honnêtement, « Don Diego 2000 » du même album est aussi pas mal. « Surfin » Frog » est une reprise plus énergétique de Grenouille = Lampe de poche, toujours en anglais afin que le public français ne comprenne pas à quel point c’est juste bizarre.

Leur cinquième album, Monsters in Love (Monstres amoureux) sort en 2005. Le premier single, « Tes lacets sont des fées », est l’un des clips les plus hallucinants que j’ai vus :

Les images ont très peu à voir avec les paroles, le clip racontant l’histoire d’une femme et une sorte d’oiseau-garou qui joue de la guitare, les deux étant avalés par un monstre de la taille d’un gratte-ciel. La musique est presque douce par rapport à leurs anciens pistes.

Mais ici tout part en vrille.

« Le retour de Bloody Betty » est une chanson assez violente, mais j’avoue que je n’ai rien compris. Puis j’ai lu les paroles. Je citerai un peu :

Happy death day to you Mister President
Crêve moi les trois d’un coup:
BenSadam, Laden, Bush
Sauve-nous petit allumette, frotte toi contre le ciel,
Eclaire nous
Où sommes-nous?
Sadam is et bush à bush

Le retour de Bloody Betty

C’est ici où j’arrête, malgré le fait qu’il reste 4 autres albums. Je considérais déjà la grande majorité de leur discographie une blague genre « Fontaine » de Marcel Duchamp, mais je ne me sens pas du tout obligé de soutenir ça. Je vous ai parlé avant du fait que les éditions et journaux américains le considèrent prestigieux et de l’art à publier des fantasmes de tuer les hommes politiques républicains, mais une acte de lèse-majesté de publier de tels fantasmes sur l’autre parti. Par ce chemin se trouve notre prochaine Guerre civile.

C’est dommage. J’aimais assez bien « Song for Jedi », mais j’ai supprimé une belle partie de ma collection de musique en 2020 parce que j’ai ma ligne rouge, et Dionysos l’a croisée autant que les autres.

Ma note : Zéro.

Je découvre Louise Attaque

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec les deux groupes qui ont joué sur scène après le quatuor d’Eddy Mitchell. Cette fois, c’est Louise Attaque ; la prochaine fois sera Dionysos. Les deux ont été rejoint par Sharleen Spiteri du groupe écossais Texas (le Texas étant fortement lié à l’Écosse, évidemment), mais je vous rappelle que les étrangers ne font pas partie de projet écrit par…euh…laisser tomber. Cette fois, notre sujet est Louise Attaque, représenté sur scène par leur chanteur, M. Gaëtan Roussel. Il a toute une carrière soliste, mais j’écris seulement sur le groupe.

Louise Attaque, Photo par Kevin Decherf, CC BY-SA 2.0

Je dois avouer tout d’abord — M. Roussel est l’exception à ce que je dis parfois, que vous avez presque tous des voix d’anges. Je l’ai entendu pour la première fois quand j’ai regardé Taratata pour la première fois en 2020, et j’ai écrit à l’époque, « Gaëtan Roussel, Kimberose, et Lous and the Yakuza, je ne les aimais pas. » Une autre fois, j’ai écrit « On avance avec Hannibal Lecter…Je sais, c’est en fait M. Gaëtan Roussel. Mais vous le voyez maintenant aussi. » Le plus récemment, j’ai dit « Il est le cas, tellement, absolument le cas que je peux écouter n’importe quel Français pas nommé Gaëtan Roussel pendant toute la journée. (Il gratte les oreilles. J’ai essayé, j’ai vraiment essayé.) » Je ne l’ai pas mentionné à l’époque, mais cette dernière fois, je venais d’écouter une interview avec lui par Éric Jean-Jean sur RTL. J’ai vraiment essayé.

Mais c’est aussi le cas que des 4 chansons jouées par ce trio, c’est M. Roussel chantant « Song for a Jedi » (de Dionysos) que j’écoute la plus jusqu’à maintenant. Alors, je crois que je peux le traiter justement.

Louise Attaque a été fondé en 1994 à Paris, par M. Roussel, Arnaud Samuel, Robin Feix et Alexandre Margraff, après l’échec d’un autre groupe de Messrs Roussel et Feix.

On commence avec son premier album, intitulé aussi Louise Attaque, sorti en 1997. C’est l’un des plus grands réussites de l’histoire française, ayant vendu 2,8 millions d’exemplaires dans un pay où 100,000 en suffisait pour un disque d’or à l’époque. (C’est maintenant seulement 50 000.) Et de cet album, le plus grand tube est certainement Je t’emmène au vent :

Vu que M. Roussel a 23 ans de moins ici que ma première expérience de lui, je dirais que sa voix a bien changé depuis ce temps-là. Il me rappelle horriblement Gordon Gano du groupe américain Violent Femmes, et quelle coïncidence, devinez qui était co-producteur de l’album. Ouaip. M. Gano. J’aime bien le violoniste, M. Samuel, sur ce piste, mais je trouve le tout plutôt fatigant.

Il y a a deux autres gros tubes de l’album. « Léa », l’histoire d’une femme qui n’est pas terroriste — c’était très important, vu le nombre de fois où c’était répété dans les paroles — est plus agréable à mes oreilles que « Je t’emmène » :

« Ton invitation », bloqué aux États-Unis à cause des droits d’auteur (je l’ai écoutée avec mon logiciel VPN) est aussi plus agréable à écouter. Mais le clip est déroutant à souhaits, avec des scènes de violence domestique qui se transforment en « lucha libre », le catch mexicain.

Le prochain album du groupe, « Comme on a dit », gagne la Victoire d’album rock de l’année. J’aime assez bien la chanson du titre — encore une fois, c’est le violoniste qui a mon attention, et M. Roussel est moins en vue dans le mixage :

« Pour un oui pour un non » est encore une fois une chanson où j’aime très bien le travail de M. Samuel, et la musique en général reste agréable :

J’aime sincèrement le premier morceau de l’album, « Qu’est-ce qui nous tente ? » : positif, pas geignard du tout, même M. Roussel ne me dérange pas ici :

« À plus tard crocodile », leur troisième album, me semble une référence au tube de Bill Haley des années 50, surtout vu qu’il y a une chanson dite aussi « See you later alligator » sur l’album. Mais elle ne partage que le titre, et je la trouve simplement bizarre. « Depuis toujours », en revanche, classée 41e en France en tant que single, je trouve aussi agréable que « Qu’est-ce qui nous tente ? ».

Le groupe se sépare après cet album, et ne réunira que jusqu’en 2015 pour enregistrer leur quatrième album, Anomalie, qui gagnera aussi une Victoire de meilleur album l’année suivante. La chanson du titre sent l’angoisse adolescente bien que les membres du groupe ont tous leurs 40 ans à l’époque. C’est quand même pas mal :

On dirait pareil du morceau « Du grand banditisme », mais je ne pouvais même pas finir « Avec le temps ». Le changement de la voix de M. Roussel est en pleine vue ici, et je ne peux pas.

Ça nous amène au cinquième et plus récent album, Planète Terre, sorti en 2022. Le premier morceau de l’album, « Sortir de l’ordinaire », a encore du bon travail du violoniste. M. Roussel parle plutôt que chante, un peu comme Grand Corps Malade. « La Frousse » est vraiment pas mal, et il chuchote plutôt que chante :

La dernière chanson que j’ai écoutée de l’album, « Grazie », est pareil, sauf avec quelques paroles en italien.

Que dire de Louise Attaque ? Je soupçonne que M. Roussel partage mon avis que quelque chose d’horrible est arrivé à sa voix. Les techniques de production des 3 derniers albums ont tendance de cacher ce que je n’aime pas. Le violoniste est un point fort. Mais j’ai assez écouté de M. Roussel en live (au moins en direct, pas en personne) que je sais que je trouve sa voix insupportable. En même temps, on ne parle pas de la version musicale du troisième volet des Visiteurs. C’est plutôt les escargots de la musique française — je ne peux pas partager votre avis, mais ça ne baisse pas du tout mon affection. Pourtant, vu que le deuxième rang de notre échelle est « J’irais au concert si vous avez une place de trop », et ce n’est pas vrai…

Mon avis : Je change de chaîne, mais avec tristesse.

Je découvre Paul Personne

On reprend enfin le Projet 30 Ans de Taratata avec le dernier membre du quatuor qui a joué des chansons d’Eddy Mitchell, Paul Personne. J’avais déjà entendu parler de lui grâce à ce post de Juliette qui avait attiré mon attention. Mais je n’étais pas quand même préparé pour cette représentation-là, qui a garanti que je n’allais nulle part.

Photo de Paul Personne devant un micro, avec une guitare acoustique
Paul Personne, Photo par Georges Seguin, CC BY-SA 3.0

Paul Personne est né René-Paul Roux en 1949 à Argenteuil, ou comme dirait le reste du monde, Paris. Sa famille lui a acheté un accordéon, erreur catastrophique qui a failli priver le monde d’un excellent guitariste. Heureusement, il l’a rejeté et s’est mis à apprendre la batterie. Mais les années 70 ne voient pas de grand succès pour le jeune René-Paul, et il travaille en tant que mécanicien alors que 3 groupes de suite viennent et partent. Ici, on ne considère que sa carrière en tant que soliste, qui s’est lancée avec l’album « Paul Personne » en 1980. (Wikipédia insiste que l’album s’appelle « Faut que ça bouge », mais son site officiel donne son nom de scène. Je dirais que c’est lui l’expert sur soi-même.)

Qu’est-ce que l’on entend dans cette première chanson, titre de l’album ou non ? C’est le blues comme on l’aurait trouvé dans n’importe club à Chicago des années 60, mais en français. Tout comme le jeune Eddy Mitchell, sa carrière se lance sur des copies du style qui l’inspire. Mais c’est un bon début, et très agréable à écouter :

Un autre point fort, c’est « Je vis avec le blues », paradoxalement plus rock malgré le titre.

J’ai eu du mal à trouver les crédits pour son deuxième album, « Exclusif », mais sa bande a évidemment grandi, parce que là où tout était des guitares, de la batterie et un clavier, il y a maintenant une saxophone aussi. J’applaudis le choix, et non pas seulement car je suis aussi saxophoniste — « Comme un étranger » est plus intéressant, plus mélodique que son premier album.

Je ne pouvais pas trouver l’enregistrement original de « Ça va rouler », autre morceau du même album, mais la version en live liée ici montre que sa technique était déjà devenue plus compliqué, avec des arpèges partout.

Ses capacités en tant que guitariste continuent de s’améliorer avec son troisième album, « Barjoland », sorti en 1984. On peut toujours entendre des influences de la musique américaine des années 60, mais maintenant je dirais que l’on parle de The Ventures, un groupe renommé pour son talent musical.

Un point moins fort pour Paul Personne, c’est sa voix. Il a une voix très râpeuse, ce qui marche bien dans ses genres préférés, mais quand il a sorti 24/24, un album très années 80, il comptait sur sa voix comme son instrument principal. « Faut qu’j’me laisse aller » et « Frankie et Johnny » sont dures à écouter et je n’ai pas profité de cet album.

Il me semble que son équipe était d’accord. Après une pause de 4 années, en 1989, il sort « La chance », album qui montre une technique d’enregistrement pas vue avant chez lui : l’effet chorus, qui donne l’impression de plusieurs chanteurs, et a tendance de réduire les sonorités râpeuses. Écoutez sa voix sur la chanson du titre, et l’effet est bien clair :

« Comme à la maison », sorti en 1992, est un album très inhabituel — enregistré tout seul chez lui. Je l’aime moins — alors qu’il y a des chansons jouées de façon acoustique (Vagabondage) et électrique (Serenity Street), elles ont en commun le sens d’être ce que l’on entendrait d’un musicien (ou deux) au coin de la rue. Je suppose que c’est authentique aux racines des blues, mais c’est un vrai départ du reste de ses œuvres à ce point.

« Rêve sidéral d’un naïf idéal » est encore une fois un changement de direction. Cette fois, on le voit en mode « Steely Dan« , hyper-raffiné avec de nombreux musiciens pour l’accompagner. « Un Tax’Man pour l’Île au Trésor » aurait pu apparaître dans l’album Pretzel Logic. Mais pour moi, le grand régal de l’album est « Jet Set Boogie », du rock sur un tempo rapide, mais en même temps moins bruyant que ses premiers albums. Ça montre très clairement sa virtuosité à la guitare :

On saute plusieurs années jusqu’en 2000, à « Patchwork électrique », enregistré avec une collection énorme de collaborateurs, dont un rappeur pour la première fois (qui est là pour des effets « scratch », pas pour chanter). C’est plus du mélange de rock et de de blues que l’on attend chez lui à ce point, mais je note un changement dans la qualité de sa voix. De la chirurgie ? Des leçons ? Je ne sais pas, mais c’est beaucoup moins râpeuse. Je la trouve très agréable :

Il reste –incroyablement — une quinzaine d’autres albums après ça, mais beaucoup sont des concerts ou « best-of », alors on finira avec « Puzzle 14 », sorti en 2014. Regardez l’art de l’album dans ce clip de « Mainmise » — pour lui, c’est toujours 1970, si avec des techniques de production modernes, et honnêtement ? Je l’adore pour ça. Paul Personne a une vision très particulière de ce qu’il aime, il y reste fidèle, et au fil de sa carrière, il la fait de mieux en mieux.

C’est très facile à comprendre pourquoi Nagui l’a choisi pour accompagner Eddy Mitchell. Il est un peu plus jeune, sa carrière n’a vraiment pas commencé que presque 20 ans après Eddy, mais les deux sont « deux petits pois dans la même gousse », comme on dit en anglais. Je vous ai dit qu’Eddy Mitchell représente un de deux chemins vers la France, celui des bilingues et de la culture américanisée. Paul Personne joue absolument sur ce chemin. Mais il fait son travail avec tant de passion, tant de dévouement, que je ne peux que l’aimer pour ça.

Ma note : J’achète l’intégrale.