Over There

C’est quoi, ça ? Un article chez Un Coup de Foudre intitulé en anglais ? Sûrement vous hallucinez. La prochaine fois, ne cueillez pas les mauvais champignons, hein ? Non, mais sérieusement, comme dit toujours M. Jours d’Humeur.

Aujourd’hui est le 11 novembre, connu en France sous le nom Jour de l’Armistice ou Jour du Souvenir. Également observée aux États-Unis comme Veteran’s Day, nous nous souvenons de la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale. C’est à cause de cette guerre qu’il existe le tombeau du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe (que j’ai visité l’année dernière). Vous connaissez mieux que moi les traditions françaises autour de ce jour, alors je vais vous partager une autre histoire, de la chanson patriotique américaine de l’époque et son compositeur, George M. Cohan.

D’abord, la chanson. Elle s’appelle « Over There, » ou en français, « Là-bas ». Dans ce contexte, là-bas veut dire l’Europe. Cette chanson a été écrite en 1917 pour inspirer le public américain de lutter contre les Huns, le nom des barbares qui étaient les ancêtres des Allemands modernes (en fait, on les a confondus avec les Goths, mais laissez tomber). Ne me regardez pas comme ça, j’ai rien ajouté ! ([On sait quand même ce à quoi vous pensiez. Les Boches. — M. Descarottes])

Voici ma traduction des paroles du refrain (la seule partie chantée toujours), encore une fois sans essayer (trop) de garder les rimes :

Là-bas ! Là-bas !
Envoie un mot, envoie un mot là-bas !
Que les Yanks viennent, les Yanks viennent,
Les tambours sonnant partout !
Attention, dit une prière,
Envoie un mot, envoie un mot pour se méfier,
Que nous serons là, que nous viendrons là,
Et que nous reviendrons pas jusqu’à ce qu’il finisse là-bas !

On ne chante plus les autres vers, car ils sont plutôt offensifs aux Huns Allemands. On peut facilement les trouver sur Wikipédia, et voici un petit goût. Souvenez-vous qu’en anglais, fusil veut dire « gun » et ça rime avec tous les deux « Hun » et « run » (courir, qui apparaît ailleurs dans la chanson) :

Johnny, prends ton fusil, ton fusil, ton fusil.
Johnny, montre aux Huns que t’es une vieille fripouille !*
Hisse le drapeau et laisse-le voler,
Yankee Doodle, faire ou mourir

*Selon Google, « vieille fripouille » est la bonne traduction pour « son-of-a-gun, » littéralement « fils d’un fusil », un terme affectueux qu’on utiliserait sinon un peu comme « fils de pute ». Je ne le connaissais pas du tout avant d’écrire cet article

Le compositeur et parolier, George M. Cohan, est un personnage passionnant dans l’histoire de notre musique populaire. Le fils d’immigrants irlandais, il était également connu pour ses comédies musicales que ses chansons patriotiques, et il y a de nombreux exemples de chacune. Il a presque inventé tout seul l’idée des comédies musicales avec un « livre » — le term de « show-business » pour un scénario qui se déroule entre les chansons. Lui, il est venu de la plus vieille tradition de ce qu’on appelle « vaudeville », des spectacles de variétés où il n’y avait aucune intrigue. Évidemment le mot existait en français, mais mon dictionnaire Oxford m’a conseillé plutôt « variétés ».

C’est M. Cohan qui est largement responsable pour populariser l’idée que l’on s’appelle les Yankees ou Yankee Doodle. Pour être clair, le nom est connu depuis au moins notre Révolution, où il faisait partie d’une chanson impolie des soldats britanniques. Naturellement, comme notre hymne national, nous l’avons adopté comme médaille d’honneur. Mais M. Cohan l’a élevé au rang d’œuvre d’art ! Parmi ses chansons des années 1910s jusqu’aux 1940s, on trouve You’re A Grand Old Flag (Vous êtes un grand vieux drapeau), Yankee Doodle Boy (Le garçon Yankee Doodle), et I Want to Hear a Yankee Doodle Tune (Je veux écouter une mélodie Yankee Doodle).

Il n’y a pas de meilleur exemple de ce que je veux dire que ces paroles de Yankee Doodle Boy, qui mélangent tous nos stéréotypes patriotiques en quelques mots :

I’m a Yankee Doodle dandy,
A Yankee Doodle, do or die;
A real live nephew of my Uncle Sam,
Born on the Fourth of July.

Je suis un dandy Yankee Doodle
Un Yankee Doodle faire ou mourir
Le neveu vivant de mon Oncle Sam
Né le 4 juillet

5 réflexions au sujet de « Over There »

  1. les2olibrius

    Un article qui complète mes connaissances; merci. Cependant, en ce mois de novembre, le film « A l’ouest rien de nouveau » est proposé au catalogue de Netflix France et comme j’ai fait étudier le roman de Remarque en classe de troisième, en traduction, je l’ai encore une fois regardé… C’est pourquoi il me semble qu’en ce 11 novembre, il convient d’honorer tous les soldats tombés pendant cette guerre, en espérant que les guerres actuelles se terminent le plus vite possible puisque le temps qui passe fait des ennemis d’hier des amis de demain… Il est vrai que je fais partie des gens dont la famille n’a pas été détruite par les guerres du XXeme siècle.

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    1. Justin Busch Auteur de l’article

      Je comprends parfaitement tes sentiments. Tu es une meilleure personne que moi de cette façon. C’est vrai que tous mes ancêtres sont arrivés de l’Europe avant les guerres, et je sais rien de leurs cousins qui y restaient. Mais j’ai passé des décennies en pensant à la Bataille des Ardennes où mon grand-père a été presque tué, tel que je n’aurais jamais existé, et en plus, j’ai grandi en connaissant de nombreux survivants de la Shoah. L’une d’entre eux, la bijoutière qui a fait l’alliance pour mon ex (il faudra que je raconte CETTE histoire), m’a conseillé de pardonner les jeunes.

      Mais même avec ses conseils, je pense au gaz moutarde de la Première guerre, une invention allemande, et je n’arrive pas à me dire que nous sommes égaux.

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      1. Agatheb2k

        Le chemin de la résilience peut être long et difficile… j’ai cru halluciner quand j’ai entendu parler allemand pour la première fois chez moi au début des années 80. Actuellement les Polonais qui ont accueilli les Ukrainiens depuis février m’épatent encore, j’en étais restée à l’opinion de ma grand-mère pour laquelle ils étaient tous des Cosaques qui faisaient des razzias dans les villages polonais. Nous ne vivons pas dans ces pays, n’avons que des contacts limités dans le meilleur des cas, mais nous sommes restés bloqués sur les a priori justifiés de nos ancêtres, alors que sur place ils ont évolué ! 😉

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