Langue de Molière paraît un jour à l’avance cette semaine. L’explication arrivera avec la prochaine balado.
Il y a deux semaines, Mme Aurore Ponsonnet est arrivée à bouleverser mon monde :
Ce n’était pas une nouvelle qu’il y a des verbes « défectifs ». Il s’agit du genre de chose qu’il faut savoir pour écrire cette phrase. Mais « s’agir » et « falloir » sont « impersonnels » ; je ne sais même pas ce qui voudrait dire « je… faus ? » ou « tu t’agis ». On est censé être capable de s’exprimer en plusieurs formes aux plus hauts niveaux, mais même en anglais, je ne pourrais pas construire une expression pour le premier. Le deuxième, dans un certain contexte, si — mais c’est Langue de Molière ici, pas Shakespeare, et ce qui me vient dans l’esprit est compliqué.
([Moi, je dis « il faute » en parlant de Justin, mais c’est juste pour dire que tout ce qu’il fait a tort. — Mon ex])
Naturellement, j’ai dû vérifier mon Bescherelle, qui m’a fait exploser la tête :


C’est à dire vraiment que vous comprenez ce qui arrive dans une poêle s’il y a de l’huile et un poisson, mais deux, c’est juste hors compréhension ? Il m’a absolument fallu poser la question, et Mme Moutet, très pratique comme d’habitude, m’a répondu :
Elle a raison, bien sûr, mais elle s’habitue à écrire pour des journaux, où les rédacteurs comptent les mots et les dates limites arrivent vites. On fait ce que la langue permet, et ne se soucie plus de telles bêtises. Mais moi, je reste obsédé par l’esprit derrière cette affaire. Il ne suffit pas de dire « la forme a disparu car personne ne l’utilisait plus ». Dans le désert du Sahara, peut-être que vous arriverez à me convaincre que personne ne parle jamais de faire frire deux poissons en même temps, mais sur les bords de la Loire ? J’imagine une conversation entre un chef qui écrit un livre de recettes et son éditeur :
Chef : Je veux dire aux lecteurs de mettre tous les poissons dans la poêle en même temps.
Éditeur : Vous savez très bien que l’Académie française l’interdit depuis l’accident en cuisine du Duc de Vuznetz-pas-Sérieux* en 1720. (*Ancienne commune près de Metz, Yutz, et Contz-les-Bains.)
Chef : Alors, je peux dire « Quand les poissons auront frit ».
Éditeur : Bien sûr.
Chef : Et « au cas où les poissons friraient ».
Éditeur : Ça marche.
Chef : Pas de problème si je dis « Si les poissons avaient frit avant que vous ne soyez prêt à les poivrer… ».
Éditeur : C’est du français le plus pur.
Chef : Alors, « Pendant que les poissons fritent ».
Éditeur : Espèce de con ! La malédiction revient ! Vous nous avez tous condamné !
Puis une Tarasque vient et les mange tous les deux.
Mais vous n’êtes même pas d’accord sur quels verbes sont défectifs ! Le site où Mme Ponsonnet écrit vous dira que « braire », faire le son d’un âne, ne se conjugue qu’à la 3e personne. Il brait, ils braient. Les autres entrées sont toutes vides. Le Bescherelle est d’accord. Mais les dictionnaires du Robert et de l’Académie française donnent des conjugaisons pour toutes les personnes.
J’ai une théorie pour ça. Aux fermes, c’est bien évident qu’il n’y a pas besoin d’utiliser les autres personnes. L’âne brait, les ânes braient. On ne s’adresse pas directement aux ânes. Mais l’Institut de France est à quelques pas du Palais Bourbon. Ils entendent probablement des choses.
(Nous disons exactement ça de nos hommes politiques aux États-Unis : version Républicaine, version Démocrate. Cherchez « braying ».)
Et avec ça, Langue de Molière arrêtera de braire jusqu’à la semaine prochaine. On parlera plus des Tarasques début avril. La semaine prochaine, Langue de Molière vous reverra avec le mot dont vous n’avez pas besoin.
Quel que soit le degré de friture… nous n’en feront pas un point de fri…ction! Que personne ne nous jette : « asinus asinum fricat ! » (https://www.linternaute.fr/expression/langue-francaise/14030/asinus-asinum-fricat/) ou nous embraierons (du verbe embrayer) sur une fricassée linguistique humoristique fort critique! (Bon, je remets mon bonnet d’ânesse et je vais au coin!)
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feronSSSSSSSSSS (c’est pour l’ânesse!)
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S’il n’y a pas de conjugaison au pluriel pour frire (pas plus que d’imparfait d’ailleurs) ce serait parce que cela supposerait que tu serais dans la poêle avec le poisson et qu’à partir d’une certaine température tu n’aurais que très peu de chance d’en sortir vivant ! 😉
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Et si on préparait des gâteaux Justin 😉😅
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Super intéressant et très drôle! J’ai adoré le dialogue ! Merci pour la tranche de rire et bon samedi !
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