Outsphere

Pour la cinquième fois, on retourne vers l’univers de Guy-Roger Duvert, au début d’une troisième série. Non, je n’ai pas abandonné Les Rôdeurs de l’Empire — mais croiriez-vous que c’était l’auteur lui-même qui m’a dit d’y sauter ? Moi non plus — pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé. Il m’avait conseillé de le lire avant de continuer avec ses autres livres pendant la conversation autour de notre interview. D’une part, vous ne serez même pas un peu surpris que j’ai a-do-ré ce roman. D’autre part, si vous pensiez que je ne pourrais pas chanter plus fortement ses louanges, vous aviez tort.

Pour vous rappeler, je vous ai dit en critiquant L’Appel d’Am-Heh que M. Duvert fait toujours ses devoirs. Je veux être prudent — ses œuvres sont toujours clairement originaux à lui. Mais il me semble qu’il doive être très bien lu parmi les maîtres de science-fiction qui ont écrit sur les colonies dans l’espace. Mettons la scène, puis je m’explique.

Quant à Outsphere, il s’agit d’une arche interstellaire envoyée vers une étoile distante pour établir une colonie sur une nouvelle planète, le nommé Outsphere. Mais il y a deux chemins pour ce genre d’histoire : « l’empire de l’humanité », telle que l’on trouve dans Star Trek ou Star Wars, où la galaxie se trouve remplie de planètes habitées, bien connectées. L’autre chemin, c’est « le dernier espoir », où tout part en cacahuète et c’est un combat pour la survie de l’espèce. Ici, on est carrément dans la deuxième catégorie.

Très similaire aux Rôdeurs de l’Empire, les premiers chapitres se concernent avec mettre beaucoup de personnages sur l’échiquier. On rencontre d’abord beaucoup de militaires et scientifiques, chargés de gérer l’atterrissage et la construction de la nouvelle colonie. Au fur et à mesure, de plus en plus de civils sont réveillés pour rejoindre les efforts.

Il s’avère que l’Arche n’est pas le seul effort lancé par les Terriens. Quelques semaines après leur arrivée, une deuxième arche arrive. Il s’avère que après le départ de l’Arche, la technologie s’est améliorée assez pour une seconde tentative, et en plus, les humains sur le deuxième vaisseau sont plus évolués. Ils sont légèrement télépathiques et prennent des décisions en tant qu’un groupe. Les différences entre ces deux groupes d’êtres humains auront des conséquences.

Bien que le livre parle d’une colonie fictive, M. Duvert prend l’opportunité pour provoquer des réflexions sur certains sujets bien terrestres. Par exemple, quand un colon du premier groupe meurtre un colon du deuxième groupe, il se justifie en pensant « Les Français étaient-ils racistes lorsqu’ils tuèrent des Allemands sous l’Occupation ? Il ne s’agissait pas de racisme, mais de légitime défense ! » Dans ce cas, il a peut-être tort quant à son analogie, mais on ne peut que penser à la tendance moderne — surtout aux États-Unis — de dire que tout le monde qui n’est pas d’accord est nazi, donc tout et n’importe quoi est justifié. Il s’avèrera que la situation est beaucoup plus compliquée que ce monsieur en pense.

Comme dans d’autres livres duvertiens, il y a des moments genre clin d’œil vers le lecteur à cause du fait que les personnages se parlent probablement dans une autre langue, bien que le livre soit écrit en français. Très peu après le début, un espagnol se réveille dans l’Arche et ça arrive :

Le caisson cryogénique s’ouvrit, laissant apparaître un grand Hispanique aux traits anguleux.

— Putana Madre !

Bowman sourit en voyant tousser violemment Francisco Baya, dont le réveil était difficile….

— Ho, Colonel… dit Baya. Je veux dire… Putain de réveil !

1ère partie, Chapitre 4

C’est gentil de M. Baya de traduire ses jurons pour nous.

Ce livre me rappelle de nombreux maîtres de la science-fiction. Par exemple, Isaac Asimov, qui a mis la table avec son Cycle de Fondation, où il y a deux visions très différentes pour comment sauver l’humanité. Si on disait que l’Arche est la Première Fondation, et l’Utopia est la Seconde Fondation, surtout en ce qui concerne leurs méthodes, on ne serait pas loin de la vérité. La coopération mal à l’aise entre les deux groupes me rappelle fortement Au tréfonds du ciel par Vernor Vinge, surtout parce que le manque d’identité personnelle du deuxième groupe me rappelle les « Émergents ». Dès que j’ai lu la première mention d’un certain organisme qui infecte tous ceux qui respirent l’air de la planète, j’ai crié « C’est l’organisme Warden ! » de mon auteur préféré du genre, Jack Chalker — tout inconnu en France, il me semble, mais dont sa série Les Quatre Seigneurs du Diamant fait une chose similaire (enfin, avec des buts très différents). J’ajoute aussi la maîtresse irlandaise Anne McCaffrey, dont les origines de sa célèbre série La Ballade de Pern partagent de nombreux traits avec le sort d’Outsphere — surtout que les colons pensaient à créer une société technologique, mais ils vont finir par vivre la vie que la planète leur permet.

Outsphere nage dans les mêmes eaux que ces œuvres, mais est tellement sa propre histoire. Je les mentionne pour vous indiquer le rang d’auteurs auquel il faut faire la comparaison. Je vous recommanderais tout et n’importe quel livre parmi les précédents sans hésitation, et Outsphere mérite une place à côté de chacun.

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