Langue de Molière est en retard car on s’est endormi en l’écrivant.
La semaine dernière, je vous ai dit que j’allais écrire sur le mot préféré de La Fille. Après tout, ce n’est pas un secret qu’à partir de 2020, je lui ai appris certaines expressions impolies, car les enfants profitent de ce genre de connaissance. Bien sûr, j’ai oublié que j’avais déjà noté son amour de « n’importe quoi ». Mais on parle certainement d’un autre parmi ce que vous les anglophones appellent « le best of ».
Plus la nouvelle année scolaire approche, plus je rappelle La Fille de ne pas utiliser ces choses à l’école. Étant ado, je sais qu’elle sera gravement tentée. Mais c’est une chose si on hurle « Connard ! » contre un autre chauffeur quand nous sommes dans la voiture ; c’est autre chose si son prof l’entend. Pourtant, elle adore « connard » — il y a tant de monde qui le méritent (on a beaucoup de Tesla ici, pour une chose), et il y a toujours un frisson quand on utilise un mot étranger dans une conversation et personne ne le connaît.
Mais récemment, dans un fil de mon groupe d’utilisateurs de Duolingo, je me suis trompé en l’expliquant à quelqu’un qui avait demandé sur « con ». J’avais répondu que c’était tronqué de « connard ». Un ami m’a écrit en MP pour me dire que ça venait en fait dans l’autre sens, que « con » est le mot original et se combine avec « -ard ».
Naturellement, j’ai consulté le Trésor de la Langue française. Et voilà, le mot a deux entrées. Une dans l’article pour con, et une autre dans l’article pour le suffixe -ard.
Honnêtement, en quelque sorte j’ai raté que « -ard » est productif. On le trouve dans un gentilé — savoyard — et il y a « vieillard » et « clochard », mais de tout ça, j’en tire au pire que « -ard » veut dire « un type qui est quel qui arrive devant le suffixe ». Et c’est un peu ça, mais il faut le gérer soigneusement. Le Trésor nous dit tout d’abord :
Suff. péj. formateur d’adj. ou de subst. qualifiant ou désignant des personnes
-Ard
En premier, c’est donc péjoratif, et il y a plein d’exemples qui va avec : bâtard, béquillard, pantouflard, etc. Le Trésor signale en plus que la base n’est plus toujours évidente : « cafard », par exemple, part du mot arabique « kafir » C’est un infidèle, ça !

Ne me croyez pas sur parole, le Trésor dit ailleurs que :
Empr. à l’ar. « incroyant » qui prit le sens de « converti à une autre religion que la sienne », d’où « faux dévot », proprement part. prés. de kafara « être incroyant », le suff. péj. -ard* ayant remplacé la finale insolite.
Cafard
Quand on ajoute « -ard » aux adjectifs, le résultat peut être soit nom soit adjectif ; par exemple, « connard » :

C’était intéressant d’apprendre que l’on peut échanger -ard avec -eux en tant que suffixe. Pourtant, si on m’avait donné « tubard » avant, je n’aurais jamais deviné qu’il est venu de « tuberculeux ».

Cet article est un véritable mine d’or genre le capitaine Haddock, avec une centaine de mots que je connaissais pas, souvent introuvables dans mon pauvre dictionnaire Oxford. On y recherche sans succès pour « bafouillard », « amusard », et « songeard » — mais pour ce dernier, les éditeurs à travers la Manche auraient dû faire plus d’attention. Après tout, voici l’exemple du Trésor :

Pas très gentil vers les britanniques, il me semble !
Je remarque qu’à la fin, il n’y a pas de sens péjoratif quand « -ard » va chez les animaux. Un « têtard » n’est que les larves des batraciens, qui comprennent les grenouilles et les crapauds. Un épaulard — bien que j’aie du mal à trouver ses épaules — n’est que l’orque, ce que l’on appelle à tort une « baleine tueuse » (killer whale) en anglais. Mais, et c’est ici où j’ai honte de ne jamais l’avoir remarqué, qu’est-ce que l’on appelle l’espèce qui caquète, ou cane ?
Un canard.
Oups. Comme on disait anciennement sur ce blog, si vous avez aimé cet article, abonnez-vous au Canard enchaîné.
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de mes problèmes de location.

Merci pour ce moment de culture. Je ne regarderai plus jamais les guépards avec le même œil. Remarque, je n’en vois pas souvent. Mais quand ça arrive, quel panard !
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Eh ben mon gaillard, ce ne sont pas des bobards que tu nous racontes là. Par ici il fait un sacré cagnard et me voici hagarde, pas loin d’en devenir jobarde alors, avec les pantouflards peinards comme moi , sans retard, je te décerne la médaille 🏅des richards en vocabulaire… Tes articles se lisent mieux qu’un Polard ! Je t’envoie des milliards de bravos !
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Je reviens déjà vers le dictionnaire !
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🤣 en français on reste le nez au fond de son dico, c’est obligé ! 🤣 Et un bon Français ne le referme jamais parce qu’il ne sait pas tout sur sa propre langue… Alors un amoureux de la France n’a plus qu’à l’apprendre par ❤️ 🤣🤣🤣!
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Un canard morceau de sucre avec goutte . Insulte suprême : nez sale. Quand le panard est heureux c’est un panaris. La terminaison en ard n’est jamais positive .Le con argotiquement : sexe féminin . autre insulte : mince du scion
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À la campagne il y a aussi les culards (gros bovin).
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Tu es un rigolard Justin, et ce n’est pas péjoratif 😉
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Oui mais bon… un connard reste un connard 😝
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Ping : Saison 3, Épisode 22 — Hauts-de-Seine avec Louis | Un Coup de Foudre
Moi aussi, j’en apprends avec ton billet sur le suffixe -ard. J’aime bien son usage, mais j’admets ne jamais avoir cherché sur sa signification et ses usages.
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