Archives mensuelles : avril 2025

J’ai honte

Langue de Molière est reportée jusqu’à demain ; j’avais déjà mon sujet, ce que j’annonce toujours à l’avance pour une bonne raison — c’est quelque chose que je ne veux pas chercher au dernier moment. Mais je suis en colère au point où je ne pouvais pas me concentrer. En colère contre quelqu’une, et en colère contre moi-même parce que je me blâme à chaque fois où cette inconnue blesse l’un ou l’une de mes proches.

Je ne suis pas censé donner des noms. Alors supposons que c’est juste une situation hypothétique.

Peut-être qu’un enfant de ma connaissance veut un chien depuis une décennie. Moi, ayant signé un contrat pour mon appartement où je n’ai pas le droit de garder ni un chien ni un chat à la maison, je ne pouvais jamais avoir un tel animal chez moi. C’est comment il est arrivé que M. Descarottes y habitait.

Bouledogue, Photo par Aobranc, CC BY-SA 3.0

Alors, cet enfant demandait souvent à un autre parent, je ne sais pas qui, s’ils peuvent garder un chien. En général, la réponse était non, mais parfois, ils visitaient un refuge pour chiens pour penser à adopter un animal. Supposons aussi que cette autre personne avait un compagnon — appelons-le Gargamel, car je choisis ces noms par hasard. Ça n’a rien à voir surtout avec sa coupe de cheveux. Supposons que Gargamel voulait aussi un chien à la maison.

Supposons donc que cette famille est allée au refuge, a adopta un chien, a signé les papiers, est rentrée avec l’animal… et plusieurs heures plus tard, quelqu’une décide qu’elle ne veut pas de chien après tout, et que le chien sera renvoyé le lendemain matin.

Pensez-vous que l’enfant serait content ? Ouais, moi non plus. Mais peut-être que c’est de ma faute que l’enfant doit supporter tout ça.

Mario en douce

Génie que je suis, j’ai refait mes madeleines hier soir, et le lot a collé au moule, cette fois sans l’aide de chocolat. Alors, plus tôt que planifié, je vous raconterai l’histoire de la plus grande bêtise que j’ai jamais faite avec une console de jeux vidéo.

Certains d’entre vous ont trouvé mon compte personnel sur Instagram, à ne pas confondre avec le compte du blog. C’est privé, mais seulement parce que je l’utilise pour gérer le compte de La Fille, et je suis responsable de garder sa confidentialité. Je le mentionne ici parce que le photo de profil là est VIEILLE, et vous pouvez y voir que je porte des lunettes, quelque chose que je ne fais pas depuis 2017. Je l’expliquerai, car c’est lié à notre bêtise. Mais voici la photo, pour que vous puissiez vous moquer du nerd :

Photo de profil prise en 2013. Je porte des lunettes sans monture.

Sur un tableau de Snellen, ma vision est en général fiable à un niveau de 20/40. Il y en a pire. Pendant des décennies, je portais des lunettes parce que ma mère insistait quand j’étais enfant. Mais j’ai réussi l’examen de permis de conduire sans lunettes il y a 20 ans, et quand les miennes se sont cassées pendant des vacances, j’ai dû m’habituer à ne pas les porter pendant une semaine. Après, j’ai abandonné, ayant toujours détesté mon aspect avec les lunettes. J’ai souffert pas mal de harcèlement à l’école à cause de ces trucs, c’est certain. Mais enfant, j’avais un problème sérieux, du strabisme grave, et après mon 2e année au lycée, mes parents ont décidé que j’allais avoir une intervention chirurgicale pour le corriger.

L’intervention a eu lieu le même jour que la sortie de la Super Nintendo aux États-Unis. Ma grand-mère maternelle a fait la queue pendant 6 heures ce jour-là pour assurer que je l’aurais plus tard — elle était la première personne d’en acheter une au magasin. Pour ma part, je n’aimerais jamais en savoir plus sur comment le chirurgien a atteint les muscles derrière les yeux pour les couper. Tout ce que je sais, c’est que je n’étais censé rien voir pendant plusieurs jours à suivre. Quand je suis rentré, c’était avec les yeux bien bandés et des ordres de ne pas les retirer jusqu’à ce que la douleur ait bien baissé.

Mais ma grand-mère avait laissé la Super Nintendo chez moi et il y avait le nouveau jeu Super Mario World là-dedans. Et s’il y avait une chose que je voulais plus qu’avoir mes yeux pour le reste de ma vie, c’était de jouer à ce jeu.

Le lendemain de la chirurgie, j’étais à la maison tout seul pendant des heures. Mon père était au travail et je ne suis pas sûr où soient allés ma mère et mon frère, mais je savais que j’allais avoir 4-5 heures à moi-měme, et personne ne verrait rien. Idéalement, dont moi, mais comme je vous dis parfois, je suis un peu intelligent et complètement sans sagesse.

Alors, j’ai ouvert la boîte avec un couteau X-acto pour couper le ruban adhésif de façon presque invisible. J’ai sorti les fils en notant quel sac en plastique contenait chacun, afin de tout remplacer exactement comme avant. J’ai branché la console à la télé, et j’ai joué au nouveau jeu Mario pendant une heure. À la fin, j’ai supprimé le fichier de sauvegarde. Puis, j’ai tout restauré exactement comme avant, et si on ne vérifiait pas le ruban qui scellait la boîte, personne ne découvrirait ce que j’ai fait. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

CEPENDANT — vous saviez qu’il allait y avoir un « cependant »…

Il y avait une bonne raison pour laquelle j’étais censé éviter toute lumière. J’avais déjà un sacré mal de tête à cause de la chirurgie, mais une heure devant la télé a augmenté le niveau de douleur quelque part que je ne savais pas existait. J’ai fait de nombreuses bêtises pendant ma vie, et vous êtes les témoins de certaines, mais celle-ci dépasse toutes les autres. La pire partie, c’est que le médecin avait conseillé mes parents sur l’horaire de rétablissement, et j’avais bel et bien mal rangé le bordel pour ça. Heureusement, ils croyaient que je ne savais pas brancher la console, alors ils ne soupçonnaient rien. Mon frère, qui aurait certainement cafardé sur moi s’il avait découvert ce que j’avais fait, n’a jamais rien dit.

Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Ouaip, c’est la même Super Nintendo. Elle fonctionne toujours, et reste toujours avec moi.

Super Nintendo avec une cartouche du jeu Super Mario RPG

Saison 4, Épisode 6 — Nouveau tome, même vieux Proust

J’aimerais arrêter d’être malade. Ça fait 3 semaines de suite où je suis congestionné en enregistrant. Tant pis.

Peut-être que vous avez entendu parler que la prochaine console de Nintendo, le Switch 2, vient d’ouvrir une période de pré-commande. Je l’ai ratée pour La Fille, et il m’est évident que l’on vivra à nouveau le cauchemar de 2023 pour l’édition spéciale de Tears of the Kingdom. Je lui ai fait une promesse que je ne mentirai pas cette fois si je réussis à en trouver une. Les chances ne sont pas bonnes.

Le saviez-vous ? La Switch 2 est fabriquée au Vietnam, pas en Chine. Alors ça baisse l’augmentation de prix à cause des droits de douane. Vous pensez que je plaisante, mais j’attends ce moment depuis trop longtemps pour plaisanter. Un de ces quatre, il me faudra vous raconter la véritable histoire d’une grande bêtise que j’ai faite quand la Super Nintendo est sortie. Cette semaine, peut-être. Seulement deux anglophones la connaissent, parce que je fais toujours mon tout pour que ni mes parents ni mon frère ne la découvrent jamais.

Malgré ayant terminé Duolingo il y a 2 ans, je fais toujours partie d’un groupe d’utilisateurs, car j’aime aider ceux qui suivent le même chemin que moi. Un autre membre a posté la photo suivante cette semaine, d’un utilisateur qui a gagné sa « ligue » avec une séquence censée de 46 ans sans rater un jour. L’appli n’a que 14 ans ! Beaucoup de monde trichent sur Duolingo et piratent les classements, même si ça ne sert à rien.

Capture d'écran qui montre que l'utilisateur en première place n'a pas raté un jour en « 46+ ans ».

Si vous utilisez Instagram, vous savez peut-être que l’appli propose souvent des IA pour parler. Hier, Insta m’a invité à parler avec un poulet. Ne me croyez pas sur parole, voici une capture d’écran, où le poulet dit « bawk bawk », l’anglais pour « cot cot ». Remarquez que malgré le fait que l’appli utilise le français pour l’interface, elle croit que je veux des contenus en anglais. Mais non ! Je ne parle qu’aux poulets francophones !

Capture d'écran qui propose « Discuter avec des IA », dont un poulet.

À côté du poulet vous pouvez peut-être apercevoir une femme qui n’existe pas vraiment qui dit en anglais « Bonjour voisin ! Je suis Madison, ta voisine d’à côté. » Vous savez comment je sais que c’est faux ? Non, au-delà de mes relations inexistantes avec les américaines. Parce que ça fait maintenant 6 ans depuis la dernière fois où je connaissais le nom d’un seul voisin dans mon couloir. Ces gens font leur tout pour éviter de parler — si je les vois, ils tournent la tête tout de suite. Ce n’est pas personnel — tout le monde fait pareil ici. Il y a une décennie, ce n’était pas le cas — la Californie a bien changé. Et vous vous demandez pourquoi je préfère les expatriés.

Je viens de sortir le nouveau bulletin de l’OCA. Les recettes cette fois sont le colombier, un dessert que j’ai publié en 2022, et le thon basquais, l’un des gagnants du Tour. Si vous ne connaissez pas le colombier, vous ratez quelque chose de spécial !

Notre blague se traite de chez Leclerc. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Chic et Extra-terrestres. Les Bonnes Nouvelles se traitent d’un record français, repris des italiens.

Sur le blog, il y a aussi Les blondies de Péla, notre dernier dessert, De bonnes nouvelles, sur un sondage un peu optimiste, Don’t you Saint-Tropez, sur les prix d’immobilier de cette ville et Je découvre Tryo, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata.

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Dimanche avec M. de Norpois

On commence pour la première fois de ma vie un tome de Proust autre que « Du côté de chez Swann ». Cette semaine, c’est « À l’ombre des jeunes filles en fleurs », ou comme dit ma version « Within a Budding Grove », un titre qui ne mentionne ni ombres ni filles. Peut-être que l’on dirait « Dans un bosquet en fleurs ». Mais où est donc passées nos madeleines ?

Deuxième tome de La Recherche en anglais, "Within A Budding Grove"

J’ai fait la boulette des boulettes en cuisine. Avec chaque nouveau tome, il y aura de nouvelles madeleines — au moins, c’était le plan. Quand j’ai fait le lot original, c’était un peu d’une urgence à cause d’un autre dessert raté pour un événement. Mais avec du recul, j’ai décidé que ce serait ma façon de fêter le changement de tomes. Mais mon moule est en métal et, euh… il ne faut pas tremper les madeleines dans du chocolat dans un tel moule. Elles colleront une fois le chocolat figera. Je suis si bête parfois. Pour ce qu’il vaut, elles sont autrement excellentes. Mais pas pour ce post. Je les referai et posterai la recette pendant la semaine à venir, mais ô, que je sois con.

Alors, le livre. On se lance dans les 30 premières pages de la première partie, dite « Autour de Mme Swann », ou en version anglaise « Mme Swann à la maison ». Avez-vous jamais vu le film Dark City, sorti en 1998 ? Là, des extra-terrestres ont capturé une cité d’êtres humains, et pour les comprendre, ils font des expériences où ils changent les souvenirs des humains à chaque fois où ces derniers dorment. Ils changent tout — leurs noms, leurs métiers, etc. Alors, bien que la distribution paraît être le même, un observateur remarquerait que tout change entre les personnages, tous les jours. L’intrigue se déroule autour de ce qui arrive quand les humains se rendent enfin compte.

Bienvenue donc dans Dark City, version Prix Goncourt. Dès la première page, on revient dans l’enfance du narrateur, avec ses parents, Swann, et leurs dîners — mais tout à coup, tout le monde se comportent de façon différente, même contradictoire par rapport aux faits comme nous les connaissons avant :

Ma mère, quand il fut question d’avoir pour la première fois M. de Norpois à dîner, ayant exprimé le regret que le Professeur Cottard fût en voyage et qu’elle-même eût entièrement cessé de fréquenter Swann… Swann, avec son ostentation, avec sa manière de crier sur les toits ses moindres relations, était un vulgaire esbroufeur.

Nous avions entendu parler qu’après son mariage, les parents avaient vu moins de Swann, pas cessés de le fréquenter. Et ce comportement de crier sur les toits est complètement hors ce que nous en avions entendu parler pendant 600 pages déjà. Et Cottard, qu’est-ce qu’il fait ici ? Il faisait partie de la bande aux Verdurin !

Il faut dire que Proust se contredit tout de suite, disant « certaines personnes se souvenant peut-être d’un Cottard bien médiocre et d’un Swann poussant jusqu’à la plus extrême délicatesse, en matière mondaine, la modestie et la discrétion ». Mais Proust s’efforce évidemment de nous faire douter. Ne vous inquiétez pas, c’est au tour de Cottard de subir des calomnies aux mains du narrateur :

Partout, sinon chez les Verdurin où il redevenait instinctivement lui-même, il se rendit froid, volontiers silencieux, péremptoire quand il fallait parler, n’oubliant pas de dire des choses désagréables.

C’est qui notre nouveau personnage, M. de Norpois ?

Il avait été ministre plénipotentiaire avant la guerre et ambassadeur au Seize Mai, et, malgré cela, au grand étonnement de beaucoup, chargé plusieurs fois, depuis, de représenter la France dans des missions extraordinaires… par des cabinets radicaux qu’un simple bourgeois réactionnaire se fût refusé à servir

C’est toujours Proust alors juste après cette note Talleyrandesque, il nous apprend que :

il s’était imbu de cet esprit négatif, routinier, conservateur, dit « esprit de gouvernement » et qui est, en effet, celui de tous les gouvernements et, en particulier, sous tous les gouvernements, l’esprit des chancelleries.

Proust décrit la relation entre ses parents de façon certaine de scandaliser les oreilles modernes. Je ne la reconnais certainement pas :

elle avait conscience de remplir celui de ses devoirs qui consistait à rendre la vie agréable à son époux, comme elle faisait quand elle veillait à ce que la cuisine fût soignée et le service silencieux.

M. de Norpois se révèle enfin utile au narrateur pour 2 raisons : 1) il convainc ses parents de lui laisser voir la Berma (une actrice fictive qui joue dans une œuvre de Racine), et 2), il dit à son père de laisser le narrateur poursuivre une carrière d’écrivain.

Il suit une douzaine de pages d’extases sur le fait d’aller au théâtre, malgré le fait que son médecin avait conseillé ses parents qu’il tomberait à nouveau malade s’il sortait. C’est fatigant sans que rien se passe vraiment, alors j’ai arrêté juste avant que le prochain dîner avec de Norpois n’arrive.

Plus ça change, comme on dit. On est dans un nouveau tome, mais c’est la même attitude chez le narrateur — chanter les louanges de ceux qu’il trouve utiles, et calomnier le reste. Je suis surpris qu’il survivra pendant 5 tomes de plus !

Je découvre Tryo

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec l’artiste qui a immédiatement suivi Julien Clerc et son trio de chanteuses, Tryo. Quoi ? Vous dites que vous avez des souvenirs d’un certain « Ed Sheeran » sur scène pendant 10 minutes ? C’est sans doute un faux souvenir créé par le Matrix, mais c’est pour exactement ce moment que j’ai mis en place une règle contre écrire sur les étrangers qui ne gagnent pas leurs vies en France. Alors, Tryo.

Photo de trois membres de Tryo en concert à Brest
Tryo en concert, Photo par Jeremy Kergourlay, CC BY-SA 4.0

Comme a dit Nagui en les présentant, « Ils sont deux ; pourtant le groupe s’appelle Tryo ». Il y a en fait 3 membres du groupe, mais beaucoup des groupes n’étaient pas complets pour la diffusion. Cependant, comme disaient les couvertures des 4e et 5e tomes du Guide du voyageur galactique, c’était la trilogie de plus en plus mal nommée. En fait, il y avait 4 membres au début, et leur premier album, Mamagubida, sorti en 1998, porte les deux premières lettres des prénoms de cinq personnes, dont leur producteur.

Leur premier single est « L’hymne de nos campagnes », une ode aux idées de Rousseau de revenir dans la nature :

Je ne pouvais guère comprendre « Pour un flirt avec la crise » sans des paroles à lire. Le titre semble être une référence à « Pour un flirt avec toi » de Michel Delpech, mais il s’agit plutôt d’une sorte de cri contre les Klaus Schwab du monde, le technocrate qui « fait du gringue à sa secrétaire ». J’ai dû écouter « France Télécom », car un tel titre invite des questions, mais « Merci France Télécom, D’avoir pu permettre à nos hommes, D’ajouter aux bruits de la ville et des klaxons, La douce sonnerie du téléphone » ne me semble particulièrement pas une réponse à quelque chose que l’entreprise a fait.

À ce point, j’en avais assez de leur premier album — il n’y a pas beaucoup à dire sur la musique en tant que musique. Soit les messages vous intéressent soit pas, car c’est largement juste les chanteurs avec un guitariste pour accompagnement. Je suis donc passé à leur deuxième album, Faut qu’ils s’activent, sorti en 2000. Il n’y avait pas de tube de cet album, alors j’ai commencé par « Con par raison », qui me semblait un titre drôle :

Mais il s’avère être un autre message plutôt lourd, racontant des histoires d’un riche et d’un pauvre, puis demandant « Lequel de ces deux types est l’pire pour la nation ? » Je ne sais pas vous, mais je préfère la sorte d’art qui me mène à poser ces questions moi-même, pas celle qui donne des leçons. « La débande » est une chanson courte mais drôle, avec le refrain « Il est temps de suivre la route des Boys Band avant que notre arc débande ! », ce qui se moque des Backstreet Boys et N’Sync de l’époque. « Paris », source du titre de l’album, est plus mélodique que beaucoup de leur travail à ce point, mais sarcastique à souhaits sur les prix élevés de la ville. (Je considère que « Je découvre Paris » me permet de dire ça sans être hypocrite.)

En 2003, ils sortent Grain de sable, qui connaît plus de succès, étant un disque double or. « Sortez-les » marque un changement de direction, loin du reggae des premiers albums :

Le son est différent, mais les messages restent lourds : « Noyez-nous de publicités, Engraissez-nous jusqu’à éclater » n’a aucune subtilité. On me dit que « Désolé pour hier soir » était un grand succès, mais encore une fois, je ne pouvais rien comprendre sans des paroles écrites. « Sur ce coup la man, t’as été un homme t’as ramené le croisé de Jackie Sardou et d’un Pokémon » est plutôt amusant.

J’ai décidé qu’ils avaient un album de plus pour me convaincre qu’il y avait plus à découvrir, alors ici, je suis passé à « Ce que l’on sème », disque platine de 2008. J’ai commencé avec le titre le moins politique possible, « El dulce de leche », qui sent plutôt mon coin du monde :

Si je l’ai bien compris, les paroles parlent d’un réfugié chilien qui déménage en France :

Il n’avait pas idée
On dira inconscience
À quel point lui coûtait
D’être bloqué en France
Rejoindre le pays
L’odeur de l’orchidée
Le temps n’a pas enfoui
El dulce de leche

Je n’ai rien contre les chiliens, mais j’avais espéré autrement. Je craignais le titre « Quand les hommes s’ennuient » vu le point de vue de tout autre chose à ce point, et c’était au niveau de mes attentes, même si je dois noter que la musique elle-même est plutôt belle :

Les paroles comprennent :

Quand les hommes s’ennuient, ils s’enivrent de sexe
De vin jusqu’à la lie, et d’amours trop complexes

S’inventent des tempêtes, se prennent dans le courant
Des guerres trop coquettes, des caprices d’enfants
Font tanguer le bateau, quand la mer est parfaite
Quand les hommes s’ennuient, ils deviennent si bêtes

Merci, mais j’ai plus qu’assez de la haine de soi pour être homme aux États-Unis, en anglais. Je n’ai pas besoin de la chercher ailleurs. Et je ne me reconnais pas dans cette description non plus.

Que penser de Tryo ? On leur dit « engagés ». Je ne dis pas que je dois être d’accord avec un artiste sur tout. Mais je trouve chez eux exactement ce que je n’aime pas chez mes con-citoyens, la politique en tant qu’idée fixe. Ce qui me déçoit ici, c’est que j’étais vraiment impressionné par leur représentation sur le plateau de Taratata, avec Les Élucubrations d’Antoine. J’ai l’impression qu’un concert de leur part serait plutôt énergique. Mais deux heures de leçons à donner, pas envie.

Ma note : je change de chaîne.

Port de Saint-Tropez

Don’t you Saint-Tropez

Il y a des années, quand j’ai entendu « Douliou Douliou Saint-Tropez » pour la première fois, je me suis gravement trompé sur les paroles. Je croyais que la foule autour de Geneviève Grad chantait « Do you Saint-Tropez ? », ce qui serait de très mauvais anglais selon les manuels scolaires — mais hyper-courant argot anglais des années 2010 ! Il n’y pas de vrai verbe là, juste un auxiliaire (« do »), mais pendant les années 2010, « Do you » suivi par un nom est devenu une façon ironique parmi les jeunes et analphabètes pour dire « Est-ce que tu fais des choses qui impliquent le nom qui suit ? » Alors, pendant le Confinement, on aurait peut-être demandé « Do you sourdough? » pour dire « Est-ce que tu fais du pain levain à la maison comme tout le pays tout à coup ? » Si vous voulez avoir le même effet que j’ai pour certains quand je sors des choses comme « Maurice, t’as poussé le bouchon trop loin ! », essayez ça avec vos amis anglophones ; sinon, évitez-le à tout prix. Vous aurez l’air d’un ado de 13 ans.

Croyez-moi, j’ai eu un moment de plein panique à penser que cette expression avait voyagé dans le temps et à travers l’Atlantique.

Ça nous amène jusqu’à hier. Un ami m’a envoyé un texto pour demander si je connaissais « Le Marche ». Puisqu’il ne sait pas utiliser les accents sur un clavier de portable, je n’étais pas sûr s’il voulait dire « marché ». Mais non, il parlait de la région italienne, dite en français « Les Marches ». Il avait vu un tweet avec un prix d’immobilier absolument dingue :

250 mètres carrés, sa propre piscine, de belles vues, et tout ça pour 250 mille euros. Aucun appartement n’est disponible à Elbe-en-Irvine pour moins de 3 fois ce prix, raison pour laquelle je reste locataire.

Il m’a demandé « Qu’est-ce que l’on payerait en Provence ? », comme si j’étais agent d’immobilier. Je ne savais rien, mais j’ai décidé de rechercher de l’immobilier à Saint-Tropez.

OH LA VACHE ! Beverly Hills est plus bon marché ! ([Je disais toujours que mes goûts étaient raisonnables. — M. Descarottes])

Voici une villa de 200 mètres carrés — 6 millions et demi. 547 mètres carrés ? 16 millions ! Un appartement de 15 mètres carrés ? Hyper-bon marché, juste 430 mille euros !

J’ai dû arrêter avant que les yeux ne commencent à saigner. J’espère toujours visiter, pour faire le pèlerinage des Gendarmes, mais ça risque d’être encore pire que Venise, la ville la plus chère que j’ai visitée ! Si on me demande, « Do you Saint-Tropez? », la réponse sera (en bon franglais) « Non, je ne Saint-Tropez pas ! »

De bonnes nouvelles

Je ne peux pas vous mentir — j’ai passé des heures avec le livre aujourd’hui, et je n’avais rien planifié pour aujourd’hui. Mais je vais partager avec vous une pépite que j’ai appris en faisant des recherches, et j’espère que ça vous apportera un peu de joie en ces temps inquiétants.

J’écris sur les stéréotypes que les deux côtés ont de l’autre, les Français des Américains, et vice versa. J’ai recherché des données à cet égard. Aux États-Unis, le sondeur le plus vieux, et parmi les plus prestigieux, est Gallup. (Je dois mentionner que je reçois parfois de l’argent de chez Gallup à cause de faire partie de leurs sondages depuis 2010, et ça continuera dans l’avenir. Les sommes sont en général entre 1 et 5 dollars, jamais plus que 10. Je participe à la plupart des sondages gratuitement.)

Plusieurs fois par année, ils recherchent les réputations des pays étrangers chez les Américains. Voici un extrait de leur dernier sondage, de février 2025, dont je n’ai pas fait partie. De gauche à droite, les colonnes sont : nom de pays, pourcentage d’adultes avec des vues soit très positives soit largement positives, pourcentage de Démocrates avec ces vues, d’indépendants, et de Républicains, et finalement la différence entre les membres des deux parties.

Capture d’écran, ©️2025 Gallup Organization

Des 22 pays dans le sondage, la France arrive en 6e place derrière le Canada, le Japon, le Royaume-Uni, le Danemark, et l’Allemagne (voici un fichier avec tous les résultats). Les différences entre ce groupe ne sont pas graves — 77 % des Américains, dont 75 % des Républicains, 72 % des indépendants, et 87 % des Démocrates ont des vues positives de la France, et seulement 2-5 points vous séparent de l’Allemagne et du Danemark où l’erreur est +/- 4 % pour chaque mesure. J’ai souvent l’impression de nos jours que beaucoup de Français croient que la réputation du pays chez les Républicains est grosso modo celle de la Corée du Nord, et rien n’est plus loin de la vérité. Quoi qu’arrive dans les nouvelles, on vous aime.

Vous ne serez pas surpris à apprendre que mon message sera que la situation est meilleure que vous ne la pensez, même en reconnaissant certaines vérités. Certains thèmes à cet égard seront familiers — les Américains croient que Paris est toute la France, les Français croient que les Américains ne mangent que des burgers. D’autres thèmes seront nouveaux — mais pas de divulgâcheurs !

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Allô maman

Pendant des années, l’un des plus grands mystères au centre commercial près de chez moi était « Qu’est-ce qui veut dire le « BCBG » dans le nom du magasin « BCBG Max Azria » ? » Vous n’avez absolument aucune idée de quoi je parle, parce que cette chaîne de boutiques de mode n’existe pas en France. Et moi, je ne sais pas de quoi je parle, mais c’est juste comme d’hab. Toutefois, il y a des semaines, j’ai quand même eu une réponse, même si ça posait plus de questions.

Alors, Max Azria était un créateur de mode d’origine tunisienne, qui vivait pendant quelques années en France avant de déménager à Los Angeles. Je ne pourrais rien dire à propos de ses vêtements, car je ne faisais pas attention à des boutiques uniquement pour les femmes. Je ne le cherchais pas, mais pendant un des jours où Instagram se foutait de ma gueule avec zéro vues pour une autre pâtisserie (rien pour les blondies), il m’a proposé ce clip d’INA, intitulé « 1989 : le look de la femme BCBG » :

C’était honnêtement juste les initiales qui suffisaient pour attirer mon attention, mais j’en ai tiré très peu au-delà des mots « bon chic bon genre ». On explique « C’est quelqu’un qui, quand elle rentre quelque part, elle se fait un petit peu remarquer, doucement. » Une autre dit que « c’est d’attirer un petit peu l’attention ». Une troisième ajoute que « On se contentera tout à fait d’accessoires Monoprix. » Pas vraiment éclaircissant, tout ça. On se fait aussi remarquer avec un jean plein de trous, mais je n’avais pas du tout l’impression en regardant le clip que l’on parlait de s’habiller comme un cochon.

Wikipédia m’a un peu aidé à cet égard, en me dirigeant vers un blog sur la mode, La Mesure de l’Excellence. Là, j’ai lu :

Pour le costume : « une veste de chasse huilée Barbour (je la possède toujours…) ; un pull Benetton, col rond, un jean Levi’s 501 ; des chemises en tissu oxford des marques Arrow et Façonnable ; une montre Baume & Mercier, ronde, extra plate et en or, ou piochée dans une grosse collection de montres Swatch ; un polo Lacoste ou Ralph Lauren, col toujours relevé…

Le bon chic bon genre par un BCBG

Dites-donc : Levi’s, Façonnable, Lacoste et Ralph Lauren, hein ? Je jette un œil nerveusement en direction de mon placard, où se trouve une vingtaine de polos d’exactement deux marques : Ralph Lauren et Lacoste. Et où tous les jeans viennent soit du Temps des Cerises soit de chez Levi’s. C’est moi. On parle de moi.

Wikipédia élabore :

Pour les prénoms, un certain classicisme se retrouve : prénoms issus de la culture catholique, prénoms anciens, antiques ou d’autres composés.

Et moi, je me suis vanté au passé de trouver mon prénom dans les listes de la loi du 1er avril 1801, et j’ai choisi un prénom composé exprès pour mon poisson d’avril… En anglais, ça se dit « dorer le lys » (gilding the lily) — continuer à ajouter à quelque chose quand ça ne sert plus à rien. C’est bien établi.

Mais le son de l’expression, avec sa répétition de « bon », m’a rappelé une autre expression, les « bobos ». Wikipédia dit ce que je savais déjà, que l’usage moderne vient d’un journaliste américain, David Brooks :

Ce mot-valise a été popularisé par le journaliste américain David Brooks, dans son livre Bobos in Paradise: The New Upper Class and How They Got There, publié en 2000.

Bourgeois-bohème

Je n’ai jamais lu le livre — mais j’ai lu l’article original qu’il avait écrit dans le magazine « The Weekly Standard » pour proposer l’idée avant d’écrire le livre. (Le magazine n’existe plus.) Je soupçonnais même à l’époque qu’il l’avait piqué des Français, sans crédit, et Wikipédia cite plusieurs exemples des XIXe et XXe siècles, dont « cette petite bourgeoise bohème et bon enfant » dans un roman de Guy de Maupassant. Brooks est le genre de personne qui connaîtrait une telle référence et aussi la cacherait.

Et de son tour, « bobo » fait aussi partie d’un titre qui me rend perplexe depuis longtemps, d’un morceau d’Alain Souchon. J’avais suivi un cours chez l’Alliance française sur lui, mais on n’avait pas discuté celui-ci. Lire les paroles ne m’avait pas aidé du tout. J’apprends enfin qu’il manque des mots ; il devait dire « Allô maman, j’ai un bobo » :

Au cours d’un séjour à la montagne, Alain Souchon, âgé de 27 ans, chute à ski, pris dans une avalanche. Son frère, guide de montagne, le rejoint alors et lui fait remarquer qu’il a « crié maman».

Allô maman bobo

S’il s’était habillé en polo de Ralph Lauren, il ne se serait jamais retrouvé dans une telle situation, si seulement car pas assez chaud pour skier.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec une histoire d’aveugle.

Les blondies de Péla

« Papy », commença La Fille, « quand j’aurai réussi l’examen pratique pour mon cours de biologie, tu me prépareras un autre dessert de Péla. » Vous aurez sûrement remarqué l’absence d’un point d’interrogation dans cette dernière phrase. Ce n’était pas une question. Samedi, elle a fait un 5/5 sur son examen pratique pour le test « Advanced Placement » (Placement avancé) en biologie, alors voici les blondies selon Péla.

3 blondies dans un tas sur une petite assiette, avec le sceau "La Fille approuve !!"

Alors, qu’est-ce que l’on attend ? Allons les faire !

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Saison 4, Épisode 5 — La pistache est un mensonge

Cette semaine, notre titre est d’après le célèbre gâteau du jeu vidéo Portal, et la réplique qui va avec, « Le gâteau est un mensonge ». Ça relie très bien nos articles sur l’IA et les pistaches. Peut-être que certains se souviendront que j’ai décoré la forêt-noire pour le Haut-Rhin d’après ce gâteau.

J’ai eu tout un choc culturel hier grâce à un post de Billie sur Facebook où elle a évoqué un vieux post d’avant que je ne fasse sa connaissance. Il s’agissait d’un morceau, Lapitxuri, d’un disque intitulé « Bandas du Sud-Ouest ». Je savais de façon intellectuelle et abstraite que la tradition de musique dite « mariachi » au Mexique avait des racines françaises, mais pas comme ça. Il y a une piste sur ce disque intitulée Mexicali. Mexicali, c’est une ville juste à travers la frontière, pas loin de chez moi du tout. Pour y accéder, on croise la frontière de sa ville jumelle de mon côté, Calexico (vous comprenez sûrement la blague, mais c’est réel). Découvrir qu’il y a des Français qui connaissent même juste le nom, c’est comme découvrir qu’il y a des martiens qui sont de grands fans des Nuls. Comment est-ce qu’ils en ont entendu parler ? Je vais commander le disque. On aura beaucoup à discuter, c’est évident.

J’ai parfois l’impression que si je recevais exactement cette nouvelle sur les extra-terrestres, ce serait la partie sur leurs goûts qui me mettrait en PLS, pas leur existence.

J’ai regardé le film du jeu vidéo Minecraft avec La Fille. Je ne connais pas très bien les histoires qui se déroulent dans le jeu, et il me semble qu’il y en a quand même très peu, mais le film était hilarant. Les critiques américains le détestent, ce qui est aussi une recommandation très forte. Mais je ne sais pas si les blagues se traduisent vraiment en français — l’humour de Jack Black en particulier me semble très lié à des jeux de mots en anglais. Cependant, il y a d’autres blagues qui devraient très bien marcher. Par exemple, il y a un artefact dit « l’Orbe de domination ». Un personnage dit à un autre que c’est l’orbe le plus puissant qu’existe. L’autre dit que ça ressemble plutôt à un cube (tout est des cubes dans ce monde), et le premier reprend, « Ben, c’est l’orbe en forme de cube le plus puissant qu’existe ». On est très loin de Raymond Devos ici, mais c’est un film qui ne se prend pas au sérieux, et ça va pour le meilleur.

Dernière chose, Facebook commence à me gaver d’articles d’un magazine intitulé « Marie France ». Ils ont des titres ridicules comme « Mon petit ami me trompe avec sa femme, j’ai envie de tout lui révéler ». Je ne sais même pas quoi dire à une telle personne.

Notre blague se traite de secrets. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Acronyme, Bib et Cacahuètes. Les Bonnes Nouvelles se traitent du dernier miracle de Lourdes — ne vous inquiétez pas, c’était juste une guérison miraculeuse, pas comme si quelqu’une acceptait une invitation au resto de ma part.

Sur le blog, il y a aussi Mes con-citoyens, sur une technique d’arnaquer qui m’énerve, La réalité, existe-t-elle ?, sur une chanson à la sauce IA, et Je découvre Sandrine Kiberlain, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata.

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