Archives mensuelles : juin 2025

Saison 4, Épisode 15 — Tout va aux chiens

Le gros-titre de l’épisode sera le sujet de Langue de Molière au futur. Alors s’il vous semble que j’ai trop littéralement traduit une expression américaine, vous avez raison, mais c’était fait exprès. Plusieurs parties de l’épisode se traient des chiens.

Dans le livre, il y a un chapitre intitulé « Apprenant en faisant », où j’écris sur les différences entre les attitudes américaines et françaises envers la cuisine. Sans divulgâcher tout le livre, disons qu’une différence importante est la tendance à mon côté de l’Atlantique pour déclarer le premier essai « assez bon », peu importe la réalité, et l’existence d’un niveau minimum tel que le CAP Pâtissier est inimaginable. Tout ça, c’est à dire que quand je débute une nouveauté tel que le flan de samedi soir, les Américains ne me diront jamais ce qu’ils en pensent vraiment. Les Français ont moins peur à cet égard. Je l’ai bien aimé, même très bien, mais on m’a dit que la pistache était trop lourde, que ce serait mieux seulement en tant que chocolat-cerise. Et vous savez quoi ?

Je l’assume. J’aime bien la combinaison des trois, et c’est un peu d’un spectacle côté technique, mais si les « clients » ne sont pas ravis, je veux le savoir ! Il se passe que La Fille est d’accord, mais elle n’aime pas la pistache, alors je mets sa vue de côté. Mais elle a aussi très bien aimé la partie chocolat-cerise (pas surprenant ; la forêt-noire est une passion ici), alors je sais que plus d’expériences à cet égard seront les bienvenues. On n’apprend qu’à partir de retours honnêtes, et c’est vraiment la leçon.

Non, mais sérieusement, le fait que tout le monde ici s’attend à des louanges pour leurs plats à la fois brûlés et trop mouillés, c’est quelque chose qui me rend fou.

J’ai vu une nouvelle choquante en cherchant les Bonnes Nouvelles alors je dois demander : je sais que le mariage est toujours à la mairie en France. Mais est-ce que les deux personnes doivent être également là en même temps ? Je demande pour un ami, comme disent les enfants.

Il faut que j’ajoute : vous allez adorer les Bonnes Nouvelles.

Je dois ajouter aussi : il s’est avéré ce week-end que deux personnes qui me connaissent bien avaient raté mon annonce sur Facebook pour chercher des bénévoles chez l’OCA. Et les deux avaient hâte d’offrir leur aide. Si vous voulez savoir pourquoi il fallait que je l’écrive, c’est parce que ça m’arrive encore et encore chez les Français, alors que… comment dire ça… si je devais faire la même chose en anglais, je connais quelqu’un qui m’aiderait. Et je veux dire vraiment une personne.

À propos de ce dernier, c’était un expatrié de l’OCA qui m’a dit samedi que je devrais essayer de sortir une version en anglais. Je ne sais pas, sincèrement. Les recettes sont hyper-authentiques, et je crois que la plupart d’Américains n’aimeraient pas la coupétade, ni la galette à suc’, ni la fouace, ni le Pithiviers fondant… vous voyez ? C’est un livre très loin de ce que l’on pense est français aux États-Unis. Et il y a des choses là qui ne sont pas grand-chose à nos yeux, moi et vous, mais qui seraient considérés trop avancés pour la plupart du monde ici — les vol-au-vents, les madeleines, la tourte à la chair de poire. C’est sans même considérer l’intérêt des chapitres sur des films complètement inconnus, Eddy Mitchell, le malentendu en Nièvre, etc. Peut-être qu’il vaudrait la peine de préparer 50 pages de traduction comme proposition, mais une version anglaise ne pourrait pas être une simple traduction, il me semble. Que pensez-vous ?

Notre blague se traite d’un chien malin. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Tortue et Chien. Les Bonnes Nouvelles se traitent d’une révolution médicale.

Sur le blog, il y a aussi La Bretagne au Kansas, l’histoire d’un cloître breton très loin de la maison, Les progrès de La Fille, sur un dialogue par SMS, Je découvre Jacques Dutronc, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata, et Le flan au chocolat-cerise et aux pistaches, une recette originale du blog.

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Le flan au chocolat-cerise et aux pistaches

Il n’y a pas de Dimanche avec Marcel aujourd’hui parce que j’ai eu une soirée de tarot, et je voulais faire quelque chose de spectaculaire. Ai-je réussi ? Il y a un défaut gênant ici, mais autrement je vous laisse à décider.

D’abord, je dois vous dire que c’est la faute à Aurore, ma connaissance sur Instagram. Il y a une semaine, elle a publié une tarte aux fruits de folie. Nous ne sommes pas en concurrence — elle est plus douée que moi, point barre — mais à chaque fois où elle fait quelque chose comme ça, j’ai envie de hausser le niveau de pâtisserie chez moi. Et cette dernière fois est arrivée juste après mon expérience avec le flan aux deux goûts, inspiré par cette publication d’une pâtisserie lyonnaise. Mais j’ai ajouté une autre idée, inspirée par encore un autre flan de chez eux.

Flan entier, avec une couche de gelée aux cerises au-dessus

Il y a beaucoup de secrètes à dévoiler ici — alors le préparer !

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Je découvre Jacques Dutronc

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata en revisitant un musicien qui n’était pas sur scène lui-même, mais dont sa musique a été reprise par l’un de nos sujets. Je parle cette fois de Jacques Dutronc — en quelque sorte, j’ai oublié de mentionner que sa chanson « Fais pas ci, fais pas ça » a été chantée par Alain Chamfort pendant le spectacle.

Jacques Dutronc en 1966, Photo par W. Veenman, CC BY-SA 3.0

Jacques Dutronc est né — très inhabituellement pour un musicien de sa génération — sous le nom Jacques Dutronc en 1943, à Paris. Au Golf-Drouot, pendant les années 50s, il fait la connaissance d’Eddy Mitchell et Johnny Hallyday, deux ados qui trouveraient plus tard du succès sous les noms de Claude Lemoine et Jean-Philippe Smet. Mais pour notre Jacques, la vie cachait une mauvaise surprise — en 1959, il tombe gravement malade, victime de la maladie de Bouillaud, alors il doit passer un an entier à la maison, sans sortir. On l’aurait cru le narrateur de la Recherche. Puisque Duolingo n’a pas existé à l’époque, il s’apprend la guitare pendant ce temps.

Une fois capable de sortir en 1960, il s’intègre à un groupe de rock, El Toro et les Cyclones, et offre ses services en tant que compositeur à d’autres groupes. Pour les Fantômes, il écrit une chanson purement instrumentale, Fort Chabrol. Peut-être que vous la reconnaîtrez ; Françoise Hardy a fait une reprise em 1962 :

En 1963, les Cyclones doivent disperser à cause du service militaire obligatoire. Mais après son service, Jacques sera embauché par la maison de disques Alpha, ainsi qu’une autre maison Vogue, déjà connue pour ses stars Johnny Hallyday et Françoise Hardy. C’est comment il arrive en 1963 qu’il écrit un tube pour Mme Hardy, « Va pas prendre un tambour ». Mais elle ne le remarque pas.

Mais en 1966, Vogue décide de lancer Jacques en tant qu’artiste lui-même, et il sort « Et moi, et moi, et moi », avec Alain Chamfort au piano. C’est une réussite, alors un album suit le plus vite possible, intitulé « Jacques Dutronc ». Là se trouve plusieurs autres tubes, dont « Les cactus » :

« J’aime les filles », son prochain disque 45 tours, paraît en 1967, suivi un an plus tard par un tube qui atteint la 5e place dans les classements français, « Il est cinq heures, Paris s’éveille ».

Sur le même disque 45 tours se trouve aussi « Fais pas ci, fais pas ça ». Mais entre ces 2 disques, en août 1967, quelque chose de plus important lui arrive — Françoise Hardy le remarque enfin, et les deux deviennent un couple.

1969 voit son troisième album, L’Opportuniste, où j’adore la chanson éponyme — mais je la croyais à Indochine pendant des années !

Cet album voit aussi des expériences avec le jazz manouche, dont « À tout berzingue ». Plus tard, ce genre sera celui qui fera la renommée de son fils Thomas. Il aime autant ce genre que son album suivant, L’Aventurier (il continue de piquer des idées à l’Indochine du futur), le met en vedette pour sa chanson son éponyme.

Les années 70 verront plusieurs albums, tous intitules « Thomas Dutronc ». Sur le premier, de 1971, se trouve « Restons français, soyons gaulois », le truc le plus années 70s de tous les temps. 1972 voit un autre album éponyme, cette fois largement écrit par Serge Gainsbourg. C’est bien évident — le tube « Elle est si » contient des paroles très gainsbourgesques : « Elle est si grosse, elle est si laide, etc. ». Peut-être que Gainsbourg se trouvait drôle ; il n’a jamais été ma tasse de thé.

1975 voit un dernier album éponyme — et le temps entre les albums augmente car il poursuit désormais une carrière d’acteur. Là se trouve la chanson le moins Coup de Foudre possible, « La France défigurée », où il se plainte des « poulets hormonés » et des « forêts coupées ». Mais nous sommes toujours dans les Trente Glorieuses ! On aurait pu faire un joli échange, sa France pour ma Californie. Oui, oui, l’herbe est plus verte ailleurs, je le sais, mais celle-ci tombe mal sur mes oreilles :

En 1978, Thomas Dutronc est né, mais il fera plusieurs décennies avant que la musique ne devienne entreprise familiale.

En 1980, après une absence de la musique encore plus longue, il est de retour avec « Guerre et pets », une autre collaboration avec Gainsbourg. L’album est un disque d’or, mais les seuls tubes sont une reprise du Temps d’amour et une chanson hyper-Gainsbourg, L’hymne à l’amour, un discours magistral déclamé plutôt que chanté sur des guitares électriques.

1982 voit un album enfin libre de Gainsbourg, « C’est pas du bronze ». Si ça se vend un peu moins que son prédécesseur, il faut aussi dire que « Tous les goûts sont dans ma nature » et « L’Autruche » montrent, de façons très différentes, plus de la joie du début de sa carrière. CQF…Dutronc, sorti en 1987, est plein de synthétiseurs, typique de l’époque mais très loin de ses sons d’avant — je n’aurais jamais deviné que « À nous deux (CQFD) » ou « Europe n’roll » (très agréable) étaient à lui.

C’est ici où j’arrête. En 1991, il se sépare de Françoise Hardy, sans que les deux divorcent. Peut-être qu’il n’est pas une coïncidence qu’il ne sort qu’un album original pendant toute cette décennie ; cependant, il y a de nombreuses intégrales. Mais à ce point, il est aussi devenu un symbole nostalgique, et au-delà de sa collaboration avec Johnny et Eddy en tant que « Les Vieilles Canailles » — pour faire des reprises de leur propre musique ! — les 20 dernières années de sa carrière sont largement consacrées à des concerts plutôt que de la nouvelle musique.

Que penser de Jacques Dutronc ? Si la somme de sa carrière était ses travaux des années 60s, ça suffirait pour le rendre l’une des plus grandes stars de tous les temps. S’il avait seulement écrit la musique du « Temps de l’amour », il aurait été l’un des compositeurs les plus importants de la chanson française. Qu’il y ait eu une quinzaine d’années truffées d’autres disques d’or, c’était juste la cerise sur le gâteau.

Ma note : J’achète l’intégrale.

Les progrès de La Fille

Je vais juste partager une conversation de nos SMS d’il y a 2 jours. Puis nous en parlerons un peu. C’est dingue :

Fille : Je suis une étudiante, mais je suis meilleure à l'école que toi. C'est TROP vrai
Moi : D'accord, je n'ai même pas ESSAYÉ à l'école cette année.
Fille : Oui, c'est le problème. Tu as des mauvaises notes dans l'université de La Fille et Monsieur Descarottes
Moi : « de mauvaises notes ». C'est de, pas des, parce qu'il y a un adjectif devant le nom.
Fille : D'accord, mais tu comprends quoi je veux à dire
Moi : « Tu comprends ce que je veux dire »

Comme souvent, le dialogue a commencé par une vantardise de son côté, dans ce cas qu’elle est une meilleure étudiante que moi. J’étais très fier de voir cette phrase — il n’y a pas d’erreurs là. C’est du bon travail !

Bien sûr, je n’allais pas simplement la laisser dire de telles choses, alors j’ai répondu en disant que je n’avais même pas essayé. Mais ça, c’était pour la provoquer à poursuivre sa pensée avec une raisonnement, peu importe à quel point ce soit ridicule. Et je n’ai pas été déçu ! Elle a fait deux erreurs dans sa réponse, mais savoir la différence entre « de » et « des » devant un nom, c’est un peu compliqué. Et si elle ne sait toujours pas comment choisir entre « à » et « dans », ce n’est pas grand-chose non plus après seulement une année d’études.

Sa dernière réponse laisse plus à désirer. Nous avons discuté plus tard les différences entre « que », « ce que » et « quoi »,mais il me semble que ça prendra du temps. L’erreur de « veux à dire » est tout simplement une traduction dans la tête de l’anglais — elle voulait mettre le mot « to » devant un verbe à l’infinitif.

Mais j’en suis ravi. Elle initie de plus en plus de conversations en français par SMS, et je suis heureux de l’encourager. Si elle veut raconter des salades pour pratiquer, qui suis-je pour dire non ? Elle veut pratiquer tout court !

La Bretagne au Kansas

Il y a des mois, j’ai lu un article sur France 3 Bretagne qui se traitait d’un cloître gothique breton. Mais d’abord, sommes-nous d’accord que le Mont Saint-Michel lui-même se trouve en Normandie ?

Alors, il était une fois, il y avait au moins deux copies du cloître du Mont Saint-Michel. Voici une photo du cloître originale par le photographe le deuxième plus cité du Tour :

Cloître du Mont Saint-Michel
Cloître du Mont Saint-Michel, Photo par Zairon, CC BY-SA 4.0

L’une se trouvait à Pont-l’Abbé, dans le Finistère. Selon France 3, de nos jours il se trouve dans le « musée de Quimper », mais j’ai recherché plusieurs musées dans cette ville et ne l’ai pas trouvée. Cependant, celle-ci n’est pas l’objet de notre histoire.

L’autre se trouvait à Carhaix. Je laisse France 3 expliquer le point de vue français sur ce qui s’est passé :

C’est une Carhaisienne qui avait vendu le cloître et ses quelque 90 piliers aux formes caractéristiques, au milliardaire américain William Randolph Hearst, par le biais d’un antiquaire de Beauvais. Une vente réalisée pour un montant équivalent à l’époque, à 40 000 euros. « L’antiquaire avait volontairement brouillé les pistes pour éviter d’alerter les services de l’État, qui auraient pu faire un classement d’urgence »raconte Clément Perrichot.

On le croyait perdu — jusqu’à récemment, quand un médiateur qui travaille au Mont a signalé à Anne Derrien, l’historienne employée par la ville de Carhaix pour le retrouver, qu’il l’avait vu — au Kansas.

Je voulais comprendre le point de vue du musée américain, qui refuse de le renvoyer en France, alors j’ai recherché leur compte rendu de l’affaire. Selon eux, le cloître provient d’une abbaye près de Beauvais, dans l’Oise. Leurs notes indiquent qu’un certain « E. Simon » — pas clair si c’était un homme ou une femme — l’a eu à partir du 31 juillet 1930 et l’a vendu à la Galerie Brummer de New York en août de cette année. M. Hearst l’a acheté à la Galerie en août-même. Il a resté chez lui jusqu’en 1941 quand la galerie l’a racheté et l’a revendu au Musée Nelson-Atkins à Kansas City, toujours en 1941. Voici une photo du cloître tel qu’il existe aujourd’hui ; à noter, ils offrent un lien pour télécharger la photo, alors je crois qu’il n’y a pas de problèmes de droit :

Cloître au Musée Nelson-Atkins, visiblement gardé dans une salle à l'intérieur du musée
Cloître au Musée Nelson-Atkins, ©️Musée Nelson-Atkins

À mon avis, les arches ne ressemblent pas trop à celles du Mont Saint-Michel — la forme en haute est un objet géométrique un peu comme une fleur, et les arches du Mont se terminent à un point. Toutefois, il y a une bonne raison pour ne pas croire le musée. Voici une capture d’écran d’une plaque à Carhaix sur le cloître, montrée dans l’article lié au début :

Photo avec la légende « La galerie sud du cloître des Augustins vers 1930, avant son départ pour les États-Unis.
Capture d’écran d’un clip de France 3

La légende dit que la photo a été prise en 1930. Les arches sont très clairement les mêmes que dans le cloître américain. Il serait un tour de magie impressionnant pour le même cloître d’être à Carhaix et à Beauvais en même temps !

C’est donc quoi la vérité ? On penserait que le musée connaîtrait le nom de l’abbaye à Beauvais, mais ce n’est pas le cas. Je dois croire les carhaisiens sur parole en ce qui concerne la date de la photo, parce qu’il n’y a pas de preuves externes à son égard. Il y a donc des lacunes aux deux côtés — mais la question de la provenance beauvaisienne me semble plus inquiétante que la date de la photo. Il n’y a pas de doute qu’il s’agit du bon monument.

Je ne suis pas expert des lois à cet égard, mais si c’était à moi, j’essaierais à offrir le cloître en échange d’une garantie que d’autres œuvres seraient prêtées au musée.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Aller vous faire baigner

Comme arrive souvent cette année, Langue de Molière tire son inspiration de quelque chose lu chez Il Est Quelle Heure. Afin de rendre évident ce qui a attrapé mon œil, voici les dialogues en question ; j’ai mis les mots importants en gras et en italique.

Moi: Je trouve qu’elle cocotte

Père: Oui, elle pue. Je voulais l’emmener au toilettage hier mais il fallait prendre un rendez-vous 15 jours à l’avance. 

Moi: Je vais la brosser, ça suffira peut-être. 

Père: Non mais elle shlingue, là. 

Manille: C’est faux, je sens bon la rose des bois!

Dialogue de l’espace avec Père #41

C’est une collection impressionnante de synonymes pour ce que l’on fait avec le nez, dont deux qui ne m’étaient pas familiers avant. Et tous les deux sont intéressants !

Commençons par « elle cocotte ». Il y a un an, la seule signification que j’avais pour « cocotte », c’était un produit du Creuset pour cuisiner. Puis j’ai commencé à lire la Recherche, et tout à coup, c’était aussi Mme de Crécy. Mais cette fois, c’est évidemment un verbe. Alors, le Trésor, que dites-vous ?

COCOT(T)ER1,(COCOTER, COCOTTER) verbe intrans.

A.− [P. réf. au caquetage continu de la poule en basse-cour]

− Rare. [En parlant d’une femme] Bavarder inlassablement. Synon. caqueter.Les poules de la maison se promenaient et cocottaient comme chez elles (Léautaud, Amours,1906, p. 257).

B.− [P. réf. à cocot(t)e1B 2] Se conduire en femme légère.

Cocot(t)er

Curieux ! Ni la première ni la deuxième signification semble être la bonne vu que la réponse à « elle cocotte » était « oui, elle pue ». M. Le Robert ?

Définition de cocotter ​​​  verbe intransitif

familier Sentir mauvais. ➙ puer.

Cocotter

Voilà, exactement ce à quoi nous attendions. Mais qu’est-ce qui s’est passé chez le Trésor ? Il s’avère que si on recherche « puer », la toute première entrée dit :

PUER, verbe intrans.

A. − Exhaler une odeur nauséabonde, très désagréable. Synon. empester, empuantir; sentir* mauvais; pop. ou arg. cocotter2, schlinguer.

Puer

Et là, on trouve non seulement cocotter et sentir mauvais, mais aussi d’autres synonymes : empester, empuantir, et le mot que nous avions pas encore recherché, schlinguer. C’est dingue, le nombre de façons de dire ça ! Mais à vrai dire, la relation entre les sens de bavarder et de puer m’échappe.

Cependant, ce « schlinguer », c’est aussi un mot curieux. Franchement, l’orthographe ne me semble pas typiquement française. Plutôt germanique, ces mots qui contiennent « sch ». Et avec un nom tel que Busch, je le saurais ! Et en fait, c’est exactement ce qui dit le Trésor :

SCHLINGUER, verbe intrans.Arg., pop. Puer.

empr. à l’all. schlingen « avaler », d’où, par un contresens volontaire, « exhaler (une odeur)

empr. à l’all. schlagen « frapper », « fouetter (en parlant de la pluie) », « repousser (en parlant du fusil) », d’où « sentir mauvais » (de même que cingler, cogner, fouetter, taper signifient « sentir mauvais » dans la lang. fam. ou arg., v. Esn.

Schlinguer

Ces deux histoires sont un peu trop ! Si on croit la première, c’est un peu un jeu de mots où on a adapté un contresens. Mais l’autre propose que beaucoup plus d’autres verbes veulent aussi dire « puer », dont cogner et fouetter. Et en fait, l’entrée pour fouetter est d’accord.

Ça suffit ! Il me semble tout à coup que presque tout verbe français peut signifier « sentir mauvais » — la liste gonfle sans cesse ! Ça fouette ! J’imagine que le chien de Billie, Manille, est bien d’accord. Mieux vaut porter notre attention sur les croquettes.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour reprendre un thème qui dérange La Fille, la tricherie à l’école.

Rapport sur l’état du projet

J’ai passé tout, et je veux dire tout le week-end en travaillant sur le livre. Je suis très satisfait d’un changement ; chaque recette qui avait de l’espace sur la page a maintenant des faits sur le département en haut de la recette. Je crois que ça améliore le sens de suivre le Tour même si j’ai écrit au début « Ce livre n’est pas du tout mon blog au format imprimé ». Ça reste le cas, mais ce changement ajoute un peu de couleur.

Liste de contrôle, Auteur inconnu, Domaine public

J’ai pris une décision difficile et le travail est terminé, alors il n’y aura plus de questions sur ce point. Le passé simple est passé au passé. Le livre se lit désormais plus comme ce blog, mais j’espère avec moins des « erreurs de minuit ».

Est-ce que vous comprenez de quoi je parle en disant ça ? Il y a une tendance lamentable, plus pendant l’année dernière qu’avant, où je finis l’écriture de mes articles à une heure où je m’endors. Et c’est à ces moments où j’appuie par hasard sur les flèches qui déplacent les paragraphes, sans avoir aucun souvenir de l’avoir fait. Je suis au courant que ça arrive, mais c’est parfois le cas que je n’ai aucune idée que c’est arrivé jusqu’au lendemain. C’est rarement le cas que l’on me le signale — très gentil de votre part, sincèrement — mais je suis gêné à chaque fois où je le découvre. À vrai dire, je crois que ce genre d’erreur n’existe pas dans le livre, mais je travaille toujours à supprimer les autres au maximum. Avec la fin du livre, il me faudra absolument régler la situation de mon horaire.

Il y a 3 pages qui n’existent toujours pas, et n’ont que des pages blanches réservées pour leurs contenus. Je dois régler cette situation. Je suis si, si proche de la fin, au point où il ne m’a pas dérangé de travailler à nouveau sur les recettes et la grammaire ailleurs, mais ça dit, les trous doivent être comblés et bientôt.

Mais à ce point, j’aime où je vais. Il y a des chapitres qui font référence à d’autres chapitres, mais la plupart du livre peut être lue au hasard, comme je le souhaitais. Je crois que très peu des chapitres se lisent comme bouche-trou, mais peut-être que je n’ai pas assez de distance du texte pour le reconnaître. Je suis surtout ravi qu’à ce point, personne n’ait refusé leur apparition dans le texte. (J’ai toujours une poignée de monde à contacter à cet égard, mais les retours à ce point sont positifs.)

Et j’aurai une surprise pour vous tous plus tard cette semaine. Il y a certaines choses qui ont été censées commencer après la fin du Tour, mais qui ont été reportées ces derniers mois. Disons que j’ai dû faire certaines tâches pendant cette période de corrections qui m’ont aidé à cet égard. Vous aurez bientôt le premier fruit de ça.

Merci encore pour votre patience avec ce processus. J’ai trop de choses sur mon assiette, comme on dit en anglais (Jain utilise la bonne expression dans sa chanson Inspecta), et je me sens très stressé, mais vous êtes tous les meilleurs et votre soutien reste inestimable.

Saison 4, Épisode 14 — L’épisode de la catastrophe

On dit que les hommes ne se souviennent pas des anniversaires, mais je n’oublie jamais que le 23 juin est le Jour de la Catastrophe. C’est la source originale de C’est le 1er, puisque j’ai décidé que j’allais faire quelque chose d’utile du jour plutôt que de lamenter le fait que je refuse de le noyer dans de l’alcool. (C’est probablement pour le mieux.) Mais ça fera une semaine avant le prochain premier, et je suis d’humeur grincheuse.

Alors pour « fêter » l’occasion, et le fait que c’est bientôt aussi le 12e anniversaire de mon dernier rendez-vous, je vais vous raconter une histoire horrible. Puis une blague au-delà de l’épisode en récompense.

Il était une fois, il y avait une nommée Robyn. Son métier était marieuse. Elle était très réussie au travail — elle était directrice de contenus pour le plus grand site de rencontres catholique aux États-Unis — et des centaines de couples lui devaient leur bonheur. Mais pour tout ça, il y avait une personne pour qui elle n’a jamais réussi à trouver quelqu’un. Alors, un jour Robyn a tout plaqué et pris des vœux de chasteté et de pauvreté pour devenir religieuse.

Vous pensez que je plaisante, mais ce n’est rien que la vérité — j’ai raconté son histoire pour le site Quora en anglais il y a 7 ans, et voici le lien là-dedans à son post sur CatholicMatch (aussi en anglais). Comme j’ai écrit à l’époque : « Les vœux de chasteté : mieux vaut recevoir le mérite pour ce qui arrive quand même ».

Je sais que je ne vous ai jamais dit ça, mais pour des raisons que je ne comprends pas, mes amis anglophones me disent tous que ça changera seulement si j’ouvre une pâtisserie. Le logique m’échappe complètement. Personne d’entre eux n’a fait une telle chose.

Comme je vous ai dit, je suis d’humeur grincheux.

Mais je vous ai promis une blague en récompense. C’est pourri, mais j’ai vu ce mème dans un groupe privé sur Facebook il y a deux jours, et l’a trouvé hilarant. Certains d’entre vous l’ont vu déjà.

Un poulpe tue un calamar qui l'accusait sans pieuvre ! Ce dernier l'aurait insulté: " Va te faire tentaculer, fils de poulpe !
L'autre l'aurait encornet.
Encore un drame qui va faire couler beaucoup d'encre !

Notre blague habituelle pour l’épisode se traite de Sherlock Holmes et de son ami Watson. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Touristes et Arrivistes. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles car j’ai eu un taux de glycémie de seulement 51 hier, et c’est un miracle que je me suis réveillé pour le régler. Si vous vous demandiez comment arrivera la fin, voici la bonne réponse. Non, je n’ai rien fait avec mes médicaments.

Sur le blog, il y a aussi Autour de Las Vegas, la fin de mon dernier voyage, L’expérience flan pâtissier, une première tentative de produire un flan aux deux goûts, Le réseau toxique, sur une mauvaise découverte chez BlueSky, et Je découvre Alain Chamfort, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata.

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Dimanche avec Bloch

On reprend maintenant « À l’ombre des jeunes filles en fleur ». Cette fois, j’ai avancé de 25 pages.

Quand nous avons quitté le narrateur, il vient de recevoir une lettre de Gilberte pour l’inviter venir goûter chez elle. Je note que j’ai raté ça en cherchant ma place dans la VO, parce que la version en anglais le rend « tea », ce qui est vraiment « thé ». J’ajoute qu’il y a un chapitre dans le livre consacré aux différences en lisant les deux versions en même temps.

Il est compliqué, mais il semble que Bloch, un ami du narrateur que nous n’avons pas vu depuis presque 500 pages à travers les deux tomes, est — par hasard — responsable pour cette affaire :

Comme nous étions tous en train de causer, Bloch ayant raconté qu’il avait entendu dire que Mme Swann m’aimait beaucoup… Cottard, qu’elle avait pour médecin, ayant induit de ce qu’il avait entendu dire à Bloch qu’elle me connaissait beaucoup et m’appréciait, pensa que, quand il la verrait, dire que j’étais un charmant garçon avec lequel il était lié ne pourrait en rien être utile pour moi et serait flatteur pour lui, deux raisons qui le décidèrent à parler de moi à Odette dès qu’il en trouva l’occasion.

Ce jeu de téléphone farfelu a apparemment l’effet de convaincre Gilberte qu’elle éprouve des sentiments pour le narrateur qu’elle ne ressente vraiment pas. Le logique m’échappe.

Le narrateur semble souffrir de la maladie de pica :

Les nattes de Gilberte dans ces moments-là touchaient ma joue.… Mais n’espérant point obtenir un morceau vrai de ces nattes, si au moins j’avais pu en posséder la photographie, combien plus précieuse que celle de fleurettes dessinées par le Vinci ! 

Pourquoi est-ce qu’il veut des cheveux de Gilberte autrement ? Je trouve ça bizarre.

En aparté, le narrateur nous raconte, après une anecdote sur l’escalier chez les Swann :

Mais comme je n’avais aucun esprit d’observation, comme en général je ne savais ni le nom ni l’espèce des choses qui se trouvaient sous mes yeux

Permettez-moi d’hurler. Si j’ai une plainte sur ces livres, c’est exactement l’excès d’observation ! Est-ce sarcastique ?

À ce point, Proust n’a provoqué que des madeleines dans ma cuisine. Peut-être qu’il me faudra essayer autre chose :

où un gâteau architectural, aussi débonnaire et familier qu’il était imposant, semblait trôner là à tout hasard comme un jour quelconque, pour le cas où il aurait pris fantaisie à Gilberte de le découronner de ses créneaux en chocolat et d’abattre ses remparts aux pentes fauves et raides, cuites au four comme les bastions du palais de Darius.

On apprend qu’en fait, le docteur Cottard n’était pas responsable de son changement de fortune :

j’appris par Mme Swann que c’est tout ce que Gilberte lui avait raconté sur ma « nurse » qui leur avait donné à elle et à son mari de la sympathie pour moi.

Il s’avère que c’était l’estime de Gilberte pour Françoise qui a gagné le narrateur une place chez les Swann. S’il savait ça avant de le mettre sur la page, il aurait pu nous épargner des pages de spéculations inutiles. C’est souvent ma plainte.

Tout ce parler sur comment le narrateur a fait son entrée dans le cercle des Swann ne sert qu’en tant que prélude à sa vraie observation, que M. Swann est devenu un vrai arriviste :

ces personnes-là auraient pu s’étonner en constatant que l’ancien Swann avait cessé d’être non seulement discret quand il parlait de ses relations mais difficile quand il s’agissait de les choisir.

Et au cas où ce ne serait pas clair :

On a vu d’ailleurs autrefois que Swann avait le goût (dont il faisait maintenant une application seulement plus durable) d’échanger sa situation mondaine contre une autre qui dans certaines circonstances lui convenait mieux.

Et c’est ça le vrai but de tous ces contes des Swann, et de M. de Norpois, et pratiquement tout le monde qui n’est pas Françoise ou un villageois de Combray. Tout le monde dans Proust a un œil non seulement sur l’amélioration de son statut, mais d’apparaître éduqué, de ne fréquenter que les meilleures personnes, etc. Swann est presque comme un blogueur qui cherche à donner l’impression d’avoir des goûts raffinés en publiant un billet hebdomadaire sur le gratin de la littérature moderne française.

Naturellement, je parle d’une situation purement hypothétique dans ce dernier cas ; je ne connais personne comme ça.

Nous terminons cette fois avec une autre observation de Proust, que les Swann ne sont qu’un moyen pour ce commentaire social :

Mais pareille aux kaléidoscopes qui tournent de temps en temps, la société place successivement de façon différente des éléments qu’on avait cru immuables et compose une autre figure. 

Pour donner des exemples, Proust suggère qu’après l’affaire Dreyfus :

le kaléidoscope renversa une fois de plus ses petits losanges colorés. Tout ce qui était juif passa en bas, fût-ce la dame élégante, et des nationalistes obscurs montèrent prendre sa place.

Mais il pouvait imaginer également :

Qu’au lieu de l’affaire Dreyfus il fût survenu une guerre avec l’Allemagne, le tour du kaléidoscope se fût produit dans un autre sens. Les Juifs ayant, à l’étonnement général, montré qu’ils étaient patriotes, auraient gardé leur situation, et personne n’aurait plus voulu aller ni même avouer être jamais allé chez le prince autrichien. 

On voit donc que la Recherche n’est guère sur ses personnages ; ils ne sont que des exemples concrets de son vrai sujet, la bourgeoisie et leur compétition pour trouver des places d’influence. Proust n’avait que 3 ans de plus que moi à sa mort ; avec un peu plus de temps, je me demande s’il aurait reconnu que plus on vieille, moins on se soucie des avis des autres.

Je découvre Alain Chamfort

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata, cette fois avec Alain Chamfort. J’évitais ce moment à cause de sa discographie énorme, mais il faut continuer tôt ou tard.

Alain Chamfort assis devant un piano avec un micro en haut
Alain Chamfort en 2008, Photo par Sylvain lasco, CC BY-SA 4.0

Alain Le Govic est né en 1949 à Paris, mais a grandi dans le Val-d’Oise. Il apprend le piano à partir de sa plus jeune enfance mais plutôt que poursuivre des études formelles, de ses 11 ans, il commence à s’intégrer à une série de groupes qui jouent soit du jazz soit du rock.

Son premier succès vient en 1966 avec un groupe dit Les Mods. « Je veux partir » sonne comme une centaine de groupes britanniques de l’époque, et à vrai dire, le seul qui m’impressionne de ce groupe est le saxophoniste, mais un certain Jacques Dutronc y entend quelque chose que je rate, et invite le groupe à le rejoindre à la télé pour jouer « Et moi et moi et moi » ensemble.

Après ça, M. Le Govic quitte Les Mods pour se joindre au groupe de Jacques Dutronc, où il restera pendant 2 ans. Pendant ce temps, ils sortiront ensemble plusieurs chansons dont Les cactus (déjà écouté ; pas fan) et J’aime les filles — c’est Alain qui joue du piano au début ici :

Mais Alain Le Govic veut être chanteur ainsi que pianiste, et il ne va pas avoir cette opportunité en tant que pianiste pour un chanteur. Cependant, même avec l’aide d’Étienne Roda-Gil — vous vous souvenez peut-être de lui de notre article sur Julien Clerc — il sort une série de 5 albums de 45 tours (c’est-à-dire des albums courts de 4-5 chansons chacun, les « c’est quoi le vinyle ? ») qui sont tous des échecs.

En 1971, M. Le Govic sert en tant que choriste pour la chanteuse Séverine quand elle remporte l’Eurovision pour Monaco. Il n’est pas considéré un gagnant du concours de cette façon, mais ça l’aide à attirer l’attention d’un certain Claude François :

C’est M. François qui trouve le nom Le Govic trop breton (il pensait quoi de l’écrivain Auguste Le Breton, qui a adopté ce nom exprès ?). Les deux choisissent le nom Chamfort d’un dictionnaire. Et vous trouvez mes méthodes extrêmes. Équipé d’un nouveau nom de scène, Alain Chamfort sortira une série de singles et 45s qui le gagneront, selon Wikipédia, la réputation de « chanteur à minettes ». Je n’avais jamais entendu cette expression avant. Mais dès que j’ai entendu « L’Amour en France », je l’ai malheureusement comprise ; c’est le genre de chanteur qui aurait ciblé les lectrices de « Jeune et Jolie ». (Où est-ce que ce type trouve ces références ?)

C’est donc Claude François qui est le docteur Frankenstein de cette histoire, mais avec son amour-propre de légende, Chamfort ne pouvait pas supporter longtemps cette collaboration et quitte la maison de disques gérée par François en 1975, mais pas avant d’enregistrer Le temps qui court afin de me mettre en PLS 50 ans plus tard. Comment ça ? C’est une reprise d’une chanson de Barry Manilow, l’Alain Chamfort américain des années 70s. (Ne me demandez pas comment il est arrivé que j’ai assisté à un concert de M. Manilow en 1993, mais soyez sages et un de ces quatre, je vous le raconterez.)

Début 1977, il se retrouve à Hollywood, où il est censé avoir fait les chœurs pour l’album de Véronique Sanson de ce nom. Cependant, j’ai écouté quelques pistes et n’arrive pas à entendre une voix masculine. L’expérience l’impressionne suffisamment qu’il y enregistre son propre album cette même année, Rock’n rose, avec les frères Porcaro (plus tard le groupe de légende Toto), et Serge Gainsbourg en tant que parolier. L’album n’est pas un grand succès, mais « Joujou à la casse » montre que les minettes sont en arrière-vue, et pour le meilleur :

Cette collaboration donnera lieu à son plus grand succès, Manureva, le premier single de son prochain album, Poses, aussi enregistré en Californie. Il s’agit d’un navigateur, Alain Colas, disparu avec son voilier, ledit Manureva, et si le style disco semble hors place, il n’y a pas de question sur son statut de tube :

Avec la formule en place, en 1980 Chamfort sort encore un autre album enregistré à LA, avec des paroles de Gainsbourg, Amour Année Zéro. Ça vend 200 000 exemplaires en France, beaucoup moins que Poses, mais toujours un disque d’or. L’album est très électronique, avec des synthétiseurs partout ; bienvenue dans les années 80s. Bambou est le grand tube de l’album, qui voit la fin de la collaboration Chamfort-Gainsbourg :

Les reste des années 80s voient une série d’autres albums du même style, donnant lieu à des coups mineurs — classés entre 30 et 40 à leur meilleur — tels que La fièvre dans le sang et Souris puisque c’est grave.

Les années 90s ne connaissent pas beaucoup de succès pour lui. En 1994, il remporte une Victoire de la musique pour le clip officiel de « L’ennemi dans la glace ». Ce clip n’a que le son, mais on peut entendre que c’est un changement complet du style — pas plus de synthétiseurs, plus lente, des cordes. Il me semble qu’il cherchait à nouveau le son de Barry Manilow !

À la fin du siècle, il perd son contrat avec sa maison de disques. Il y aura un petit rebondissement en 2004 quand il gagnera encore une fois une Victoire pour le clip des Beaux Yeux de Laure, mais la vérité, c’est que depuis ce temps-là, aucun single d’Alain Chamfort n’est classé plus haut que 128 en France. J’arrête ici parce que c’est bien évident que malgré son appel nostalgique, ses contributions du XXIe siècle n’ont pas la même place dans le Panthéon de la chanson française.

Que penser d’Alain Chamfort ? C’est une histoire très curieuse ici — il a échoué assez souvent dans sa carrière qu’il est surprenant qu’il ait fini par recevoir autant d’opportunités pour faire un « come-back » (ne me regardez pas comme ça ; c’est mon dictionnaire bilingue qui rend ce mot). Cependant, pendant un quart de siècle, beaucoup de légendes ont voulu travailler avec lui — Dutronc, François, Gainsbourg, même Lio. C’est un témoignage à son talent, et même si j’ai du mal à identifier un tube que j’aime particulièrement, il est souvent au moins agréable. C’est lui l’exemple parfait de sa note.

Ma note : j’irais au concert si vous avez une place de trop.