Portrait de Molière par Nicolas Mignard

À la boucherie

Après avoir écrit sur notre visite à Harris Ranch, et surtout du fait que le découpage de bœuf à l’américaine n’est pas identique au français, j’ai reçu un courriel d’Anagrys avec une photo tirée d’un livre français sur la boucherie, qui montre très bien les différences. C’était particulièrement intéressant pour moi, parce que depuis le début, j’ai souvent du mal à traduire les noms des morceaux.

Évidemment, le niveau de détail est plutôt différent pour les trois découpages, mais même sans labels pour toutes les parties, c’est facile de voir que les Français coupent la vache beaucoup plus finement que les Britanniques ou les Américains.

Pour référence, voici la liste complète de morceaux de bœuf à l’américaine selon le Cattlemen’s Beef Board. Ce sera important :

©️Cattlemen’s Beef Board, tous droits réservés

Il s’avère qu’avec « l’aide » de certaines fausses références, ainsi que le fait les britanniques ne savent pas parler anglais, et utilisent les mauvais mots pour décrire certains steaks, j’ai fait beaucoup plus d’erreurs en achetant mes morceaux de bœuf pour le blog que je ne le pensais.

L’année dernière, une autre Langue de Molière parlait de l’erreur où je croyais que « faux-filet » voulait dire de la fausse viande végane. Mais ! À l’époque, je vous ai dit que selon mon amie lyonnaise (l’une d’entre elles à ce point, mais celle à qui je pense quand c’est au singulier) m’avait dit qu’il s’agissait du morceau dit « sirloin » en anglais. Cependant, comme beaucoup de Français, elle a appris la langue britannique. Vous aurez remarqué que dans l’image française, le faux-filet vient de la partie de la vache dit « aloyau ». Mon dictionnaire Oxford, écrit par des britanniques, traduit ce mot faussement par « sirloin ». Mais si vous regardez l’affiche américaine, avec les noms en bon anglais, il y a une différence entre « loin » et « sirloin ». Un « sirloin » en anglais est en fait la partie notée comme « bavette d’aloyau ». Le filet en français, dit « filet mignon » en anglais, vient de la même partie que le faux-filet, le « loin », et le bon équivalent est en fait ce que l’on appelle « strip steak ». On voit souvent aux États-Unis « New York strip » ou « New York steak », mais c’est tout la même chose. Alors, chaque fois où j’ai vu « faux-filet », j’ai acheté des « sirloins », ce qui est la bavette d’aloyau, pas le faux-filet.

Si ça vous laisse toujours perplexe, quand on a parlé des « T-bone steaks » venant de Harris Ranch, ce sont des os avec du filet à un côté, et du faux-filet à l’autre côté. Les britanniques diraient que c’est « filet mignon » et « sirloin », et c’est pourquoi je dis qu’ils ne savent pas ce qui veut dire « sirloin » en anglais. (Au cas où vous l’oublieriez, j’en ai marre de leur attitude que je ne parle pas anglais.)

Mais il y a une erreur encore plus gênant. Chaque fois où j’ai dit « paleron » dans ce blog — le bœuf bourguignon, le chili colorado, la soupe VGE — j’ai acheté de la viande du mauvais bout de la vache. Dans les deux premiers cas, c’était ce que l’affiche appelle « round », du rumsteck — mais ça aurait dû être « chuck ». Il y a beaucoup de morceaux sous la rubrique de « chuck », mais il suffit de dire qu’un bon « blade » ou « flat iron » aurait été le bon choix. Pour la soupe VGE, j’ai acheté du filet — la recette telle que je l’ai trouvée sur le site du Guide Michelin a dit paleron, mais j’avais vu d’autres versions en anglais qui disaient filet.

La seule chose que je peux dire que j’ai fait correctement chaque fois, c’est l’entrecôte. Quand je vois entrecôte dans une recette, j’achète toujours ce que l’affiche américaine appelle « ribeye ». Ça vient de la partie dite « rib », et vous pouvez voir que c’est la partie dite « entrecôte » dans le découpage français. « Côte » se traduit par « rib » dans son sens anatomique, alors là, je sais que je fais toujours la bonne chose.

Mais c’est gênant. Je vous donne toujours les bons noms en français, car toutes mes recettes sont tirées de sources françaises ([Le chili colorado vient désormais du Colorado provençal, apparemment. — M. Descarottes]), mais ça fait presque 5 ans de mauvais achats de mon côté !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec le plus grand casse-tête du livre, grâce à une observation de Filimages.

16 réflexions au sujet de « À la boucherie »

  1. Avatar de AnagrysAnagrys

    Justin, c’est pourtant un principe essentiel pour quiconque veut vivre bien et longtemps : en matière de cuisine, il ne faut jamais faire confiance aux Britanniques ! Qu’est-ce qu’ils y connaissent, les bougres, à ce sujet ? « Moi, je fais tout à la bouillante eau, je trouve, ça donne un exquis goût à tout », cette citation tirée d’un manuel sur les relations internationales (Astérix en Corse) résume tout 😇

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      J’ai plus d’affection pour la cuisine britannique que ça ! Surtout quand il s’agit du plat « fish and chips », ou le dessert dit « English trifle ». (Ça fait trois ans que je cherche une bonne recette pour ce dernier pour le blog — toutes les versions en ligne sont pour les paresseux, et aucun resto chez moi ne le sert de nos jours.)

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      1. Avatar de vanadze17vanadze17

        D’accord avec toi Justin ! Le papa de ma correspondante anglaise (devenue mon amie) était boucher. Et je ne peux pas dire que lors de mes différents séjours, j’ai mal mangé, loin de là !

        C’est comme en France, il y a des familles où l’on cuisine, et d’autres, non… .
        Par contre, à l’époque, je ne m’étais pas intéressée aux traductions du vocabulaire de la boucherie !
        Et je n’ai pas oublié les très bons « fish and chips », tourtes aux légumes ou à la viande, gâteaux, ni les petits restos sympathiques !

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      2. Avatar de AnagrysAnagrys

        Très bon souvenirs de mon côté du resto de tourte Galloise où j’ai mangé un de mes premiers repas « professionnels » à Londres — il y avait un stand qui en vendait à la station du tube juste à côté du lieu de travail de mes collègues londoniens.
        Même si, par la suite, la plupart de mes repas locaux ont consisté en plats thaïlandais… accompagnés tout de même d’une pint bien britannique !

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  2. Avatar de scriiiptor (pour scriiipt.com)scriiiptor (pour scriiipt.com)

    En tout cas, merci de relever qu’il ne s’agit pas que d’un souci de traduction, mais aussi de pratique de la découpe, et de la cuisine.
    Quand on transpose ça à toutes le reste, on peut se dire que les différences culturelles sont plus importantes en réalité.
    Mais oui, dans l’idéal c’est quand même mieux de ne pas manger de viande, on évite pas mal de déconvenues.

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  3. Avatar de AnagrysAnagrys

    Un point important que Justin a oublié de préciser : l’image présentant les découpes du bœuf à la française est une photo du livre « Le manuel du garçon boucher », d’Arthur Le Caisne, publié aux éditions Marabout. Il est fort probable qu’il s’agisse d’une illustration de Jean Grosson, vu qu’il est l’illustrateur du livre en question. Un livre que m’a offert mon père il y a quelques années, qui est à mon avis un de ses cadeaux les plus utiles au quotidien, qui n’incite pas à consommer plus de viande, mais surtout à savoir ce qu’on achète, savoir ce qu’on cuisine et savoir comment on le cuisine. Clairement : je ne peux que le recommander à quiconque s’intéresse un minimum au sujet.
    Notez que si vous avez un bon boucher sous la main, il devrait aussi savoir vous conseiller correctement sur le sujet.

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    1. Avatar de Justin BuschJustin Busch Auteur de l’article

      L’idée qu’un boucher près de chez moi saurait quelque chose sur son métier est l’un des propos les plus drôles que j’aie entendus ! Tout arrive au supermarché déjà emballé en plastique sauf pour certains trucs qui vont dans une vitrine. Ils coupent les steaks derrière la vitrine sur demande, mais ils ne savent pas plus que ça !

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      1. Avatar de vanadze17vanadze17

        Je pense que c’est à peu près la même chose ici, dans les grandes surfaces. On peut voir ça quand on regarde le contenu des barquettes…!
        Pour avoir de la très bonne viande bien coupée, il faut avoir un boucher professionnel, qui a « pignon sur rue ».

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      2. Avatar de AnagrysAnagrys

        Je confirme, c’est exactement pareil ici : on a les découpeurs dans les supermarchés, mais nous avons quand-même encore de vrais bouchers, à qui vous pouvez demander un morceau précis, et qui sauront où le trouver sur la carcasse. Carcasse dont certains vont jusqu’à savoir de quel éleveur elle vient, mais je pense que ceux-là sont plutôt dans les petites villes.

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  4. Avatar de FilimagesFilimages

    Je ne pensais pas qu’une vache était si compliquée. Une fois découpée, ça doit être très difficile de la remonter à l’identique ! 😀

    Saperlipopette ! Quelle observation j’ai faite pour t’inspirer le plus grand casse-tête de ton livre ?

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