Il y a trop de fois ici où je dis « un de ces quatre, il me faudra vous parler de… », puis je laisse tomber pour telle ou telle raison. Je le regrette chaque fois, car ce n’est jamais mon intention. Mais hier, deux choses sont arrivés presqu’en même temps qui m’ont rappelé une histoire — pas la mienne — que je voulais partager.

La première chose, c’était que j’ai lu ce post d’Il Est Quelle Heure. « Mais Justin », vous me dites, « ça date d’aujourd’hui ! » C’est ça la magie des fuseaux horaires, les amis. Je dis souvent : « Votre passé est mon avenir », et en général, il s’agit de mes intérêts pour le ciné ou l’histoire. Mais parfois, ça veut juste dire que j’ai 9 heures de retard sur la France.
De toute façon, elle a écrit : « C’est marrant car on m’a souvent dit que je n’avais pas de chance (parce que j’ai un syndrome). Moi, je ne trouve pas. » Je préfère la laisser parler pour elle-même, et comme j’ai écrit dans mon livre à venir : « J’hésite parfois à aborder certains sujets que je considère sérieux, parce que je n’ai aucune envie d’inviter des comparaisons entre la souffrance d’une personne et d’une autre. » Mais ça nous amène à l’autre chose.
Je fouillais dans mes archives pour autre chose quand je suis tombé sur ma critique du dernier album d’Indochine. Et là, j’avais écrit : « C’est quand même meilleur que le dernier album de Rush (un de ces quatre, on en parlera, mais pas bientôt). » On n’en a jamais parlé. Mais après, je crois que vous serez d’accord qu’il y a des niveaux d’enfer que personne ne mérite.
D’abord, parlons très brièvement de l’histoire de Rush. C’était toujours un trio : le chanteur et bassiste, Geddy Lee ; le guitariste, Alex Lifeson ; et le batteur, Neil Peart. Pendant les 40 ans du groupe, M. Peart était le seul membre à ne pas être là dès le départ, ayant remplacé le premier batteur après leur premier album, en 1974. (Je note que ce monsieur a dû quitter le groupe à cause de complications du diabète. Ça me hante.)
Quand j’ai découvert Rush au lycée, et vous n’allez jamais me croire, ce qui m’a attiré était l’optimisme de leur musique. Ben, pas toujours. Si on écoute la chanson « Circumstances« , ils chantent « Plus ça change, plus c’est la même chose. » Au-delà ça, il faut apprendre l’anglais pour les comprendre. Mais je vous rassure qu’il n’y a aucun album plus optimiste que Signals, et Moving Pictures (les deux des années 80) n’était pas loin en arrière (liens en français).
Cependant, en août 1997, juste après la fin de leur tour pour l’album Test for Echo, la fille unique de Neil Peart est morte dans un accident de voiture. Et 10 mois plus tard, sa femme de 22 ans est morte d’un cancer. En 1999, Rush a sorti un album d’enregistrements de leurs concerts, Different Stages, et tout le monde, dont moi, croyait que c’était la fin de leur carrière, car Neil ne voulait plus rien faire. Et croyez-moi, personne ne lui en a voulu après deux telles tragédies.
Mais il s’est remarié fin 2000 et en 2002, Rush est revenu avec un nouvel album, Vapor Trails. J’avais un avis mitigé de Test for Echo, mais ceci était l’un de leurs meilleurs, et très clairement inspiré des angoisses de Neil. Toutes les paroles (écrites par lui) traitaient de pertes et de survivre. Tous les fans ont compris d’où venaient ces sentiments. Cependant, leur prochain album original, sorti en 2007, Snakes & Arrows, était très sombre. Puis, il y avait le dernier et leur retraite.
Ce dernier album, Clockwork Angels, est une trahison de tout ce que j’estimais chez le groupe. C’est amer et pessimiste à souhait. Naturellement, les critiques qui avaient méprisé Rush tout au fil de sa carrière l’ont adoré. Je n’ai jamais fini de l’écouter. D’abord, c’était parce que j’étais déçu. En 2020, juste avant le Covid, j’ai appris la vérité en même temps que le reste du monde. Et après ça, je ne peux plus jamais m’en prendre à eux, mais c’est une autre raison pour ne pas l’écouter.
Clockwork Angels est sorti en 2012. Le groupe a pris sa retraite en 2015 à cause de la santé défaillante de Neil, qui est mort d’un cancer du cerveau en janvier 2020. Pour être clair, il n’était pas atteint du cancer en écrivant l’album. Mais comme Phil Collins, il était déjà en train de perdre la capacité de jouer. Neil a dit à une journaliste québécoise que c’était en fait son cerveau la raison pour sa retraite, un fait caché jusqu’à sa mort.
La vérité, et je n’aurais jamais cru que ça arriverait, c’est que depuis 2020, je n’écoute guère Rush. En partie, c’est parce que j’ai mis toute ma vie d’anglophone derrière moi, un choix fait exprès. Mais l’autre raison, c’est qu’il m’attriste trop de savoir qu’une personne puisse souffrir autant de malchance, et qu’il essayait quand même de faire quelque chose pour ses fans, jusqu’au moment où il ne le peut plus.


















