Archives mensuelles : septembre 2025

La malchance

Il y a trop de fois ici où je dis « un de ces quatre, il me faudra vous parler de… », puis je laisse tomber pour telle ou telle raison. Je le regrette chaque fois, car ce n’est jamais mon intention. Mais hier, deux choses sont arrivés presqu’en même temps qui m’ont rappelé une histoire — pas la mienne — que je voulais partager.

C'est une couverture avec des nuages rouge et noir. Au premier plan, il y a 12 symboles abstraits en forme d'un cadran d'horloge, ainsi que deux aiguilles qui montrent 9:12, une heure avec une signification pour les fans.
Couverture de l’album Clockwork Angels, Dessin par Hugh Syme, ©️Rush

La première chose, c’était que j’ai lu ce post d’Il Est Quelle Heure. « Mais Justin », vous me dites, « ça date d’aujourd’hui ! » C’est ça la magie des fuseaux horaires, les amis. Je dis souvent : « Votre passé est mon avenir », et en général, il s’agit de mes intérêts pour le ciné ou l’histoire. Mais parfois, ça veut juste dire que j’ai 9 heures de retard sur la France.

De toute façon, elle a écrit : « C’est marrant car on m’a souvent dit que je n’avais pas de chance (parce que j’ai un syndrome). Moi, je ne trouve pas. » Je préfère la laisser parler pour elle-même, et comme j’ai écrit dans mon livre à venir : « J’hésite parfois à aborder certains sujets que je considère sérieux, parce que je n’ai aucune envie d’inviter des comparaisons entre la souffrance d’une personne et d’une autre. » Mais ça nous amène à l’autre chose.

Je fouillais dans mes archives pour autre chose quand je suis tombé sur ma critique du dernier album d’Indochine. Et là, j’avais écrit : « C’est quand même meilleur que le dernier album de Rush (un de ces quatre, on en parlera, mais pas bientôt). » On n’en a jamais parlé. Mais après, je crois que vous serez d’accord qu’il y a des niveaux d’enfer que personne ne mérite.

D’abord, parlons très brièvement de l’histoire de Rush. C’était toujours un trio : le chanteur et bassiste, Geddy Lee ; le guitariste, Alex Lifeson ; et le batteur, Neil Peart. Pendant les 40 ans du groupe, M. Peart était le seul membre à ne pas être là dès le départ, ayant remplacé le premier batteur après leur premier album, en 1974. (Je note que ce monsieur a dû quitter le groupe à cause de complications du diabète. Ça me hante.)

Quand j’ai découvert Rush au lycée, et vous n’allez jamais me croire, ce qui m’a attiré était l’optimisme de leur musique. Ben, pas toujours. Si on écoute la chanson « Circumstances« , ils chantent « Plus ça change, plus c’est la même chose. » Au-delà ça, il faut apprendre l’anglais pour les comprendre. Mais je vous rassure qu’il n’y a aucun album plus optimiste que Signals, et Moving Pictures (les deux des années 80) n’était pas loin en arrière (liens en français).

Cependant, en août 1997, juste après la fin de leur tour pour l’album Test for Echo, la fille unique de Neil Peart est morte dans un accident de voiture. Et 10 mois plus tard, sa femme de 22 ans est morte d’un cancer. En 1999, Rush a sorti un album d’enregistrements de leurs concerts, Different Stages, et tout le monde, dont moi, croyait que c’était la fin de leur carrière, car Neil ne voulait plus rien faire. Et croyez-moi, personne ne lui en a voulu après deux telles tragédies.

Mais il s’est remarié fin 2000 et en 2002, Rush est revenu avec un nouvel album, Vapor Trails. J’avais un avis mitigé de Test for Echo, mais ceci était l’un de leurs meilleurs, et très clairement inspiré des angoisses de Neil. Toutes les paroles (écrites par lui) traitaient de pertes et de survivre. Tous les fans ont compris d’où venaient ces sentiments. Cependant, leur prochain album original, sorti en 2007, Snakes & Arrows, était très sombre. Puis, il y avait le dernier et leur retraite.

Ce dernier album, Clockwork Angels, est une trahison de tout ce que j’estimais chez le groupe. C’est amer et pessimiste à souhait. Naturellement, les critiques qui avaient méprisé Rush tout au fil de sa carrière l’ont adoré. Je n’ai jamais fini de l’écouter. D’abord, c’était parce que j’étais déçu. En 2020, juste avant le Covid, j’ai appris la vérité en même temps que le reste du monde. Et après ça, je ne peux plus jamais m’en prendre à eux, mais c’est une autre raison pour ne pas l’écouter.

Clockwork Angels est sorti en 2012. Le groupe a pris sa retraite en 2015 à cause de la santé défaillante de Neil, qui est mort d’un cancer du cerveau en janvier 2020. Pour être clair, il n’était pas atteint du cancer en écrivant l’album. Mais comme Phil Collins, il était déjà en train de perdre la capacité de jouer. Neil a dit à une journaliste québécoise que c’était en fait son cerveau la raison pour sa retraite, un fait caché jusqu’à sa mort.

La vérité, et je n’aurais jamais cru que ça arriverait, c’est que depuis 2020, je n’écoute guère Rush. En partie, c’est parce que j’ai mis toute ma vie d’anglophone derrière moi, un choix fait exprès. Mais l’autre raison, c’est qu’il m’attriste trop de savoir qu’une personne puisse souffrir autant de malchance, et qu’il essayait quand même de faire quelque chose pour ses fans, jusqu’au moment où il ne le peut plus.

Saison 4, Épisode 27 — Shrek chez Axis Chemicals

J’ai reçu une publicité sur Facebook cette semaine qui va vous faire rire :

BoldVoice: Accent Training
Sponsorisée 
Speak English so clearly, people forget it's your second language. BoldVoice makes it possible.

Vous pouvez voir que ça dit « Sponsorisée », car mon appli est en français, même si la pub est en anglais. Ça dit : « BoldVoice entraînement à l’accent : Parlez anglais si clairement, les gens oublient que c’est ta deuxième langue. BoldVoice le rend possible. » Il y avait une vidéo avec une brésilienne au-dessous. Je dois vous dire que je n’ai pas eu de difficulté de reconnaître qu’elle avait un accent. Mais ça va bien avec les autres pubs que je reçois de temps en temps : l’assurance médicale pour les expatriés ou m’enregistrer pour voter pour les députés de l’étranger.

C’est rassurant de savoir que les IA sont loin d’être assez capable pour jouer à Terminator, ou comme on disait au Québec, Terminateur. (Je ne plaisante pas, mais ils ont abandonné à partir du deuxième film.) Cependant, c’est aussi vrai : ma première langue est en fait le martien.

Je suis plus qu’un peu fâché contre plusieurs de mes fournisseurs de services Internet. WordPress ainsi que Network Solutions (qui je paye pour un autre domaine) m’ont facturé cette semaine pour des services qui ne renouvellent que fin octobre et début novembre. Désolé, mais si j’ai payé 12 mois, je m’attendais à recevoir 12 mois avant de payer encore une fois. Je viens de désactiver les fonctions de renouvellement automatique, car les deux se sont servis de façon inacceptable. Ce n’est pas drôle.

Je crois que mon fournisseur de domaine .fr, Marcaria, profite trop de moi, car d’autres services annoncent des prix beaucoup moins chers pour enregistrer un domaine — mais chaque fois, sans citer les frais d’agence. N’oubliez pas que je dois payer un agent basé en France pour enregistrer le domaine à mon compte. Cependant, une fois abonné avec un agent, je ne peux pas transférer le domaine à un autre agent. Alors, Marcaria peut me prendre pour une piñata.

J’ai raté ma recherche de Bonnes Nouvelles, mais j’ai trouvé deux pépites pour partager. D’abord, un homme a été retrouvé mort dans les toilettes d’un KFC à Dunkerque il y a une semaine, 30 heures après son repas là. Moi, je croyais que la nourriture chez eux faisait son travail beaucoup plus rapidement que ça. En plus, pourquoi est-ce qu’il fallait plus d’un jour pour la famille de remarquer son absence ? En même temps, personne n’est entré dans les toilettes pendant plus d’un jour ? Quelque chose ne va pas.

L’autre, c’est qu’au cas où vous croiriez que les décisions administratives françaises peuvent être capricieuses, soyez reconnaissant de ne pas vivre dans le Kentucky. Là, deux auxiliaires médicaux seront remis en cause cette semaine pour avoir donné une antivenin à un homme mordu par un serpent. Pourquoi ? Parce qu’ils n’avaient pas reçu une formation en antivenins, alors selon un membre du comité qui gère les auxiliaires, il valait mieux pour eux de ne rien faire (lien en anglais), même si le patient mourait. Je n’arrive même pas à imaginer être le patient et lire une telle chose.

Je commence à planifier quelque chose auquel je m’attends depuis une décennie entière. Une fois déménagé, je vais inviter certains couples qui m’ont accueilli chez eux pendant des soirées de l’OCA à dîner chez moi. La dernière fois où j’ai fait ça a été en 2015. Personne ne l’a rendu, alors j’ai décidé plus jamais avec les Américains. Le temps que j’aie rencontré des Français, la moquette ici avait plus d’une décennie et était trop gênante. Mais je ne pouvais pas la remplacer sauf en déménageant. Ce qui arrivera bientôt. Uniquement des couples, cependant, parce qu’avec ma chance, les célibataires imagineraient que j’essaye quelque chose. Je ne suis vraiment pas assez machiavélique pour ça ! Mais pour une fois, il sera pour des gens qui l’apprécient. (S’il y a un côté machiavélique, c’est seulement que je ne m’en plaindrai pas s’ils pensent « Dites-donc, on connaît quelqu’un qui aimerait avoir un tel cuisinier à la maison ». Mais personne n’a eu cette pensée après deux ans de desserts ; je ne m’attends à rien.)

Notre blague traite d’un vol chez British Airways. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Laurent Gerra et Justining. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles cette semaine.

Sur le blog, il y a aussi Mise à autrefois, mes plaintes sur iOS 26, Ici et là, des nouvelles personnelles, Monsieur Aznavour, sur le film nommé et Bête noire, ma plainte sur comment on coupe les desserts.

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Bête noire

Il n’y a pas de Dimanche avec Marcel car j’ai trop mal à la poitrine, et je ne peux pas me pencher sur un livre. Ne vous inquiétez pas, je n’ignore pas une crise cardiaque ; c’est juste que j’ai fouetté trop de choses à la main pendant deux jours de suite, et ça fait des élongations des muscles dans la poitrine, exactement comme le gâteau d’anniversaire que j’ai fait en 2024. On me demande souvent pourquoi je ne gagne pas ma vie en pâtisserie ; c’est parce que ça fait mal partout. (Aussi parce que les lois californiennes sont impossibles à naviguer, mais quand même.) Cependant, il faut que l’on parle, et chaque fois où je dis ça, j’ai des plaintes.

D’abord, voici le gâteau Napolitain que j’ai apporté à une soirée de belote hier. Pas comme la tarte aux noix de pécans de la veille, c’est sans fautes. Ceux qui veulent la recette peuvent attendre mon livre. Ou lire mon dîner pour la Loire-Atlantique.

Gâteau Napolitain carré, 15 cm par 15 cm, vu d'en haut

Nan, mais regardez-le de près. Sans. Fautes.

Vue du même gâteau Napolitain, du côté. On voit clairement les trois couches de gâteau -- deux vanille, un chocolat -- les couches de ganache au chocolat, le fondant blanc et les vermicelles au chocolat.

Je fais ce gâteau dans un moule de 18 cm par 18 cm, mais une fois que les bords sont coupés, ça fait 15 cm le côté. À mon avis, si je servais ce gâteau à des Américains, ça ferait 4-6 parts.

Pour un groupe de Français, je dirais 9 parts, peut-être 12 au maximum. Et c’est ici où j’ai mes plaintes. Selon vous, combien de parts ont été coupées par la hôtesse ? Comme disait Galvatron juste avant de tuer Starscream, voici un indice :

Cette photo, c’est les restes avec lesquels je suis rentré. Il y avait 16 parts au total, et 12 invités, dont moi — et j’ai pris deux parts ! Mais laissez tomber : ce qui me préoccupe n’est même pas l’accueil mitigé. C’est plutôt ce qui arrive à chaque fois où l’un de mes desserts rencontre un Français armé d’un couteau.

J’accepte que le Français lambda mange moins que son homologue américain. Et en général, c’est une habitude saine — c’est pourquoi vous avez de plus petits tours de taille. Pas tous, mais on parle de tendances. Cependant, c’est aussi le cas que ces choses ont une structure interne, et que quand on les tranche trop fin, les pâtisseries s’écroulent. Dans cette photo, ce n’est pas le cas, mais avec mes deux dernières tartes, absolument. Je n’aime pas voir mon travail rendu en miettes.

Mais encore plus que cette plainte, je ne comprends pas l’obsession de tout couper dès le départ. L’habitude américain, quand tout le monde apporte quelque chose, c’est de laisser chacun se servir. Si on veut plus ou moins que les autres, c’est pas grand-chose — on coupe ce que l’on veut. Ben, personne ne veut en prendre trop, je le comprends. Mais pourquoi on devrait avoir des avis sur combien de parts resteront à la fin de la soirée, ça je ne comprends pas du tout. Il reste la moitié du gâteau dans ce cas ; à mon avis, ça fait 3 parts, pas 8 !

C’est un sujet sensible, parce que même si nous sommes aux États-Unis, tout le monde s’attend à nous nous comportions comme si nous étions en France. Je l’accepte, et je suis bien au courant que si je déménage, il me faudra accepter les mœurs de mes voisins.

Sauf pour une chose : je vois ce qui est vendu sous le nom de « gâteau individuel » chez Pierre Hermé. Ou Lenôtre. Ou Claire Heitzler. Et je ne suis pas complètement convaincu que vous coupez ces choses en 3 ou en 4. Peut-être que je me trompe. Mais c’est pourquoi je pose la question !

Monsieur Aznavour

Des heures plus tard, j’ai toujours des larmes aux yeux. Avant que je vous parle de Monsieur Aznavour, je dois simplement vous dire que ce film est un triomphe, qu’il faut laisser tout tomber et le voir le plus vite possible à tout prix. Je ne savais pas à quoi s’attendre, et il a fini par être l’une de choses où je me suis dit : « Si c’est tout ce que j’ai à cause du français, il valait la peine. »

Extrait de l'affiche : le nom de Tahar Rahim en tête, le titre, et un dessin de M. Aznavour en noir et blanc, le dos tourné.

Alors, rembobinons 12 heures en arrière, hein ? Je vous ai dit que j’allais revenir ce soir aux soirées ciné, et cette fois, nous avons eu un dîner ensemble, genre « potluck », comme on dit chez moi, où tout le monde apporte ce qu’il veut. (Je ne sais jamais quoi dire pour ça.) J’ai fait une tarte aux noix de pécans, étant en mode « finissez les ingrédients dans votre cuisine, vous ». Je suis déçu de la croûte, mais l’appareil reste parfait comme toujours avec cette recette :

Tarte aux noix de pécan -- les bords sont rétrécis et cassés.

Pour une fois, vous allez voir ce que les autres ont apporté. Je ne suis pas sûr de quel est tout ça, surtout le truc marron et ronde. Je ne l’ai pas fini, mais le reste, oui :

Assiette avec un bout de la tarte, une tranche de baguette, un sushi au saumon, et d'autres trucs que je ne peux pas nommer.

Je suis toujours un peu contrarié : le temps que le film commence, la moitié de ma tarte restait. Cependant, on a emballé cette moitié pas-mangée pour apporter chez eux après le film. Désolé, mais pour autant que je heureux de partager, si les autres ne la veulent pas, les restes sont à moi. C’est pareil pour les autres ! Au moins, la personne en question aurait pu me demander avant de faire ça. C’était du travail.

De tout façon, le film. Il faut que je sois bien clair : je ne connais guère la vie de Charles Aznavour, juste certaines chansons. Je viens de me rendre compte que j’étais censé écrire « Je découvre Charles Aznavour » après la représentation de Julien Clerc pour le Projet 30 Ans de Taratata, car il avait chanté « For Me Formidable ». Oups. Je réglerai l’erreur. Mais sans ça, je suis très mal placé à vous dire si le film prend trop de libertés. Cependant, je crois que non. Pourquoi ?

Très peu d’entre vous étaient ici quand je suis allé voir Elvis avec ce même groupe, mon deuxième film avec eux. Ce film-là était une hagiographie : si Elvis revendait des drogues, le film nous aurait dit que les drogues sont bonnes pour la santé. Ce film ne l’est pas. Charles Aznavour avait 5 enfants par 3 femmes différentes et ce fait est évoqué sans rien cacher. D’autres relations sont traitées de façon peu flatteuse envers lui, et ça malgré — à cause de ? — le fait que sa famille était impliquée dans la production du film. Je sais qu’Aznavour lui-même a approuvé une première version du scénario ; ça parle bien de lui.

Le film suit une structure de plusieurs chapitres, nommés d’après ses plus grands tubes, dont les titres apparaissent à l’écran écrits dans un petit cahier rouge. Il aimait apparemment ces cahiers : tout au fil du film, il écrit sans cesse dans un cahier après un autre, et vers la fin, on voit une bibliothèque énorme chez lui, remplie de rien que ces cahiers. J’imagine que c’est un détail tiré de la réalité.

Dans le premier chapitre, on voit sa vie d’enfant pendant les années 30. Ses parents font partie d’une communauté d’immigrés arméniens, et gèrent une boutique ensemble — qui ferme définitivement car son père n’est pas bon en affaires et dépense trop. Le jeune Charles et sa sœur gagnent un peu d’argent en chantant dans des spectacles de variétés. On voit vite que cette enfance établit certaines habitudes pour la vie : il se soucie sans cesse de l’argent, mais est généreux envers les autres, tellement comme son père. Il y a une question qui revient encore et encore quand on entend son nom de famille, Aznavourian, ou comme on dit en arménien, Ազնավուրյան : êtes-vous juif ? On est dans les années 30 ; ça aura des conséquences graves.

Quand les Voisins mettent Paris sous occupation, ils veulent bien savoir s’ils sont juifs. Ils répondent que non, arméniens, ce qui met les Allemands encore plus en colère car selon une affiche, ils cherchent un certain Missak Manouchian. Oups. Les Aznavour réussissent à se cacher quand le Gestapo vient chercher leur appartement, mais c’est un moment effrayant. La scène de la Libération, avec des chars américains qui roulent dans les rues alors que tout le monde tiennent des drapeaux français, était émouvante à souhait et valait le visionnage elle seule. Ouais, je pleurais.

Charles et son ami, le pianiste Pierre Roche, forment un duo musical et attrapent l’œil d’une certaine Édith Piaf. Mme Piaf sera une influence importante, mais joue aussi une rôle nuisible — elle convainc Charles de jouer à Montréal, ce qui lui gagne du succès, mais est aussi impliquée dans la séparation de Charles et Pierre et, pour des raisons professionnelles, l’échec de son premier mariage. Elle est un peu la méchante du film, l’inspirant à mettre sa carrière devant tout autre chose, et je ne sais pas à quel point ce traitement est juste. Le traitement de Pierre est particulièrement sympa : la famille n’a pris aucune opportunité de le blâmer ou régler des comptes. Je suis énormément admiratif de cette partie.

Charles se consacre à son travail à Paris, toujours hanté par certaines questions sur ses origines. Le succès vient et part, et il entame plusieurs relations avec d’autres femmes, en essayant d’être père pour Patrick, le fils qu’il ne savait pas était le sien pendant une décennie. Il ne doute jamais qu’il réussira, mais il y a des moments où son arrivée semble moins qu’évident.

Le film se concentre principalement sur sa vie jusqu’à la mort de Patrick ; les dernières 3 décennies passent vite. Mais vers la fin, il dit quelque chose qui explique sa vie, son obsession, mieux que tout : « Si j’arrête, je meurs. » Soit lui soit sa famille ont dû approuver ça ; on a carrément reconnu que ses qualités et ses défauts venaient de la même source.

C’est pour ça que je recommande si fortement ce film. Monsieur Aznavour est une biographie qui essaye de traiter justement de tous les côtés de sa vie. La distribution est excellent, surtout les acteurs qui jouent Aznavour, Roche et Piaf, et la photographie est à la hauteur des interprétations. Je n’ai que de bonnes choses à dire sur Monsieur Aznavour.

Shrekking

Rien ne me plaît autant que quand les francophones adoptent des anglicismes, puisque je peux les comprendre sans faire des efforts. Ha, non, évidemment personne ne me croit. Mais hier, Facebook m’a infligé un article de Doctissimo — et j’ai hâte d’ajouter que je ne suis pas cette page, mais Facebook préfère me montrer tout sauf les contenus de mes amis — et malheureusement, je l’ai compris rien qu’en lisant le gros titre. Il s’avère que le pire mot anglais de l’année est arrivé en France, ce qui en fait un sujet pour ce blog.

Ben, c’est aussi une excuse pour râler sur ma plus grosse bête noire. Je suis rien d’autre que prévisible.

Alors, connaissez-vous la série de films « Shrek » ? C’est un ogre laid qui sauve une princesse à un dragon, puis il s’avère que la princesse souffre d’une malediction qui la transforme en ogresse la nuit. Après des aventures pour faire une film assez long, les deux finissent par embrasser, ce qui la transforme définitivement en ogresse, car elle est amoureuse d’un ogre. Il y a d’autres films, mais jamais vu de mon côté, et pas importants pour notre sujet non plus.

Ballon de Shrek au défilé de Thanksgiving, Photo par joiseyshowaa, CC BY-SA 2.0

Avec ces infos, si je vous disais que « shrekking » implique la vie sentimentale, de quoi s’agirait-il selon vous ? Pas besoin d’y réfléchir ; je vous donnerai la signification selon Doctissimo :

choisir volontairement un partenaire perçu comme « inférieur » (notamment physiquement) pour garder le dessus. L’espoir ? Que ce partenaire mesure sa chance d’être tombé sur la perle rare (vous !), et se révèle investi, fidèle et respectueux.

Le « shrekking », cette idée (toxique) de sortir avec moins bien que soi, pour ne pas souffrir

Comme toute idée toxique de nos jours, celle-ci vient de TikTok — toutes les sources que j’ai vues en anglais sont d’accord avec Doctissimo sur ça ; je ne chercherai pas d’exemples.

La première chose à remarquer, c’est que les génies d’Internet ont bel et bien raté la signification du conte original : la princesse se révèle enfin être exactement au niveau de l’ogre. C’est juste que l’ogre n’est pas aussi mauvais que la réputation de son espèce. Mais laissez tomber, car c’est aussi évident que personne ne se croit un ogre.

Je crois que j’enfonce une porte ouverte si je dis que ça doit être l’idée la plus condescendante que j’ai jamais entendue. Mais j’ai remarqué quelque chose d’autre très intéressant en lisant l’article de Doctissimo, par rapport aux articles que j’ai lus plus tôt en anglais. Ça me semble une différence culturelle ; où les anglophones cherchent à dénoncer cette tendance car c’est censé une mauvaise idée pour la personne « supérieure », l’article en français traite des mauvaise conséquences pour celui que joue dans la peau de l’ogre. Je me demandais si c’était juste par hasard, alors j’en ai recherché d’autres en français :

Le partenaire peut sentir qu’il est un second choix, ce qui touche à la confiance et à l’estime de soi.

Sudinfo (Belgique)

Pour autant, le shrekking est aussi une tendance malhonnête et malsaine dans la mesure où elle érode la confiance et l’estime de soi de l’autre. 

TF1

Si ce phénomène peut paraître cruel pour la personne qui en est victime, il s’agit surtout d’un mécanisme de protection, selon l’experte.

Femme Actuelle

C’est quoi, cette idée de se soucier de l’autre personne, et non seulement de soi-même ? Encore une fois, je me sens passé à l’autre côté du miroir, sens Lewis Carroll. Il faut, cependant, noter que les trois citent tous les mêmes psychologues comme sources, même si les articles sont rédigés par des journalistes différents. J’imagine qu’être pressé de copier ce qui est déjà paru ailleurs n’aide pas à produire des contenus originaux.

Mais j’ai appris quelque chose d’aussi nul en faisant ces recherches. Aux États-Unis, on croit tous que le français est la langue d’amour. Pourtant :

Vous êtes familiers du breadcrumbing, du love bombing, du ghosting ?

TF1

Entre les “situationships”, le “snowmancing”, ou encore le “ghostlighting”, il existe des dizaines de termes obscurs…

Femme Actuelle

Je ne connais que la moitié de ces mots qui se terminent par « -ing ». Mais vous avez outsourcé cette tâche à qui ? À mes compatriotes. Ayez honte. Non, plus honte. C’est gênant, ça. Ce blog est intitulé d’après l’idée que les Français ont les meilleurs mots pour ce sujet !

Ici et là

J’ai des nouvelles, personnelle et autrement, alors c’est le bon moment pour un autre Ici et là.

D’abord, je vous offre une nouvelle ressource sur le blog. Maintenant, toutes les dates dans la page des Blagues de la Semaine sont des liens d’ancrage — vous pouvez lier à n’importe quelle blague directement :

Capture d’écran

J’ai dû faire tout ça à la main, mais ce n’était vraiment pas compliqué — c’est juste que l’éditeur de blocs de WordPress n’affiche pas les codes nécessaires. Si vous voulez un tutoriel, dites-le-moi dans les commentaires, et j’en écrirai un.

J’ai reçu la première bonne nouvelle depuis des années de la part du propriétaire de mon immeuble. Je ne sais pas comment les choses marchent en France, mais quand on quitte un appartement chez moi, il y a habituellement une inspection suivi d’une facture pour certaines réparations. C’est souvent le cas qu’il faut payer pour la moquette, les trous dans les murs si vous avez accroché des tableaux, etc. Cependant, en général les propriétaires ne peuvent pas vous facturer pour des choses qui sont simplement vieilles, seulement pour les vrais dégâts.

Dans mon cas, j’y habite depuis 15 ans. Il y a 3 ans, le propriétaire a annoncé un renouvellement du bâtiment, mais on le fait progressivement — quand un locataire quitte son appartement, ils font les travaux. Je m’attendais à ce qu’ils essaient de me faire tout payer — peu importe si la moquette a 15 ans, c’est la dernière opportunité de me prendre pour une tirelire. Mais en fait, après avoir reçu mon rejet du nouveau contrat, ils m’ont dit que je ne serai pas responsable d’aucune facture, et pas besoin d’inspection non plus. Tant mieux — j’allais les poursuivre pour toute facture.

Et pourquoi est-ce que je ferais une telle chose ? Parce qu’ils ont rompu le contrat de nombreuses façons. La climatisation utilise un filtre, dont il faudrait le remplacer 4 fois par an. Anciennement, ils le remplaçaient seulement 1 fois par an. Mais la dernière fois où ils l’ont remplacé a eu lieu en 2019 — avec le Covid, ils ont arrêté. Même chose pour le filtre pour l’eau dans le frigo. Et les ampoules spécialisées dans les salles de bain et la cuisine. Et ma climatisation arrête de marcher tous les 4 mois, mais l’équipe d’entretien refuse de la régler correctement jusqu’à ce que je parte. Ça n’épuise pas ma liste de plaintes, mais vous ne les croiriez pas toutes. Sérieusement.

Je ne le crois pas complètement, mais je continue à soumettre mon manuscrit à d’autres maisons d’édition, dont une ce soir. Il y a maintenant 8 dates limites dans mon calendrier pour perdre espoir selon les délais promis par chacune. Si on l’accepte, ça me rendra « expert », et je pourrai partager mes lettres de soumission comme si je sais ce que je fais. Sinon, je serai con — encore plus — et il faudra que je me taise. Ce que je peux vous dire pour l’instant, c’est que dans chaque cas, je fais des recherches détaillées dans le catalogue de la maison pour donner 2 ou 3 exemples qui prouvent que mon livre rentre dans leur ligne éditoriale.

Quelque chose de nul est arrivé cette semaine, mais je n’ai pas décidé si je devrais en parler. Probablement pas. Il s’agit d’une rupture définitive avec d’autres personnes. Mais sachez que je suis de très mauvaise humeur, et ce sont — comme souvent ! — uniquement mes activités françaises qui me permettent de rester sain d’esprit.

Ça fait longtemps depuis mon dernier film français. Vendredi, il y en aura enfin le prochain. Il faut que je prépare un dessert pour le groupe, ainsi qu’un autre pour une soirée de belote samedi. Après ça, les outilles vont tous dans des boites pour le déménagement, je crois. Je serai ravi une fois que 2025 sera derrière moi !

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Rendez-vous chez Axis Chemicals

J’imagine que s’il y a un film que tout le monde aime, ça doit certainement être Batman. Le vrai, de 1989 et signé Tim Burton, avec Jack Nicholson dans le rôle du meilleur Joker de tous les temps. (Le début du Chevalier noir est certainement à la hauteur, mais après, c’est de l’horreur.) Et si vous vous souvenez de l’histoire, comme dans plusieurs versions, tout commence quand le criminel qui deviendra le Joker tombe dans une cuve d’acide dans l’usine chimique Axis Chemicals (parfois Ace, c’est-à-dire As — hyper-subtil, ça).

Mais j’ai récemment eu une sacrée claque sur la tête en lisant la page Wikipédia de mon coup de cœur du mois, Anne-Sophie Lapix. En France, le Joker est une femme ?

À la rentrée de septembre 2006, Anne-Sophie Lapix devient le joker de Claire Chazal à la présentation des journaux télévisés du week-end de TF1 (succédant à Laurence Ferrari).

Anne-Sophie Lapix, Wikipédia

À moins que Claire Chazal, inconnue pour moi, soit Batman, ou plus probablement, Batwoman, il ne s’agit pas d’un méchant des bandes-dessinées. Alors je devais en savoir plus sur quel est ce joker. Mais cette tâche m’a mené quelque part d’inattendu !

Mon dictionnaire Oxford donne 4 sensen allant du français à l’anglais :

Capture d'écran des 4 sens du mot joker en français : la carte, l'atout du tarot, le sportif, et l'informatique.

D’abord, il y a la carte dans un jeu de cartes, d’où le méchant de Batman tire son nom. Puis, il y a ce que l’on dit en anglais une « trump card », l’expression habituellement utilisée pour traduire les atouts du tarot et de la belote. Troisièmement, il y a un sens tout inconnu pour moi pour ce mot en anglais, un remplaçant qui peut jouer n’importe où dans un sport d’équipe. En anglais américain, on dirait plutôt « utility player », un joueur polyvalent, pour ça. Peut-être que vous l’avez emprunté aux britanniques dans ce sens ; je ne sais pas. Dernièrement, il y a un sens informatique, pour un caractère qui veut être utilisé pour signifier n’importe quel caractère. À moins que vous aviez l’habitude d’utiliser l’interface de ligne de commande sur votre ordinateur, il est peu probable que vous le connaissiez. J’explique.

Si on veut savoir quels sont les fichiers dans un dossier dans un système UNIX ou Linux, on tape « ls ». Si on veut savoir uniquement quels sont les fichiers JPEG, et s’en fiche des noms, on tape « ls *.jpg » ; l’astérisque veut dire « n’importe quel nom », alors que le « .jpg » limite les résultats. L’astérisque est donc le joker selon cet usage — mais à noter, le mot joker n’apparaît pas dans la liste de commandes UNIX sur Wikipédia, même pas sur la page pour ls. Je ne suis donc pas sûr à quel point cet usage est courant.

Il me semble le plus probable que joker dans le sens utilisé pour Mme Lapix vienne du sens sportif. À noter aussi, Le Trésor de la langue française ne connaît pas cet usage — il y a un sens unique là, celui de la carte. Mais en inversant la recherche, venant de l’anglais au français, j’ai reçu une sacrée surprise !

Capture d'écran des 4 sens du mot joker en anglais, traduites en français, du dictionnaire Oxford

Les trois premiers sens sont comme attendus : un farceur, un type, et la carte. Puis, il y a « clause ambiguë d’une loi ». Attendez, quoi ? On veut me dire que nous disons ça en anglais ? J’ai dû le vérifier dans un dictionnaire anglais !

Et voilà, dans le dictionnaire Collins, sous la liste de sens britanniques, les trois premières significations sont exactement celles du dictionnaire bilingue Oxford :

Capture d'écran des 4 sens du mot joker en anglais britannique du dictionnaire Collins
Capture d’écran

Mais la dernière dit « principalement États-Unis », et c’est exactement cette idée d’une clause ambiguë dans une loi. Mon père est avocat, je m’intéresse à ce sujet depuis longtemps et peux citer des centaines de décisions légales inconnues à l’Américain lambda, et pourtant, je n’ai jamais entendu cet usage de joker. Je suis donc parti à la recherche d’un mot inconnu en français pour finir par découvrir que je ne parle pas l’anglais américain.

Awww, vous êtes de si grands flatteurs. Je n’ai jamais osé espérer recevoir un tel compliment !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour aller là-haut.

Mise à autrefois

Ceci pourrait être une Langue de Molière, car il y a beaucoup de choses à dire sur le manque d’une vraie traduction du mot anglais « up » en français. Mais je vais limiter mes remarques au mot « upgrade », car j’ai envie de râler sur iOS 26.

Je vous ai dit avec le dernier épisode de la balado que le service aux clients chez Automattic (qui font ses affaires sous le nom WordPress) m’a dit de mettre à jour mon portable de iOS 18.7 au nouveau 26. En anglais, on dit « upgrade », et il me déçoit un peu que le français, qui utilise « grade » de même façon quant aux rangs militaires, n’utilise pas « grade » dans ce contexte. ”Up » dans ce contexte veut dire une hausse de niveau. Vous pouvez donc facilement comprendre ce qui veut dire « downgrade », l’opposé — c’est une baisse de niveau, « down » étant l’antonyme de « up ».

Étant programmeur moi-même, parmi d’autres choses, je ne suis pas satisfait de ces deux choix. L’un de mes proverbes personnels, c’est : « Il n’existe aucun logiciel qui ne puisse être amélioré en revenant à sa version précédente. » Je dis ça parce qu’à mon avis, une fois les fonctionnalités sont établies et validées, les seuls changements qui restent sont souvent des trucs superficiels pour donner l’impression d’avoir « fait quelque chose ».

C’est pour ça que j’aime parler de « sidegrades » : « side » veut dire « côté », alors l’idée est que le nouveau logiciel n’est pas meilleur, il est juste différent. Mais traduire ça de façon littérale est impossible. Si « upgrade » est « mise à jour », puis « sidegrade » serait « mise à côté ». Mais ça veut déjà dire quelque chose ! Alors plutôt qu’une « mise à jour », c’est une « mise à hier », car tout reste comme avant, juste cassé et désorganisé. Soyez le bienvenu à suggérer d’autres traductions maintenant que vous avez l’idée.

Alors, qu’est-ce que je déteste chez iOS 26 ? Commençons avec le nouvel aspect de chaque icône — sans raison valable, Apple a choisi d’éclairer les coins supérieur gauche et inférieur droit de chacun. Voici une comparaison avant/après ; c’est plus facile à voir avec les icônes de couleur sombre.

L’idée était de donner un peu de profondeur, un faux effet 3D. Mais à mes yeux, ça ressemble plus à une erreur graphique, des bordures qui ne devraient pas être là.

Je ne dis jamais l’expression suivante, alors vous savez que je suis vraiment en colère : Apple a bien foutu le bordel avec mon clavier bilingue. Au passé, entre iOS 13 et 17, il y avait des claviers monolingues, un pour anglais et un pour français. Les deux apprenaient de mauvaises habitudes si on tapait souvent dans l’autre langue. Alors avec iOS 18, Apple a créé un clavier bilingue, qui utilisait les deux dictionnaires pour la correction automatique, ainsi qu’un clavier uniquement pour le français. Je veux que vous voyiez exactement de quoi je parle :

Je n’utilise jamais le clavier uniquement français. Pourquoi ? Parce que l’apostrophe est exactement là où je m’attends à la lettre « l », alors je fais beaucoup trop d’erreurs avec ce clavier. Cependant, Apple vient de faire quelque chose de stupide au nom de rendre le clavier « intelligent ». Voici un petit clip pour démontrer de quoi je parle :

Quand je tape sur la lettre « e », on voit le menu avec tous les choix de « e » : e, è, é, ê, etc. Cependant, où le clavier me laissait sélectionner chacun à son tour dans toutes les versions précédentes, maintenant il saute directement du premier choix, e, au troisième choix, é, si à son avis, il est peu probable que je choisisse le deuxième choix, è. Au début d’un mot, ce choix aura toujours raison. Mais ce système se trompe encore et encore plus tard dans les mots : il saute l’accent grave même pour « système » ou « dernière ». Ne me croyez pas sur parole ; voici un clip de moi en train de taper dernière dans ce post-même :

D’accord, c’est souvent plus facile de ne pas taper les accents et de laisser le portable les corriger. À votre avis, suis-je le genre de personne qui aime faire des erreurs exprès ? Surtout dans une langue où je suis déjà bien parano sur mon taux d’erreurs ?

Ouais, moi non plus.

Des choses ont bougé complètement sans raison. J’ai dû rechercher une capture d’écran des paramètres pour iOS 18 car, pas comme mes applis, je n’ai pas pris de capture d’écran avant d’installer le nouveau logiciel. Mais qu’est-ce que vous remarquez dans ces deux ?

Deux captures d’écran : liste d’applis de iOS 18 à gauche, iOS 26 à droite. Capture à gauche venue d’AppleInsider.

Anciennement, la barre de recherches était en haut ; maintenant, c’est en bas. Ce changement ne sert à rien — ça « aide » juste à embrouiller l’utilisateur !

Un autre mauvais choix ici ? Il y a désormais plus d’espace blanc autour de chaque ligne. Ça ne sert à rien non plus, et tout artiste ou éditeur qui a jamais composé une page vous dira que 700 ans de leçons depuis Gutenberg nous disent de minimiser l’espace blanc. C’est seulement les développeurs de logiciels qui aiment ajouter de plus en plus d’espace blanc.

Aucun changement ici ne me plaît, et tous sont des exemples de ma croyance que c’est juste pour donner l’impression d’avoir « fait quelque chose ». Vraiment, je payerais plus cher pour qu’ils ne fassent rien du tout !

Saison 4, Épisode 26 — Plus un guide général

Il y a de nombreux exemples dans mon livre où mes avis sur mes trouvailles françaises ne correspondent pas au consensus. Mais je n’ai jamais été aussi surpris que de découvrir que Julie Zenatti n’est pas une grande star avec une poignée de Victoires de la Musique.

En faisant des recherches pour les gros titres satiriques de la semaine, j’ai découvert le magazine Youstar. Selon la FNAC, il cible des lectrices de 15 à 99 ans. Ne me croyez pas sur parole, voici une capture d’écran. Mais je n’aimerais pas être rattrapé avec un exemplaire dans mon EHPAD à venir ! J’avoue que j’ai une certaine curiosité morbide sur les contenus de ce magazine.

Site d'abonnements de la FNAC avec les magazines YouStar et Sporteen. La légende au-dessous YouStar dit 15 à 99 ans ; celle au-dessous de Sporteen dit 10 à 15 ans.

Vous pouvez tous me remercier, au moins ceux qui utilisent Jetpack sur iOS pour lire les blogs WordPress. Pour la deuxième fois cette semaine, j’ai passé du temps avec un « Ingénieur en bonheur » (Happiness Engineer, ce que le service aux clients s’appelle en anglais). Cette fois, c’était pour donner mon compte rendu, avec des enregistrements d’écran, d’un bogue de crash quand on lit les blogs d’autres, surtout (mais pas seulement) des posts pleins de photos. Ça a commencé à partir de 26.3, sorti mercredi, et continuait avec 26.3.1 samedi. Rien ne vous empêche de faire aussi des rapports de bogues. Je serais curieux de savoir si vous expérimentez la même chose que moi : News from Ibonoco, Miss Biblio Addict !!, Un Esprit Sain Dans Un Corsage. Uniquement dans le Lecteur de l’appli sur iOS, bien sûr.

Un de ces quatre, je dois vous raconter des histoires de mon premier boulot, contrôleur de qualité pour des jeux vidéo chez Sony. C’était horrible. Vous pensez que je plaisante, mais je vous rassure, ça n’a absolument rien à voir avec jouer aux jeux pour plaisir. (C’est pire quand le jeu n’a rien à voir avec le plaisir non plus.)

Et en parlant des jeux vidéo, il y a une semaine, nous avons enfin reçu la première bande-annonce pour le deuxième film Super Mario. La musique vient largement de Super Mario World, le jeu pour lequel j’étais prêt à risquer mes yeux. Le film sortira en 2026. À ne pas oublier, ces films sont animés en France ! (Il serait super d’avoir un 5 Minutes Avec autour du film, mais j’imagine que les dessinateurs sont interdits d’en parler.)

Malheureusement, la solution de WordPress était de me faire mise à hier iOS, à la version 26 qui vient de sortir. iOS 26 est quelque chose de spécial, comme si une équipe d’ingénieurs avait la tâche de trouver chaque chose que j’aimais chez iOS 18, et la rompre sauvagement. (Mise à hier est ma tentative de traduire mon argot personnel pour les mises à jour qui ne sont pas d’améliorations. On en parlera plus. Demain. C’est un sujet qui me gave.)

Notre blague traite du dîner. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Devoirs et Youstar. Les Bonnes Nouvelles traitent d’une intervention chirurgicale qui a restauré la vue à un homme de 24 ans, aveugle depuis ses 12 ans.

Sur le blog, il y a aussi Le mystère du mauvais disque, sur mes efforts pour découvrir l’identité d’un achat faussement étiqueté, L’attaque des oignons français, sur la dernière tendance culinaire californienne, Je découvre Julie Zenatti, la dernière entrée du Projet 30 Ans de Taratata, et Bénévole deux fois, où j’accepte un deuxième poste.

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Dimanche avec l’EDF

On reprend maintenant « À l’ombre des jeunes filles en fleur ». Je note qu’avec ce numéro, je passe enfin de ce qui était considéré la « première » partie à la deuxième dans la version originale publiée par Gallimard (qui a aussi un manuscrit de ma part ; Marcel et moi ont des choses en commun). Cependant, rien ne l’indique dans la traduction anglaise. Cette fois, j’ai avancé de 28 pages.

À noter, hier La Fille a évoqué ce projet à mes parents, qui m’ont demandé pourquoi je continue. Rien que pour vous faire plaisir, les amis. Et ne pas laisser mon frère gagner non plus.

Littéralement la première phrase de cette partie est une ode à l’hypocrisie bourgeoise :

Cependant Mme Bontemps, qui avait dit cent fois qu’elle ne voulait pas aller chez les Verdurin, ravie d’être invitée aux mercredis, était en train de calculer comment elle pourrait s’y rendre le plus de fois possible.

Ne vous inquiétez pas, toutes les prétentieuses veulent jouer à « Qui est la plus superficielle ? » :

[Mme Cottard] : Je n’ai pas besoin de vous demander la marque de fabrique, je sais que vous faites tout venir de chez Rebattet.

— Mais ceci est tout simplement fait ici. Vraiment non ?…

Elle me répond : « Lohengrin ? Ah ! oui, la dernière revue des Folies-Bergères [sic], il paraît que c’est tordant. »

Lohengrin, le célèbre opéra de Wagner, d’où nous avons la marche nuptiale la plus connue au monde, aux Folies-Bergère ? Nan, mais sérieusement ? Ça vient d’un personnage jamais mentionné avant, et je crois sans importance au récit, mais vraiment, Proust a dû lâcher cette pépite pour les réactions.

Au cas où vous n’avez pas compris l’époque, on laisse tomber que :

À propos de vue, vous a-t-on dit que l’hôtel particulier que vient d’acheter Mme Verdurin sera éclairé à l’électricité ?… Il y a la belle-sœur d’une de mes amies qui a le téléphone posé chez elle ! Elle peut faire une commande à un fournisseur sans sortir de son appartement !

Mais non ! Allez, Marcel, rejoignez-nous en Californie du Sud, où l’électricité est une luxe plus chère qu’au Paris de votre époque ! Quant au téléphone, quand Pizza Hut venait de sortir une appli pour iPhone — je veux dire peut-être en 2007 ? — un humoriste d’Internet a dit, « Finalement, on pourra utiliser un téléphone pour commander une pizza. » J’aurais tué pour avoir pensé à ça moi-même.

Mais n’oubliez pas que tout ça est dans le contexte de la visite du narrateur chez les Swann précisément pour ne pas voir Gilberte. Il suit des pages de réflexions à ses jeux d’esprit dignes d’un troupeau de collégiennes de 11 ans, suivies de la reconnaissance du fait que non, Gilberte ne va pas le supplier sans cesse :

Les jours qui suivirent, je pleurai beaucoup… quand j’avais renoncé à Gilberte, j’avais gardé cet espoir d’une lettre d’elle pour la nouvelle année. Et le voyant épuisé avant que j’eusse eu le temps de me précautionner d’un autre, je souffrais comme un malade qui a vidé sa fiole de morphine sans en avoir sous la main une seconde. 

Il s’intéressait à elle uniquement pour sa relation avec Bergotte, et finissait par s’attendre à ce qu’elle lui demande pardon, à genoux ? Quel amour-propre ! Puis, après toutes ces angoisses :

Chaque fois que j’appris ainsi que Cottard, ma mère elle-même, et jusqu’à M. de Norpois avaient, par de maladroites paroles, rendu inutile tout le sacrifice que je venais d’accomplir, gâché tout le résultat de ma réserve en me donnant faussement l’air d’en être sorti, j’avais un double ennui.

Il se passe que toutes ces personnes sont coupables de dire à Gilberte qu’il était malade, mais vient de guérir, quand il voulait qu’elle croie que tout était à cause de colère.

Vous ne saurez jamais à quel point ce type me rappelle mon frère : « J’insiste que vous soyez fâchée avec moi pour mes raisons, pas les vôtres !» Si ce n’est pas une citation, c’est seulement car il ne parle pas français.

Le narrateur pense à nouveau à sa lettre :

Il me semblait alors que dans quelques années, après que nous nous serions oubliés l’un l’autre, quand je pourrais rétrospectivement lui dire que cette lettre qu’en ce moment j’étais en train de lui écrire n’avait été nullement sincère, elle me répondrait : « Comment, vous, vous m’aimiez ? Si vous saviez comme je l’attendais, cette lettre, comme j’espérais un rendez-vous, comme elle me fit pleurer ! »

Je vous ai dit : « N’envoyez jamais une telle lettre. »

Il suit des pages de réflexions sur ses visites à Mme Swann, concentrées sur son aspect et l’avis du narrateur sur sa beauté au point où je me suis demandé : « Vous êtes amoureux de la fille ou la mère, vous ? » Mais j’ai terminé exactement où il décide que :

je venais de me résoudre à aller surprendre Gilberte avant son dîner.

Oh, ça va bien aller, j’en suis certain !