Parce que je me sens toujours obligé de prouver mes « bona fides », comme on dit en anglais (du latin pour « bonne foi »), je viens d’accepter un deuxième poste de bénévole chez l’OCA. Il y a une publication dite « Guide pratique », disponible seulement pour les membres, une soixantaine de pages d’astuces, d’adresses (j’hésite à dire « bonnes adresses » vu d’où nous parlons) et de renseignements pas évidents sur vivre aux États-Unis. La dame qui le gère depuis au moins le moment où je m’inscrit à l’OCA pour la première fois (mi-2022) vient de démissionner.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je suis le choix logique. Premièrement, je sais évidemment gérer les publications. Deuxièmement, si le but est d’expliquer la vie locale, qui de mieux qu’une personne qui y habite depuis 25 ans, à ne pas parler d’une peine à perpétuité si on veut dire le pays et non seulement le comté d’Orange ? Troisièmement, pour autant que je vous adore tous, il y a certaines choses qui… ne sont pas évidentes quand on est immigré plutôt qu’autochtone. Je vous donnerai un exemple.
Il y a une chaîne de supermarchés ici nommée « Trader Joe’s« . C’est en fait une filiale d’Aldi depuis les années 70, mais je ne le savais pas jusqu’en 2020. (Pour une chose, je n’avais jamais entendu parler d’Aldi avant.) Cette chaîne ne vend que des choses de sa propre marque, et parmi ces produits se trouvent une tablette de chocolat qui s’appelle « Pound Plus« . Cette tablette est fabriquée en Belgique, donc à une taille européenne, 500 grammes. Mais nous utilisons quel système de mesures ? Ouaip. Un livre — 1 pound — pèse 454 grammes. Une tablette de 500 grammes est donc plus qu’un pound, d’où « Pound Plus ». Mais un francophone de naissance, qui ne s’adapte jamais aux livres et aux gallons — très facile, parce que la grande majorité d’étiquettes montrent les mesures également en SI et en impérial — peut lire « pound » comme le verbe qui veut dire « taper ». Alors il y a une explication dans le guide que « Pound Plus » = « plus ou moins fort ». Il serait bon d’éliminer ce genre d’erreur.
Mais il y a des raisons pour lesquelles je suis la mauvaise personne aussi. Je ne cherche pas de médecins, de comptables, ou d’avocats qui parlent français — je n’en ai pas besoin. Au mons, pas ici. Je n’ai pas d’expérience avec les lois concernant l’immigration, et je n’ai pas l’habitude de chercher des sites ciblant les expatriés, tels que Très Américain (mentionné dans le guide).
Puis-je avouer quelque chose ? Je voulais toujours faire du bénévolat pour l’OCA parce que je me sentais très reconnaissant qu’ils m’ont accepté. Mais particulièrement depuis La Boulette, je me sens obligé de prouver que je ne suis pas là pour des raisons suspectes. Personne ne m’a jamais dit en si peu de mots : « Toi, t’es ici pour draguer n’importe qui. » Mais la question est souvent posée de façon juste un peu moins directe, et pas toujours en forme de question ! Ça me hante, et j’espère toujours qu’avec assez de responsabilités, tout le monde finira par croire que c’est au moins une façon très bizarre d’atteindre ce prétendu but.
En même temps, je me demande si je suis devenu trop visible. Je ne veux pas que l’autre personne de La Boulette se sente obligée d’éviter les événements car je suis là. Après tout, j’ai l’impression que ça continue. C’était son association d’abord, pas la mienne.
C’est parti, mais je ne commencerai pas cette nouvelle tâche jusqu’après notre déménagement en octobre. Heureusement, il n’y a pas de troisième publication de l’OCA — je n’ai pas envie d’en ajouter plus !



























