Archives mensuelles : septembre 2025

Bénévole deux fois

Parce que je me sens toujours obligé de prouver mes « bona fides », comme on dit en anglais (du latin pour « bonne foi »), je viens d’accepter un deuxième poste de bénévole chez l’OCA. Il y a une publication dite « Guide pratique », disponible seulement pour les membres, une soixantaine de pages d’astuces, d’adresses (j’hésite à dire « bonnes adresses » vu d’où nous parlons) et de renseignements pas évidents sur vivre aux États-Unis. La dame qui le gère depuis au moins le moment où je m’inscrit à l’OCA pour la première fois (mi-2022) vient de démissionner.

Un tas de journaux, Photo par Bernerlover, CC BY 4.0

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je suis le choix logique. Premièrement, je sais évidemment gérer les publications. Deuxièmement, si le but est d’expliquer la vie locale, qui de mieux qu’une personne qui y habite depuis 25 ans, à ne pas parler d’une peine à perpétuité si on veut dire le pays et non seulement le comté d’Orange ? Troisièmement, pour autant que je vous adore tous, il y a certaines choses qui… ne sont pas évidentes quand on est immigré plutôt qu’autochtone. Je vous donnerai un exemple.

Il y a une chaîne de supermarchés ici nommée « Trader Joe’s« . C’est en fait une filiale d’Aldi depuis les années 70, mais je ne le savais pas jusqu’en 2020. (Pour une chose, je n’avais jamais entendu parler d’Aldi avant.) Cette chaîne ne vend que des choses de sa propre marque, et parmi ces produits se trouvent une tablette de chocolat qui s’appelle « Pound Plus« . Cette tablette est fabriquée en Belgique, donc à une taille européenne, 500 grammes. Mais nous utilisons quel système de mesures ? Ouaip. Un livre — 1 pound — pèse 454 grammes. Une tablette de 500 grammes est donc plus qu’un pound, d’où « Pound Plus ». Mais un francophone de naissance, qui ne s’adapte jamais aux livres et aux gallons — très facile, parce que la grande majorité d’étiquettes montrent les mesures également en SI et en impérial — peut lire « pound » comme le verbe qui veut dire « taper ». Alors il y a une explication dans le guide que « Pound Plus » = « plus ou moins fort ». Il serait bon d’éliminer ce genre d’erreur.

Mais il y a des raisons pour lesquelles je suis la mauvaise personne aussi. Je ne cherche pas de médecins, de comptables, ou d’avocats qui parlent français — je n’en ai pas besoin. Au mons, pas ici. Je n’ai pas d’expérience avec les lois concernant l’immigration, et je n’ai pas l’habitude de chercher des sites ciblant les expatriés, tels que Très Américain (mentionné dans le guide).

Puis-je avouer quelque chose ? Je voulais toujours faire du bénévolat pour l’OCA parce que je me sentais très reconnaissant qu’ils m’ont accepté. Mais particulièrement depuis La Boulette, je me sens obligé de prouver que je ne suis pas là pour des raisons suspectes. Personne ne m’a jamais dit en si peu de mots : « Toi, t’es ici pour draguer n’importe qui. » Mais la question est souvent posée de façon juste un peu moins directe, et pas toujours en forme de question ! Ça me hante, et j’espère toujours qu’avec assez de responsabilités, tout le monde finira par croire que c’est au moins une façon très bizarre d’atteindre ce prétendu but.

En même temps, je me demande si je suis devenu trop visible. Je ne veux pas que l’autre personne de La Boulette se sente obligée d’éviter les événements car je suis là. Après tout, j’ai l’impression que ça continue. C’était son association d’abord, pas la mienne.

C’est parti, mais je ne commencerai pas cette nouvelle tâche jusqu’après notre déménagement en octobre. Heureusement, il n’y a pas de troisième publication de l’OCA — je n’ai pas envie d’en ajouter plus !

Je découvre Julie Zenatti

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec la chanteuse qui a suivi Cats on Trees, Julie Zenatti. S’il vous dérangeait ces dernières entrées que je n’étais pas très enthousiaste de mes sujets, cette fois, je vous rassure, vous allez finir par appeler le 17 ou le 114 à cause d’un excès d’enthousiasme !

Julie Zenatti sur Taratata, Capture d’écran, ©️Banijay

Julie Zenatti est née en 1981 à Paris, fille d’une famille italienne et juive algérienne. À ses 13 ans, un employé de la maison de disques EMI la découvre dans un karaoké, et lui fait signer son premier contrat. C’est ainsi qu’elle sort en 1995 son premier single, Il restera de toi :

Cependant, c’est trop de pression pour une si jeune fille — quoi, beaucoup de stars des années 60 se sont lancées à cet âge ! — et sa famille rompe le contrat pour qu’elle puisse aller au lycée. Ça ne l’empêche pas d’être considérée comme candidat pour représenter la France à l’Eurovision en 1996.

En 1997, elle joue dans le rôle de Fleur-de-Lys, dans la comédie musicale « Notre-Dane de Paris », qui connaît un si grand succès qu’elle quitte le lycée pour se consacrer à la musique. Avec un nouveau contrat chez Columbia, en 2000, elle sort son premier album, Fragile, un double disque d’or selon la vieille signification, 200 000 disques, pas les normes abaissées de nos jours. Parmi les singles de l’album se trouve « Si je m’en sors », ce qui montre qu’à ses 19 ans, elle est déjà un produit fini, sans jamais avoir assisté à un conservatoire :

Écoutez aussi « Why » ; son articulation est par-faite.

En 2002, elle sort son deuxième album, Dans les yeux d’un autre, pas aussi bien accueilli que le premier, même si toujours un disque d’or. Le plus grand tube de l’album est « La vie fait ce qu’elle veut », qui s’écoule à 42 000 exemplaires.

Vous savez quel était le plus grand tube de l’année aux États-Unis en même temps ? Freaking « How You Remind Me » de Nickelback, avec plus de 7 millions de ventes mondialement, dont 250 000 en France. Alors que vous aviez Julie Zenatti. Je n’ai même pas de mots. Allez, vous avez donc tous raté la chanson éponyme de l’album, avec l’une des rimes les plus parfaites de tous les temps.

Son prochain album, Comme vous…, sort en 2004. Avec de l’aide de J-J Goldman et Axel Bauer, cet album se vend à 200 000 exemplaires encore une fois. Le grand tube et unique single est « Je voudrais que tu me consoles ». À vos ordres, chérie.

C’est plus électrique que ses autres chansons à ce point, avec trop d’effets pour une voix qui n’a pas besoin de la tricherie à la sauce logiciel, mais très agréable quand même. « L’amour s’en fout » est plus de Julie comme on la connaissait avant ; « Rendez-moi le silence » aussi.

Après cet album, Julie Zenatti fait une pause pour doubler Barbie dans plusieurs films animés. Puis, la catastrophe. Son quatrième album, La Boîte de Pandore, sort en 2007 et ne se vend qu’à 30 000 exemplaires. Qu’est-ce qu’il y a, la France ? Avez-vous même écouté la première piste, « Je voudrais une chanson » ? Ne me répondez pas, je le sais déjà. Non. Et vous avez donc raté quelque chose de créatif et original, avec des cornemuses, des accordéons, même un gong. Écoutez et pleurez votre erreur :

Pire suivra. En 2010, son cinquième album, Plus de Diva, ne se vend qu’à 17 000 exemplaires, ce qui lui coûtera son contrat chez Columbia. C’est dommage ; « Comme une geisha » est plus bruyante que d’hab pour elle, mais je l’aime. « Sweden Syndrome », en revanche, est plus de Julie comme toute la France l’aimait, juste du piano et cette voix :

En 2015, elle est de retour sur Capitol Music avec Blanc, un album qui atteint brièvement la 13e place dans les classements, mais j’ai l’impression qu’il ne se vendait pas trop non plus. Le premier single de l’album est « D’où je viens ». Je l’adore, mais peut-être que le pays ne voulait pas être rappelé que « Je suis jolie, même démaquillée » :

Vous n’avez certainement pas entendu « Pars sans rien dire » et « Si tu veux savoir », et tant pis. Elle reste à la hauteur de son talent, et je peux l’écouter toute la journée.

En 2017, elle sort un album de reprises, « Méditerranéennes ». C’est difficile pour moi de dire quoi penser de cet album, car elle a choisi de travailler avec de nombreuses autres chanteurs et chanteuses, dont certaines que je ne peux pas distinguer d’elle. Je peux dire que « La Maritza » avec Élisa Tovati est bien faite, et que j’adore la guitare espagnole de « Adieu mon pays » avec Enrico Macias, et « L’Amoureuse de Casbah », avec 7 chanteuses au total, est une chanson bien arabe qui vaut bien l’écoute.

Ce dernier album marque la fin de son séjour chez Capitol, alors j’imagine que c’était encore un autre échec commercial. Son prochain album, Refaire danser les fleurs, sorti en 2021, est auto-édité et n’a même pas de page Wikipédia. Yikes. « Tout est plus pop » est un départ stylistique pour elle ; un commentaire sous le clip fait la comparaison avec France Gall, et je suis d’accord :

Cependant, la chanson éponyme est, encore une fois, Julie telle que tout le monde l’aimait au début.

Et c’est peut-être ça le problème. Elle a tout le talent d’une Véronique Sanson, mais pas les ventes. Mais pour autant que j’adore tout ce qu’elle fait, il n’y a ni un succès emblématique tel que « Chanson sur ma drôle de vie » ni une mélodie dont tout le monde a envie de la fredonner encore et encore.

En juin de cette année, Julie vient de sortir son dernier album, Le chemin, avec la maison Bayard Musique. Le premier clip, Païenne, a été tourné dans l’église parisienne Saint-Étienne-du-Mont, et elle s’est embarqué sur une série de concerts dans des églises. Je l’aime, mais vous le saviez déjà :

Que penser de Julie Zenatti ? Moi, j’adore sa voix comme seulement Véronique Sanson et Catherine Ringer avant, et peut-être Jeanne Added de plus. Et il y a eu un moment où il a semblé que la France serait d’accord. Mais quelque chose n’est pas bien allé du tout. Je pense au Temps d’Amour sur le plateau de Taratata où elle était sans conteste la chanteuse la plus douée du groupe, et je ne peux pas comprendre le fossé qui sépare mon avis de celui des Français.

Ma note : Épousez-moi, Julie ! Je vous apprécierez même si vos compatriotes ne le font pas. Et je cuisine ! Mais punaise, c’est qui ce Benjamin ?

L’attaque des oignons français

Quelque chose de surprenant se passe en Californie en ce moment, quelque chose qui devait être planifié il y a des mois. Mais d’abord, j’aimerais citer un extrait inédit de mon livre, d’un chapitre intitulé « Comment les Américains voient les Français » (il y a un autre dans le sens opposé) :

Les Français mangent des trucs horribles – les grenouilles, les escargots, les fromages qui puent. Sans parler du steak tartare ! Encore une fois, heureusement pour nous, ils cuisinent superbement une soupe, la seule que nous connaissons, celle à l’oignon (dite « French onion soup » en anglais). Nous aimons tant cette soupe qu’il y a des douzaines de marques de boîtes de conserve et de préparations en poudre aux supermarchés pour la faire.

Pour être clair, ces chapitres traitent des stéréotypes et sont écrits dans la voix d’un beauf ! Cependant, j’exprime une vérité importante ici : sans vivre aux États-Unis, il est impossible de comprendre à quel point nous sommes fous de la soupe à l’oignon.

Alors, qu’est-ce qui se passe ? Cette semaine, deux chaînes de restos rapides, qui n’ont pas de société mère en commun, ont lancé des produits inspirés par cette soupe. J’imagine qu’avec les délais pour développer de nouveaux produits, la planification a commencé il y a des mois. Naturellement, ce blog étant consacré non seulement à la France mais à son influence aux États-Unis, j’ai dû les tester pour vous. Le même jour. (Que puis-je dire ? J’avais faim.)

Alors, le déjeuner hier était chez Shake Shack, une chaîne nationale avec plus de 260 restos aux États-Unis ainsi que plus de 140 à l’étranger. Il y a dix jours, ils ont annoncé une gamme de burgers et d’accompagnements « French onion » :

Photo de publicité avec la légende : « Présentant : la soupe à l'oignon… en forme de burger »
Capture d’écran

Il y a deux burgers de bœuf, un burger de champignon frit, et des frites et des oignons frits parfumés avec la même aïoli que les burgers. Chez Shake Shack, « French onion » veut dire « du fromage gruyère, des oignons caramélisés, des oignons frits, et de l’aïoli au fromage parmesan » (traduit de l’annonce). Voici ce qui vous achète 11,79 $ :

Mon burger, vu de trop proche -- les oignons frits et le pain sont les trucs les plus visibles

Je ne vais pas vous mentir : j’ai pris cette photo de trop proche, et c’est donc trompeur. Il n’y a presque rien à manger ici. Les oignons frits n’étaient pas mal, et les oignons caramélisés étaient ce à quoi vous vous attendiez, mais le pain n’avait rien de spécial, et il y avait très peu de viande. Pour 7 $, je ne m’en plaindrais pas. À plus de 11 $, avec un thé glacé à 4 $ qui était beaucoup plus petit que d’hab aux restos rapides ? Je ne reviendrais pas. Shake Shack a des prétention haut de gamme, mais il y a d’autres concurrents qui proposent un meilleur rapport qualité prix. Surtout The Standla seule chose qui me manquera si je réussis à quitter la Californie. On en parlera une autre fois.

J’avais reçu cette pub de la boulangerie Boudin dans mes courriels, alors j’y suis allé pour le dîner :

Capture d'écran de la photo de Boudin : à l'intérieur du sandwich "French onion", on peut facilement distinguer deux couches de fromage, séparées par une couche généreuse d'oignons caramélisés, le tout sur le pain levain qui fait la renommée de Boudin.

Il n’y a pas de viande ici — c’est le genre de sandwich dit « grilled cheese » (fromage grillé), ici en déclinaison « French Onion » : du gruyère, de l’emmental, des oignons caramélisés, et en accompagnement, ce que l’on appelle « au jus » en anglais, la sauce au jus de rôti selon mon dictionnaire Oxford. D’habitude, on ne sert d’au jus qu’avec les sandwichs dits French dip. Ça a l’air très bon, non ? Voici ce qui achète 11 $ (un paquet de chips est compris en accompagnement) :

Photo du sandwich reçu : beaucoup plus fin que la photo, sans oignons visibles.

Vous voyez les oignons ? Moi non plus. Il y en avait, à l’intérieur, mais sans la jolie couleur brune de la pub. Cependant, La Fille et moi sommes d’accord que ce mélange de fromages, seulement 1 $ de plus que le grilled cheese typique chez eux, vaut la peine. J’essaierai peut-être de dupliquer le sandwich de la pub, qui pourrait se dire justement le sandwich de mes rêves.

Je dois avouer, j’aime les idées derrière ces produits beaucoup plus que les réalisations. Rien n’est aussi joli que dans ses pubs, je le sais, mais ni l’un ni l’autre était à la hauteur de mes attentes. Ça dit, le sandwich de Boudin est un meilleur rapport qualité prix, et les boissons là sont bien moins chères que celles de Shake Shack. Cependant, pour 50 centimes de moins, Boudin vous vendrez un sandwich similaire avec du brie, des pommes, et de gelée de figues. C’est ma commande habituelle et toujours le champion des restos rapides.

Comme je souffre pour vous apporter ces nouvelles, non ?

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Pirate des Caraïbes

L’un de mes films préférés de tous les temps est La Malédiction du Black Pearl, ou comme c’est connu au Québec, La Malédiction de la Perle noire. (Vraiment, j’admire leur niveau d’obsession.) Seul et unique film de la « série » Pirates des Caraïbes, toutes les suites sont sans conteste de mauvais souvenirs implantés par la Matrice. Mais quel film — en faisant mes recherches pour cette Langue de Molière, j’étais bluffé par la qualité de la traduction. Pas surprenant que vous l’avez préféré à Austin Powers.

Alors, j’étais curieux récemment sur comment s’appelle le drapeau bien connu des pirates, avec le crâne et les deux os croisés. En anglais, ça s’appelle le « Jolly Roger » (Roger enjoué) ou « skull and crossbones » (crâne et os croisés). Google Traduction donne « tête de mort » et mon dictionnaire Oxford donne « pavillon noir ».

Pavillon avec un fond noir, un crâne blanc et deux os humains croisés en forme de X.
Pavillon de pirates au musée d’Åland, Photo par Karlsson, Anneli, CC BY 4.0

Mais en même temps que j’ai fait ces recherches, un clip sur une dinguerie de la grammaire française est tombé du ciel. Avant de le présenter, je vous pose une question : si vous voyiez une flotte de bateaux, avec un tel drapeau hissé sur chacun, diriez-vous « Il y a des drapeaux noirs et blancs ! » ?

Si oui, vous auriez tort.

L’explication nous vient de la personne qui me rend le plus fou sur le sujet de la grammaire, Karine Dijoud. Elle sait toujours de quoi elle parle, mais disons que je considère que mon poisson d’avril de 2024 était 100 % la vérité. De toute façon, elle explique ici pourquoi vous vous trompez de pluriel quand il s’agit d’un drapeau bicolore :

Son exemple est tiré d’une publication du ministère de l’écologie qui conseille de baigner aux plages dans des zones surveillées. Ce sont indiqués par des paires de drapeaux bicolores, dans ce cas, mi-rouge, mi-jaune. Mais la publication dit : « entre deux drapeaux rouges et jaunes ». Et ça, c’est une erreur, au moins par rapport au sens voulu. Voici un exemple des drapeaux en question :

C'est un graphique qui dit « Choisir les zones de baignade surveillées. Désormais, c'est entre deux drapeaux rouges et jaunes ! » Il y a un dessin avec deux drapeaux sur la plage, rouge sur la moitié en haut, jaune en bas.
Ministère Écologie Territoires sur Facebook

Selon Mme Dijoud, la différence fonctionne ainsi : Quand il s’agit d’un drapeau de deux colores, les adjectifs restent au singulier, même s’il y a plusieurs drapeaux. Alors, les drapeaux au centre de cette image, avec une barre rouge au-dessus d’un barre jaune sur chacun, sont :

des drapeaux rouge et jaune

Par contre, s’il y avait un drapeau entièrement rouge et un autre entièrement jaune, on dirait :

des drapeaux rouges et jaunes

Et ça, même dans un cas où il n’y a qu’un drapeau rouge et un drapeau jaune !

C’est pareil dans tous les cas où on veut décrire des choses de plusieurs couleurs. Elle parle donc de vaches. Si on dit : « J’ai vu des vaches noires et blanches », ça veut dire que l’on a vu des vaches entièrement noires ainsi que des vaches entièrement blanches :

Par contre, si on a vu des vaches avec des taches, que ce soit des vaches noires avec des taches blanches, soit des vaches blanches avec des taches noires, on dirait :

J’ai vu des vaches noir et blanc.

Et ça voudrait dire :

Vache largement blanche, avec des taches noires
Vache noir et blanc, Photo par Verum, CC BY-SA 3.0

Alors, face à notre flotte de pirates équipée du célèbre drapeau, il faudrait dire : « Il y a des drapeaux noir et blanc ». Sinon, les Français autour de vous, autrement chargés de canons, arrêteront leur travail pour discuter de grammaire, et les pirates vous égorgeront sans résistance. Et vous ne voulez pas ça, non ? La bonne orthographe sauve des vies.

Si tout ça semble un peu délicat à suivre, il faut se souvenir qu’au contraire de la meilleure réplique du capitaine Barbossa, c’est plus un véritable règlement qu’une sorte de guide général !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour passer des Pirates à Batman.

Le mystère du mauvais disque

Avant de me lancer dans le sujet évident du gros-titre, il faut que je partage avec vous exactement pourquoi ce sujet est si important pour moi. J’étais chez Miguel’s Jr pour le déjeuner hier, comme trop souvent. Je l’aime peut-être à moitié autant que la fréquence de mes visites le suggère — c’est le seul resto rapide de mon quartier qui offre une réduction pour une seule personne, et l’absence de discrimination anti-célibataire fait de moi un client fidèle. À ne pas dire Fidel. De toute façon

Comme dans tous les restos mexicains, d’habitude ils ne jouent que de la musique mexicaine. Alors, j’étais choqué d’entendre une chanson française chez Miguel’s. J’ai même tourné un petit clip pour le prouver !

Mais de toutes les chansons possibles, pourquoi Aya Nakamura ? C’est ma blague du 7 août 2023 devenue réalité ! (Non, je ne m’en souviens pas de toutes — mais celle-ci était spéciale.) C’est un bon exemple de l’importance de non seulement chercher de la musique française, mais la bonne musique. Sinon, on risque une vie d’Aya et de Jul. (Un jour, ce dernier intentera un procès contre moi — ce blog ne manque pas de blagues sur lui.)

Alors, j’ai reçu une enveloppe aujourd’hui, envoyée de Bayonne :

Photo de l'adresse de retour sur l'enveloppe

Ah, vous reconnaissez le nom Agorila ? C’est la maison de disques derrière Bandas du Sud-Ouest, mais qui a mis complètement le mauvais disque sur iTunes sous ce nom. Et pourquoi est-ce que je voulais avoir ce disque ? Parce que je suis devenu obsédé par sa ressemblance avec la musique des mariachis après la recommandation d’Il Est Quelle Heure. Bien sûr, il y a de bonnes raisons historiques derrière ça, et on en parlera plus une autre fois. Parlons maintenant des contenus de l’enveloppe.

Comme vous pouvez deviner, c’est le disque, afin que je puisse avoir la bonne musique :

Malheureusement, c’était une enveloppe insuffisamment matelassée, et vous pouvez voir que le boîtier CD est fissuré des deux côtés. Pas très impressionnant, ça, surtout pour un disque vendu tout neuf. Heureusement, le disque est arrivé en bon état.

Il n’y a pas beaucoup de notes de doublure dans le boîtier, mais voici ce qui se trouve là-dedans :

Alors, je vous ai dit qu’Apple m’a remboursé quand il s’est avéré que les pistes achetées sur iTunes venaient du mauvais disque. Mais, et je suis bien surpris par ça, ils n’ont pas supprimé l’enregistrement de ma bibliothèque iTunes. Je n’aurais pas objecté — j’ai reçu mon argent, pas besoin de me laisser garder l’achat. J’ai donc décidé de faire plus de recherches, pour voir si je pouvais découvrir le bon album derrière mon achat raté.

J’avais deux indices : 1) évidemment, l’album allait venir de la même maison d’édition, et 2) il s’agissait de chansons liées à l’équipe de rugby Aviron Bayonnais. C’était franchement pas grand-chose :

Capture d'écran du site de la maison de disques Agorila -- 16 résultats en recherchant « Aviron ».

Heureusement — et c’est ainsi que j’ai pu découvrir que le premier album était le mauvais — Agorila offre un lecteur avec des extraits sur presque toutes les pages des albums. Par exemple :

Lecteur pour l'album Kant'AB
Capture d’écran

En écoutant des extraits de cet album, Kant’AB, je me suis dit : « Ça semble être le bon, mais il y a beaucoup de compilations dans leur catalogue. J’ai besoin d’une liste complète de pistes pour être sûr. » Et Google m’a vite amené à la page de streaming d’Amazon Prime. Vous savez, le truc que je viens d’annuler la veille en me félicitant. Préparez-vous à rigoler. D’abord, voici une capture d’écran des pistes sur Amazon :

4 premières pistes de l'album Kant'AB sur Amazon, avec leurs durées.
Capture d’écran

Maintenant, une capture d’écran de ces mêmes 4 pistes dans ma bibliothèque iTunes — ce sont les fichiers qui étaient intitulés comme s’ils venaient de Bandas du Sud-Ouest, sans l’être, mais je n’ai pas pensé à prendre une capture d’écran jusqu’à ce que j’aie déjà fait les changements.

Capture d'écran des vieux fichiers sur iTunes -- ils ont exactement les mêmes durées que les fichiers de l'album sur Amazon, sauf dans un cas, différent d'une seconde.

Avez-vous remarqué quelque chose ? Peut-être que… la durée de toutes ces pistes est à une seconde près des mêmes pistes sur Amazon ? Ouaip. J’ai trouvé le bon disque.

Mais il y avait une piste de trop — 22 sur le disque, mais 23 dans la collection sur iTunes. Avec l’aide de l’appli Shazam, j’ai découvert que c’était la seule et unique piste vendue avec le bon titre, juste sur le mauvais album. Alors voici les résultats finaux sur mon portable :

Capture d'écran des 4 derniers albums ajoutés à ma bibliothèque iTunes, dont les 3 venant de chez Agorila mentionnés dans ce post.

Je ne vais pas acheter le reste de « Top Bandas » pour finir la collection. Mais j’ai maintenant deux albums entiers, et l’important, Bandas du Sud-Ouest, est là sans pertes, exactement comme je le préfère.

Saison 4, Épisode 25 — Blâmez pas La Poste

Je ne voulais pas sauter Dimanche avec Marcel encore une fois, mais samedi, j’étais en fait à un autre événement de l’OCA, le Grand Pique-nique de la Rentrée. Naturellement, j’ai préparé un dessert pour l’occasion — deux, en fait. Voilà :

Tarte aux fruits -- il y a deux anneaux de fraises à l'extérieur, suivis d'un anneau de mûres, et à l'intérieur, d'un anneau de framboises. La croûte a été cuite dans un moule flûté.

J’ai fait deux tartes car je suis extrêmement arrogant — je croyais que beaucoup de monde serait déçu s’ils ne pouvaient pas goûter le dessert de Justin. Mais j’ai oublié deux choses : 1) personne ne tranche les desserts aussi finement qu’un Français, et 2) les enfants ne mangent rien sans chocolat. Alors, tout le monde qui en voulait en a eu, et j’ai une tarte entière à la maison. Bon, j’avais. Quoi, comme si j’allais juste la laisser périmer ?

Vous pensez que je plaisante sur la première chose. Mais quand j’ai apporté une tarte tropézienne à une soirée de tarot, je vous jure que j’ai vu une invitée couper un bout de la même largeur que mon couteau !

On m’a demandé la recette. En fait, je n’en ai pas une. Quand on pâtisse assez, on apprend qu’il y a certaines choses que l’on a gratuitement, juste à cause d’avoir appris d’autres choses. Dans ce cas, c’est la moitié de la recette de pâte sucrée et une recette entière de crème pâtissière, telles qu’elles apparaissent dans l’annexe de mon livre. Quant aux fruits, c’est au choix. Alors, j’ai copié les deux dans un autre fichier, écrit des instructions pour le montage (légèrement différents de ce que je conseille dans le livre — pas besoin de laisser la crème reposer au frigo avant de la verser dans la croûte), et ça marche.

J’ai reçu un courriel ce week-end avec la pub suivante :

Capture d'écran avec le gros titre « La JLC Family revient sur TF1+ ».

La « JLC Family » donne des prénoms horribles à ses enfants : Chelsea, Cayden, London et Love Shine. Je peux divaguer pendant des heures sur les nombreux variants bizarres du prénom irlandais Aidan : Jaden, Braden et Caden pour commencer, à ne pas mentionner l’orthographe pathologique qui va souvent avec — Bradyn, Jaydyn, et j’en passe. Mais « Love Shine » (Amour brille) ? Désolé, mais là, il s’agit de la maltraitance aux enfants ! Puis j’ai lu dans Le Point qu’ils sont grosso modo les Kardashian français.

Connaissez-vous mon astuce la plus… euh… astucieuse ? Je ne commande guère à Amazon, alors chaque fois où j’y passe une commande, il m’offre un tarif réduit pour Prime. Je l’accepte, puis j’annule dès que je reçois mon colis. Puisque je ne fais rien d’autre — pas de musique, pas de films — je reçois un remboursement. J’aurais payé 6 $ en frais de livraison pour la rame de papier que j’y ai commandé, mais de cette façon, j’ai payé 1,99 $ pour un essai d’une semaine, j’ai reçu mon papier le lendemain, et j’ai fini par recevoir 1,07 $ au moment d’annulation. Voilà, le livraison le lendemain pour seulement 92 centimes.

Et en parlant de cette rame, voici une photo du livre imprimé, du côté pour voir la hauteur. Ça fait 3,2 cm ! Je l’aurai relié — j’espère que ce ne sera pas trop un problème, vu la taille inhabituelle — puis il partira enfin pour la France. Je ne ferai pas ça avec d’autres maisons.

Vue du livre imprimé -- c'est juste un tas de feuilles de papier vu sous cet angle.

Cette semaine, je vais enfin informer la gestion de mon immeuble que je le quitterai en octobre. Après 15 ans, c’est difficile, même si j’en ai marre de beaucoup de choses ici. Mais avec un nouvel appartement, je ferai quelque chose qui n’est pas arrivé depuis longtemps — avoir des invités pour le dîner. Il y a 5 couples dont je me sens obligé de les inviter depuis longtemps.

Notre blague traite des stylos. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Cheveux et Attente. Il n’y a pas de Bonnes Nouvelles cette semaine.

Sur le blog, il y a aussi Renvoyé, le compte rendu d’une catastrophe, Deux meurtres qui changeront les États-Unis, sur les nouvelles de la semaine précédente, Ici et là, des nouvelles personnelles, et Le repas des bénévoles, sur un dîner pour les bénévoles de mon association.

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Dimanche avec La Poste

Avant de me lancer dans le prochain « Dimanche avec Marcel », il faut que je vous dise que je viens de découvrir que Proust dit beaucoup plus tard dans La Recherche :

Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination.

Ouest-France Citations

Ce « laissons » à l’impératif doit être le truc le plus drôle du livre entier. C’est comme si j’écrivais « Des hommes de bon jugement en affaires amoureuses, dont moi ». De toute façon, j’ai avancé de 25 pages.

La dernière fois, notre narrateur de génie vient de nous dire qu’il a décidé de quitter Gilberte à jamais, ce que je trouvais bête et impulsif. Naturellement, un paragraphe après la phrase où j’avais arrêté, il dit :

je revins… sentant que je ne pourrais retrouver la respiration qu’en rebroussant chemin, qu’en retournant sous un prétexte quelconque auprès de Gilberte. Mais elle se serait dit : « Encore lui ! Décidément je peux tout me permettre, il reviendra chaque fois d’autant plus docile qu’il m’aura quittée plus malheureux. »

Avec ça, c’est clair que Proust a découvert la friend zone un siècle avant que l’émission Friends l’a vulgarisée. Je peux donc presque comprendre son choix. Cependant, tous les chiots languissants d’amour du monde — dont moi — reviendraient quand même. Comment est-ce que Proust ne le sait pas ?

Puis, le narrateur nous mentionne :

les brouillons de lettres contradictoires que j’écrivis à Gilberte.

Faites pas ça, con. Ne me demandez pas pourquoi je le sais. Mais brûlez-les et oubliez cette idée le plus vite possible. Punaise, il va envoyer l’une de ces lettres, j’en suis sûr.

Je venais d’écrire à Gilberte une lettre où je laissais tonner ma fureur…. un instant après, le vent ayant tourné, c’était des phrases tendres que je lui adressais

Merde. Il suit des réflexions sur l’auto-illusion de quelqu’un qui galère à comprendre qu’il n’y a plus d’espoir pour sa relation, mais si j’ai bien compris, ça ne va pas l’épargner d’une erreur catastrophique. N’envoyez jamais de lettres dans une telle situation.

(Au cas où ce n’est pas clair, quelqu’un aurait dû m’arracher l’enveloppe.)

Dois-je vous dire qu’il essaye de la voir le lendemain ? Elle n’est pas là, et il s’avère que c’est même vrai, mais cette nouvelle donne lieu à des pages de fantasmes qu’en fait, avec un peu de distance, c’est elle qui jouera le chiot languissant et reviendra avec des excuses. Il commence à attendre tous les jours à une lettre de Gilberte, qui n’arrive jamais. Sûrement, c’est juste que La Poste l’a perdue, comme une autre carte postale plus récente dont je vous ai parlé. (Tout à coup, si vous n’aviez pas compris ce qui s’est passé, tout devrait être clair.)

Pour les femmes qui ne nous aiment pas, comme pour les « disparus », savoir qu’on n’a plus rien à espérer n’empêche pas de continuer à attendre. 

Quittez ma tête, Marcel. Je me demande toujours, au moins une fois par jour, ce que j’ai fait à quelqu’un à mes 17 ans pour qu’elle préfère ne pas aller au dernier bal scolaire qu’aller avec moi. Cette partie était dur à lire.

Mais il commence à faire quelque chose avec lequel je ne peux pas sympathiser. Plutôt que chercher Gilberte, il va chez les Swann pour voir sa mère. Ouais, Odette de Crécy elle-même. Sûrement j’hallucine. Quel garçon ferait pareil ?

L’une de ces visites est enfin récompensé, à un moment quand Mme Swann a aussi une autre invitée, Mme Bontemps :

« Je crois qu’elle vous a écrit pour que vous veniez la voir demain… »

« Non, je lui écrirai un mot ce soir. Du reste, Gilberte et moi nous ne pouvons plus nous voir », ajoutais-je, ayant l’air d’attribuer notre séparation à une cause mystérieuse…

« Vous savez qu’elle vous aime infiniment, me disait Mme Swann. Vraiment vous ne voulez pas demain ? »…

Je craignais qu’en me revoyant Gilberte pensât que mon indifférence de ces derniers temps avait été simulée et j’aimais mieux prolonger la séparation.

Voilà, un autre moment je-n’en-peux-plus. On lui propose exactement ce qu’il cherchait, et il préfère jouer à un jeu stupide.

Mais ce n’est pas sur Gilberte que nous finissons cette fois. Il se passe que pendant cette même visite, les Verdurin rentrent dans l’histoire, ce même couple qui avait apparemment renvoyé Charles Swann pendant le premier tome. Maintenant, puisqu’Odette a commencé à établir son propre salon, et reçoit ses propres invités, même Mme Verdurin ne peut pas résister à leur rendre visite :

Seul aussi d’ailleurs il était présenté par Odette, qui préférait que Mme Verdurin n’entendît pas de noms obscurs et, voyant plus d’un visage inconnu d’elle, pût se croire au milieu de notabilités aristocratiques, calcul qui réussissait si bien que le soir Mme Verdurin disait avec dégoût à son mari : « Charmant milieu ! Il y avait toute la fleur de la Réaction ! »

Que tous ces personnages jouent à des jeux stupides !

Le repas des bénévoles

J’ai passé une soirée intéressante hier. Ça fait un an et demi que je suis responsable du bulletin de l’OCA. Mais c’est la première fois où je me suis retrouvé en compagnie d’une vingtaine de personnes bénévoles de l’association pour dîner ensemble. Je n’ai pas pris de photos, parce qu’au-delà de la présidente à la table, personne ne l’a fait. J’ai quand même quelques remarques.

Table de desserts, Photo par John Mason, CC BY 2.0

Le dîner venait d’un resto libanais à Anaheim. C’était largement de la cuisine générique de la région : des kebabs de bœuf et de poulet, du riz, du taboulé. Je dois ajouter — les kebabs de bœuf étaient exceptionnels, les meilleurs que je connais au-delà du resto persan que je fréquente quand je vais à Los Angeles. Cependant, peut-être que vous êtes surpris d’apprendre que nous n’avons pas eu de français. Sans avoir vu la facture, je devinerais quand même que ça coûterait au moins deux fois ce repas. Le français ici est follement cher quand c’est disponible tout court, et à emporter, c’est presque introuvable.

Je ne voulais pas m’en plaindre, mais ils sont tous habitués à dîner beaucoup plus tard que moi. En partie, ça se prononce « diabète » — je ne veux jamais rien manger après 21h, afin de ne pas me réveiller à un taux de glycémie choquant. Mais la différence entre mes habitudes et les leurs est quand même énorme, alors je dois imaginer que c’est pareil pour la grande majorité d’entre vous. Nous nous sommes réunis à 18h30 et n’étions pas à table jusqu’à 20h. Je dîne pas plus tard que 18h tous les jours.

Comme pendant d’autres événements avec beaucoup de monde, j’ai galéré horriblement à cause du bruit. Avec plusieurs conversations autour de moi, c’était très difficile de me concentrer sur l’une d’entre elles. C’est pire pour moi en français qu’en anglais, de loin. On m’a posé des questions sur ça en partant ; il devait être très évident. Oups.

Quelque chose vers la fin m’a dérangé. Je ne sais pas s’il s’agit d’une différence culturelle ou juste les personnalités de certaines personnes. Je ne veux pas parler au nom des autres Américains, mais j’ai été élevé avec l’idée qu’à la fin d’un repas, si on est invité, on propose d’aider à débarrasser la table et à tout nettoyer. Il y avait 4 femmes qui faisaient ces tâches ; elles ont refusé. J’espère sincèrement que personne n’a eu l’idée que c’était une tâche réservée aux femmes. Il y a 60 ans, ça aurait été le cas aux États-Unis, mais ce n’était certainement pas une attente de ma part !

De toute façon, j’apprécie vraiment l’invitation. C’est toujours sympa d’être reconnu !

Ici et là

Alors, j’ai tout genre de faits divers qui s’accumulent ces deux dernières semaines.

J’étais déjà au courant que les horaires des chaînes de radio ont tendance à changer chaque rentrée, mais je suis toujours surpris par les nombreux changements chez RTL depuis le 25 août. Je n’ai l’habitude d’écouter RTL Soir que le mercredi, à cause de mon propre horaire — je ne l’écoute qu’en voiture, et c’est le seul jour où je suis en voiture au bon moment. Il m’a fallu une semaine de plus pour remarquer qu’Agnès Bonfillon et Yves Calvi n’étaient plus là, ayant été remplacés par Anne-Sophie Lapix, que je ne connaissais pas. En même temps, Faustine Bollaert anime une émission différente, « Un jour, une vie » à la place de « Héros », et Amandine Bégot n’est plus sur RTL Matin.

Autoradio, Photo par Vogler, CC BY-SA 4.0

Avec un peu de recherche, il s’est avéré un jeu de chaises musicales ; tous sauf M. Calvi restent au sein de RTL. Mais j’aimais bien le duo de Sotto et Bégot avec Laurent Gerra, et j’aimais bien RTL Soir tel que je l’avais connu. Malheureusement, Mme Bégot diffuse désormais sur RTL 3h du Matin, comme le midi français est connu chez moi, alors j’espère pour mon bien-être ne pas l’écouter en live. Peut-être en podcast de temps en temps. (J’ai fait une blague pareille dans mon livre, où l’émission du matin sur NRJ se disait « Manu dans le 21/1 ».) Quant au pauvre M. Calvi, il doit être bien épuisé d’entendre le nom Lapix ; c’est la deuxième fois où elle l’a chassé de sa place, l’ayant remplacé sur France 2 en 2014 selon Wikipédia.

J’avoue que je trouve Mme Lapix assez charmante dans son nouveau rôle, mais j’ai reçu un sacré surpris en testant « On refait le monde » plus tôt cette semaine, car elle l’anime aussi. Je me suis lancé sur RTL avec Les Grosses Têtes afin d’apprendre à écouter plusieurs personnes en même temps. Cette autre émission, c’est tout autre chose — je ne pouvais rien comprendre, avec 2 ou 3 personnes criant à la fois ! Ça ne vaut pas la peine, mais pour ce qu’il vaut, ce phénomène est si bien connu aux États-Unis sur nos émissions politiques, qu’il existe une expression péjorative, « shout shows » (spectacles de cris).

Ceux qui sont connectés à moi sur Facebook savent que depuis 3 jours, je galère à trouver une rame de papier A4 afin d’imprimer une copie de mon manuscrit pour envoyer à une maison d’édition qui insiste toujours sur papier. Évidemment, je ne m’attendais pas trop sérieusement à en trouver en magasin, mais quand Staples, la seule grande chaîne de fournitures de bureau restant aux États-Unis, m’a montré ce papier sur leur site, je croyais que c’était ma solution. Hier soir, après avoir pris mon argent sans plainte, ils m’ont envoyé un courriel pour dire « Haha, mais non. » Je suis fâché car le message contenait des suggestions « d’autres produits », tous du mauvais format. Si je voulais n’importe quel papier, j’en aurais acheté en magasin !

Il me coûtera 50 $ à envoyer le manuscrit en France. Ce prix permet une grosse enveloppe jusqu’à 4 livres — la mesure, pas le truc à lire — et 1/2 rame de 500 feuilles fait environ 2 livres. À ce prix, je ne l’enverrai de cette façon qu’à une maison d’édition, mais c’est une qui a publié d’autres livres dans le même esprit.

Revenons à la radio brièvement. La pire pub sur les ondes françaises appartient sans conteste à Volkswagen, pour la voiture Polo. Pour une chose, j’achèterais une Tesla avant une Volkswagen, et je déteste absolument tout chez Tesla (ainsi que blâme Musk pour la crise d’essence californienne). Mais la foule qui chante « Pololol » sur l’air de « Joyeux anniversaire »… j’écouterais de préférence une heure de Gaëtan Roussel plutôt que 5 minutes de cette pub en boucle !

Je finirai sur quelque chose de gentille que l’on a fait pour moi hier, sans espoir de récompense. Comme vous pouvez imaginer, j’étais de très mauvaise humeur. Je suis donc allé chez Pick Up Stix, mon resto rapide préféré pour le chinois ultra-américanisé (uniquement pour ce plat). D’habitude, je commande toujours une tasse pour soda (mais je ne bois que du thé glacé sans sucre). Ça coûte 3 $ en soi. Quand le caissier m’a dit que l’addition n’était que de 12 $, je lui ai dit qu’il avait sûrement oublié le soda. Il m’a répondu, « Nan, t’inquiète pas ». Pick Up Stix est pourtant l’un de seulement deux restos rapides qui n’exigent pas de pourboire quand on paye par carte, alors ça ne lui valait rien. C’était juste un geste sympa. Je l’apprécie énormément.

Deux meurtres qui changeront les États-Unis

Je voulais vous parler du colis à 50 $ que j’enverrai en France dès que mon papier A4 arrive. Je voulais vous parler de tous les changements chez RTL depuis fin août, et mon dernier coup de cœur, Anne-Sophie (je n’ai d’yeux que pour elle jusqu’au prochain Projet 30 Ans de Taratata — je suis en même temps la personne la plus fidèle et la moins fidèle que vous connaissez). Je voulais vous parler de la pub la plus énervante à la radio française (bon travail, Volkswagen, entreprise qui vient littéralement du leader allemand). Je voulais vous parler de la première chose gentille qu’un américain a faite pour moi en 2025. Mais je ne peux pas.

Assassinat du président Lincoln par Currier et Ives, Photo par Adam Cuerden, Domaine public

Parce que les cons ont décidé qu’ils n’ont pas travaillé assez dur pour faire sauter les États-Unis, mais ils ont enfin trouvé la solution. Bravo, les gars. L’incendie ne commencera pas demain, mais je vous rassure, nous avons maintenant deux martyrs politiques aux yeux d’un parti. On aurait pu survivre la création de la première, une inconnue, mais l’autre, c’est le pas trop loin.

Remontons le temps jusqu’au 22 août, à Charlotte, en Caroline du Nord. Un criminel, Decarlos Brown, arrêté 15 fois depuis 2007 (lien en anglais), reconnu coupable de 3 crimes (pas de délits), qui a passé 6 ans en prison, a poignardé une jeune réfugiée ukrainienne (lien en français), Iryna Zarutska. Pourquoi ? Parce qu’elle s’asseyait dans un métro avec le dos tourné, et ça suffisait, c’est pourquoi. Il y a une vidéo qui montre le tout, et c’est brutale. Avec les noms, vous pouvez la rechercher si vous en avez envie.

Pendant plus d’une semaine, ce meurtre n’est pas apparu dans la presse grand public ; seulement sur Twitter et des sites droitiers. Pour ces derniers, c’était typique des dangers de nos transports publics (femme brûlée vive à New York, homme poussé sur les rails) et quand certains essaient de se défendre, c’est seulement eux qui sont mise en examen. Mme la maire de Charlotte a même félicité les médias pour ne pas partager la vidéo. Mais cette semaine, la nouvelle est devenue un scandale national — il y a une perception forte que les médias ne parlent du meurtre car le meurtrier était noir, et ça évoquerait des statistiques inconfortables. Il y a une théorie légale aux États-Unis, reconnue par les tribunaux, « impact disparate » (lien en anglais) : si plus de personnes d’une race sont affectées par une loi qu’une autre race, puis la loi est raciste. Le résultat pervers de cette pensée est que si plus de personnes d’une race commettent un crime, punir ce crime est du racisme.

Iryna Zarutska, en tant que victime complètement innocente, est devenue le symbole de la folie de cette pensée. Mais elle était une inconnue. Ça nous amène aux nouvelles d’hier.

Un militant droitier, Charlie Kirk, a été assassiné pendant un discours à une université dans l’Utah. Une heure après la fusillade, quand il était toujours en vie à l’hôpital, des gauchistes ont commencé à fêter l’événement en public :

Capture d'écran d'un tweet : « En ce moment, dans le carrefour des rues 5e et Pine au centre-ville de Seattle. Militant gauchiste tient une pancarte qui dit "Charlie Kirk fusillé, super !" »
Source

Le tweet dit : « En ce moment, à l’intersection des rues 5e et Pine dans le centre-ville de Seattle. Militant gauchiste tient une pancarte qui dit « Charlie Kirk fusillé, super ! » L’extrême gauche a infecté cette ville » M. Kirk est mort environ une heure après la publication de ce tweet. Vous pouvez juger le caractère de la personne dans la photo pour vous-même.

Je sais que pour beaucoup de Français, la seule violence politique aux États-Unis est le 6 janvier 2021. Mais la seule personne qui est morte en résultat de ce jour-là était l’une des émeutières, fusillée par un policier. Depuis le 1er janvier 2024, on a : le meurtre d’un PDG d’une compagnie d’assurance par un militant gauchiste pour des raisons politiques, deux tentatives d’assassinat contre Donald Trump en tant que candidat (juillet, septembre), un attaque incendiaire contre le gouverneur juif de Pennsylvanie et sa famille par un militant pro-palestinien, les meurtres de deux employés de l’ambassade israélien pour la même raison, les meurtres d’une députée de l’assemblée du Minnesota et son mari par une personne nommée pour un poste par le gouverneur démocrate, Tim Walz (dans l’espoir du meurtrier qu’il allait éliminer des rivaux de Walz pour le sénat, lien en anglais).

Après le premier attentat contre M. Trump, je vous ai parlé d’autres tentatives d’assassinat pendant son premier mandat, contre des députés et juges républicains. Heureusement, ces autres tentatives ont toutes échoué, même si les cibles ont été blessées. Mais cette fois, c’est différent.

Charlie Kirk était un homme extrêmement populaire parmi son parti. Il m’est difficile d’identifier une personne exactement pareille en France ; imaginez si 20 % des Français trouvaient BHL agréable, et vous serez sur le bon chemin. Sans question, il était un partisan, mais il participait à de nombreux débats avec ses adversaires, en grande partie de façon civile. Voici son apparition sur le podcast de mon gouverneur, Gavin Newsom — beaucoup de monde croient que M. Newsom sera le candidat démocrate en 2028. Il n’avait rien de Hitler ; pourtant, on voyait des fêtes dans les médias et sur les réseaux sociaux — « c’était l’un de ses supporters », « la personne qui a motivé la mort de Charlie Kirk était Charlie Kirk » (liens en anglais). Même les députés démocrates (pas tous) ont crié « Non ! » quand une députée a demandé un moment de prière dans le Congrès.

Pour ce qu’il vaut, je fais confiance qu’il n’y aura pas de violence en réponse à ce meurtre. J’ai vu un commentaire caustique hier après-midi : « Je suis en colère mais ça ne me donne pas le droit de saccager Best Buy ». Ce ne sera pas le moment George Floyd de la droite. Mais on vient d’atteindre la limite.