Dans le Congrès des États-Unis, il y a une règle particulièrement malhonnête, dite « révise and extend » (réviser et étendre). Un député peut dire « Bla-bla-bla », puis « Je réserve le droit de réviser et étendre mon discours », et ça veut dire que les records officiels montreront n’importe quelle autre chose au lieu de ce qu’il a dit. La seule limite, c’est que cette règle ne s’applique qu’aux discours d’une minute (lien en anglais). Sinon, les archives seraient complètement falsifiées !
À son tour, Langue de Molière revisite parfois certains sujets, s’il y en a plus à dire. Mais je me sens comme si cette fois, je serai coupable de tout ce que je n’aime pas chez le Comgrès. Bon, pas la partie où les membres achètent des actions selon des infos non-publiques qu’ils apprennent en faisant leur boulot. Mais je vais quand même réviser et étendre mes commentaires sur l’accord de « tout ».
En relisant mon livre, j’avais écrit « tout autre personne », parce que j’avais suivi l’exemple de Mme Aurore Ponsonnet, repris ici :
Je ne sais pas vous, mais mon oreille ne se plaignait pas. Cependant, j’ai compris cette règle à dire que puisque « autre » est un adjectif indéfini, c’est un des « autres cas » comme elle le dit, alors « tout » serait invariable chaque fois.
Mais on m’a dit qu’en fait, j’avais tort, et c’était plutôt « toute autre personne ». Ça donne envie d’arracher les cheveux ! Qu’est-ce qui se passe ? Selon Projet Voltaire :
Si « tout » peut être ôté de la phrase, c’est qu’il s’agit de l’adverbe signifiant « entièrement ». Étant invariable, comme tout adverbe, il ne prend pas de « e », même devant un nom féminin.
C’est une tout autre histoire. (= C’est une autre histoire.)
« tout autre » ou « toute autre », Projet Voltaire
Cependant, et c’est ici où j’aurais une dent contre Mme Ponsonnet si c’était possible, selon le même article, elle a tort à dire que « tout » s’accorde seulement devant les cas au féminin ; c’est les indéfinis aussi :
Si, en revanche, « tout » ne peut être ôté de la phrase, il s’accorde. C’est un adjectif indéfini. On peut alors le remplacer par « n’importe quelle ».
Toute autre personne se serait réjouie. (= N’importe quelle autre personne se serait réjouie.)
Mais elle a dit que sans liaison, l’oreille n’est pas satisfait, et voici un cas où ce manque de liaison est obligatoire. En plus, personne ne va me convaincre que l’on fait ce test — « Puis-je ôter le « tout » ? » — en parlant. Il faut donc simplement s’en souvenir.
Une autre erreur du livre, du même genre ? On m’avait convaincu que « des » se transformait en « de » devant tout adjectif. Pourtant, j’ai écrit « Couper de petits rectangles » dans la recette de Canistrellis, et on m’a corrigé que c’était en fait « des petits rectangles ».
Vous faites la guerre contre mes cheveux, hein ? J’ai recherché cette question ; voici l’astuce de l’Office québécois de la langue française :
Lorsqu’il se trouve devant un nom précédé d’un adjectif, le déterminant indéfini pluriel des est généralement réduit à de (ou d’)…
Comme tu as de jolis cheveux !
Des devant un adjectif antéposé
Pas si longtemps avec les cheveux si vous continuez tous comme ça ! Mais ils continuent :
Toutefois, si l’adjectif et le nom forment un nom composé, le déterminant conserve la forme des…
- Des grands-pères
- Des petits pois
Je ne suis pas si sûr si le changement était correct selon cette règle. Un « petit pois » est un genre de pois, différent d’un pois mange-tout. Un petit rectangle n’est pas un genre de rectangle — on pourrait couper la pâte à n’importe quelle taille.
L’Académie française est un peu ambiguë sur la question. Sans aborder la question de « noms composés », elle dit :
Quand le nom est précédé d’une épithète, au pluriel, des est ordinairement remplacé par de (de belles plages) dans la langue écrite et dans la langue parlée soignée. Mais des, qui n’est ni récent ni incorrect, se rencontre encore.
Avant le XVIIe siècle, on employait indifféremment de ou des…
Dire, Ne Pas Dire
Indifféremment, hein ? J’aime bien ce XVIe siècle avec son indifférence aux articles, son manque d’antibiotiques et de plomberie… euh, bon, peut-être que je préfère l’actualité après tout !
Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour hisser le pavillon pirate.









