Archives pour la catégorie Langue de Molière

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Tout petit

Dans le Congrès des États-Unis, il y a une règle particulièrement malhonnête, dite « révise and extend » (réviser et étendre). Un député peut dire « Bla-bla-bla », puis « Je réserve le droit de réviser et étendre mon discours », et ça veut dire que les records officiels montreront n’importe quelle autre chose au lieu de ce qu’il a dit. La seule limite, c’est que cette règle ne s’applique qu’aux discours d’une minute (lien en anglais). Sinon, les archives seraient complètement falsifiées !

À son tour, Langue de Molière revisite parfois certains sujets, s’il y en a plus à dire. Mais je me sens comme si cette fois, je serai coupable de tout ce que je n’aime pas chez le Comgrès. Bon, pas la partie où les membres achètent des actions selon des infos non-publiques qu’ils apprennent en faisant leur boulot. Mais je vais quand même réviser et étendre mes commentaires sur l’accord de « tout ».

En relisant mon livre, j’avais écrit « tout autre personne », parce que j’avais suivi l’exemple de Mme Aurore Ponsonnet, repris ici :

Je ne sais pas vous, mais mon oreille ne se plaignait pas. Cependant, j’ai compris cette règle à dire que puisque « autre » est un adjectif indéfini, c’est un des « autres cas » comme elle le dit, alors « tout » serait invariable chaque fois.

Mais on m’a dit qu’en fait, j’avais tort, et c’était plutôt « toute autre personne ». Ça donne envie d’arracher les cheveux ! Qu’est-ce qui se passe ? Selon Projet Voltaire :

Si « tout » peut être ôté de la phrase, c’est qu’il s’agit de l’adverbe signifiant « entièrement ». Étant invariable, comme tout adverbe, il ne prend pas de « e », même devant un nom féminin.

C’est une tout autre histoire. (= C’est une autre histoire.)

« tout autre » ou « toute autre », Projet Voltaire

Cependant, et c’est ici où j’aurais une dent contre Mme Ponsonnet si c’était possible, selon le même article, elle a tort à dire que « tout » s’accorde seulement devant les cas au féminin ; c’est les indéfinis aussi :

Si, en revanche, « tout » ne peut être ôté de la phrase, il s’accorde. C’est un adjectif indéfini. On peut alors le remplacer par « n’importe quelle ».

Toute autre personne se serait réjouie. (= N’importe quelle autre personne se serait réjouie.)

Mais elle a dit que sans liaison, l’oreille n’est pas satisfait, et voici un cas où ce manque de liaison est obligatoire. En plus, personne ne va me convaincre que l’on fait ce test — « Puis-je ôter le « tout » ? » — en parlant. Il faut donc simplement s’en souvenir.

Une autre erreur du livre, du même genre ? On m’avait convaincu que « des » se transformait en « de » devant tout adjectif. Pourtant, j’ai écrit « Couper de petits rectangles » dans la recette de Canistrellis, et on m’a corrigé que c’était en fait « des petits rectangles ».

Vous faites la guerre contre mes cheveux, hein ? J’ai recherché cette question ; voici l’astuce de l’Office québécois de la langue française :

Lorsqu’il se trouve devant un nom précédé d’un adjectif, le déterminant indéfini pluriel des est généralement réduit à de (ou d’)…

Comme tu as de jolis cheveux !

Des devant un adjectif antéposé

Pas si longtemps avec les cheveux si vous continuez tous comme ça ! Mais ils continuent :

Toutefois, si l’adjectif et le nom forment un nom composé, le déterminant conserve la forme des

  • Des grands-pères
  • Des petits pois

Je ne suis pas si sûr si le changement était correct selon cette règle. Un « petit pois » est un genre de pois, différent d’un pois mange-tout. Un petit rectangle n’est pas un genre de rectangle — on pourrait couper la pâte à n’importe quelle taille.

L’Académie française est un peu ambiguë sur la question. Sans aborder la question de « noms composés », elle dit :

Quand le nom est précédé d’une épithète, au pluriel, des est ordinairement remplacé par de (de belles plages) dans la langue écrite et dans la langue parlée soignée. Mais des, qui n’est ni récent ni incorrect, se rencontre encore.

Avant le XVIIe siècle, on employait indifféremment de ou des…

Dire, Ne Pas Dire

Indifféremment, hein ? J’aime bien ce XVIe siècle avec son indifférence aux articles, son manque d’antibiotiques et de plomberie… euh, bon, peut-être que je préfère l’actualité après tout !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour hisser le pavillon pirate.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

C’est la guerre !

Aujourd’hui, Langue de Molière suit dans les traces du regretté M. Descarottes et sa guerre contre les Péruviens. Mais même s’ils ne vont pas essayer de me manger — la plainte plus-que-justifiée de notre cobaye préféré — en tant qu’élève de la langue française, il me semble que j’ai désormais un casus belli conte la Belgique. Et si la dernière nouvelle tient, la France en plus.

En fait, j’irai plus loin. J’ai dit au passé que mon attitude envers les anglicismes vient d’un désir de ne pas me faire accuser d’impérialisme linguistique — vous pouvez trouver des références à partir de 2021. Mais cette fois, comme un bon colon, il faut que j’envahisse pour vous sauver de vous-mêmes.

De quoi s’agit-il ? Remontons le temps jusqu’en 2022. J’ai partagé une vidéo de deux profs de français, des belges tous les deux, « La faute de l’orthographe ». Je la reprend ici :

Depuis 2016, ils présentent ce discours, ainsi qu’une suite, dans des théâtres, une carrière très inhabituelle où l’on est en même temps linguiste et comédien (faites-moi confiance ; le métier ne se prête pas souvent à cette combinaison). Ce que je ne savais pas quand j’ai vu leur clip pour la première fois, c’était que les deux avaient proposé, dans les pages de Libération en 2018, d’éliminer l’accord du participe passé. Je les cite, autant pour la liste de supporters que la proposition :

La fédération Wallonie-Bruxelles, en accord avec ses instances linguistiques, envisage sérieusement d’instaurer l’invariabilité du participe passé avec l’auxiliaire avoir. Elle s’appuie pour cela sur les avis du Conseil de la langue française et de la politique linguistique de la Fédération Wallonie-Bruxelles (CLFPL) et du Conseil international de la langue française (Cilf). Elle suit aussi les recommandations d’André Goosse, successeur de Maurice Grevisse au Bon Usage, du groupe de recherche Erofa (Etude pour une rationalisation de l’orthographe française d’aujourd’hui), de la Fédération internationale des professeurs de français et de sa branche belge, de certains membres de l’Académie royale de Belgique et de l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique, ainsi que des responsables des départements de langue, de littérature et de didactique du français de la plupart des universités francophones… 

«Les crêpes que j’ai mangé» : un nouvel accord pour le participe passé

À l’époque, Le Figaro a constaté leur proposition, en notant que c’est plutôt l’enseignement du passé simple qui suscite la polémique en France.

« Mais Justin », vous me dites, « ça fait 7 ans et rien n’est arrivé. Pourquoi vous en souciez maintenant ? » Et là, c’est parce qu’il y a quelques semaines, j’ai vu ce tweet pour annoncer que cette idée est envisagée en France :

Ce tweet date de mi-août de cette année, mais en fait, il cite un article de septembre de l’année dernière. Et à son tour, l’article cite un rapport du Conseil scientifique de l’Education nationale, qui recommande beaucoup de choses, non seulement supprimer l’accord. C’est le travail d’un comité de linguistes, et de nombreuses études sont citées là-dedans, largement de données prises de dictées entre le CP et le CM1, impliquant environ 50 000 élèves. Il n’y a pas de question que ce sont bien validés. Et qu’est-ce qu’ils disent ?

C’est un peu la catastrophe. En CE1 et CE2, le taux d’accords corrects est d’environ 50 % en général, et quand il s’agit d’avoir, il baisse jusqu’à 17 % dans certains contextes. 60 % de toutes les erreurs de collégiens impliquent l’accord du participe. Même chez les adultes, on trouve que l’accord est fait correctement à 90 % avec être, 80 % pour les verbes pronominaux et seulement 50 % avec avoir.

Il semblerait donc logique d’envisager au moins de supprimer l’accord. Évidemment, très peu de monde le maîtrisent complètement. Néanmoins, je suis contre, et fortement.

Pour une chose, les données chez les adultes ne sont pas de la même qualité. Une étude d’écriture sur Reddit avec des adultes bien éduqués a trouvé que seulement 30 sur 395 adultes, soit des élèves universitaires soit diplômés d’un bac+3 ou bac+5, n’ont fait aucune erreur à cet égard. Ouais, sur Reddit. Je ne sais pas vous, mais je ne m’attends pas au même niveau d’écriture sur un réseau social que dans un journal ou dans un livre.

Mais autre chose, le projet sent un peu l’Esperanto, l’idée que le langage est un produit d’ingénierie. Le japonais manque complètement de ces accords ; faut-il que le français soit le japonais ? L’anglais n’a que le pluriel pour accorder ; levez la main, tous ceux qui veulent que le français soit anglais ! On voit ce côté snob des experts dans l’article de Libération d’en haut :

Quant à l’Académie française, n’étant pas composée de linguistes, elle n’est jamais parvenue à produire une grammaire décente et ne peut donc servir de référence.

Ben oui, l’Académie n’est pas composée de linguistes, juste de ceux distingués par leur usage de la langue ! En tant que linguiste, il m’énerve souvent quand des gens me disent que parce qu’ils parlent une langue, ils savent comment ça marche. Mais en même temps, je ne considère pas que le fait d’être linguiste me rend particulièrement doué en tant qu’écrivain. Ce sont deux choses distinctes.

Je n’ai pas de données sous la main, mais j’imagine vu la conversation autour de l’éducation aux États-Unis qu’il y a des données pareilles quant à l’anglais. Et j’ai passé sous silence d’autres données écœurantes dans le rapport : beaucoup de monde ont du mal à écrire correctement les flexions des verbes — chantez, chanté et chanter arrivent presque par hasard dans un autre exemple. Encore une fois, les japonais ont une solution pour ça — la conjugaison n’implique que le temps chez eux. Mais ce changement rendrait le français de maintenant illisible pour les élèves en 2125 !

Au nom de rendre tout plus logique, on peut justifier des changements qui rendraient le français exactement ce que l’on trouve de nos jours sur Facebook et Reddit. Il y a des données pour étayer ça ! Mais ce ne serait plus la langue de laquelle je suis tombé amoureux, et franchement, ça a l’air de jeter l’éponge. Pensez-vous que les élèves japonais aimeraient passer moins de temps en apprenant par cœur des milliers de kanji ? Moi aussi. Pourtant, ils ne font rien de la sorte. Alors je dis à ces belges, je prends votre chocolat, mais gardez vos idées farfelues. Je garde l’accord du participe.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de tout autre accord que j’ai raté.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Considérez-vous

Connaissez-vous la comédie musicale Oliver ? D’après le roman de Charles Dickens, Oliver Twist, elle est devenue un film qui a remporté l’Oscar de meilleur film. Parmi ses chansons les plus connues est « Consider Yourself », qui décrit le moment quand Oliver s’intègre à une bande de voleurs. En français, on dirait « Considérez-vous », et c’est exactement ce que l’on entend dans cette reprise bilingue :

J’ai dû apprendre cette chanson pendant un séjour dans un camp théâtre (ainsi que « Une secrétaire n’est pas un jouet » — une expérience qui m’a convaincu que je n’étais pas fait pour le théâtre). Mais honnêtement, c’est juste la bonne excuse pour Langue de Molière cette semaine : comment utiliser « considérer ».

Je suis accro au verbe considérer depuis longtemps, surtout pour une formule répétée encore et encore : « Je me considère comme un invité » ([Qui personne n’a, en fait, invité. — M. Descarottes]). Mais en faisant des recherches pendant la correction de mon livre, j’ai trouvé un article du Figaro qui m’a montré que le sujet est un peu subtil.

Le problème, c’est qu’il y a deux sens de considérer, et chacun ressemble à d’autres verbes. Le Fig explique :

«Il considère ce dossier comme prioritaire»«l’agriculteur considère le ciel avec inquiétude»«elle la considère comme son amie»… Le verbe «considérer», selon le contexte de la phrase, ne se construit pas de la même façon.

«Considérer comme»: attention au bon emploi du verbe, par Aliénor Vinçotte

Mais qu’est-ce qui se passe ? Le verbe est parfois suivi d’un nom, parfois de « comme », et il y a même un exemple ou « comme » introduit un attribut du nom. Le problème, c’est qu’il y a deux sens ici, et beaucoup de monde ne sait pas les distinguer.

Le premier sens est :

issu du latin «considerare» qui signifie «examiner attentivement par les yeux et la pensée».

Ça veut dire donc des choses comme « Considérez ce bâtiment » ou « On considère cette sculpture ». Considérer dans ces cas prend un COD, et veut dire que l’on regarde ou pense à l’objet.

Mais on peut aussi l’utiliser pour signifier « estimer » ou « juger », et ici, la grammaire dépend de si on parle de l’objet entier, ou d’un attribut. Dans le premier cas, c’est toujours suivi de « que », alors on écrit des choses telles que «Je considère qu’il est bête » ou « François considère qu’il aura bientôt plus de temps libre. »

C’est le cas d’un attribut où on voit toutes les erreurs, selon Le Figaro. On est censé suivre le verbe avec « comme » ; par exemple : « Je me considère comme un invité. »

Pourtant, on retrouve souvent le verbe «considérer» avec la construction directe «considérer + nom + adjectif», et donc sans la conjonction, «comme». Bien qu’il existe de nombreuses attestations dans la littérature (il s’agit dans ce cas d’emploi elliptique), cette construction directe est souvent critiquée. 

Les critiques viennent du fait que seulement le tout premier sens, de regarder une chose, prend cette forme de « considérer + nom ». Alors faites pas ça !

Heureusement, Le Figaro sait où pointer du doigt : moi.

On notera également l’influence de l’anglais avec la phrase «to consider someting or someone»suivi de l’attribut – qui veut dire la même chose en français mais qui se construit sans préposition et qui n’est probablement pas étrangère à cet oubli systématique de la conjonction «comme»en français.

Pour me défendre, tout ce que je peux dire est que j’apprends la langue en lisant ce qui écrivent des francophones de naissance. Alors, comme dit La Fille sur ses propres erreurs de français : si je fais cette erreur, c’est de votre faute ! (Mais en fait, je n’arrive pas à trouver même une seule erreur de ce genre sur le blog ; il me semble que vous m’avez appris correctement.)

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour lancer une guerre contre la Belgique.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Une de ces choses n’est pas comme les autres

Notre gros titre pour Langue de Molière vient d’une chanson de Sesame Street, l’émission pour enfants qui a donné lieu à L’île aux enfants après son propre échec en France. Voici un clip :

Même si vous ne pouvez pas comprendre les paroles, la signification du titre est tout de suite évidente juste en voyant l’image. La chanson invite le spectateur à deviner quelle chose à l’écran n’est pas comme les autres.

C’était ça le cas en écrivant sur les nombreuses personnes qui m’ont envoyé des cadeaux dans mon livre. J’ai écrit :

Plus tard, j’ai fait la connaissance de toute une communauté de blogueurs et blogueuses littéraires.

Avant mon retour en France, l’une d’entre eux, Audrey, connaissant ma passion pour le Devoir deMémoire, m’a envoyé un livre intitulé D-Day : Histoires mémorables du Débarquement et de la Bataille de Normandie (Pattier et Chaunu, 2019). 

Vous connaissez tous l’Audrey en question, Light&Smell. Mais c’est l’expression en caractères gras et italiques qui est notre sujet du jour. Le problème est assez clair. Je parle d’un groupe mixte, des blogueurs littéraires — mais si nous sommes honnêtes, il s’agit presque entièrement de blogueuses — et la règle typique est que pour un groupe mixte, on utilise la forme masculine, « eux ». S’il s’agissait uniquement de femmes, on écrirait plutôt « elles ».

Mais ce qui rendait la situation encore plus complexe à mes yeux, c’était que j’allais suivre cette expression par un prénom féminin. L’anglais n’a rien à dire ici, parce que l’expression équivalente n’utilise aucun genre. Alors ce n’était pas ma langue maternelle qui me mettait mal à l’aise pour écrire « l’un d’entre eux, Audrey ». Toutefois, je serais menteur si je vous disais que j’avais une source pour mon choix à l’époque.

C’était Filimages qui a relu ce chapitre pour moi. Il m’a écrit :

Ça fait bizarre de mélanger les genres dans cette expression.
l’un d’entre eux
ou
l’une d’entre elles
Ici, j’avoue que je doute ! Il va falloir l’avis d’un vrai linguiste…

Et pour être clair, il a bien raison ! J’avoue sans gêne que je n’avais aucune idée de si je pouvais justifier ce choix. Cependant, en faisant mes corrections, j’ai recherché l’expression sur Google, afin de voir s’il y avait d’autres personnes qui écrivaient la même chose. Et ça m’a amené au Figaro :

Gros-titre : « Des avocats dénoncent la verbalisation de l'une d'entre eux devant le tribunal de Paris »

Pour vous donner plus de contexte, voici la partie qui décrit la verbalisation d’une avocate :

Des avocats ont dénoncé la verbalisation samedi 23 mai pour non-respect de l’interdiction de rassemblement de plus de dix personnes de leur consoeur Me Hanna Rajbenbach et de quinze autres personnes, selon elle des proches de ses clients, devant le Tribunal judiciaire de Paris.

Le Figaro

Quel souvenir sympa du Confinement ! Mais on peut clairement voir que le « eux » fait référence à la communauté d’avocats, un groupe mixte. Et en ce qui concerne la grammaire, je considère qu’un exemple venant soit du Figaro, soit du Monde, soit du Canard suffit pour me convaincre. Évidemment, un seul exemple peut toujours être une erreur — raison pour laquelle une blague linguistique sur les données va comme ça : « Un exemple fait une exception. Deux exemples font une règle. » Et je pouvais trouver des exemples venant de partout : Louvre Lens, Le Parisien, BFM, La Croix.

J’ai dit à Filimages, et il reste le cas, que j’avais du mal à trouver une source faisant autorité sur le sujet. C’était beaucoup plus facile de trouver des polémiques — des posts sur des forums, ainsi qu’un argument par une militante (auto-décrite) pour « les accords au choix » — mais aucun avis de l’Académie française ou de Projet Voltaire. Et dans un tel cas, j’évite d’exprimer des avis moi-même. Évidemment, j’ai trouvé cette forme assez logique, mais même s’il y a une diversité de pensées parmi mes exemples en haut, ce genre d’accord est loin d’être accepté partout. Ma règle personnelle reste de ne pas prendre parti sur des questions culturelles sensibles, et peut-être que ça veut dire que j’aurais dû choisir « l’un d’entre eux », mais sachez que ce n’est pas une simple faute de ma part — j’ai réfléchi très sérieusement au sujet avant de prendre une décision.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour considérer « se considérer ».

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

À la boucherie

Après avoir écrit sur notre visite à Harris Ranch, et surtout du fait que le découpage de bœuf à l’américaine n’est pas identique au français, j’ai reçu un courriel d’Anagrys avec une photo tirée d’un livre français sur la boucherie, qui montre très bien les différences. C’était particulièrement intéressant pour moi, parce que depuis le début, j’ai souvent du mal à traduire les noms des morceaux.

Évidemment, le niveau de détail est plutôt différent pour les trois découpages, mais même sans labels pour toutes les parties, c’est facile de voir que les Français coupent la vache beaucoup plus finement que les Britanniques ou les Américains.

Pour référence, voici la liste complète de morceaux de bœuf à l’américaine selon le Cattlemen’s Beef Board. Ce sera important :

©️Cattlemen’s Beef Board, tous droits réservés

Il s’avère qu’avec « l’aide » de certaines fausses références, ainsi que le fait les britanniques ne savent pas parler anglais, et utilisent les mauvais mots pour décrire certains steaks, j’ai fait beaucoup plus d’erreurs en achetant mes morceaux de bœuf pour le blog que je ne le pensais.

L’année dernière, une autre Langue de Molière parlait de l’erreur où je croyais que « faux-filet » voulait dire de la fausse viande végane. Mais ! À l’époque, je vous ai dit que selon mon amie lyonnaise (l’une d’entre elles à ce point, mais celle à qui je pense quand c’est au singulier) m’avait dit qu’il s’agissait du morceau dit « sirloin » en anglais. Cependant, comme beaucoup de Français, elle a appris la langue britannique. Vous aurez remarqué que dans l’image française, le faux-filet vient de la partie de la vache dit « aloyau ». Mon dictionnaire Oxford, écrit par des britanniques, traduit ce mot faussement par « sirloin ». Mais si vous regardez l’affiche américaine, avec les noms en bon anglais, il y a une différence entre « loin » et « sirloin ». Un « sirloin » en anglais est en fait la partie notée comme « bavette d’aloyau ». Le filet en français, dit « filet mignon » en anglais, vient de la même partie que le faux-filet, le « loin », et le bon équivalent est en fait ce que l’on appelle « strip steak ». On voit souvent aux États-Unis « New York strip » ou « New York steak », mais c’est tout la même chose. Alors, chaque fois où j’ai vu « faux-filet », j’ai acheté des « sirloins », ce qui est la bavette d’aloyau, pas le faux-filet.

Si ça vous laisse toujours perplexe, quand on a parlé des « T-bone steaks » venant de Harris Ranch, ce sont des os avec du filet à un côté, et du faux-filet à l’autre côté. Les britanniques diraient que c’est « filet mignon » et « sirloin », et c’est pourquoi je dis qu’ils ne savent pas ce qui veut dire « sirloin » en anglais. (Au cas où vous l’oublieriez, j’en ai marre de leur attitude que je ne parle pas anglais.)

Mais il y a une erreur encore plus gênant. Chaque fois où j’ai dit « paleron » dans ce blog — le bœuf bourguignon, le chili colorado, la soupe VGE — j’ai acheté de la viande du mauvais bout de la vache. Dans les deux premiers cas, c’était ce que l’affiche appelle « round », du rumsteck — mais ça aurait dû être « chuck ». Il y a beaucoup de morceaux sous la rubrique de « chuck », mais il suffit de dire qu’un bon « blade » ou « flat iron » aurait été le bon choix. Pour la soupe VGE, j’ai acheté du filet — la recette telle que je l’ai trouvée sur le site du Guide Michelin a dit paleron, mais j’avais vu d’autres versions en anglais qui disaient filet.

La seule chose que je peux dire que j’ai fait correctement chaque fois, c’est l’entrecôte. Quand je vois entrecôte dans une recette, j’achète toujours ce que l’affiche américaine appelle « ribeye ». Ça vient de la partie dite « rib », et vous pouvez voir que c’est la partie dite « entrecôte » dans le découpage français. « Côte » se traduit par « rib » dans son sens anatomique, alors là, je sais que je fais toujours la bonne chose.

Mais c’est gênant. Je vous donne toujours les bons noms en français, car toutes mes recettes sont tirées de sources françaises ([Le chili colorado vient désormais du Colorado provençal, apparemment. — M. Descarottes]), mais ça fait presque 5 ans de mauvais achats de mon côté !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec le plus grand casse-tête du livre, grâce à une observation de Filimages.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Les plaintes de La Fille

Avant de partir en vacances, je vous ai prévenu que la prochaine Langue de Molière traiterait des plaintes de La Fille sur la langue française. Nous voilà. Disons que nous sommes certainement liés.

Vous savez déjà que nous avons l’habitude d’échanger des SMS en français, surtout quand elle n’est pas chez moi. Et un jour, j’ai reçu un SMS de sa part qui a dit « Bon matin ». Quoi ? Elle n’a pas entendu ça de sa prof, j’en étais sûr. Je le lui ai dit, et elle m’a dit : « Mais jour ne veut pas dire la même chose que matin. On peut certainement dire « Bon après-midi » et « Bonsoir ». Et c’est le matin. Alors, c’est quoi le problème, mon vieux ? » ([Attention, peut-être qu’il a un peu embelli l’histoire. La Fille est toujours hyper-respectueuse. Comme moi. — M. Descarottes])

Je lui ai expliqué : « Tout n’est pas une traduction équivalent. On dit « Good morning » en anglais, et ça se traduit par « bon matin ». Mais ce n’est pas la bonne chose en français, tout comme tu voulais dire « Mon Dieu-roi », pas « Mon vieux » en traduisant de l’anglais. » Elle n’était pas contente de cette explication, et je l’avoue, moi non plus. La dernière partie est certainement correcte. Mais pourquoi existe-t-il des expressions équivalents pour l’aprèm et le soir, mais pas le matin ? Et puisque l’on en parle, pourquoi est-ce que l’on dit « bonne nuit » pour quitter quelqu’un plutôt que « bonne nuitée » ? Ce serait pareil à ce que l’on dit pendant le reste de la journée. J’avais donc des questions.

Je vous rappelle qu’il y a un effet sonore officiel du blog pour ce genre de question :

Nos amis québécois à l’Office de la langue française nous disent que « bon matin » est un emprunt à l’anglais, alors déconseillé. Cependant, ils ajoutent qu’en quittant quelqu’un, on peut dire « bon avant-midi », quelque chose que je n’ai jamais entendu. M. le Robert nous dit que ça se dit en Belgique et au Canada, et les logiciels ont tendance à n’apprendre que le français de l’Hexagone. Curieux de trouver une autre source métropolitaine, j’ai limité la recherche à des sites .fr, et ça n’a donné qu’une page de résultats, tous inutiles.

Mais quelque chose d’inattendu est arrivé quand j’ai essayé de rechercher « bon matin » uniquement dans l’Hexagone. Je n’ai rien trouvé d’officiel, tel qu’une déclaration de l’Académie française, juste un commentaire dans le forum du Figaro pour dire que c’est inconnu en France. Cependant, il faudrait dire ça à cette brasserie rennaise. Et à ce vendeur de sauces piquantes à Bordeaux. Et à ce petit resto réunionnais. En quelque sorte, « bon matin » s’étend partout !

Pour finir cette exploration de « bon matin », une linguiste québécoise, Marie-Éva de Villers, ajoute que : « bon matin est à la limite une formule de départ, comme le sont bonne soirée ou bon après-midi… ». Ça me rend perplexe encore une fois ; il me semble que l’on utilise le masculin pour l’arrivée et le féminin pour le départ. D’où les formules de jour/journée et de soir/soirée.

Quant à « bonne nuitée », il y a une poignée d’exemples en ligne, mais tous me semblent pas fiables pour des raisons diverses. Je considère que ça n’existe pas, mais j’ai du mal maintenant à expliquer pourquoi il existe bonjour/bonne journée et bonsoir/bonne soirée, mais pas de bonne nuit/bonne nuitée.

Cependant, nous sommes en train de former une francophone, alors vous vous trompiez si vous pensiez que La Fille n’avait qu’une plainte. Et celle-ci, nous la partageons. Chez nous, on dit quelqu’une avec un accent lourd pour indiquer une personne en particulier. Cependant, cet usage est apparemment déconseillé. Encore une fois, selon nos amis québécois :

L’emploi de quelqu’une est attesté au sens de « une… entre plusieurs » (une personne ou une chose), mais son emploi est considéré comme rare, vieilli et littéraire.

Il vaut mieux utiliser quelqu’un ou l’une ou une, ou reformuler la phrase.

Quelqu’une

Selon eux, si on va utiliser « quelqu’une », ça doit être suivi par « de » ou « des » :

Tu peux prendre quelqu’une des trois places disponibles.

Quelqu’une d’entre elles vous indiquera la marche à suivre.

Ils n’aimeraient donc pas notre utilisation, en tant que nom propre. Et là, il faut noter que l’Académie française est complètement d’accord. Dans son dictionnaire, elle dit qu’au singulier, c’est un usage littéraire si suivi par « de/des », et que ça doit être au masculin afin de vouloir dire « Un individu dont l’identité n’est pas précisée ».

On s’en fout. Nous avons besoin d’un mot pour désigner « un individu dont l’identité est parfaitement bien connue, mais nous sommes trop terrifiés pour le dire ». Comme Voldemort ; c’est-à-dire Celle-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Évidemment, j’ai peur de quelqu’une qui ferait peur à Voldemort. Ou bien à Mégatron.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour faire de la boucherie.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Langue du livre

J’ai décidé qu’au lieu de ce que j’avais planifié pour Langue de Molière cette semaine, quelque chose qui énerve La Fille, je vais fêter l’achèvement du manuscrit avec une collection des erreurs les plus souvent remarquées par les lecteurs. J’étais déjà au courant de certaines, mais j’ai appris des choses en lisant ce que les autres ont trouvé.

Il faut commencer avec une faute assez remarquée que dans ma note pour remercie les lecteurs, j’ai mentionné que « je n’écrirai plus jamais ‘aux deux côtés’». J’ai écrit ça 24 fois dans le manuscrit original (non, je n’ai pas gardé de statistiques à cet égard ; c’était juste facile de chercher le document corrigé). Il est facile de dire d’où vient cette erreur : c’est de l’anglais, si de façon un peu indirecte. Au passé, je vous ai dit — dans la deuxième Langue de Molière ! — qu’en général, « à » se traduit par « to » et « de » par « from ». Mais on peut rendre les choses de façon encore plus générale en disant que ces mots se traduisent par une variété d’autres mots qui indiquent une direction. Et là, « à » veut souvent dire « envers » son objet, et « de » signifie que l’on s’éloigne de son objet. C’est donc très bizarre pour moi de penser que l’on dirait jamais « des deux côtés ». Mais je peux vous rassurer que c’est bien pris en compte.

Une autre erreur avec une longue histoire sur ce blog, ainsi que dans mon manuscrit, c’est de confondre « dans l’esprit », ce qui est une traduction très exacte de l’anglais « in the spirit », et pleinement correct dans une phrase tel que « dans l’esprit de ses autres films », avec « venir à l’esprit », ce qui se traduit par « comes to mind ». (Voilà, encore une fois l’équivalence entre « à » et « to ».) Je doute que j’aie jamais lu « venir dans l’esprit » écrit par un Français. Et pourtant, il était une fois, c’était correct. Le Robert cite une ancienne définition de pensée, datant du XVIIe siècle :

Tout ce qui vient dans l’esprit, dans l’imagination, dans la memoire.

Définition de pensée

Voulez-vous un exemple plus concret ? Voilà, d’un sermon de Bernard de Clairvaux :

Il me vient dans l’esprit quelque chose de semblable dans l’Evangile.

Sermon LVIII

Bien sûr, il a prêché au XIIe siècle ; l’accueil du site au lien dit que c’est une traduction de 1866, plus récent que le XVIIe siècle. Peut-être que La Fille n’a pas tort de dire que je viens de l’époque des dinosaures et de George Washington.

Et en parlant de cette dernière phrase, quelque chose que je remarque en tant que linguiste depuis très longtemps : l’usage de « de » dans « l’époque des dinosaures et de George Washington » ou de « en » dans « en marchant et en prenant le métro » n’est pas toujours cohérent. En anglais, on ne répéterait presque jamais les mots équivalents : on pourrait écrire « the time of the dinosaurs and of George Washington », mais répéter « of » comme ça a l’air ringard. Je vois souvent des Français qui font pareil à l’anglais, mais vu les retours, je dirais que c’est probablement une faute. Au maximum, j’ai corrigé ça pour répéter les prépositions comme vous voyez ici.

La dernière chose que j’évoquerai, c’est plus une question de style qu’une erreur en soi. Je connais, et j’utilise parfois moi-même, des phrases qui commencent par « Inutile de » ; en parlant du ciné, j’ai écrit : « Inutile de me citer des exceptions ; nous parlons de tendances. » Mais autrement, il me semblait qu’il fallait en général utiliser un verbe avec ces choses : « Il est impossible de… », etc. Ça dérange mes oreilles, mais j’ai reçu un nombre de commentaires pour me dire d’écrire plutôt « Impossible de… ». Je l’ai fait autant que possible, mais dans une langue qui ne laisse pas tomber les prépositions comme ci-dessus, ça m’étonne.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler enfin des plaintes de La Fille.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Langue de chien

Il y a deux semaines, j’ai intitulé un épisode de la balado d’après une expression anglaise, « going to the dogs ». Littéralement, ça se traduit par mon titre, « tout va aux chiens ». Je l’ai choisi parce que le sujet de la moitié de l’épisode — la blague, un gros-titre satirique et un article — concernait des chiens. Cependant, il ne s’agit pas de chiens littéraux en anglais. (Hihihi, il y a un jeu de mots avec l’anglais dans cette dernière phrase, complètement par hasard — un groupe de chiens nouveaux-nés s’appelle un « litter » en anglais.)

En fait, l’expression est très proche des expressions en français à base du verbe « partir » : tout part en vrille/cacahuète/etc. C’est-à-dire que les choses tournent pour le mal (lien en anglais). Cependant, quand je l’ai mis en Google Traduction par curiosité, j’ai reçu une surprise :

Capture d'écran où "everything is going to the dogs" se traduit par « tout va à vau-l'eau ».

Non seulement l’équivalent français n’utilise pas « partir », mais ce « vau-l’eau » m’est complètement inconnu. Alors, qu’est-ce que c’est que « vau-l’eau » ?

Le tout premier sens dans le Trésor de la langue française, et apparemment le plus littéral, c’est de suivre un cours d’eau :

VAU(-)L’EAU (À),(VAU LEAU , VAU-LEAU ) loc. adv. et subst.

I. − Loc. adv.

A. − En suivant le fil de l’eau.

Deux gros dos squameux émergent de l’eau bourbeuse et replongent dans la vase Des régimes de bananes flottent à vau-l’eau (Cendrars, Du monde entier, Le Formose, 1924, p. 203).

Vau-l’eau

L’autre sens en tant qu’adverbe est exactement ce que je cherchais :

B. −Au fig. Au gré du hasard, à l’abandon, à la dérive. Destinée, illusions, plans, rêves à vau-l’eau; être, partir, se laisser aller, (s’en) aller à vau-l’eau.

Frais séjour où se vint apaiser la tempête De ma raison allant à vau-l’eau dans mon sang (Verlaine, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 14).

C’est donc assez clair que le « vau » est le cours suivi par ladite eau, et avec ça, l’équivalence avec l’expression anglaise devient compréhensible. Les chiens et l’eau sont les deux hors notre contrôle. Mais j’aimerais suggérer qu’il y a une différence entre importante entre ce chien et cette eau :

Et ce chien et cette eau :

On pourrait mieux préciser dans les deux cas.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de la plus grande plainte de La Fille à ce point dans ses études.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

J’ai triché, chef

Je suis sûr que beaucoup d’entre vous se souviennent des résultats catastrophiques de l’IA dans le cours d’anglais de La Fille en mai. Ça ne fait pas longtemps, après tout. Cependant, je ne m’attendais pas à ce qui est arrivé juste après la fin de notre année scolaire : Français de nos régions a publié une carte sur une autre forme de tricherie. Je suis étonné par la diversité du vocabulaire sur ce sujet :

Si j’ai bien compris, il y a 16 mots différents ici pour la même idée, contre seulement un que je connais en anglais, « cheat sheet » (une traduction très littérale serait « feuille de tricherie »). Je remarque qu’entre « antisèche » et soit « pompe » soit « billet de pompe », environ la moitié du pays dit juste un de deux choix.

C’est « antisèche » qui a attiré mon attention. Je ne savais pas que « sécher », un mot lié aux cheveux et aux linges, voulait aussi dire « ne pas aller à l’école ». Mais voilà :

b) Manquer volontairement (un cours, l’école).Mon cher commandant (…) me dit le curé, avec la bille têtue et pas d’accord des mômes résolus à sécher la classe, c’est en ce lieu démantelé que vous envisagez mon entretien avec le colonel Moscardo? Comment y parviendrai-je? (Malraux,Espoir, 1937, p. 591).

Sécher, Trésor de la Langue française

Mais ce n’est pas sa seule signification scolaire. Ça veut aussi dire que l’on reçoit de mauvaises notes :

a)Vx. [En parlant d’un élève] Se faire sécher.Être mal noté, et de ce fait, être recalé à l’examen.Quelques élèves travaillent leurs examens de fin d’année juste assez pour ne pas se faire sécher (Lévy-Pinet1894, p. 280).

De ce dernier, c’est évident d’où vient « antisèche », quelque chose contre sécher.

Bien sûr, dans le tarot, être sec est aussi une mauvaise chose :

Le petit sec

Un joueur possédant le petit sec (c’est son seul atout et il n’a pas l’excuse) doit obligatoirement l’annoncer, étaler son jeu et annuler la donne avant les enchères.

Règles du tarot

On penserait qu’un habitant d’un désert vibrerait avec ce vocabulaire. On aurait tort. J’ai déjà vécu assez de sécheresses, merci.

Je passerai à côté de beaucoup du reste des mots, qui ne veulent rien dire d’autre — « tust » et « pinoche » n’apparaissent pas dans le Trésor. Cependant, peut-être l’un des faits divers les plus Coup de Foudre vient de Normandie et Bretagne, où ce truc s’appelle « une carotte ». ([J’ai des plaintes ! Je gagne mes carottes en travaillant dur — couiner jusqu’à ce que le gros en a assez, c’est du travail honnête ! — M. Descarottes])

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler d’un autre animal poilu, les chiens.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Ponctuation de Molière

J’avais planifié tout autre chose pour aujourd’hui, mais c’est la ruée vers la fin du livre, alors je vais poser plusieurs questions où mes bénévoles me semblent ne pas être d’accord, et Projet Voltaire ne suffit pas pour combler les écarts. Dans tous les cas, il s’agit de ponctuation.

Mais avant de continuer, vous souvenez-vous de la Langue de Molière où j’ai écrit sur l’accord de « tout » avec les noms ? Grâce aux corrections reçues, je sais maintenant que la « règle » citée dans ce billet-là n’est pas correcte — si « tout » peut être ôté, il n’y a pas d’accord, mais autrement, oui. Alors il n’y a rien à voir avec le genre ! Je vous jure…

Il y a plusieurs questions qui tournent autour des virgules. À votre avis, faut-il mettre une virgule après surtout dans cette phrase ?

Elle a plus de trente mille abonnés sur les réseaux sociaux, et surtout quand on parle d’Instagram, il y a des comptes beaucoup plus petits que le sien qui ignorent tout commentaire.

Et un truc pareil — faut-il mettre une virgule après « Ou » dans la première phrase ? Ou après « Mais » dans la deuxième ? Est-ce que ça change si ces mots se trouvent au milieu d’une phrase plutôt qu’au début ?

Ou pour prendre un autre exemple pour ce même blogueur américain

Mais comme peu de « youtubeurs »,

Voici une autre question sur les virgules. Selon vous, est-ce que l’on ne les mettent pas devant le dernier élément d’une liste ? Par exemple, est-ce que je devrais supprimer la virgule après Australie dans cette phrase ?


Mais après, on trouve aussi de nombreuses expressions parallèles en trois formes de l’anglais – telle qu’elle s’utilise au Royaume-Uni, en Australie, et aux États-Unis !

Et encore une autre sur les virgules — vous avez déjà vu cette phrase. Je suis bien convaincu que la bonne pratique au début d’une citation est de mettre un deux-points avant la citation, alors ça fait 5 ans que je me trompe. Mais quand la phrase continue APRÈS la citation, comme ici, devrais-je mettre la virgule ou pas ?


Si j’avais le moindre doute sur l’avis des jeunes Français sur l’importance du Débarquement et après (Busch, 2021d), les mots que l’on lit en entrant dans le musée : « Le 6 juin 1944, sur les plages de Normandie, plus de 10 000 jeunes soldats sont tombés pour notre liberté », ne laissent aucune question.

Et voici une question d’orthographe qui arrive encore et encore. Faut-il mettre un espace entre le nombre et le « h » dans une heure, tel que « 13 h » ? Ou est-ce « 13h » ? Je croyais toujours que c’était le dernier, mais on vient de me dire que je me trompe.

J’écris le « Jour J » à chaque fois pour parler du 6 juin 1944, mais deux personnes me disent que les Français écrivent de nos jours « D-Day ». Et oui, ça se trouve dans le livre qu’Audrey m’a envoyé en 2023. C’est bien connu que je fais des efforts extraordinaires pour éviter les anglicismes, mais dans ce cas, il me semble que je devrais suivre la pratique actuelle.

Il y a longtemps, on m’a dit que l’on n’écrit pas « les années 80’s », mais plutôt « les années 80s », ce qui est ma pratique pendant toute la vie du blog. Mais plusieurs personnes me disent maintenant qu’il faut écrire « les années 80 ». Je suis prêt à les remplacer tous, mais seulement une fois. Alors, quelle est la bonne forme ? Et est-ce différent si on ajoute le siécle : « les années 1980(s) » ?

Une question sur les noms des livres et des films ; j’ai l’habitude de les mettre entre guillemets : « Le Mur de l’Atlantique », « L’Appel d’Am-Heh ». Certains ont supprimé les guillemets ; d’autres les ont conservés. Quelle pratique devrais-je suivre ? Ou est-ce que les guillemets sont la mauvaise chose, et je devrais mettre les titres en italique ?

Désolé pour toutes les questions, mais il me semble que l’important, c’est de choisir des pratiques cohérentes, et les suivre partout. Au moins nous sommes au point où c’est ce qui me préoccupe, plutôt que les contenus eux-mêmes !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec les contenus qui étaient censés être notre sujet du jour.