Les malentendus

Ma chère petite il y a des choses qui ne se font pas, telles que de boire du Dom Pérignon 55 à une température au-dessus de trois degrés. C’est aussi malsain que d’écouter les Beatles sans boules Quiès.

Sean Connery dans la peau de James Bond, Goldfinger

Il y a des mois, j’ai entendu une chanson bizarre en écoutant Les Grosses Têtes. J’aurais juré — juré — que le refrain disait « Ô carottes », alors j’ai tout à coup soupçonné un complot entre Messrs Ruquier et Descarottes. Honnêtement, ce serait le sens de l’humour des deux. Mais j’ai réussi à trouver la bonne chanson, et je me suis gravement trompé. Voilà :

Les paroles en question sont en fait « OK Carole », d’un groupe des années 70 dit Bijou. Avec les bonnes paroles devant moi, je peux l’entendre, mais c’est tellement difficile. On va discuter un peu sur la linguistique, mais je vous promets, il n’y aura pas d’examen.

En linguistique, je regrette de vous dire que le jargon est souvent seulement en anglais. Ce phénomène est donc connu chez les linguistes sous le nom « mondegreen » (lien en anglais), après une écrivaine américaine, Sylvia Wright, qui a écrit de son propre malentendu du poème « The Bonnie Earl O’Moray« , dont elle a entendu « laid him on the green » comme « Lady Mondegreen ».

Alors, comment est-il arrivé que je me suis trompé de cette façon ? Pas de boules Quiès. Le groupe chante « OK » comme si c’est un mot d’une syllabe, alors que la seule fois où je me souviens d’avoir entendu « OK » en français, c’était dans la bouche de Jacquouille :

Quant à « carottes », il y a presque aucune différence entre les prononciations de ça et « Carole » dans ma tête, et je ne pense jamais au dernier.

Il y a une littérature riche sur ce sujet parmi les linguistes qui étudient le français, quelque chose que je n’avais pas découvert jusqu’au moment de rechercher ce post. Un bon livre pour commencer est « Le malentendu dans tous ses états », disponible gratuit au lien, le recueil d’une colloque à l’Université de Lausanne. La toute première rédaction, « La compréhension comme cas particulier de malentendu », par Anne-Claude Berthoud, donne un bon sens des manières par lesquelles on peut mal entendre une chanson. Et le niveau phonologique n’est pas le seul !

Par exemple, la musicienne et chercheuse Céline Pruvost a écrit une publication de presque 20 pages intitulée « Les chansons mal entendues d’Orelsan : quand l’image devient indispensable à la compréhension ». Franchement, après avoir écouté « Saint-Valentin » je suis surpris que l’article n’est pas un livre de 200 pages.

Mais son étude comprend plutôt le sens . Sa thèse est consacrée à l’idée que sa musique est en fait une parodie du rap américain, et que ce n’est pas clair sauf en regardant ses vidéos. Les associations qui l’ont poursuivi avaient donc malentendu la signification de ses chansons. (C’est sa thèse, pas la mienne.)

Pour ma part, une parodie de ce genre de truc est ce qui a fait « Weird Al » Yankovic avec la musique du vite oublié Chamillionaire ou le coup étonnant de Coolio. À chacun ses goûts. Moi, je préfère ce malentendu, le premier que j’ai compris en français il y a 2 1/2 ans :

2 réflexions au sujet de « Les malentendus »

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