La lutte pour le français

Je ne devrais pas trop dire sur ce sujet, mais je suis en train de revivre une lutte que j’ai perdu il y a 30 ans qui a changé ma vie de façon dramatique. Comme j’ai écrit quand il n’y avait qu’une dizaine de lecteurs ici ;

Il y a trente ans, ma mère m’a fait suivre des cours d’espagnol au lieu de français à cause d’«être plus utile». Maman, je t’aime, mais tu avais tort ! Si ça fait bizarre que j’apprenne si vite, c’est parce que je me sens comme j’ai raté trente ans du vrai moi. On peut dire que je suis à la recherche du temps perdu. 😉

Bonnes fêtes de fin d’année

C’est maintenant le temps pour ma fille de choisir ses cours de la prochaine année scolaire. Si elle veut commencer avec une langue étrangère, le seul choix dans son collège est l’espagnol. Sinon, si elle attend un an de plus, elle peut choisir entre l’espagnol, le français, le chinois (version mandarine), ou le latin au lycée.

Sa mère exige qu’elle commence tout de suite avec l’espagnol. Ma position est plus compliquée. D’une part, j’ai évidemment une préférence afin qu’elle puisse lire ce blog et parler avec mes amis. D’autre part, je veux qu’elle choisisse pour elle-même.

Les arguments sont exactement les mêmes qu’il y a trente ans : ce serait plus utile, elle peut nous demander tous les deux de l’aide, et si elle commence maintenant, elle peut suivre des cours plus avancés plus tôt au lycée. Inutile de dire que je peux lui offrir des opportunités qu’aucun autre élève n’aura. Enfant, je regardais la télé en espagnol pour apprendre ? Elle peut profiter d’une médiathèque à la maison que personne n’égalera. Elle peut demander de l’aide à deux parents qui n’étudient plus l’espagnol depuis 25 ans ? Ce n’est pas mieux de demander de l’aide d’un parent qui parle tous les jours ?

Je n’aime pas donner l’impression que j’ai une dent contre les hispanophones. Mais ces arguments ne tiennent pas chez moi. Je vous ai dit plusieurs fois ici que la culture mexicaine est aussi le patrimoine du sud-ouest des États-Unis. Mais ce n’est vraiment pas ce que je suis. J’ai passé 7 ans en étudiant l’espagnol, je l’ai maîtrisé au point où je lisais un roman par semaine pour un cours de littérature à l’université — puis il est parti de ma vie sans laisser de trace. Je dois travailler pour trouver les francophones, mais il n’y a rien de plus essentiel chez moi.

Je me demande souvent ce qui me serait arrivé si j’avais gagné la lutte en tant que collégien. Il est fort probable que je n’aurais jamais rencontré les mêmes amis, que ce blog n’existerait pas. Je n’ose pas deviner si je connaîtrait Louis de Funès ; certainement, Rabbi Jacob ne serait pas joué aux écoles américaines de nos jours. Pour ma part, et seulement la mienne, il est peut-être chanceux que j’ai commencé aussi tard. Mais je n’aimerais pas compter sur être aussi chanceux, et surtout pas pour elle.

Supposons qu’elle arrive au lycée et décide de poursuivre le chinois. Je le soutiendrais tant que c’est son choix. J’avoue que je serais déçu, mais ce n’est pas ma vie. Quand ses parents ne sont pas d’accord, les choix passent aux mains d’un psychologue nommé par le tribunal. Je dois espérer que son choix sera le bon.

13 réflexions au sujet de « La lutte pour le français »

  1. latetedanslepanier

    Merci Justin de ta réflexion…pour moi aussi ça été assez difficile ne pas trop intervenir dans le choix des langues de mes filles. Sauf pour le latin (je les ai presque obligées) sur le reste je les ai laissées libres et je n’ai rien dit même sur le choix d’une pour l’allemand que je n’ai pas compris. Aucune a choisi l’italien, je le dis avec un peu de tristesse car de savoir le parler sans connaitre la grammaire c’est un peu dommage. Pleins de bon courage pour ta fille et son futur!!

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  2. les2olibrius

    En commentant ton article avec mon expérience de parent, je dirai que le choix de seconde langue que j’ai imposé à mes enfants ( en accord avec leur papa) ne leur a guère profité. Ici la plupart des élèves font anglais première langue vivante et cette langue-là leur a vraiment permis de travailler à l’étranger et de voyager et de se distraire. Ils la pratiquent avec plaisir et utilité mais ils ont pris ensuite allemand+latin et bien qu’ils aient eu de bonnes notes durant leurs études .. ils se sont empressés tous les deux de ne plus s’en servir et ils ont regretté de ne pas avoir fait d’espagnol comme papyH. D’autant plus que ma fille a dû vivre presque deux ans en Espagne sans parler la langue ! … J’ai lu un blog de jeune couple français qui vient de s’installer aux USA : ils se mettent à apprendre l’espagnol parce qu’ils ont constaté que cette langue est plus parlée que l’anglais dans les états qui les intéressent. .. Bref, je ne t’ai guère aidé… Mais je compatis, en tant que parent!

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  3. Biche

    Bonjour Justin, en France pour les élèves, c’était anglais plus ou moins obligatoire et une seconde langue. J’avais choisi l’espagnol comme deuxième langue mais l’italien me tentait également. J’ai fait également du latin (c’est important pour les racines de nos langues latines et je n’ai pas regretté même si c’était assez difficile). Ensuite j’ai rajouté une 3ème langue : l’allemand. J’ai détesté ! Un calvaire, je n’en ai fait que pendant un an. L’italien reste un regret encore aujourd’hui. J’adore les sonorités de cette langue.
    Je suis plus à l’aise en espagnol qu’en anglais 🙂

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    1. Justin Busch Auteur de l’article

      Il y avait une époque où je rêvais d’apprendre l’italien et quitter les États-Unis pour vivre à Florence. Je n’ai que de bonnes choses à dire sur les italiens ! Mais la France, c’est mon rêve, pas nécessairement celui de ma fille, et j’aimerais juste qu’elle ait le choix.

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  4. Bernard Bel

    J’étais très docile (jusqu’à un certain âge) dans mon enfance. Donc étudié le latin dans la branche « classique » jusqu’à ce que mes parents m’envoient en « technique ». Les deux me plaisaient… Mon père m’avait dit de choisir l’allemand en première langue, ce qui était inhabituel. Je me souviens d’avoir fait rire toute la classe quand le professeur d’allemand nous a demandé pourquoi nous avions choisi cette langue. J’avais répondu : « pour le Marché Commun ! » Bien sûr, je ne savais pas ce que cela voulait dire, je répétais seulement l’avis de mon père… Le prof ne partageait pas cette conviction car il était militant communiste très engagé.
    Ensuite j’ai dû rapidement passer à l’anglais, seule langue enseignée en « technique ». Mais l’allemand est resté une expérience intime car mes premiers amourss étaient en Allemagne. Ce n’est qu’en Inde que j’ai sérieusement étudié l’anglais — celui que seuls les Indiens prononcent correctement, puisqu’ils ont inventé la phonétique ! 😉 Puis à « baragouiner » l’hindi et l’ourdou.
    Le choix d’un enfant ne me paraît pas très important car on peut apprendre une nouvelle langue même à un âge avancé, si on en a l’usage.

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  5. Náriël

    Cela me rappelle ma sœur qui avait dû prendre allemand contrainte et forcée par notre père à cause de l’Union Européenne et du marché commun… Echec cuisant… Elle a arrêté l’allemand dès qu’elle a pu.
    Quand mon tour est arrivé, notre père avait pris la poudre d’escampette et se fichait bien de notre sort, ma mère m’a laissé le choix et j’ai pris espagnol, et j’ai tenu bon même si je n’étais pas très douée 😅 Cela fait longtemps que je ne pratique plus, mais je pense être encore capable de lire des textes et de les comprendre.
    Par contre, le fait que ton ex « exige » me fait doucement rigoler… De mon point de vue, les parents sont là pour aider les enfants dans leurs choix, pas pour leur imposer. Si ta fille a envie de faire chinois, c’est son choix, sa vie…
    Je me souviens, quand la fille de mon conjoint est venue vivre avec nous, sa mère a fait un scandale parce qu’elle arrêtait le latin en changeant de collège… Genre, sa scolarité était morte parce qu’elle arrêtait une langue morte qui n’est parlée que dans les messes du Vatican 🙄 Après, c’était juste l’enfer, elle n’a pas arrêter de rabaisser sa fille jusqu’à l’obtention du bac où d’un seul coup elle était trop fière d’elle et des efforts accomplis… #hypocritepuissance1000

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  6. Light And Smell

    Pas simple comme situation, mais dans la mesure où apprendre une langue demande un effort et de la motivation, le plus important est que ta fille puisse choisir par elle-même…
    Pour ma part, plutôt bonne élève, les profs ont fait le forcing auprès de mon père pour que je fasse de l’espagnol, censé ouvrir plus de portes, mais il m’a heureusement laissée choisir l’italien, qui me motivait bien plus.

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  7. Agatheb2k

    Expérience personnelle, je voulais faire études classiques avec latin et grec, impossible sauf à moins de partir pensionnaire à Perpète-les-Oies, ce qui n’était pas envisageable ! J’ai donc commencé par l’anglais en classe de 6ème avec un bon professeur que je n’ai plus jamais eu dans les autres classes au collège, je n’ai retrouvé un bon prof qu’en terminale au lycée, ce qui a fait 5 ans de désert entre 2 années fastes !
    En seconde langue, je n’ai pas eu de choix, c’était espagnol et rien d’autre, j’avais des facilités, je ne sais vraiment pas pourquoi, mais je n’ai jamais eu l’utilité de cette langue alors que l’anglais rudimentaire retenu m’a servi en voyage hors des frontières, ou même pour venir à aide à des touristes perdus en France… il est donc difficile de te conseiller quoi que ce soit dans ce choix cornélien, chaque cas est différent ! Courage à toi ! 😉

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  8. Maman lyonnaise

    Bonjour Justin,
    Je partage votre raisonnement. On doit conseiller ses enfants mais les forcer c’est prendre le risque de les dégoûter et je trouve cela très infantilisant alors que le rôle des parents est des les faire grandir pour devenir adultes.
    Mes parents ne m’ont jamais forcée à choisir une langue plutôt qu’une autre. Laisser un enfant faire un choix c’est aussi lui apprendre la responsabilité. De plus, on apprend beaucoup mieux lorsque ça nous plaît.
    En France, vous le savez, la première langue est l’anglais ou l’allemand en règle générale. A mon époque, tout le monde ne jurait que par l’allemand car c’était l’avenir (c’était aussi et surtout très élitiste). J’ai choisi l’anglais et je n’ai pas la sensation d’avoir raté ma vie.
    Ensuite, la deuxième langue était forcément l’espagnol. Faire un choix lorsque l’on n’a pas le choix !
    Au lycée, j’ai pu choisir l’italien en troisième langue puis j’ai été forcée d’arrêter car il n’y avait pas de professeur.
    Si votre fille a envie d’apprendre le français, rien ne vous empêche de le lui enseigner. Vous êtes le meilleur exemple : vous l’avez maîtrisé en à peine deux ans !

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  9. Ping : Épisode 52 — les échecs, plus qu’un jeu ! | Un Coup de Foudre

    1. Justin Busch Auteur de l’article

      Il est habituellement 9h plus tôt en Californie qu’en France, sauf pour les changements d’heure. Notre horaire commence et finit deux semaines plus tôt qu’en France, alors pour 4 semaines, la différence n’est que 8 heures. J’adore ces moments-là !

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