Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Allez-just’in

Ça fait des mois depuis la première leçon de français de La Fille, mais il est tout sauf un secret que j’ai fait des efforts pendant ces dernières années pour le rendre intéressant à ses yeux. Après tout, il y a deux volets de Dialogues avec ma fille et Plus de dialogues avec ma fille. Nous avons donc notre propre version de franglais à ce point ; quand on quitte la maison, c’est souvent comme ça (Tout s’est passé en anglais sauf les parties entre guillemets.) :

Justin : « Allez-vous-en ! »

La Fille : Non, c’est « va-t-en ». T’as oublié qu’on se tutoie ?

Bien sûr, je n’ai rien oublié. Mais j’ai récemment vu un dessin qui a remis en question mon orthographe :

Pas cool que la page sur Facebook qui l’a partagé a coupé le crédit ! Mais j’ai vu « vas t’en », et j’avais des questions — « vas » est sûrement faux, mais une apostrophe au lieu d’un trait d’union ? Je l’ai recherché, et ça m’a mené à un article du Figaro qui m’a laissé en pleine PLS. Il s’avère que je me trompe de nombreuses façons depuis des années.

J’avais appris tout au début que l’on écrit des choses comme « a-t-il » et « vas-y ». Des traits d’union pour indiquer les liaisons, le « t » si besoin et le « s » pour terminer les impératifs des verbes « -er » s’il y a un y ou un en qui suit. Pourtant, comme nous rappelle l’Office de la langue québécoise, on ne fait pas ça si ces prépositions sont liés à un verbe suivant ; par exemple :

Ton bureau est en désordre, va y mettre un peu d’ordre. (y est complément de mettre)

Il me semble qu’en quelque sorte, j’ai évité cette situation jusqu’à maintenant.

De toute façon, il s’avère que tous les « t » ne sont pas égaux. C’est seulement « vous » qui garde sa forme dans ces cas impératifs ; moi devient « m » et « toi » devient « t », d’où de telles commandes que « donnez-m’en » et oui, « va-t’en ». Mais c’est ici où je me trompe depuis le début. Je les ai tous écrites avec des traits d’union (voilà, voilà, et voilà) ; pourtant Le Figaro nous dit :

Lorsque le «t» n’est plus «une élision vocalique» mais la contraction du pronom «toi», accompagné des prépositions «en» ou «y», celui-ci sera alors suivi non plus d’un trait d’union mais d’une apostrophe. Exemple: «Va-t’en». Ainsi que nous le rappellent les sages, de la même façon qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit d’écrire je-t-aime, on évitera d’écrire «méfie-t-en», «va-t-en» et «donne-t-en les moyens».

On écrit ainsi: «Méfie-t’en» et «va-t’en».

«Va-t-en» ou «va-t’en» ? Ne faites plus la faute !

Du moins, je ne seul pas seul. Après tout, ces articles ciblent des lecteurs adultes, non pas des enfants. Mais faire la même erreur encore et encore sans l’avoir jamais rendue compte ? Ça gêne.

Je vous ai dit la semaine dernière que l’on parlerait de l’expression préférée de La Fille, car elle aime la dire tout le temps. Cependant, je lui ai parlé de ce billet après avoir écrit tout ça, et on a eu une conversation :

Justin : Ai-je raison que « va-t’en » est ton expression préférée ?

La Fille : « N’importe quoi ! »

Justin : Choisis tes prochains mots soigneusement.

La Fille : Pourquoi ?

Justin : Parce que c’était malpoli, ça !

La Fille : Mais non ! Tu m’as demandé quelle est mon expression préférée, et je te l’ai donnée. C’est « n’importe quoi ».

Justin : Oups, euh…laisse tomber.

En anglais, les enfants de son âge disent « Whatever! », mais elle a déjà appris que « N’importe quoi » s’utilise d’exactement la même façon. Et comme vous voyez, elle l’a déjà maîtrisée.

Les années lycéennes dureront longtemps, les amis.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de plus de la même chose.

13 réflexions au sujet de « Allez-just’in »

  1. Avatar de C'est en lisant...les2olibrius

    Toutes mes félicitations à La Fille qui apprend aussi vite. Dis-lui de ne jamais remplacer « va-t-en » par « dégage! » qui est un synonyme insolent et imagé donc grossier, que l’on entend parfois dans les sketchs humoristiques.

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      1. Avatar de C'est en lisant...les2olibrius

        Si on te le disait, il me semble que tu percevrais ce que ce terme a d’agressif et de définitif. La grossièreté n’est pas qu’affaire de mots bas et vulgaires. En général le langage imagé est loin d’être correct… Sauf en poésie où il devient image et correspondances !

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  2. Avatar de Agatheb2kAgatheb2k

    Selon le Bescherelle que j’ai sous les yeux : le verbe aller se conjugue sur 3 radicaux distincts :

    • la radical va (je vais, tu vas, il va, impératif : va)
    • le radical -ir au futur et au conditionnel : j’irai, j’irais
    • ailleurs, le radical de l’infinitif all-

    À l’impératif, devant le pronom adverbial y non suivi d’un infinitif, va prend un s : vas-y, mais : va y mettre bon ordre.

    À la forme interrogative on écrit : va-t-il ? (comme aima-t-il ?)

    S’en aller se conjugue comme aller.

    Aux temps composés, on met l’auxiliaire être entre en et allé : je m’en suis allé.

    L’impératif est : va-t’en (avec élision de l’e du pronom réfléchi te), allons-nous-en, allez-vous-en.

    Bravo à toi si tu retiens tout cela ! 😉

    Aimé par 2 personnes

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