Archives mensuelles : avril 2025

Ici et là

Le livre continue à bien avancer, mais je n’ai eu le temps pour rien rechercher hier. Alors bienvenue dans un autre « Ici et là ».

Il m’a fallu 3 ans, mais hier matin, j’ai enfin entendu quelqu’un gagner la valise RTL sur Les Grosses Têtes. Je ne l’écoute pas tous les jours, et j’écoute typiquement la valise seulement le mercredi à cause de mon horaire. (C’est compliqué et sans intérêt.) J’avais commencé à croire que c’était comme le tirage à sort américain « Publisher’s Clearing House Sweepstakes » (lien en anglais). C’est illégal de faire de la publicité pour un tirage à sort qui ne donne jamais des prix, et c’est bien connu depuis des décennies, alors je suis certain que l’on le gagne de temps en temps. Mais si vous posiez la question à une centaine d’américains, je doute que quiconque sache la dernière fois où c’est arrivé.

En lisant Il Est Quelle Heure hier, j’ai reçu le plus grand compliment qu’un écrivain peut recevoir en n’importe quelle langue. Au-delà du fait qu’il m’a fait rire, je l’apprécie plus que je ne peux l’exprimer.

Avez-vous entendu parler du chocolat Dubaï ? La Fille m’avait demandé si je pouvais en faire pour elle il y a un mois, et j’ai dû lui expliquer que je manque d’équipements pour ça. Mais elle fait du bon travail tout le temps, alors j’ai commandé une version d’un chocolatier de luxe à LA. Ça m’a coûté un bras — 55 $ pour 250 grammes ! (Frais de livraison compris.) Pourtant, je dois vous dire, c’était follement bon. Si ça avait coûté 35 $, je ne m’en plaindrais pas.

Je suis les conseils de Filimages, et je ne vais pas bientôt écrire sur ce qui arrive en ce moment aux États-Unis. Avant avril, je vous auriez dit quelque chose de complètement différent que ce que j’écrirais en ce moment. Comme d’habitude vous pouvez vous attendre à lire des choses ici qui sont très différents du Monde ou du Figaro, mais quand on parle des droits de douane, même si j’ai ma critique de l’UE, la semaine dernière m’a écœuré comme rien d’autre. Sachez que je paye cher personnellement à cause de ce qui arrive, mais je n’en dirai plus.

Puis-je me plaindre encore une fois sur Instagram ? Tant pis, je le fais quand même. Je commence à remarquer un comportement vraiment énervant de la part d’autres personnes. Je reçois une notification d’abonnement. Je vérifie le compte de l’autre personne, car tant qu’elle n’est pas visiblement un escroc, j’ai l’habitude de suivre ceux qui me suivent. Mais peu après avoir reçu la notification que je la suis en retour, l’autre personne se désabonne de mon compte. C’est extrêmement malpoli, et pas du tout drôle.

Je remarque de plus en plus une tendance sur les réseaux sociaux où les Français semblent croire qu’il y a une tendance aux États-Unis de détourner les paroles d’une chanson de Lady Gaga de « I don’t wanna be friends » (je ne veux pas être des amis) en « I don’t wanna be French » (je ne veux pas être Français). Je me rejoins à la grande majorité de ce clip par Roya Venturera, américaine mais en français, où elle explique que ça n’arrive pas. Elle connaît TikTok beaucoup mieux que moi, mais je dirais que les seuls clips que j’ai vus à propos de ce sujet sur d’autres réseaux sont tous tournés par des européens, tout comme son expérience. Ce n’est pas à dire qu’il n’existe aucun exemple, juste que ce serait étonnant si une tendance sur la France existait, mais les algorithmes la cachaient de moi tout court.

Ai-je mentionné qu’il y aura deux chapitres dans le livre sur les stéréotypes aux deux côtés ? Et qu’il y aura presque 300 notes de bas de page — c’est un livre populaire, pas académique, mais comme je dis tout le temps, ne me croyez pas sur parole. J’ai des espoirs pour ce projet, car je suis juste assez arrogant pour croire que j’ai un message utile.

([Donneur de leçons impérialiste ! — M. Descarottes]) Oui, il sera là aussi.

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

Les œufs de Saint-Marc

Il y a des semaines, on a partagé la vidéo suivante dans le groupe de Facebook, Everything French. La moitié est en anglais, mais c’est par une expatriée, Eva Bonnet, et se traite du truc le plus bizarre dans la prononciation de la langue — si c’est vrai :

Le dialogue se déroule entre deux personnages, jouée par la même personne car Instagram exige que tout le monde se comporte comme un schizophrène de nos jours. L’australienne pose des questions autour de la prononciation de « f» dans « œuf », au singulier et au pluriel. La française (encore une fois, la même personne), explique que l’on ne prononce pas le « f » au pluriel… sauf dans certains cas.

Quels sont ces cas ? Selon elle, on dit deux et trois œufs sans le « f », mais quatre et cinq avec, puis six sans, sept à neuf avec, et recommence à dix sans le « f ».

S’il y a la moindre vérité derrière tout ça, je ne veux plus jamais entendre à quel point le français est logique ! Mais c’est ici où les choses deviennent compliqués. Elle avoue tout au début de la description de sa vidéo (écrit en anglais, désolé) qu’elle n’est pas complètement sérieuse — puis elle insiste que c’est comment fait les Français la plupart du temps. Elle offre une explication autour de la liaison, mais ça ne peut avoir rien à voir le nombre, vu que la liaison impliquerait plutôt le mot qui suit « œufs ».

Pourtant, dans les commentaires sur Everything French, où la moitié des membres sont des francophones de naissance, il y a plein de désaccord entre les autochtones sur la réalité de ce phénomène. Certains disent que c’est une tendance régionale, sans préciser la région ; d’autres disent que ça n’existe pas du tout ; une personne, la fille d’expatriés, mais australienne elle-même, dit que la vraie règle est que le « f » se lâche après les nombres qui se terminent par « x » ou « s ». Ce qui expliquerait certainement les observations du clip, mais dans ce cas, quel cauchemar !

Plus récemment, j’ai vu un clip de l’humoriste Paul Taylor, expatrié britannique qui travaille en France depuis une quinzaine d’années (et de qui j’ai appris BEAUCOUP de la langue en 2020) :

Ici, il raconte avoir reçu une demande de sa femme d’acheter une lessive dite « Saint-Marc », mais sa prononciation lui donne l’impression que c’est plutôt « sain mare », car elle ne prononce pas le « c ». Ne sachant pas quoi faire, il le répète à un vendeur qui lui donne le bon produit, mais il croit que monsieur a tort. Il finit par dire ça à sa femme, qui lui répond que ça n’a aucun sens, car « mare » est féminin, donc l’adjectif devrait être « saine » s’il avait raison. Selon Paul Taylor, c’est parce qu’il y a une règle où on laisse tomber le « c » parce qu’il y a « Saint » devant. C’est drôle, mais il n’a pas l’habitude de dire de fausses choses sur la langue, alors je dois demander : a-t-il raison ?

Franchement, j’ai du mal à croire que ces deux sont réels, mais je vous connais assez bien que je dois poser les question !

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine pour parler de la chose que je suis le plus ravi de ne pas trouver dans la langue.

Les Oreos au Coca

Aujourd’hui je vous raconte quelque chose qui s’est passé en novembre, mais c’était la Grande Fête du Tour alors j’ai pris les photos, puis oublié complètement de les partager. Ce ne sont plus disponibles. Alors…

Un loisir que je ne me permets pas assez souvent, c’est de vous montrer nos pires idées en malbouffe. Peut-être que c’est difficile à croire, mais en fait je me sens horriblement coupable si je donne de fausses impressions des États-Unis. (Je suis surtout sensible en ce moment car il y a deux chapitres du livre qui se traitent des stéréotypes aux deux côtés de l’Atlantique.) Je profite d’imaginer vos réactions, mais en fait, ce n’est pas typique de la vie quotidienne américaine. On ne mange certainement pas ce genre de truc souvent chez moi — la dernière fois où j’avais acheté un paquet d’Oreos était probablement en 2012, peut-être en 2013.

Mais j’ai quand même les goûts d’un enfant de 5 ans ([Et votre cuir chevelu, quel âge a-t-il ? Pas 5 ans, c’est certain ! — M. Descarottes]). Alors quand les complotistes anti-Shakespeare de la National Biscuit Company… ô, maintenant je dois l’expliquer avant de continuer.

Il y a tout une industrie de complotisme chez les anglophones autour de l’idée que la seule personne qui n’a pas écrit les œuvres de William Shakespeare était le nommé monsieur. Un autre noble, une femme juive, son rival Ben Jonson — tout le monde sauf l’homme attesté par les acteurs du Old Globe Théâtre où il travaillait. Une théorie dit que c’était en fait Francis Bacon, un philosophe et scientifique de l’époque, et qu’il « signait » les textes avec des anagrammes de « Baconis », c’est-à-dire « Par Bacon » en latin. Un prof d’anglais qui enseignait mon père à la fac, qui ne croyait pas à ces théories, a dit de celle-ci « Ça prouve également que Shakespeare était un produit de la société Nabisco ! » Nabisco, le fabricant des Oreos, était originalement nommé la National Biscuit Company, en français, la Compagnie Nationale de Biscuits. Je ne peux donc pas mentionner Nabisco sans penser à Francis Bacon.

De toute façon, l’année dernière, en partenariat avec Coca-Cola, Nabisco a sorti des Oreos au goût du fameux soda. Voici le paquet :

Paquet d'Oreos avec une fausse « bouteille » de Coca-Cola imprimée en haut. C'est en fait un tas des biscuits, qui ont un côté rouge et un côté noir.

Voici des photos des deux côtés des cookies. Un côté est rouge et porte soit le nom « Coca-Cola » soit l’image de deux bouteilles :

Côté rouge d'un cookie Oreo, montrant les deux bouteilles en relief.

L’autre côté est noir et porte le dessin traditionnel des Oreos :

Côté noir avec le nom Oreo au centre

Le goût est, incroyablement, exactement celui du soda. Après en avoir goûté un, j’ai dû l’ouvrir pour voir comment ils ont réussi l’affaire. La réponse, c’est qu’il y a de touts petits morceaux de sucre pétillant dans la crème, parfumés avec les mêmes produits chimiques que le soda :

Photo de la garniture de crème vanillée en gros-plan. On peut apercevoir les cristaux de sucre pétillant, aussi colorés rouge.

Je ne peux même pas imaginer qu’un tel produit soit vendu en France. Je note que bien que de nombreux produits de la gamme Oreo soient disponibles chez Carrefour, ils ont tous le même parfum à la vanille. Il y a une dizaine de parfums aux États-Unis, tous grâce à des produits chimiques hyper-artificielles.

Et vous vous demandez pourquoi une boîte de Chamonix, avec son goût de vraies oranges, suffit pour me faire pleurer. C’est tout autre monde.

Saison 4, Épisode 3 — La vérité sur Swann

Seulement une personne a remarqué mon détail préféré de tout le billet du 1er avril ! À propos de ça, Guy-François a quelque chose à dire à la fin de cet épisode.

J’étais très mécontent de me débarrasser de toutes les blagues que j’avais préparées pour « Je découvre Suzane », mais de plus en plus, je dois faire attention à ce qui pensera un internaute — ou un employeur — qui trouve un article par hasard et n’a pas le contexte du blog entier. Mais c’est vrai qu’elle partage son nom de scène avec mon ex, alors je vais les raconter ici quand même (j’allais les parsemer au fil de l’article, pas toutes dans un paragraphe).

Mais c’est quoi le problème avec le prénom Océane ? Je le trouve assez beau. Elle ne pouvait pas choisir un nom de scène moins effrayant ? Peut-être ajouter un « e » à Adolf pour le rendre féminin, Adolfe ? Gengisse, d’après le Khan des Mongols, ça n’aurait pas marché ?

Pourtant, ce prénom. Erszébet, d’après la comtesse hongroise, réputée de se baigner dans le sang de filles ? Elle ne l’aurait pas aimé ?

Staline ? Lénine ? Ces noms ne lui auraient pas plu ?

Il y avait un joueur dans la NFL nommé Stalin. Beaucoup plus récemment que vous ne le pensez ! Alors ça peut arriver.

Suite à une soirée de jeux de plateaux de l’OCA vendredi, la recette du Paris-Brest du livre vient d’être révisé. Je préfère le praliné caramélisé à celui de la recette originale, même si (ou parce que, vu où vous êtes) c’est plus de travail. Mais j’ai maintenant une plainte contre la recette de Gaston Lenôtre telle qu’elle se trouve dans la Bible. Son temps de cuisson n’est pas assez long — il conseillé 30 minutes. Il faut le faire 40 minutes pour une si grande pâtisserie, et j’ai le Paris-Brest tombé pour le prouver (pas celui en bas). Ceux qui se souviennent de ce qui veut dire les yaks sur ce blog peuvent se rassurer — ce sera abordé dans mon livre !

Le Paris-Brest livré

J’ai fini par utiliser 13 œufs vendredi, et si ça ne prouve pas à quel point j’aime l’OCA, aucune preuve n’existe. (Le prix a bien baissé ailleurs dans le pays, mais la Californie a adopté une loi l’année dernière pour exiger que les œufs soient sans cage, bio, et pondus par des poules qui ont le droit à 40 semaines de vacances l’année, afin d’assurer que nos prix restent chers. Seulement 8 états haïssent leurs habitants comme ça.)

Je me sens obligé, vu mes commentaires sur Proust ces dernières semaines, et surtout hier, de dire qu’au-delà d’un moment en 5e, où j’ai frappé un autre élève qui m’avait frappé, je n’ai jamais frappé ni giflé une autre personne. Même mon ex a dit ça sous peine de parjure, en ajoutant que je ne lui avais jamais dit même un seul gros mot non plus. En écrivant sur Suzane, il m’est arrivé dans l’esprit que je devrais être bien clair sur ce point. C’est strictement une façon d’exprimer à quel point certains personnages m’énervent.

Notre blague se traite d’une blonde américaine. Nos articles sont :

Les gros-titres sont Californien, Bus, et Herbe. Les Bonnes Nouvelles se traitent d’une association qui recycle les vêtements.

Sur le blog, il y a aussi C’est pas le 1er, version avril 2025, ma revue mensuelle de mes blogs préférés, Anatomie d’une farce, le processus derrière mon poisson d’avril, et Je découvre Suzane, sur la chanteuse qui a apparu dans Les 30 Ans de Taratata.

Si vous aimez cette balado, abonnez-vous sur AppleGoogle PlayAmazonSpotify, ou encore Deezer. J’apprécie aussi les notes et les avis laissés sur ces sites. Et le saviez-vous ? Vous pouvez laisser des commentaires audio sur Spotify for Podcasters, qui abrite la balado. Bonne écoute !

Assiette de madeleines faites maison par Justin Busch

Dimanche avec Mme Cottard

On reprend Du côté de chez Swann. Cette fois, j’ai avancé de 40 pages, et atteint la fin de la partie dit « Un amour de Swann ». Il nous reste 60 pages pour terminer ce pavé, étant la entièreté de « Nom de pays : Le nom », un titre bien mystérieux. Je ferai mon tout pour que la semaine prochaine soit la fin de Swann (est-ce que ça rime à vos oreilles comme aux miennes ?) Mais ne vous inquiétez pas, les amoureux de travaux douloureux, il nous reste 5 tomes de suite !

On plonge tout de suite dans un jeu digne des années collégiennes — n’oubliez pas que ce sont censés être des adultes :

Odette lui avait dit, avec un regard souriant et sournois qui l’observait : « Forcheville va faire un beau voyage, à la Pentecôte. Il va en Égypte », et Swann avait aussitôt compris que cela signifiait : « Je vais aller en Égypte à la Pentecôte avec Forcheville. »… Alors il voulait apprendre si elle était la maîtresse de Forcheville, le lui demander à elle-même.

Puis on lui envoie une lettre anonyme pour lui dire :

…qu’Odette avait été la maîtresse d’innombrables hommes (dont on lui citait quelques-uns parmi lesquels Forcheville, M. de Bréauté et le peintre), de femmes, et qu’elle fréquentait les maisons de passe.

Comme je vous ai dit il y a des semaines, tout le monde sauf Swann, même moi, savait déjà qu’Odette était une cocotte et non pas du Creuset ! Mais ne vous inquiétez pas, notre Swann ne se permet pas à croire aux preuves des yeux :

Quant au fond même de la lettre, il ne s’en inquiéta pas, car pas une des accusations formulées contre Odette n’avait l’ombre de vraisemblance.

Comme il me rappelle moi-même !

Il parle à Odette des contenus de la lettre, sans divulguer leur source, et elle lui rassure que ce sont tous des mensonges. Mais pour cette acte d’omission, Proust nous dit :

En somme il mentait autant qu’Odette parce que, plus malheureux qu’elle, il n’était pas moins égoïste.

L’obsession de Swann ne le permet pas d’arrêter. Il l’affronte afin de demander :

Tu te souviens de l’idée que j’avais eue à propos de toi et de Mme Verdurin ? Dis-moi si c’était vrai, avec elle ou avec une autre.

Elle est offensée, mais ne le nie plus, ce qui amène Swann à penser quelque chose d’imbecile :

Il voulait que la chose affreuse qu’elle lui avait dit avoir faite « deux ou trois fois » ne pût pas se renouveler. Pour cela il lui fallait veiller sur Odette.

C’est pratiquement la demande de mariage, ce dernier. Mais Swann étant un véritable Sherlock Holmes, il doit continuer son enquête parmi des gens de réputation sans faute :

Quelquefois il allait dans des maisons de rendez-vous, espérant apprendre quelque chose d’elle, sans oser la nommer cependant. « J’ai une petite qui va vous plaire », disait l’entremetteuse. Et il restait une heure à causer tristement avec quelque pauvre fille étonnée qu’il ne fît rien de plus. Une toute jeune et ravissante lui dit un jour : « Ce que je voudrais, c’est trouver un ami, alors il pourrait être sûr, je n’irais plus jamais avec personne. »

Combien de mots y a-t-il en français pour les bordels ? On a vu « maison de passe » et « maison de rendez-vous » juste pendant les 100 dernières pages, et je connaissais déjà « maison close ». Je crains à même dire le mot « maison », de peur que l’on en tire la mauvaise idée !

Il ne reste que de trouver un dernier label de qualité venant d’une autre personne de confiance. Ça nous arrive sous la forme de Mme Cottard, amie des Verdurin, qui rencontre Swann dans la rue et lui dit :

« Quand Odette est quelque part, elle ne peut jamais rester bien longtemps sans parler de vous. Et vous pensez que ce n’est pas en mal. Comment ! vous en doutez ? » dit-elle, en voyant un geste sceptique de Swann…Mais elle vous adore !

On peut certainement faire confiance aux amis des Verdurin !

Pourtant, il s’avère que Proust nous amenait le long du mauvais chemin tout ce temps. Juste après cette conversation, Swann se pense :

Jadis ayant souvent pensé avec terreur qu’un jour il cesserait d’être épris d’Odette, il s’était promis d’être vigilant, et dès qu’il sentirait que son amour commencerait à le quitter, de s’accrocher à lui, de le retenir. Mais voici qu’à l’affaiblissement de son amour correspondait simultanément un affaiblissement du désir de rester amoureux. 

Et après un rêve bizarre où Odette le quitte pour Napoléon III, sauf que c’est vraiment Forcheville, il décide de la quitter définitivement, avec les mots qui terminent « Un amour de Swann » :

« Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre ! »

Je n’ai jamais connu un si fort désir de gifler Proust et Swann également qu’en lisant ces mots. On a passé la première partie du livre en entendant encore et encore qu’il avait épousé une femme de mauvaise réputation. Puis on a passé la grande majorité du livre avec l’histoire qui semblait être celle de cette femme. Et maintenant il s’avère que ce sera probablement toute autre personne ! (Il faut se souvenir que pour Proust, « définitivement » veut dire « jusqu’à 10 pages plus tard ».)

Pas cool, Marcel. Pas cool du tout.

Je découvre Suzane

On continue maintenant le Projet 30 Ans de Taratata avec la première des trois femmes qui ont chanté avec Julien Clerc (Suzane, Marie-Flore, Sandrine Kiberlain). Les 3 travaillant à l’unisson, je ne pouvais distinguer personne pendant l’émission originale. Suzane ayant la plus petite discographie, on commence avec elle.

Suzane en concert, Photo par EddyLlrg, CC BY–SA 4.0

J’avais originalement planifié quelques blagues sur son choix de nom de scène, car c’est celui de mon ex. Mais il s’est avéré que j’avais des plaintes sincères cette fois, alors afin de les aborder de façon honnête, je les ai supprimées toutes.

Suzane est née Océane Colom à Avignon en 1990. Dès ses 7 ans, elle a commencé à étudier la danse classique, puis le chant au lycée. Mais la jeune Océane déprime au lycée et le quitte en terminale, sans obtenir son bac. Il faut ajouter que je compatis énormément. On a suivi des chemins très différents, mais être dépressif, c’est un combat de toute une vie.

On passe par presqu’une décennie entière perdue avant qu’elle ne reprenne sa carrière musicale, ayant découvert la musique électronique. À partir de 2018, elle commence à sortir des singles, à commencer avec L’insatisfait. Celle-ci montre du talent vocal, mais aussi une attitude qui est déjà fatiguée de la vie. Il faut noter qu’elle montre dans ce clip qu’elle se souvient bien de sa carrière de danse :

En 2020, Mme Colom sort son premier album, Toi Toi, qui comprend ses 4 premiers singles ainsi qu’une dizaine de nouveaux morceaux. Je dois vous dire, son style hyper-électronique n’est pas ma tasse de thé, mais j’ai presque tout écouté quand même. Suzane est parmi les gens les plus faciles à comprendre pour moi. Son articulation est excellente, et elle n’utilise pas trop d’effets pour sa voix, inhabituel dans ce genre.

Je note un autre single sorti avant le premier album, qui finit par en faire partie, l’éponyme « Suzane ». C’est une autocritique plutôt amère malgré son énergie, au point où j’aurais pu la prendre pour l’un de mes billets dans la série des boulettes. Encore une fois, je compatis :

Cependant, il faut dire qu’il y a des limites à mon empathie. Elle ne laisse aucun doute qu’elle déteste les hommes, ce que l’on entend clairement dans « SLT » :

Avec de telles paroles que :

Hey salut bonne meuf, t’es vraiment très charmante
Tu sais j’te mangerais pour le 4 heures, t’es si appétissante
J’te ferai pas la bise mais si tu veux on peut baiser

elle montre exactement ce qu’elle pense est le comportement des hommes. C’est ici où je dois aborder qu’elle est lesbienne, et ne cache pas ses avis sur ce sujet. J’essaie ici de garder mon objectivité, mais j’ai subi 3 ans de harcèlement aux mains d’une patronne lesbienne qui se moquait de mon statut de célibataire — devant des clients parfois — en offrant souvent des critiques des hommes en général. Elles ont le droit à leur avis, mais je ne m’intéresse pas trop à le payer.

C’est dommage car elle montre un sens de l’humour plutôt caustique dans « Le potin » :

Encore une fois, il y a de nombreux points forts dans son travail. Si je ne me sentais pas ciblé par sa colère, on pourrait bien s’entendre.

Son deuxième et dernier album, Caméo, sort en 2022. Il commence avec une autre chanson dirigée envers elle-même, intitulée « Océane ». Elle reconnaît son succès des deux dernières années, mais ça lui pose plus de problèmes :

Je suis plus sympathique à son point de vue qu’elle ne l’imagine. Les doutes et la haine de soi restent présents, même si elle commence à trouver une façon de vivre.

Le deuxième single de l’album, Belladonna, continue de montrer ses capacités en tant que chanteuse, même si je ne suis pas sûr que je l’aie compris. Sa voix reste en bonne forme

J’ai franchement adoré « Un ticket pour la Lune », où elle chante « Je suis pas à ma place, ; je serai peut-être mieux dans l’espace ». Quand elle traite des thèmes d’être mal à l’aise, elle a mon attention.

« La fille du 4ème étage », en revanche, est une autre histoire du comportement horrible et d’abus commis par des hommes. J’ai envie de savoir si ce sont ses témoignages de sa propre vie, ou si elle a juste du mal à imaginer qu’un homme pourrait ne pas être un monstre.

Cet album finit sur une note extrêmement inhabituelle. La chanson éponyme de l’album, « Caméo » dure moins qu’une minute et manque des instruments synthétisés. C’est une autre preuve qu’il y aurait un sacré album sans tous les appareils électroniques.

Que penser de Suzane ? Elle est une chanteuse talentueuse, peu importe son genre musical de choix. Il y a des moments puissants dans sa musique, et quand elle n’évoque pas certains sujets dont je suis sensible, je profite même de l’écouter. En même temps, je galère à imaginer que je me sentirais bien à l’aise à l’un de ses concerts. Je ne changerais pas de chaîne, mais je n’ai pas hâte d’aller à un concert non plus.

Ma note : je ne change pas de chaîne, mais c’est le plus que je peux faire.

Anatomie d’une farce

À ce point, la grande majorité d’entre vous ont rendu compte que ce blog n’est probablement pas écrit par un vieillard fou à Clermont-Ferrand. ([C’est plutôt un vieillard fou en Californie. — M. Descarottes]) Mais le post du 1er avril n’était pas planifié jusqu’à lundi soir, quand j’ai abandonné une idée sur laquelle je travaille depuis presque 2 ans. (Je n’ai jamais trouvé la bonne histoire pour raconter autour de l’idée — disons que les membres de l’OCA, qui connaissent bien la géographie locale, le trouveraient très drôle. Mais tout post ici doit réussir un test — est-ce que ça aura du sens dans l’Hexagone ?) D’habitude, je ne revisite pas les farces une fois finies, mais je veux en dire plus cette fois, parce que celle-ci montre que « je mange mes propres croquettes pour chiens » (« eat my own dog food »), comme on dit en anglais. (Ça veut dire « suivre ses propres conseils ».)

J’ai commencé à tout écrire en dînant chez Boudin, où j’attirais des regards inquiets à cause des fous rires venant de ma table, malgré le fait que j’étais seul. Je ne sais pas si l’on s’en souvient, mais j’avais abordé l’idée d’une farce autour d’une identité cachée en 2023. Je l’ai abandonnée de peur que mon idée originale, que le blog était en fait écrit par une IA programmée par un ado ennuyé, semble trop possible. Certains d’entre vous m’ont rencontré dans la vraie vie, et pourraient témoigner de mon existence, mais je ne ferais pas une telle blague de nos jours.

Au passé, je me suis plaint que les auteurs français ne faisaient pas leurs devoirs en choisissant des noms pour leurs personnages américains, qu’ils sont souvent des anachronismes. Je vais donc vous montrer exactement ce que j’ai fait pour inventer « Guy-François » et « Marie-Geneviève ».

J’ai commencé par regarder cette vidéo produit par Politologue, qui montre les 20 prénoms de garçons les plus populaires entre 1900 et 2019 :

J’ai été bien surpris de voir à quel point la liste était figée pendant la première moitié du XXe siècle. L’ordre change, mais pas vraiment la collection. Je voulais un prénom qui serait possible pendant les années 50, mais probablement pas une personne réelle. Vu que « Guy » était dans le top 20 , j’ai ajouté un trait d’union pour avoir un prénom composé, et voici la liste de suggestions :

Liste de prénoms composés qui commencent par Guy ; Guy-François est en 8e place
Capture d’écran

Je me suis dit « Guy-François me semble le plus franchouillard », alors je l’ai cliqué, et voilà, c’était parfait — il n’y a jamais eu plus qu’une dizaine, tous nés entre 1958 et 1963 :

Graphique du nombre de naissances du prénom Guy-François -- il n'y a qu'une brève période avec des entrées.

Je savais déjà que Marie avait baissé énormément en popularité, alors je l’ai vérifié directement, mais je connais plusieurs personnes avec des prénoms qui commencent par « A », alors j’ai ajouté un « G ». Voilà, on trouve « Marie-Geneviève près du début » :

Liste de prénoms composés qui commencent par « Marie-G ». Geneviève est en 5e place.

Et heureusement, même si c’était plus populaire pendant les années 50, c’était toujours possible pendant les années 70 :

Graphique du nombre de naissances de Marie-Geneviève. Le plus haut chiffre arrive dans les Anne 50, mais ça continue jusqu'à la fin des années 90.

Mais où les mettre ? J’ai deviné qu’il y aurait un « CHU Clermont-Ferrand », mais je l’ai vérifié avant de l’utiliser. Quant au nom de famille, Buisson est la bonne traduction de Busch, mais j’ai peut-être fait une erreur : il y a plein de Buisson en France, mais Politologue n’a aucun « De Buisson ». Cependant, il y a environ 380 Debuisson. Je n’ai pas vérifié ces noms avant de publier. Après, j’ai trouvé un Jean-Louis du Buisson, pas exactement la même chose, et des vins « Haut de Buisson ». Il me semble que j’aurais pu mieux faire.

J’ai failli me faire sortir de Boudin en écrivant « Maman, un ange qui n’a jamais rien dit de mal sur lui ». Je ne sais pas lequel soit plus loin de la vérité, ça ou mon soi-disant amour de l’Allemagne !

Un de ces quatre, je vais finir cette autre farce !

Portrait de Molière par Nicolas Mignard

À la WHAT ?

Pendant longtemps, une expression qui me rendait perplexe était « à la une ». Ça semblerait être incorrect vu la séquence de voyelles ; on penserait plutôt à « à l’une ». Mais cet échange entre deux de mes personnes préférées sur Twitter a éclairci le point :

Au cas où ce ne serait pas clair pour les utilisateurs de VoiceOver — je ne sais pas ce qui arrive avec les Tweets embarqués — l’important, c’est que selon Anne-Élisabeth Moutet, « c’est une contraction de « la page une », donc « la une ».

Plus récemment, une autre expression dans un tweet m’a rendu encore plus perplexe :

Encore une fois, au cas où, ça dit :

Quand est-ce que vous avez appris que c’était « à la one again best to fly » et pas « à la walegaine bistoufly » ? moi il y a 7 minutes

Ça pose tant de questions ! À partir de « Ce n’importe quoi veut dire quelque chose ? », finissant avec « Fly ? On vole où ? », en passant par « Et pourquoi pas « l’one » au lieu de « la one » ? » Je dois vous dire que je n’ai pas trouvé de bonnes réponses à toutes ces questions, si seulement pour la même raison qu’il n’y a pas de bonne réponse à la question de ce qui voulait dire Q-bert :

Capture d'écran du jeu vidéo Q-bert des années 80s. Une fois touché par un ennemi, il abandonnait en disant « @!#?@! »
Ce qui dit M. Q-bert, Capture d’écran personnelle

Cette expression semble être fortement liée à un humoriste, Franck Dubosc, qui je connais seulement par nom. Voici un exemple (à 3:25 de la vidéo, intitulée « Le relou ») :

Ce clip n’est pas exactement le genre d’humour que l’on trouve ici d’habitude — il met les mains partout, ne respecte pas l’espace des autres, et en général, se comporte comme un animal. Ce n’est pas mon truc, mais pour nos buts, ce qui compte est que le contexte éclaircit seulement le genre de personne qui la dit. Son interlocuteur ne réagit pas. On peut au moins entendre clairement les mots en anglais, et la séparation entre « la » et « one ».

Le site Guichet du Savoir, souvent utile pour ce genre de question, m’a dirigé vers un article de 2014 dans La Provence. Là, on apprend :

« Wanegaine bistoufly » vient en fait d’une expression, originellement employée dans la région marseillaise dans les années 90, qui est de faire une action « à la one again ».

Un anglicisme sans rapport avec sa traduction en français qui signifie qu’on a fait quelque chose avec négligence.

L’humoriste Franck Dubosc s’est largement réapproprié cette expression dans de nombreux sketches.

Une association ose un clip à la « Wanegaine bistoufly » par Sylvain Pignol, La Provence, 26/2/14

Ce journal confirme le lien avec M. Dubosc, mais apparemment, il ne l’a pas inventée. Mais je dois ajouter, je ne suis pas sûr de sa traduction littérale en français. « Again » est simplement « encore une fois », mais à moins que « à la one » veuille dire « à la une », ça ne veut rien dire en anglais. L’article de Guichet du Savoir ajoute que personne n’a vraiment avancé sur cette explication jusqu’à maintenant, et leur article date de janvier de cette année. On dirait donc que l’on n’en va pas plus apprendre sur « à la one again »

Mais « best to fly » ? Littéralement, ça veut dire « mieux vaut voler » en anglais, mais au-delà de ça, je ne trouve aucune explication sérieuse. Un internaute propose que Jeanne d’Arc avait quelque chose à voir avec ça :

Une autre possibilité serait à mon avis que Jeanne d’Arc ait dit « I won again and it’s best (for the British) to flee ! ». Mais je ne sais pas comment le flee serait devenu fly.

French Stack Exchange

Ce qu’il suggère se traduirait en français par « J’ai encore une fois gagné alors mieux vaut fuir, les Britanniques ! » Mais ça ne peut être qu’une blague, parce que Jeanne n’aurait rien dit en anglais et en plus, l’anglais de l’époque était loin du mien. (Dommage, parler comme ça serait plus cool.)

J’en conclus qu’il n’y a rien pour en conclure. « Best to fly » ne veut absolument rien dire, même si on a trouvé une petite explication pour « à la one again ». Mais si ça va être votre niveau en anglais, je ne veux plus rien entendre sur les anglophones qui se croient malins en disant « sacré bleu » et « zut alors ». Au moins ces deux existent en français, même si en désuétude.

Langue de Molière vous reverra la semaine prochaine avec la folle histoire des œufs.

Bannière qui dit « C'est le 1er » avec des dessins de 3 desserts : bûche de Noël, religieuse, macaron à la framboise

C’est pas le 1er, version avril 2025

Ici Marie-Geneviève. Suite à vos commentaires gentils d’hier, on a décidé de laisser Guy-François — désolé, « Justin » — reprendre ses activités. Le voilà :

Je continue de copier Light & Smell avec des listes de mes articles préférés au premier du mois. Ça vient d’Allez vous faire lire, mais je ne suis pas exactement ses règles.

Pour info, je n’ai jamais nié que Carrots a plus de sens que moi. Que le reste du monde aussi. Ai-je raison, M. Descarottes ? ([Absolument])

Bannière qui dit « C'est le 1er » avec des dessins de 3 desserts : bûche de Noël, religieuse, macaron à la framboise

Nouveaux à moi :

Les habituels :

Actif ailleurs :

Mathilde’s little things était à 160 km de chez moi, au Parc naturel de Joshua Tree. (Passez-moi le bonjour si vous venez si proche d’Elbe-en-Irvine, tout le monde !)

À encourager :

Rien de nouveau chez La tête dans le panier, La taverne d’Onos, Les souris de Paris, Et si Facebook disparaissait?, Thriller Addict, Bessie’s Bazaar, Je suis sur la route, Maman Lyonnaise, L’Atelier du Phoenix, La bibliothécaire, Grain de Sable, et Bonheurs culinaires. Laissez-leur de gentils commentaires pour les encourager à reprendre !

La vérité enfin

Bonjour, tout le monde, je suis Marie-Geneviève de Buisson, mieux connue sous le nom « La Fille » sur ce blog. Avec l’aide de son docteur au CHU Clermont-Ferrand, nous venons de confisquer le portable de mon père, Guy-François de Buisson, qui vous dit depuis des années qu’il s’appelle « Justin Busch » et habite en Californie du Sud.

La grande majorité de ce que vous avez lu sur ce blog pendant les 5 dernières années est une fabrication, le résultat de sa descente tragique dans la folie. Mon père n’a rien d’intellectuel, même pas un peu, n’ayant jamais obtenu son bac ni une note supérieure à 8 en aucun sujet. Ce n’est pas complètement sa faute, ayant été battu par un orang-outan pendant une visite à la Ménagerie du Jardin des plantes à Paris en 1965. Pendant des décennies, il n’avait exprimé aucune pensée dépressive et semblait se contenter de sa vie d’éboueur ici à Clermont-Ferrand. (Vous aurez remarqué qu’il avait cherché un nom américain dérivé de Clermont pour son université imaginaire. L’école est assez réelle, mais il n’y est jamais allé.) Malheureusement, pendant le Confinement, il est devenu fou, et a commencé à construire une vie imaginaire autour du bazar américain qu’il retrouvait de temps en temps au travail.

Photo de l'asile psychiatrique à Prémontré, Aisne, une bel exemple du style haussmannien.
Asile psychiatrique, Photo par
Séraphin-Médéric Mieusement, CC BY-SA 4.0

Pendant un certain temps, son ex-femme (ma mère) et moi avions essayé de suivre les conseils des psychologues de le laisser croire quoi que soit. Il continuait de faire son travail (sauf pendant les grèves, hihi), et s’il disait des choses blessantes sur Maman, un ange qui n’a jamais rien dit de mal sur lui, nous acceptions que ce personnage fictif de « Justin » qu’il avait créé était largement inoffensif. Sauf aux femmes, aux américains réels, et au bon goût, mais pas un Dupont de Ligonnès quand même.

Honnêtement, c’était même un peu hilarant quand il a commencé à apprendre l’anglais avec Duolingo pendant le Confinement. Il avait toujours détesté les États-Unis, et s’imaginer un américain avec 20 ans de moins que la réalité m’a fait rire. Les nombreuses fautes de français sont assez réelles vu son niveau à l’école. C’était encore plus hilarant de voir son attitude envers l’Allemagne, un pays qu’il avait toujours adoré — il a même pris la traduction de notre nom de famille en allemand pour celui de son personnage fictif. Mais il croyait que c’était ce à quoi les Français s’attendaient d’un tel américain.

Malheureusement, il y avait deux événements récents qui ne nous ont pas laissé le choix. Il vous parlait d’un livre qu’il était censé être en train d’écrire. Nous avions cru que c’était aussi inoffensif, même si plein de contes de ses amis imaginaires. Cependant, j’ai lu le fichier dans son portable, et il ne contenait que « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », tapé des milliers de fois, exactement comme dans son film préféré, Shining. (C’est dans les sous-titres ; sur l’écran, il y a du n’importe quoi similaire en anglais.) L’autre chose, c’est qu’il vient d’obtenir un passeport américain, venu dans les courriers juste hier. Nous sommes certaines que c’est une contrefaçon, mais il semble être assez réaliste pour qu’il puisse faire une vraie bêtise avec. Depuis sa folie, il parle sans cesse dans la vraie vie de son envie de déménager en Californie. J’ai l’impression qu’il disait plutôt le contraire ici.

La seule chose qui était complètement vraie ici, c’était que j’avais un cochon d’Inde, Carrots, à qui il insistait sur s’adresser sous sa traduction française. Il lui parlait pendant des heures, et franchement, ce qu’il disait dans la peau de Carrots avait plus de sens que ce qu’il disait pour lui-même.

Mais vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi il n’y avait pas de photos de moi ici ? C’est parce que je suis une trentenaire, pas l’ado de son imagination. En quelque sorte, il avait compris que ça ne marcherait pas.

Alors, je vous offre tous mes excuses sincères, mais c’est maintenant fini. Ô, une dernière chose :

Photo d'un panneau de jumelage entre Poissons en Marne, et Avril en Meurthe-et-Moselle. Oui, ça existe vraiment.
Poisson d’Avril !, Photo par
René Hourdry
, CC BY-SA 4.0